Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Science et religion

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 4 – de « Persécutions » à « Zoroastre »p. 627-633).

SCIENCE ET RELIGION. — Introduction.

— 1. Knquête sur la part des croyants dans les progrès de la science. — 2. De quelle science s’agit il ?

— 3. De quels croyants" ? — 4- Limite de l’enquête. —

5. Le sens de l’enquête. Première Partie : dans les sciences exactes. —

6. Dans les.Mathématiques. — 7. Dans l’Astronomie.

— 8. Dans la Physique. La Chaleur. — 9. La Lumière. — 10. L’Electricité. — II. Dans la Chimie. La.

théorie atomique. — 12. La Chimie phj sique. — 13. Résumé. Seconde Partie : dans lbs sciences naturelles.

i^. Hors cadres. — i.">. Dans les Sciences de la l’erré. — La Géologie. — 16. La Minéralogie. — 17. La Cristallographie. — 18. La Paléontologie. — 19.

— Dans les sciences de la Vie. — La Biologie. — 20. La Botanique. — ai. La Zoologie. — 22. L’Anatomie. — 23. La Physiologie. — 24. La Médecine.

— 20. La Chirurgie. — ^6. Résumé général.

Conclusions. — 27. Il y a des savants croyants, et qui comptent. — 28. L’accord est possible entre la science et la foi, entre l’esprit scientifique et l’esprit religieux. — 29. La science conduit à Dieu.

Introduction

1. La science contre la religion, ce fut pendant un demi-siècle l’objection à la mode. Elle est aujourd’hui à ce point démodée, que le Directeur du Dictionnaire Apologétique juge inutile d’en fournir une réfutation en règle. Il souhaite seulement mettre sous les yeux de ses lecteurs le bref résumé d’une enquête que nous avons publiée en deux volumes sous ce titre : La part des croyants dans les progrès de la science au xix* siècle ; , Dans les sciences exactes ; II, dans les sciences naturelles (Librairie académique Perrin, 1920).

2. De quelle science s’agit-il ? Les sous-titres l’indiquent. Assurément, l’histoire, l’exégèse, la philosophie sont autrement liées aux questions religieuses que la physique ou l’anatomie. Mais c’est la science au sens strict, celle qui permet, comme dit Cl. Bernard, de « prévoir les phénomènes de la nature et de les maîtriser » ; c’est la science expérimentale, àqui l’on doit les grandes découvertes dont s’enorgueillit notre époque ; c’est celle-là qui a la vogue dans le public et qu’on a essayé de tourner contre la religion. C’est de celle-là qu’il est question ici.

3. Par croyants, nous entendrons ceux qui ont I cru pour le moins à l’âme et à Dieu. C’est un mini| mum, mais c’est déjà le germe d’où la religion natu-’relie évolue tout entière, la base où tout le surna-I turel s’appuie. Même, il n’est pas toujours facile de I constater, au sujet de ce minimum, la position prise

par les savants ; les matières qu’ils traitent et leurs habitudes d’esprit ne les poussent guère à ce genre de confidences.

4. Nous limitons V enquête au xixe siècle. Pour les temps plus éloignés, personne ne conteste que la science ait vécu en plein accord avec la foi, et que les savants aient été des croyants. Par ailleurs, on comprendra que nous ne parlions pas de ceux qui vivent encore. Dune façon précise, nous ferons état des savants qui, aujourd’hui disparus, ont vécu au moins une partie de leur vie entre les années 1801 et 1900.

5. Il s’agit de savoir si, en fait.il y a eu, dans le cours du xix’siècle, des savants croyants ; s’il y en a eu beaucoup et de ceux qui comptent. La quantité sans doute nous intéresse pour faire voir que le phénomène n’est pas exceptionnel ; mais la qualité nous importe davantage ; car, si la science bien comprise s’oppose à la religion, les savants de premier ordre sont les mieux placés pour s’en rendre compte ; et si l’esprit scientiiiqueque ne peut coexister avec l’esprit religieux, on le verra surtout en prenant cet esprit, non pas à l’état larvé dans les cerveaux tein’és d’une demi-science, mais au contraire à l’état évolué, à l’état de plénitude et, pour ainsi dire, à l’état pur, tel qu’il se présente chez les grands savants. 1243

