Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ABOYER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 34).
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ABOYER, v. n. Qui se dit au propre pour exprimer le cri des chiens. Latrare. Les chiens aboient quand ils sentent des larrons. Il se met quelquefois activement : Ce chien aboie les passans. On dit mieux aboyer contre ou après quelqu’un.

Ce mot vient du latin adbaudare. Ménag. ou de boare, Latin qui vient de βοᾷν Grec : ou est un mot factice, qui imite le son que fait le chien en aboyant. Nicod.

Aboyer, se dit figurément des hommes, lorsqu’ils s’attendent à quelque chose, qu’ils la désirent & la poursuivent avec avidité. Inhiare. Cet avare, cet ambitieux, aboie après cette succession, après cette charge. Ce chicaneur aboie toujours après le bien d’autrui.

On dit aussi figurément aboyer après quelqu’un, crier après lui, le presser avec importunité. Cet homme est si méchant, que tout le monde aboie après lui. Un satyrique aboie après les vices.

Je suis par-tout un fat, comme un chien suit sa proie,
Et ne le sens jamais, qu’aussitôt je n’aboie. Boil.

Quelques-uns l’ont employé activement. Un Avocat demandant à quelqu’un qui lui disoit des injures, Pourquoi m’aboies-tu ? Cet autre répondit, parce que je vois un voleur. Ablanc. C’est un médisant qui aboie tout le monde. Id.

Ce terme est du style familier, dans le sens figuré.

Je tiens qu’originairement aboyer & abayer sont deux mots différens ; qu’aboyer s’est dit seulement au propre, du cri des chiens, ou de ce qui lui ressemble : & qu’abayer s’est dit au second sens figuré, & est composé de bayer & béer, qui signifie, regarder attentivement, ou attendre impatiemment ; ce qu’on fait ordinairement avec une bouche béante : mais que par abus l’affinité de ces mots les a fait confondre, & prendre l’un pour l’autre.

On dit proverbialement, Aboyer à la lune ; pour dire, Crier inutilement contre un plus puissant que soi. On dit aussi, tout chien qui aboie ne mord pas ; pour dire, Que ceux qui menacent souvent ne font pas grand mal. Jamais bon chien n’aboie à faux ; pour dire, qu’un homme sage ne menace pas sans raison, & qu’un habile homme ne manque pas son coup.