Dictionnaire d’architecture civile et hydraulique/Ardoise

ARDOISE, ſ. f. Pierre d’un bleu noirâtre qui ſe débite par feuillets, pour ſervir à la couverture des bâtimens. Cette pierre ſe trouve à une grande profondeur dans la terre ; mais elle n’eſt ordinairement qu’une eſpece d’argille, & elle acquiert ſa dureté a l’expoſition de l’air. Ce n’eſt pas qu’en creuſant beaucoup on ne trouve quelquefois de l’Ardoiſe dure & ſéche. Elle eſt diſpoſée alors par bancs, dans leſquels il y a des fentes qui ſe trouvent ſi près les unes des autres, que les lames qu’elles forment ont très-peu d’épaiſſeur. C’eſt par ces fentes qu’on les diviſe lorſqu’on les deſtine à ſervir de couverture aux bâtimens.

Les Anciens ne connoiſſoient pas l’Ardoiſe, du moins ignoroient-ils l’uſage qu’on en pouvoit faire pour les couvertures ; car il paroît qu’on s’en ſervoit comme de moilons pour la conſtruction des murs. C’eſt ce que prouvent la plupart des murs d’Angers, qui ſont bâtis de blocs d’Ardoiſe. Il eſt vrai que cette pierre eſt ſi abondante aux environs de cette ville qu’elle a dû être préférée à toute autre. On trouve là les plus fameuſes carrières d’Ardoiſe, & c’eſt de la province d’Anjou que s’en fait le plus grand commerce pour ce royaume & pour les pays étrangers. On y diſtingue quatre eſpéces d’Ardoiſieres ou Pierrerieres. La première s’appelle la grande quarrée forte, dont le millier fait environ cinq toiſes ; la ſeconde la grande quarrée fine, dont le millier fait cinq toiſes & demie ; la troiſiéme la petite fine, dont le millier fait trois toiſes ; enfin on nomme la quatrième la Cartelle. On l’employé ſur les dômes. Le millier de cette Ardoiſe fait environ deux toiſes & demie. De ces différentes ſortes d’Ardoiſes ; la plus noire, la plus luiſante & la plus ferme eſt la meilleure.

On a découvert à quelques lieues de Charleville de l’Ardoiſe auſſi belle & auſſi bonne que celle d’Anjou, quoiqu’elle n’ait pas une couleur auſſi bleue & auſſi noire. Il y a encore des Ardoiſieres à Murat & à Prunet en Auvergne, auprès de la petite ville de Fumai en Flandre, à la côte de Gènes, & en Angleterre, d’Ardoiſe bleue & d’Ardoiſe griſe.

Suivant M. Du Vergy, qui a travaillé au Dictionnoire étymologique de la Langue françoiſe, les premières Ardoiſes ont été tirées du pays d’Ardes en Irlande, & c’eſt de ce pays, qu’on nomme en latin Ardeſia, que cette pierre fut tranſportée dans toute l’Europe. On diſtingue l’Ardoiſe de la maniere qui ſuit :

Ardoiſe cartelete. C’eſt le nom de la plus petite Ardoiſe, & qu’on taille quelque-fois pour les dômes, comme on en voit à celui de la Sorbonne.

Ardoiſe dure. Ardoiſe dont on fait des carreaux & des tables. On tire cette Ardoiſe des côtes de Gènes, & les Italiens s’en ſervent comme d’une planche ſur laquelle ils peignent.

Ardoiſe fine. On appelle ainſi une Ardoiſe qui eſt mince ; comme on donne le nom d’Ardoiſe forte à une Ardoiſe dont l’épaiſſeur eſt double de l’Ardoiſe fine.

Ardoiſe groſſe ou rouge, ou plûtôt rouſſe noire. C’eſt l’Ardoiſe la plus commune.