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L’intérêt serait plus vif, si l’on pouvait établir une comparaison numérique et montrer, dans les progrès les plus notables de la science, la part respective des croyants et des incroyants. Nous l’avons essayé. Nous nous sommes demande quels initiateurs on trouve à l’origine des grandes voies nouvelles, et nous les avons ensuite répartis d’après leur attitude religieuse. Mais s’il y a des sciences où cette tâche est relativement aisée, il y en a d’autres où il est bien difiicile de signaler à coup sûr les réritablea initiateurs, et surtout d’en épuiser la liste. Il est donc bien entendu que les résultats, à cet égard, ne sont qu’approximatifs.

Dans chacune des grandes orientations de la science au xix* siècle, nous avons donc, d’abord, à indiquer de notre mieux les initiateurs, croyants ou non ; puis, à recueillir, au hasard de notre enquête, les noms des croyants qui ont bien mérité de la science.

Prbmièrr partie. — Dans les sciences exactes : 6. Dans les Mathématiques. — Les juges compétents semblent d’accord pour placer au rang des grands initiateurs, d’abord Karl-Friedrich Gauss (1777-1855), Augustin-Louis Cauchy (1789-1857)01 Jules-Henri Poincaré (1854-1912). ce » trois géants ; puis Joseph- Louis Lagrange (1 ^36- 1 8 13), Niels-llenrik Abel (1802-1829), Evarisle Galois (181 i-183a). Georg-Friedricb-Bernhardiî/enia/i" (1826-1866), Karl Weiêrttras » (1815-1897), Charles Hermite (1822-1901).

Lagrange et Galois sont probablement à classer parmi les indifférents ; Poincaré, parmi les agnostiques. Abel semble avoir gardé sa foi de prolestant. Les autres furent profondément religieux.

7. Dans l’Astronomie. — Il y a deux noms éminents : Pierre Simon de Laplace (1749-1827)61 Urbain f, e Verrier (181 1-1877). ^e Verrier fut un grand chrétien. Laplace, en dépit de la légende contraire, fut un croyant et voulut mourir en chrétien (Voir l’article spécial qui lui a été consacré dans ce Dictionnaire).

Au-dessous de ces grands noms des Mathématiques et de l’Astronomie, parmi ceux qui ont fait le plus d’honneur a la science, on peut citer en foule des croyants : Valentino Cerruti.Lambert-AdolpheJacques Quételel, Louis-Philippe Gilbert, Arthur Cayley, Charles Babbage, Hermann Grassmann, Johannes-Friedrich Pfaff, Louis Poinsot, GaspardGustave de Coriolis, Pierre-Charles-François Dupin, Michel Chasles, Victor Puiseux, Eugène Vicaire, Joseph Bertrand, Joseph de Tilly, Georges-Charles llumbert, Bertin, Valentin-Joseph Boussinesq ; et plus spécialement comme astronomes : William Herschel, John-Frederiek-William Herschel, François-Félix Tisserand, Ilervé-Auguste-Etienne-Albans Faye, Pierre-Jules-César Janssen, Simon Newcomb, Giovanni-Virginio Schiapparelli 2, Rodolphe Wolf, Alfred Gautier, Heinrich-Wilhelm-Mathias Olbers, Friedrich-Wilhelm Bessel, Johannes-Frank Eneke, Joseph-Johannes von Li’trow, Johannes-IIeinrich vonMadler, John Cough Adams, Karl Kreil, Gaspard Santini, Johannes von Lamont, Laurent Respighi

1. Nous ne pourons pas, dans ce résumé, fournir nos "références, ('ri les trouvera dans nos deux volumes, où d< s

tables alphabétiques facilitent les recherches. — Quelques noms de savants récemment décédés, que nous nommons ici, ne sont pas encore indiqués dans nos deux volumes ; nous comptons les y ajouter, avec Us témoignages qui s’y réfèrent, dans un » prochaine édition.

2. Nous avions dit, d’après no » informations, qu’il « ne dém<-iitit jamais la foi de son enfance >'. Un de nos lecteurs italiens nous a cité de lui quelques phrases forl peu orthodoxes : mais il confirme que le gr*nd astronome crut toujours à Dieu et à l'âme immortelle, et qu’il Il t unit en chrétien.

