Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ACONIT

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 90-91).
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ACONIT. s. m. Aconitum. Plante vénéneuse. Les anciens Botanistes ont attribué ce nom à plusieurs plantes de différens genres. Celles dont il s’agit ici, ont leurs fleurs irrégulières, composées de plusieurs pétales, dont l’assemblage représente assez bien un casque ouvert, c’est-à-dire, que la pétale supérieure fait le casque du heaume, les deux latérales tiennent la place des deux oreillettes, & les deux inférieures représentent la mentonnière. Les espèces qu’on nomme tue-loup, Lycoctonum, Λυκοκτόνον, ont leur casque allongé en manière de toque, ou de bonnet à la Polonoise. Les fruits qui succèdent aux fleurs, sont composés de plusieurs graines, qui s’ouvrent selon leur longueur, & renferment des semences anguleuses, & chagrinées. Ses feuilles sont arrondies & découpées plus ou moins profondément. Ce genre d’aconit comprend plusieurs espèces, qu’on peut ranger sous trois principales classes. La première est de celle dont toute la fleur est bleue, ou violette, & la pétale supérieure de la fleur forme un casque. On la nomme Napel, Napellus, à Napo, à cause que ses racines sont en navets. Le Napel est très-dangéreux ; mais on a trop exagéré sa qualité vénéneuse. La seconde est de celle qui a ses fleurs tout-à-fait semblables à celles du Napel, hormis qu’elles sont jaunes. Elle s’appelle Anthora. Anthi-Thora, c’est-à dire, plante souveraine contre les mauvais effets du Thora. Elle est aussi vénéneuse que le Napel. Il est faux que l’Anthora croisse toujours auprès du Thora, ou du Napel. L’aconit de la troisième classe se distingue des deux précédentes par la figure allongée de son casque. Ses fleurs sont pâles ou jaunâtres. On l’a appelée tue-loup, étrangle-loup, tue-chien, à cause de ses effets. Aconitum Lycoctonum. Λυκοκτόνον, Κυοκτόνον. La première & la dernière de ces trois sortes d’aconit sont très-caustiques, très-âcres, & causent des convulsions mortelles, ou des inflammations suivies d’une gangrène prochaine. Ces effets, qui dépendent de leur âcreté, ont tellement surpris nos anciens, que la plûpart craignoient de toucher ces Plantes, & ont donné par-là occasion à tant de superstitions, & à des précautions ridicules pour les cueillir, ou pour les faire accompagner de leurs contrepoisons. La seconde n’est pas moins âcre que les deux autres ; ses racines cependant sont employées dans les fièvres malignes. On doit user de la poudre mêlée avec d’autres cordiaux ; même la dose en doit être médiocre, de crainte qu’elle n’irrite trop. Ses racines entrent aussi dans des orviétans, & autres compositions alexipharmaques.

On dit que son nom vient d’acone, ville de Bithynie, aux environs de laquelle il croît en abondance, quoique pourtant il croisse par-tout ailleurs, & surtout dans les montagnes de Trente. D’autres disent que ce nom vient d’ἀκόνη qui signifie chez les Grecs un rocher dénué de terre où l’aconit croît volontiers. On l’appelle aussi μυοκτονος, parce qu’il tue les rats par sa seule odeur, comme dit Pline. Les Poëtes feignent que cette herbe a été engendrée de l’écume que le chien Cerbère jeta, lorsque Hercule le tira des enfers par force : ce qui fait qu’on en trouve quantité auprès d’Héraclée de Pont, où est la caverne par où Hercule descendit. Les Anciens n’ont pas laissé de le faire servir de médecine contre la piqûre du scorpion, lequel s’amortit dès-lors qu’il touche l’aconit ; & qui au contraire en touchant l’ellébore reprend sa première vigueur, L’Aconit ne fait pas mourir, quand il trouve quelque autre poison dans le corps, parce qu’alors il le combat. La marque de ce poison est de faire venir les larmes aux yeux, de causer une grande pesanteur d’estomac, & de faire enfler le corps. Théophraste dit qu’on le prépare, ensorte qu’il fait mourir seulement au bout d’un an ou de deux. Les flèches trempées dans son jus font des plaies mortelles. Les Indiens emploient avec succès contre les fièvres l’aconit corrigé dans l’urine de vache. Lettr. ed.