Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AGÉMOGLAN

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 154-155).
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AGÉMOGLAN. s. m. Terme de Relation. Ce mot est composé de deux noms arabes ; savoir אגם, qui signifie en général, selon la remarque de M. d’Herbelot, ce que Barbare signifoit chez les Grecs ; car chez les Arabes il comprend tout ce qui n’est point Arabe, & chez les Turcs tout ce qui n’est point Turc. Et comme les Hébreux divisoient le monde en Hébreux & Nations, les Arabes & les Turcs le divisent en Arabes, ou Turcs, & en Agémoglans. 2o du nom Arabe עלאם qui veut dire, Enfant. Ainsi Agémonglan signifie, un enfant barbare, qui n’est pas Turc ; ou comme l’on pourroit dire en notre langue, un enfant gentil ; parce que ces Agémoglans sont les enfans de tribut que le Grand-Seigneur leve de trois ans en trois ans sur les Chrétiens qu’il souffre dans ses états.

Quelques-uns disent Azamoglans. Les Janissaires sont tirés des enfans de tribut appelés par les Turcs Azamoglans. Des Commissaires les vont prendre de gré ou de force, jusques dans les maisons des Chrétiens, ou de trois qu’ils trouvent, ils en enlèvent un, s’adressant toujours à ceux qui leur semblent les plus beaux & les plus adroits. On les amene incontinent à Constantinople, ou à Gallipoli. La ils sont premièrement circoncis ; puis on les instruit dans la Religion Mahométane, & on leur donne des maîtres qui prennent soin de leur enseigner la langue turque, & de les dresser aux exercices de la guerre, jusqu’à ce qu’ils soient en âge de porter les armes. S’il arrive qu’ils n’y soient point jugés propres, on les emploie à servir dans le Sérail, aux actions les plus viles, comme par exemple, aux cuisines, aux écuries, aux jardins, &c. Mais quelque petit que soit cet emploi, s’ils s’en acquittent comme il faut, souvent de ces emplois les plus vils, ils sont élevés aux plus hautes dignités de la Porte du Sérail. Dan. M. d’Herbelot dit qu’Azamolan est la prononciation vulgaire. Quoiqu’il en soit, ce n’est pas la plus vraie & la plus conforme à l’origine de ce nom, comme il paroît par ce que nous avons dit. Nicolaï, qui en parle assez en détail dans ses Navigations & Pérégrinations orientales, L. III, Ch. 1 & 2, écrit aussi Azamoglan ; il dit même quelque part Azamoglan, ou Jamoglan. Il dit qu’on ne les leve que de quatre ans en quatre ans ; qu’il y a deux cens Commissaires pour les lever ; que les Azamoglans rustiques n’ont de gages que de deux à trois aspres par jour ; qu’ils sont vêtus & chauffés deux fois l’an de gros drap bleu, portant en tête un haut bonnet jaune en forme de pain de sucre, & sont sous un Capitaine appelé Agiender-Agassi, qui a de gages trente aspres par jour, & est habillé aux dépens du Grand-Seigneur.