William Iluggins, Jacques-Philippc-Marie Binet, Jean-Baptiste Biot, Charles Br ; ot, Edouard-Albert Roche, Barthélémy Mouchez, Rodolphe Radau, JeanJacques-Anatole Bouquet de la Grye, Octave Callandreau, Marie-Raoul du Ligondès, Charles Wolf, Charles Bossut, etc. sans parler d’une pléiade de prêtres ou religieux : Giuseppe Piazzi, Giovani Inghirami, Filippo Cecchi, Marian Koller, Francesco Denza, Francesco de Vico, Stephen-Joseph Perry, Angelo Secchi.

8. Dans la Physique. — Deux hommes, dans la première moitié du siècle, ont accompli une tâche immense : Jean- Baptiste-Joseph Fourier (1769.1830) et Victor Regnault (1810 1878). Deux croyants.

Vers le milieu du siècle, on a vu surgir la théorie thermodynamique, l’une des plus fécondes de la science.

Mare-François Seguin (1786- 1875) en formule le premier (1839) l’idée fondamentale. L’année suivante, sous les tropiques, Julius-Roberl ;)/ « )er (1814-1878) en a l’intuition en soignant un malade ; deux ans plus tard, il en expose avec netteté les grandes lignes, dans une revue allemande. Puis, coup sur coup, les travaux de James Prescott Joule (1818-1889) en Angleterre, Ludwig-August Colding (181 5- 1888) en Danemark, Gustave-Adolphe Ilirn (1815-1890) à Colmar, confirment et précisent la théorie. HermannLudwig-Ferdinand Helmholtz (1821-1894), RudolfJulius-Emnianuel Clausius (1822-1888) et William Thomson, qui, à partir de 1892, s’appellera lord Kelvin (1824-1907), donnent à la théorie sa forme délinitive et en développent les conséquences dans toutes les branches de la physique. A ces fondateurs il faut joindre un précurseur, Nicolas-Léonard-Sadi Carnot (1796-1832), dont une idée géniale émise en 1824, puis, ving-six ans plus tard, reprise, clariUée, expliquée par Clausius et Kelvin, devint le second principe de la théorie thermodynamique, celui de a la dégradation de l'énergie ».

Tous furent des croyants. Nous avions rangé Sadi Carnot parmi les douteux, en exprimant une tendance à le croire « indifférent ou peut-être athée ». Mais un de ses petits neveux, le lieutenantcolonel Carnot, dans une lettre datée du 24 février 1923 et adressée au Directeur d’une Revue qui avait reproduit nos conclusions, le présente comme t profondément epiritualiste », comme « un croyant tout prêt à devenir un mystique ».

Et les croyants abondent parmi les plus illustres de leurs continuateurs : Emile Verdet, William-John Macquorn Rankine, Peter Guthrie Tait, Bernard Brunhes, Pierre-Maurice-Marie Duhein, etc.

Des croyants aussi, ces grands physiciens de la chaleur, qui en ont allongé les divers chapitres : Pierre-Louis Dulong, Macedonio Melloni, CésarMantuète Desprez, Quentin-Paul Desains, Thomas Andrews, Balfour Stewart, Louis-Paul Cailletet, Emile-llilaire Amagat, Charles Tellier.

Et James Watt, qui fit de la machine à vapeur l’outil incomparable de l’industrie au xix c siècle ; et Claude-François-Dorothée de Jouffroy d’Abbans, qui réussit à faire marcher le premier bateau à vapeur 1.

