Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ADRESSE
ADRESSE. s. f. Dextérité, soit de la main, soit du corps. Art dans l’action. Solertia, ars. ☞ M. de Montesquieu a dit très-ingénieusement, l’adresse est une juste dispensation des forces que l’on a. Les Charlatans font mille tours avec une adresse merveilleuse. Ce Cavalier fait tous ses exercices avec beaucoup d’adresse ; il a une adresse naturelle pour toutes choses. Les jeux d’adresse sont permis, comme la paume, le billard, &c.
On appelle, tour d’adresse, un tour de subtilité de main. Il se prend aussi pour un tour de finesse d’esprit. Il lui a joué un tour d’adresse. Acad.
☞ Adresse, au figuré, Calliditas, consilium, dextrietas. C’est l’art de conduire ses entreprises d’une manière propre à réussir. Voyez souplesse, finesse, ruse, artifice. L’adresse emploie les moyens, elle demande de l’intelligence. Les trois premiers de ces mots se prennent plus souvent en bonne part que les deux autres. M. L’Abbé Girard. Syn. Fr. Il a fait réussir cette affaire par son adresse & par la manière dont il l’a tournée. On lui a tiré son secret avec adresse. Le peuple est si grossier, qu’on ne doit pas se donner la peine de le tromper avec adresse. S. Evr. Pour réussir à la Cour, il faut plus d’adresse que de bonne foi.
☞ Adresse, en signification synonyme avec dextérité & habileté. La dextérité a plus de rapport à la manière d’exécuter les choses ; l’adresse en a d’avantage aux moyens de l’exécution ; & l’habileté regarde plus le discernement des choses mêmes. L’habileté dicte le plan, l’adresse indique les moyens, & la dextérité les met en usage. Il faut de l’habileté dans le Prince, ou dans ses Ministres ; de l’adresse dans ceux à qui l’on confie la manœuvre du détail ; & de la dextérité dans ceux à qui l’on confie l’exécution des ordres.
☞ La dextérité donne un air aisé, & répand des grâces dans l’action. L’adresse fait opérer avec art & d’un air fin. L’habileté fait travailler d’un air entendu & savant. Savoir couper à table & servir les convives avec dextérité ; mener une intrigue avec adresse ; avoir quelque habileté dans les jeux de commerce & dans la musique ; voilà, avec un peu de jargon, sur quoi roule aujourd’hui le mérite de nos aimables gens.
Adresse, se transporte quelquefois figurément de l’ouvrier, à l’instrument dont il le sert.
De son urne à leurs yeux l’autre étale l’ouvrage,
Et leur fait admirer l’adresse du ciseau.
☞ Adresse. Indication, désignation soit de la personne à qui il faut s’adresser, soit du lieu où il faut aller ou envoyer. Donner une adresse pour faire tenir des lettres. Une bonne adresse. Une fausse adresse. Je vous donnerai mon adresse. Envoyer une lettre à son adresse. Dict. Acad.
☞ On dit faire tenir des lettres à leurs adresses, pour dire, envoyer des lettres à ceux à qui elles son adressées.
☞ On appelle Bureau d’adresse, un lieu où l’on s’adresse pour diverses choses qui regardent la société & le commerce. Il est principalement en usage en parlant du lieu où l’on reçoit les nouvelles pour la Gazette, & où on la débite. C’est à Téophraste Renaudot, fameux Médecin, qu’on doit celui qui est à Paris. On appelle figurément Bureau d’adresse, les maisons où on débite beaucoup de nouvelles.
Adresse, se dit encore des mémoires qu’on laisse, ou des instructions qu’on donne pour trouver quelque personne, ou quelque chose. Il n’a garde de manquer de trouver cet homme-là, on lui a donné de trop bonnes adresses. Il a toutes les adresses du chemin qu’il doit tenir dans son voyage, & des lieux où il se doit arrêter.
Adresse, se dit quelquefois des Requêtes qu’on présente, en cette phrase, fort ordinaire dans les Gazettes : on a présenté une adresse au Roi d’Angleterre ; pour dire une Requête, un Mémoire, un Placet. Libellus supplex, memorialis. Adresse est un terme plus honorable que celui de Requête. Larrey. Édouard VI, p. 624.
Adresse, s. f. Terme en usage à la grande Chancellerie, qui se dit en parlant des Édits & Déclarations du Roi, qui sont adressées aux Cours souveraines, & par elles aux Juridictions ou Justices inférieures. Ces adresses sont exprimées de cette manière : À tous présens & à venir, salut. À tous ceux qui ces présentes verront. Et dans le corps des Lettres : Si donnons en mandement à nos amés & féaux Conseillers, les gens tenant notre Chambre des Comptes à Paris, &c. Quelquefois ces Lettres sont adressées à plusieurs Cours souveraines, comme la Déclaration de la Capitation du mois de Mai 1711. Si donnons en mandement à nos amés & féaux Conseillers, les gens tenant notre Cour de Parlement, Chambre des Comptes, Cour des Aydes, qu’ils aient, &c.
Adresse, en termes de Chancellerie du Palais, est celle qui se fait des Lettres royaux, ou Lettres de cette Chancellerie, aux Juges royaux. Quand elles sont données pour affaires pendantes pardevant des Juges des Seigneurs, l’adresse s’en fait aux Huissiers royaux. La clause qui se met à la fin de ces Lettres, concernant leur exécution, commence à ces mots : Mandons à tel Juge, &c.