Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ACHEVER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 84-85).
ACHEVOIR  ►

ACHEVER. v. Au propre, c’est finir ce que l’on a commencé : conduire une chose jusqu’à son dernier période. Perficere, absolvere, consummare. Dieu acheva l’ouvrage de la création en six jours, & confiera le septième au repos. Achever comme on a commencé. Rarement on acheve bien ce que l’on a mal commencé.

☞ On le dit aussi avec le pronom personnel. Ce livre s’acheve.

On acheve, dit M. l’Abbé Girard, ce qui est commencé est continuant à y travailler. On finit ce qui est avancé en y mettant la dernière main. On termine ce qui ne doit pas durer en le faisant discontinuer. Ainsi l’idée caractéristique d’achever est la conduite de la chose jusqu’à son dernier période ; celle de finir est l’arrivée de ce période ; & celle de terminer est la cessation de la chose.

Achever, n’a proprement rapport qu’à l’ouvrage permanent, soit de la main, soit de l’esprit. Finir, se place particulièrement à l’égard de l’occupation passagère. Terminer, ne se dit guère que pour les discussions, les différens & les courses.

Achever, au figuré, synonyme de perfectionner, donner à une chose toutes les perfections, toutes les bonnes qualités de son genre. Perficere. Souvent les auteurs ne se donnent pas la peine d’achever leurs ouvrages. L’étude commence un honnête homme, & le commerce du monde l’acheve. S. Evr. Dans ce sens il est plus souvent employé comme adjectif. Voyez Achevé.

☞ On dit, achever les jours, achever sa carrière, pour dire mourir. Vitam finire, supremum diem obire.

Achever quelqu’un, signifie quelquefois le tuer, lui donner le dernier coup. Conficere. Le Commandant se jeta des Tours en bas, où le Général le fit achever en sa présence. Mém. de M. de la Rochef. Il trouva son ennemi blessé à mort, & il eut la cruauté de l’achever.

Quelquefois il est synonyme de ruiner. Il ne falloit plus que ce malheur pour m’achever, ou pour m’achever de peindre.

Bientôt pour m’achever, un homme à mine austère.
Un exploit à la main, entre en mon Presbytère.

☞ Quelquefois encore on l’emploie comme synonyme d’enivrer entièrement. Il ne falloit plus que cette santé pour l’achever.

☞ Dans ces acceptions il est du style familier, & s’emploie également avec le pronom personnel.

☞ On dit qu’un homme s’est achevé ; qu’il s’est achevé de peindre ; pour dire, qu’il s’est enivré, ou qu’il s’est ruiné.

☞ Il est inutile d’avertir que s’achever de peindre, & achever de se peindre, signifient des choses tout-à-fait différentes.

Achever un cheval (terme de Manége). Voyez Achevé.

Achever, terme de Potier d’étain, se dit de ce qui reste à faire depuis que l’ouvrage est tourné, jusqu’à ce qu’il soit fini.

☞ ACHEVÉ, ÉE. part. & adj. Dans le sens propre fini, conduit à son dernier période. Finitus, absolutus. Cet ouvrage, ce bâtiment n’est pas encore achevé.

Achevé, dans le sens figuré, synonyme de parfait, perfectus, numeris omnibus absolutus, s’applique à ce qui a toutes les bonnes qualités de son genre, sans aucun défaut. Une chose est achevée, quand elle ne peut pas être mieux. C’est une pièce achevée. Une beauté achevée. Il arrive souvent que les choses se présentent plus achevées à notre esprit, qu’il ne les pourroit faire avec beaucoup d’art. La Rochef.

☞ Ce terme appliqué aux choses, ne se prend jamais en mauvaise part. Appliqué aux personnes, il se prend ordinairement en bonne part. C’est un Prince achevé, qui a toutes les perfections requises, auquel il ne manque aucune des bonnes qualités qu’il doit avoir.

☞ Mais quelquefois aussi on s’en sert pour désigner ce qui est extrêmement mauvais dans son espèce. C’est un fou achevé, un sot achevé, c’est-à-dire, auquel il ne manque rien pour être ce qu’il est.

☞ Les Auteurs du grand Vocabulaire prétendent qu’achevé au figuré désigne ce qui est parfait, accompli, & qui a toutes les qualités requises pour être supérieur dans son espèce. Ces dernières paroles renferment une erreur évidente. Cela ne se dit que de ce qui excelle, parce qu’exceller suppose une comparaison, & met au-dessus de tout ce qui est de la même espèce : mais être achevé, suppose & désigne seulement le degré de perfection qui convient à la chose, sans faire de comparaison, & n’exclut point les égaux. L’Athalie de Racine est une Tragédie achevée, sans doute : mais on pourroit dire la même chose d’une autre Tragédie sur le même sujet. La Descente de croix de Rubens est un tableau achevé : mais on pourroit dire la même chose du tableau d’un grand Peintre qui auroit traité le même sujet, & l’on diroit de ces deux tableaux qu’ils sont achevés. Ainsi achevé ne suppose point de comparaison, ne met point une chose au-dessus de celles de son espèce, ou ne la rend point supérieure dans son espèce. Lorsqu’on se monte sur le ton critique, & qu’on s’érige en réformateurs, il faut avoir l’esprit de justesse & de distinction. On ne trouve pas dans cet exemple, ainsi que dans bien d’autres, cette gradation philosophique dont se vantent ces auteurs, qui fait apercevoir d’un coup-d’œil l’origine, la filiation, les sens différens, la vraie valeur, & le meilleur emploi d’un mot pris séparement ou réuni avec d’autres.

En termes de Manège, on appelle un cheval achevé, celui qui est bien dressé, & qui ne manque point à faire un certain manège. On dit, un cheval commencé, acheminé, & achevé ; pour exprimer les diverses dispositions & états d’un cheval qui a de l’école.

Ces mots viennent de chef, comme qui diroit, mettre à chef, mettre à perfection.