Et Joseph-Michel Montgolfier, qui a créé les aérostats ; et Clément Ader, qui, le premier, a réussi à faire « décoller » du sol un avion (1897) ; et Wilbur

1 La machine de Watt transformée en locomotive et mise sur rails : voilà l’idée du chemin de fer. Est-ce George sii-| henson qui en a eu l’idée ? Les uns l’affirment, 1rs antres le nient. Mais c’est Marc Séguin qui, par se » innovations, surtout par l’emploi de la chaudière tuhulaire, a rendu les chemins de fer capables de la tache colossale à laquelle ils étaient destinés. 1245

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Wright, qui, le premier (avec son frère encore vivant), a véritablement « volé » (iyo3)’.

y. La Lumière. — Dans la première moitié du xix° siècle, les grands progrès sur la Physique de la lumière sont dus à Thomas Young (1773-182y), Joseph Fraunhofer { 1787-1826), Léon Foucault (18191868), Armand-Hippolyte-Louis Ftzeau (181y-18y6), et par-dessus tout à Jean -Augustin Fresuel (17881827). « t’resuel, dit Ediu. Bouty, est le vrai fondateur de l’optique moderne. »

Tous, Fresuel surtout, furent toute leur vie des chrétiens fervents, à l’exception de Foucault, qui ne revint a la pratique, mais en pleine conscience et après mûres délibérations, que dans le cours de sa dernière maladie.

Citons encore : Jean-Pierre Minkelers, l’inventeur de l’éclairage au gaz (1784) ; Joseph-Nicéphore Niepce, l’inventeur de la photographie ; Gabriel Lippman, à qui l’on doit, avec de remarquables travaux sur l’électricité, la photographie en couleurs (18yi) ; Da vid Brewster, Jacques Babinet, Joseph Plateau, Gustave Vander Mensbrugghe, Marie- Alfred Cornu, George-Gabriel Stok.es, inventeurs ou théoriciens très remarquables ; tous fermes croyants, et pour la plupart d’une grande piété.

Dans la seconde moitié du xix’siècle, l’optique a été renouvelée par la « théorie électro-magnétique », d’après laquelle la lumière n’est qu’un cas particulier des phénomènes électriques.

10. V Electricité. — On peut dire que la science de l’électricité est l’œuvre du xixe siècle. Elle commence avec quatre grands noms 2 :

Alessandro Voila (1745-1827^ Hans-Christian Œrsted (1777-1801), André-Marie Ampère (1775-1836) et Michel Faraday (1-791-1867). Parmi eux, Ampère fut le plus grand. Les témoins les plus qualifiés l’ont proclamé

« le Newton de l’électricité », « le plus grand

génie scientifique du siècle », « l’un des plus profonds penseurs parmi les savants du xix* siècle », le plus universel aussi ; bref, « le plus prodigieux cerveau de notre temps ».

Il a dû reconquérir sa foi. Il l’a fait de haute lutte, s’y est installé enfin dans une pleine sécurité, il l’a chantée, il l’a prèchée, il l’a vécue, et il est mort comme meurent les saints.

Volta fut catholique à la façon d’Ampère, moins la erise de doute. Œrsted et Faraday furent des protestants très dévols.

Dans la seconde moitié du siècle, James-Clerk Maxu (’//(1831-1879), par une intuition de génie exposée en 1 856 et 1864, imagine la théorie électromagnétique de la lumière. Vingt ans plus tard, Ileinrich-Rudolf Hertz (1807-1894) l’établit par de remarquables expériences. C’est le point de départ d’une nouvelle branche de l’électricité : l’électricité rayonnante. Henri Becquerel (1 852- 1908) lui fournit (1906) le fait capital, par la découverte de la radio-activité de la matière.

Les trois savants à qui l’on doit ces horizons nouveaux, qui ouvrent pour la science d’immenses perspectives, furent trois croyants, dont deux, Maxwell et Becquerel, très fervents. Becquerel s’était écarté d’abord de la religion ; c’est la science disait-il, qui l’y ramena.

1. Les avions relëvi ni surtout d’une autre br. niche de la Physique ; mais leur succi s y resta l conditionné, comme le nol&it Marc Seguin dans un mémoire posthume publié en parla découverte d’un moteur assez puissant et b’ger, et par là se rattachait aux études sur la chaleur. Or, c’est un petit fils du Marc Seguin qui a invenu le moteur tinôme

a. Volta trouva l’idée de la pile électrique en réfléchis saut sur les expériences de (ialvani 17qo. Mais Gairani aussi était croyant.il était du tiers-ordre de Saint-François.

