Dictionnaire d’architecture civile et hydraulique/Assemblage

ASSEMBLAGE, ſ. m. L’art de réunir les parties avec le tout, tant par rapport à la décoration extérieure qu’à l’intérieure. Cet art ſe manifeſte principalement dans l’Aſſemblage des Ordres. Lorſqu’on décore un grand édifice, on place des Ordres les uns ſur les autres, en obſervant que les Ordres les plus forts portent les plus foibles ; que ceux-ci ſoient toujours plus délicats que ceux-là. Ainſi il faut que l’Ordre Toſcan ſoit ſous l’Ordre Dorique, le Dorique ſous l’Ionique, l’Ionique ſous le Corinthien, & le Corinthien ſous le Compoſite ; enſorte que les axes des colonnes ſe rencontrent toujours en même aplomb. Si les colonnes ſont entièrement iſolées, & qu’elles ſoient chargées de tout le poids de l’entablement, Vitruve veut que celles du ſecond Ordre ſoient toujours un quart moindre en groſſeur que celles du premier, & celles du troiſiéme un quart moindre que celles du ſecond. Cette régle, quoique fondée ſur le principe ſi naturel que nous venons de preſcrire, eſt cependant blâmée par Scamozzi. Son ſentiment eſt que la groſſeur du pied de la colonne ſupérieure doit être la même que celle du haut de la colonne inférieure ; parce que, ſelon lui, la diminution des Ordres en montant devient alors plus naturelle. Serlio donne encore une autre régle : c’eſt que l’Ordre ſupérieur ſoit toujours les trois quarts de celui ſur lequel il po-ſe immédiatement, excepté aux édifices qui ont un ruſtique nud pour première ordonnance. Car les deux Ordres doivent être égaux dans ce cas, afin que les Ordres ſupérieurs ne paroiſſent pas trop petits, & que le ruſtique ne ſoit pas trop élevé à proportion du reſte. (Voyez Ouvrage ruſtique.)

Enfin M. Belidor, après avoir examiné avec ſoin ces différens ſentimens, a cru qu’on devoit préférer la régle de Scamozzi à toutes les autres, & voici ce qu’il preſcrit à cet égard, & ſur quoi il fonde ſa préférence. « Lorſqu’on voudra mettre deux Ordres l’un ſur l’autre, il faut, dit-il, après avoir déterminé la diminution de la colonne de l’Ordre inférieur, ſe ſervir du demi-diamètre du haut du fuſt pour le module qui doit régler l’ordonnance ſupérieure ; par exemple, voulant mettre le Corinthien ſur l’Ionique, ayant vu dans le troiſiéme chapitre (M. Belidor renvoye ici à la Science des Ingénieurs, liv. v. ch. 3.) que la colonne Ionique, ſelon Vignole, devoit diminuer par le haut de trois parties de chaque côté ; enſorte que le diamètre du ſommet du fuſt ſoit réduit à un module 12 parties, il faut faire une ligne égale à la moitié de cette quantité, c’eſt-à-dire qui vaille 15 parties, & s’en ſervir pour le module qui doit régler l’Ordre Corinthien, après toutefois qu’on l’aura diviſé en 18 parties égales, afin de ſe conformer aux meſures dont Vignole ſe ſert pour cet Ordre. De même voulant mettre un troiſiéme Ordre ſur les deux précédents, c’eſt-à-dire le compoſite ſur le Corinthien, l’on verra que la Corinthienne devant diminuer de façon que le diamètre qui eſt de 18 parties par le bas, ſoit réduit à 15 par le haut, on ſe ſervira encore de ce demi-diamètre réduit pour le module qui doit régler la troiſiéme ordonnance. » (Voyez la Science des Ingénieurs, liv. v. ch. 11.)

Cette régle de M. Belidor n’eſt pas aſſez générale pour qu’on doive toujours s’y conformer ; il y a bien des cas où il eſt permis de s’en écarter. M. Belidor explique ces cas, fait voir les modifications qu’on doit apporter à ſa régle, & juſtifie par-tout ſon choix pour Scamozzi. (Voyez l’ouvrage ci-devant cité, liv. v. pag. 62.) Nous applaudiſſons volontiers, (& nous croyons le faire avec juſtice) aux préceptes que preſcrit ce ſçavant homme (M. Belidor) pour l’Aſſemblage des Ordres. Mais nous aurions ſouhaité que ces préceptes fuſſent immédiatement déduits des régles de la perſpective ; ſcience qui, d’un point de vûe d’un bâtiment donné, peut ſeule déterminer les dimenſions que doivent avoir les Ordres pour que leur diminution en montant ſoit convenablement proportionnée (Voyez l’article Perſpective, dans le Dictionnaire univerſel de Mathématique & de Phyſique, tom. II.). Peut-être auſſi y a-t-il ici un peu de l’arbitraire ; car, comme nous l’avons dit à l’article Architecture, la beauté eſſentielle de cet art n’eſt point déterminée. (Voyez cet article.)

