Dictionnaire d’architecture civile et hydraulique/Arc de triomphe

ARC DE TRIOMPHE, ſ. m. Grand portique ou édifice détaché à l’entrée des villes ou des paſſages publics, magnifiquement décoré d’Architecture & de Sculpture, avec des inſcriptions, élevé à l’honneur du vainqueur, à qui on a accordé le triomphe, ou en mémoire d’un événement important. Les plus fameux Arcs de triomphe qui reſtent de l’antiquité, ſont ceux de Titus, de Conſtantin ; de Caïus Marius & de Septime Sévere. Nous allons donner la deſcription de ces derniers, que le P. Montfaucon nous a conſervés dans ſon Antiquité expliquée, & elle ſuffira pour avoir une idée générale de ces anciens monumens.

L’Arc de triomphe élevé, à ce qu’on croit, à l’occaſion de la victoire de Caïus Marius & de Catulus ſur les Teutons, les Cimbres & les Ambrons, fait une des portes de la ville d’Orange. Cet Arc a environ onze toiſes de long ſur dix toiſes de hauteur en la partie la plus élevée. Il eſt compoſé de trois arcades profilées avec ſoin, & embellies en dedans de compartimens, de feuillages, de fleurons & de fruits. Sur l’arcade du milieu eſt une longue table d’attente, & la repréſentation d’une bataille de gens à pied & à cheval, les uns nuds, les autres armés & couverts. Il y a aux petites portes des côtés des quatre avenues, des amas de boucliers, de dagues, coutelas, pieux, trombes, heaumes & habits, avec quelques ſignes militaires relevés en boſſe. On y voit auſſi d’autres tables d’attente, avec des trophées d’actions navales, des éperons, des acroſtyles, des armes, des proues, des apluſtes, des rames & des tridents. Un ſoleil rayonnant, placé dans un petit Arc ſemé d’étoiles, eſt repréſenté ſur les trophées du côté du Levant. Au haut de l’Arc de triomphe, au-deſſus de la petite porte gauche du Septentrion, ſont des inſtrumens de ſacrifices. A la même hauteur, du côté du midi, paroît une demi-figure de vieille femme, entourée d’un grand voile comme l’Eternité. Enfin les friſes principales de ce bâtiment, ſont parſemées de ſoldats combattans à pied.

Il y a deux Arcs de triomphe de Sévere, un grand & un petit. Le grand eſt formé de trois arcades. Dans les bas reliefs qui ſont au-deſſus des petites arcades de côté, on voit Rome aſſiſe tenant en ſa main un globe, & relevant un Parthe ſuppliant. Des ſoldats ſuivent, dont les uns ménent un captif, les autres une captive les mains liées. Sur l’arcade du milieu eſt une femme qu’on prendroit volontiers pour une province. Des charriots charges de dépouilles, ceux-ci tirés par des chevaux, ceux-là par des bœufs, viennent enſuite. Septime Sévere, triomphant & accueilli du peuple avec les acclamations & les cérémonies ordinaires, paroît ſur un bas-relief auquel le dernier ſert comme de baſe.

Le petit Arc de triomphe de Sévere, qui eſt à Rome près de S. Georges in Velabro ; eſt encore plus remarquable par ſes différens morceaux d’Architecture, & ſes attributs. Sévere, voilé, eſt repréſenté ſur un des petits côtés de l’Arc, faiſant un ſacrifice, & verſant ſa patere ſur le foyer d’un trépied. A ſon côté eſt une femme voilée, avec un caducée, qu’on croit être la Paix. Au-deſſous de ce ſacrifice ſont des inſtrument ſacrés, comme le bâton augural, le préféricule, l’albogalerus, &c. Plus bas encore eſt l’immolation du taureau, ſaiſi par deux victimaires, & frappé par un troiſiéme. Le Tibicen joue des deux flûtes. Camille tient un petit coffre. Vient enſuite le Sacrificateur voilé, avec une patere. Sur la corniche, entre les chapiteaux, il y a deux hommes, dont l’un verſe de ſon vaſe dans le vaſe de l’autre. Deux autres plus près des chapiteaux tiennent l’un un préféricule, & l’autre un acerre. Plus bas ſont deux captifs les mains liées derrière le dos, & conduits par deux ſoldats. Il y a au-deſſous de ceci des trophées d’armes ; & enfin plus bas, un homme qui chaſſe des bœufs. (On trouvera la repréſentation d’autres Arcs de triomphe dans l’Eſſai hiſtorique d’Architecture de Fiſcher, parmi leſquels celui d’Auguſte, élevé au milieu d’un pont, fixe l’attention.)

Voilà les Arcs de triomphe des Anciens. Les Bâtimens qu’on décore aujourd’hui de ce nom, ne ſont ni ſi grands, ni ſi riches. Les plus conſidérables que nous ayons, & qu’on eſtime, ſont la porte de Peyro à Montpellier, les portes de Saint-Denis, Saint-Martin, & Saint-Antoine, à Paris.

Arc de triomphe d’eau. Morceau d’Architecture en maniere de portique de fer ou de bronze à jour, dont les nuds des pilaſtres, des faces & des autres parties renfermées par des ornemens, ſont garnis par des napes d’eau, lorſqu’on les fait jouer, comme, par exemple, celui de Verſailles, qui eſt du deſſein de M. Le Nautre.