Au dessous de ces grands initiateurs, voici d’autres croyants : Georg-Simon Ohm, Johann-Salomon-Christoph Schweiger, Samuel Finlay Breese Morse, Arthur-Auguste de la Rive, Wilhelm Weber, Luigi Palmieri, William-ltobert Grove, Galileo Ferrari, les deux frères Karl -Wilhelm et Ernest-Werner von Siemens, Alfred Polier, Alexander Graham Bell, Antonio Pacinotti, Antoine-César Becquerel, le grand-père, et Edmond Becquerel, le père d’Henri.

A. de la Rive écrivait en 187a à E. Na ville : « Je crois que le nombre des physiciens athées, sans être nul, est fort petit. » S’il s’agit des grands initiateurs, il pourrait bien être nul. Parmi eux, il y en a un, Foucault, qui fut un converti de la dernière heure ; il y en a quelques-uns qui ont cru, sans apporter, semble-t-il, à leur vie religieuse une ferveur exceptionnelle ; les autres ont fait de leur foi la lumière, le mobile, la préoccupation consiante, ou même, pour plusieurs, la passion de leur vie 1.

11. Dans la Chimie. — Au dire de Berthelot, « Les conceptions qui ont fondé la Chimie moderne, sont dues à un seul homme, Lavoisier. » Lavoisier est mort en 1794, nous n’avons pas à en parler " 2.

Mais « le maître, disait Ad. WurU, avait trouvé de grands disciples pour consolider et développer son œuvre. »

La Théorie atomique a été le principal outil de ce développement. L’outil a été forgé pièce à pièce par une équipe de maîtres ouvriers : John Dalton (1766-1844), Joseph-Louis Gay-Lussac (1778-1850), Amadeo di Quaregna di Avogadro (1776-1856) et A.-M. Ampère, qui nous est déjà connu, Pierre-Louis Dulong (1785 1838) et Alexis-Thérèse Petit (17911820), Jean-Jacob Berzélius (1779-1848). Avec ceuxlà, qui ont marqué les principales étapes, il faut nommer ceux qui ont déblayé le terrain pour les rendre possibles ou qui ont ouvert les grandes voies latérales : Joseph Priesiley (1 728-1804), Claude-Louis Berlhollet (1748-1822). Hurophry Davy (1778-1829), Louis-Nicolas Vauquelin (1763-1829), Eilhard Mttscherlich (1794-1863), Jean-Baptiste Dumas (1800-1884), Auguste Laurent (1807-1853), Charles Gerhardl (1816-1856), Charles-Adolphe Wurtz (1817-1884), Friedrich-August Kékulè von Slradonitz (1829-1896), Michel-Eugène Chevreul (17861889), Friedrich Wohler (1800-1882), Louis Jacques Ihénard (1777-18ÎJ7), Justus von Liebig (1803-1873).

Sur ces vingt savants (Ampère étant mis hors de compte), il y en a cinq : Petit, Berthollet, Mitscheriich, Laurent et Kékulé, dont les sentiments religieux nous sont inconnus ; tous les autres (en notant un doute pour Gay-Lussac) furent des croyants elune bonnepartie d’entre eux — Berzélius, Priestley, Davy, Dumas, Wurtz, Chevreul, Thénard, Liebig — le furent avec ferveur.

Les croyants ne manquent pas parmi ceux qui ont élargi les voies ouvertes par les fondateurs : Henry Cavendish, Jean-Anteine Chaptal, Pierre-Joseph Pelletier, Christian-Friedrich Schonbeim, Théophile-Jules Pelouze, Karl-Remigius Fresenius, Thomas Graham, Adolf-Wilhelm-Hermann Kolbe, Jean-Bapliste-Joseph-Dieudonné Boussingault, Aseanio Sobrero, Augusle-André-Thomas Cahours,

1..Nous avons, dans notre enqu.He, négligé X’Aemutiiqut, dans laquelle les grandes découvertes ont été moins considérables Mail noui pouvoas sign.ler deux grands noms de croyants : John-William Strutt, Lord liayleif>h (1812-1919’, qui a reçu lo prix Nobel (190a) pour ses travaux fur les ondes sonores ; et l’abbé Jean-Pierre Rousselol (1840-iga’i>, quia fait de la Phonéti ; ue expérimentale une branche nouvelle de la science.

