Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ABANDON

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 7-8).

ABANDON. s. m. Etat où est une personne, une chose délaissée ; délaissement de quelque chose. Derelictio, destitutio. Neglectus rei alicujus. Il n’est point du bel usage. On ne le trouve guère que dans Moliére, lequel dit, en parlant des coquettes qui renoncent par nécessité au monde qui les quitte :

 Dans un tel abandon, leur sombre inquiétude
Ne voit d’autre recours que le métier de Prude.

Il n’est supportable qu’en termes de Pratique. Le débiteur a fait l’abandon de tout son bien à ses créanciers. Abandonnement vaut mieux. Voyez ce mot.

Les Mystiques ont nommé abandon, la sainte indifférence d’une ame désintéressée, qui s’abandonne totalement & sans réserve à Dieu. Cet abandon n’est que l’abnégation ou renoncement de soi-même. Fenel. Les Quiétistes ont abusé de ce terme dans un sens impie très-justement condamné.

Abandon, (à l’) se dit adverbialement. Il a laissé sa maison à l’abandon, au pillage. Direptioni permittere, dare. On a dégarni la frontière, on l’a laissée à l’abandon. On s’en sert peu, excepté dans le discours familier. Du Cange dérive ce mot de abandum & abandonum, qui se trouvent en plusieurs endroits de la basse Latinité ; disant que bandum se prenoît souvent pour arbitrium, pro re derelictâ ad arbitrium primi occupantis. Pâquier le fait venir de ces trois mots à ban donner ; c’est-à-dire, exposer une chose à la discrétion du public, la laisser à quiconque voudra s’en emparer.