Aſſemblage. Terme de Charpenterie & de Menuiſerie. C’eſt l’art d’aſſembler & de joindre pluſieurs morceaux de bois enſemble : ce qui ſe fait en différentes manieres. Nous allons expliquer ces manieres d’aſſembler, en commençant par la Charpenterie. Nous dirons auparavant qu’on trouve toutes les pratiques des Aſſemblages dans le Traité de la Charpenterie de Mathurin Jouſſe, & dans le Traité de la Charpenterie & des Bois de toute eſpéce, par M. Meſange. (Ces deux Ouvrages ſe trouvent chez Jombert.)

Aſſemblages en Charpenterie.

Aſſemblage a clef. C’eſt un Aſſemblage qu’on fait pour joindre deux plate-formes de comble, ou deux moiſes de fil de pieux, par une mortaiſe dans chaque piéce, pour recevoir un tenon à deux bouts, appellé clef.

Aſſemblage en cremaillere. Aſſemblage qu’on fait par entailles en maniere de dents de la demi-épaiſſeur du bois, qui s’encaſtrent les unes dans les autres pour joindre bout à bout deux piéces de bois, parce qu’une ſeule ne porte pas aſſez en longueur. Cet Aſſemblage eſt pour les grands entraits & tirants. (Voyez Entrait & Tirant.)

Aſſemblage en épi. Voyez Épi.

Aſſemblage en triangle. C’eſt un Aſſemblage néceſſaire pour entrer deux fortes piéces de bois à plomb. On le fait avec deux tenons triangulaires à bois de fil de pareille longueur, qui s’encaſtrent dans deux autres ſemblables, enſorte que les joints n’en paroiſſent qu’aux arêtes.

Aſſemblage par embrevement. Eſpéce d’entaille en maniere de hoche, qui reçoit le bout démaigri d’une piéce de bois ſans tenons ni mortaiſes. On fait cet Aſſemblage par deux tenons frottans, poſés en décharge dans leurs mortaiſes.

Aſſemblage par entaille. On fait cet Aſſemblage pour joindre bout à bout (ou en retour d’équerre) deux piéces de bois par deux entailles de leur demi-épaiſſeur, qui ſont enſuite retenues avec des chevilles ou liens de fer. On fait auſſi, pour le même Aſſemblage, des entailles à queue d’aronde ou en triangle à bois de fil.

Aſſemblage par tenon et mortaiſe. On fait cet Aſſemblage par une entaille appellée Mortaiſe, (voyez ce terme) laquelle a d’ouverture la largeur d’un tiers de la piéce de bois, pour recevoir l’about ou le tenon d’une autre piéce, taillé de juſte groſſeur pour la mortaiſe qu’il doit remplir, & dans laquelle il eſt enſuite retenu par une ou deux chevilles.

Aſſemblage a bouement. Cet Aſſemblage eſt le même que l’Aſſemblage quarré, avec cette ſeule différence que la moulure qu’il porte à ſon parement, eſt coupée en onglet. (Voyez ci-après Aſſemblage quarré.)

Aſſemblage a clef. Aſſemblage qu’on fait pour joindre deux ais dans un panneau par des clefs ou tenons perdus de bois de fil à mortaiſe à chaque côté, collés & chevillés.

Aſſemblage a queue d’aronde ou d’ironde. C’eſt un Aſſemblage à bois de fil par entaille, pour joindre deux ais bout à bout.

Aſſemblage a queue percée. On fait cet Aſſemblage par tenons à queue d’aronde, qui entrent dans des mortaiſes, pour aſſembler deux ais quarrément, & en rétour d’équerre.

Aſſemblage a queue perdue. Cet Aſſemblage ne diffère de la queue percée qu’en ce que ſes tenons ſont caches par un recouvrement à bois de fil & en onglet.

Aſſemblage en adent. Les Menuiſiers appellent cet Aſſemblage, Grain d’orge. Il ſert à joindre deux ais par leur épaiſſeur. On le fait par une languette triangulaire, qui entre dans une rainure en onglet. On ſe ſervoit autrefois de cet Aſſemblage pour joindre les petits ais de merrain (voyez Merrain) dont on plafonnoit les vieilles Egliſes.

Aſſemblage en fauſſe coupe. C’eſt un Aſſemblage qui étant en onglet & hors d’équerre, forme un angle obtus ou aigu.

Aſſemblage en onglet, ou plutôt en anglet. Aſſemblage qui ſe fait en diagonale ſur la largeur du bois, & qu’on retient par tenon & mortaiſe.

Aſſemblage quarré. C’eſt un Aſſemblage qu’on fait quarrément par entailles de la demi-épaiſſeur du bois, ou à tenon & mortaiſe.