3. Chrétien d’éducation, il le resta toujours. 12*. 7

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Edmond Frémy, Charles Friedel, Louis Henry, Max. von Pettenkotfer, William llamsay, Armand Gautier.

m. 2° Dans la Chimie physique, beaucoup plus jeune, les croyants ont marqué leur place par d’éminents services : Joannes-Diderich Van derWaals, Hemlrick-Wiihelm Bakliuis Roozeboom, Henri Debray, Gabriel Hautefeuille, Joseph-LouisTroost, Dé siré-Jean-Baptiste Gernez, Georges Lemoine.

Mais on doit saluer comme les fondateurs : Henri Sainte-Claire Deville (1818-1881), Pierre-Fugène-Marcellin Bcrthelot (1827-190- ;) et Josiab-Willard Gibbs (1839-1903), le « génie scientifique le plus élevé qu’aient jusqu’à présent produit les Etats Unis », au dire de W. Ostwald.

Sainte-Claire Deville et Gibbs fuient des chrétiens. L’anticléricalisme militant de Berthelot est bien connu et il fut l’un des chefs les plus en vue du scientisme. Nous l’avions inscrit parmi les athées. Mais un de nos lecteurs nous a communiqué un passage de sa Correspondance avec Renan, où Berthelot admet nettement Dieu comme une réalité :

« Derrière le Beau, le Vrai et le Bien, l’Humanité a

toujours senti, sans la connaître, qu’il existe une réalité souveraine dans laquelle réside l’idéal, c’est-à-dire Dieu, le centre de l’unité mystérieuse et inaccessible, vers laquelle converge l’ordre universel. Le sentiment seul peut nous y conduire. » Nou3 n’avons pu retrouver ce passage dans la Correspondance entre Renan et Berthelot, publiée par celui-ci. Paris, Calmann-Lévy, 1898. A le supposer authentique, comment classer son auteur ? agnostique ou croyant ? Plutôt croyant, semble-t-il, bien que la cpaalité de cettp croyance reste suspecte. Du moins, on ne poun ait l’inscrire simplement au nombre des athées.

13. — Résumé. — Et donc, s’il s’ ; gît des grands initiateurs, de ceux à qui est due l’idée-mère, le premier bourgeon d’où est sortie une des branches maîtresses de la science, nous trouvons tout au plus à à citer parmi eux, dans toutes les sciences exactes

— chimie, physique, astronomie, mathématique —

— un seul athée avéré.

Seconde Partie. — dans les sciences naturelles

14- Hors cadres. — Il y a un certain nombre de noms qui dominent toute l’histoire des sciences naturelles au six’siècle et qu’il faut placer hors cadres : Georges- Léopold-Chrélien-Frédéric-Dagubert Cuvier (1769-1833), Jean-Baptiste-Pierre- Antoine Monet de Lamarck (1744-1829), Etienne Geo/froy-Saint-Hilaire (1772-1844) et Charles Darwin (18091682). Il yen a deux qui dominent toutes les sciences de la vie : Claude Bernard (1813-i 878) et Louis Pasteur (1822-1895). On peut rapprocher des premiers Joannes Millier (1801-1858), le « Cuvier allemand », Richard Owen (1800-1892), le « Cuvier anglais », et Fierre-Jean Van Bcneden (1809-1894), le « Cuvier belge ».

Tous, des croyants, sauf Darwin, qui n’a jamais nié Dieu, mais qui a doulé, fluctué et qui semble devoir être classé comme agnostique.

15. Dans les sciences de l<< terre. — i° La Géologie proprenientdite (géognosie et fjéogonie) est surtout redevable à Friedrich-Heinricb-Alexander von Bumboldl (1769-1859), Lcopold von Bach (1774-1853), William Buckland (1784-1856), Alexandie Brongniart (1770- « 847), Charles Lyell (1797-1875), Jean-Baplbte-Armand-Louis-Léonce Elie de Beaumont (17981874). Marcel- Alexandre /teri>an</(1831-iyi{ ; , Edward Suess (1831-nii 4), auxquels il semble qu’on puisse ajouter l’abbé Antonio Stoppant (1824-1891), Jean-BaptUte-Julien d’Omalius trifaHoy (1783-1876) et James-Dwight Dana (1813-1895).

Sur ces onze grands savants, il y en a un, von Bucb, dont les sentiments religieux nous sont inconnus. Suess fut sûrement hostile au catholicisme et, probablement, athée. Tous les autres furent des croyants.

16. — La Minérahgie doit surtout ses progrès à l’impulsion de Abraham-Cottlob We/vie/ (1750-1817) et de Johanes-Nepomuk von Fuchs (1771-1856) : deux fervents chrétiens. On peut y ajouter Michel-Auguste Lévy (1844-i 911), le créateur de la pétrographie française. Il fut un indifférent, tolérant et respectueux.

17. — La Cristallographie a été fondée, après Rome de Lisle (qui appartient au dix-huitième siècle), par l’abbé René Just-Haùy (1743-1822), Auguste Bravais (18u-1863) et François-Ernest Mallard (1833-1894) : tous, des croyants.

18. — La Paléontologie, fondée par Cuvier, a dû ses principaux développements à Alcide Dessalines d’Orbigny (1 802-1807), Joachi m Bai-ronde (1799-1883), Louis Agassiz (1807-1839), Ostwald Ileer (18091 883), Edward Drinker £0/^(1840-1897), Karl-Alfred Zittil ^1839-1904), Albert Gaudry (1827-1908) : tous, des croyants.

En somme, dans la géologie, sur ces vingt-quatre grands initiateurs, il y en a un, Von Buch, dont rous ne savons rien. Les vingt-trois autres se répartissent ainsi : un agnostique (Lévy), un athée (Suessy et vingt et un croyants.

A leur suite, parmi ceux auxquels la science doit beaucoup, nous pouvons citer encore comme croyants Jean-André Deluc, John Mac Culloch, François-Sulpice Beudant, Gédéon-Algernon Mantell, Hugh Miller, William-Daniel Conybeare, André Dumont, Auguste-Henri de Bonnard, G.-F.-L. Haussmanu, Gotthiel-Heinrich von Schubert, Pierre-Marcel Toussaint de Serres, Karl von Leonhaidt, Heinrich Gei rg Bronn, Benjamin Silliman, Edward Hitchcock, Karl-Georg von Raumer, Jacques Boucher de Crève-Cœur de Perihes, Karl-Gustav Bischof, Roderic Murchison, Adam Sedgwick, Charles Dessalines d’Orbigny, William Smith, Charles Sainte-Claire Deville, Pierre Mérian, Friedrich Pfaflf, Bernard Studer, Gerhard von Rath, Ernst-Heinrich Karl von Dechen, Friedrich-August von Queenstedt, Edmond Hébert, Karl-August Lossen, Karl-Ludwig Rutimeyer, Gabriel-Auguste Daubiée, Oskar Fraass, John-William Dawson, Hans-Bruno Geinilz, Wilhelm-Heinrich Waagen, Albert-Auguste Cochon de Lapparent 1, l’abbé Giuseppe Morcalli, Charles-René Zeiller, Jules Gosselet.

Dans les sciences de la vie.

19. — La Biologie, connue science à part, a été constituée par Paul-Joseph Baithez (1734-1806) : un croyant.

20. — La Botanique est une science très ancienne. Les grands progrès qu’elle a réalisés au xix c siècle ont eu pour principaux instigateurs, dans la Morphologie et la Systématique, Antoine-Laurent de Jussieu ( 1 7’|S- « 836) et Augustin Pyrame de Candalle (1778-1840 ; dans l’Anatomie, Charles-François Brisseau de Mirbel (1 776-1 854), Hugo von Mohl 1 1 1872 ; , Jacob-Mathias Schleiden (18<>4 1881), Karl-Wilhelm Nâgeli (1844-1912), Edouard Strasburger (1844-1912) et Philippe-Edouard Léon Van Tieghem (1839-191’|) ; dans la Physiologie, Joseph-Gottlieb Kôlreuler (1733-1806), Christian-Conrad Sprengel

1 Nous avons cru pouvoir le citer parmi les initiateur ». Un de nos lecleurs. compétent en la matière, pense qu’on peut, malgré In taraude science do Lapparent, lui couIpster Ce litre. Tout le inonde sait qu’il fut un admirable clirélien. 1249

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( i-.">o- 181O) et Julius rc/i Sachs (i 83a- 1897). Dans ces dernières années, une grande voie nouvelle a été ouverte par Charles- Victor Naudin (1817-1899) et le moine Gregor Mendel (1822-1884).

De Mohl et de Kolreuter, nous ne savons rien ; Ncigeli et van Tieghem furent indifférents ; Strasburger, incroyant ; les autres, des croyants.

Des croy.mts, aussi, ces botanistes éminents qui ont ouvert, sur les grandes routes frayées par les initiateurs, les voies latérales : Heinricli-Friedrich Link, Théodore de Saussure, Heinrich-Robert Gôppert, Karl-Friedrich Schimper, Alexander Braun, Adolphe-Théodore Brongniart, les deux frères Louis-René et Charles Tulasne, Friedrich ïraugott Kiitzing, Alexis- Jordan, Adrien de Jussieu, Michel-Félix Dunal, Alphonse de Candolle, Benjamin Delessert, Karl-Adolf Agardh, John Lindley, Karl-Friedrich Philipp von Martius, Heinrich-Theophilus-Ludwig Reicheiibach, Asa Gray, Albert Wigand, Ferdinand von Millier, Andréa Saccardi, Herniann Christ.

21. — La Zoologie a ses grands initiateurs dans Lamarclc, Geoffroy Saint-Hilaire, Cuvier, Owen, Humboldt, Agassiz, que nous avons déjà rencontré. On peut y joindre l’abbé Pierre- André I.atreille (176ai 833), Johannes Friedrich Blumenbach (1752-1840), Antoine-Louis Dugès (1797-1838), et Jean-Henri-Casimir Fabre (1823-191 5) : tous, des croyants.

Et l’on peut se demander s’il ne faudrait pas nommer encore au même rang ces autres croyants que furent Christian-Gottfried Ehrenberg, Bernard-Germain-Etienne de Laville de Lacépède, Alfred Russel Wallace, Jean-Louis-Arinand de Quatrefages de Bréau.

22. — L’Analomie. — Le plus grand de tous, le créateur, dit Cl. Bernard, de l’Anatomie générale, Marie-François-Xavier Hichat (1771-1802), fut un croyant. De même Théodor Schuann (18 10-1882), le créateur de l’histologie. De même, Karl-Ernst von Bær (1792-1876), le créateur de l’embryologie moderne. A leur suite, il faut nommer Jean-Jacques-Marie Cyprien Coste (1807-1873), un grand croyant ; et Johann-Evangelist Purkinje (1787-1869), dont les sentiments religieux nous sont inconnus.

L’Anatomie comparée reconnaît pour fondateurs Cuvier, J. Millier, Owen, Blumenbach, déjà signalés. Après eux, les grands pionniers semblent être lohann-Friedrich Meckel(i 781-1833), Anders-August Rttziu* (1796-1860), Henri-Marie du Crotoy de Blainville (1 778-1800), Louis-Pierre Gratiolet (1815-1865), Daniel Friedrich Eschriclit (1798-1863), Karl-Gustavius Carus (1789-1869), Etienne-Renaud-Augustin Serres (1787-1868), et Paul Ge/va(A’(1816-1879) : tous, des croyants, à l’exception peut-être de Meckel.dont nous ne savons rien.

Des croyants aussi, les grands anatomistes que furent Antonio Scarpa, Bartholomeo Panizza, Samuel-Tliomas von Sômmering, Joseph Hyrtl et Joseph Renault.

a3. — La Physiologie. Le grand physiologiste du xixe siècle, c’est Claude Bernard, dont nous avons déjà parlé. Au-dessous de lui, on doit nommer, semble-t-il, dans la Physiologie générale, Charles liell (177^-18^2), Marie-Jean-Pierre Flourens (179’, -1867), François Magendie (1783-1850), Friedrich Tiedemann Ip81-1861), Alfred WUhelm Volkmann (1 801-1877), Henri Milne-Edwards (1 800-1 885), Karl-Friedricli-Wilhelm l.udwig (1816-1890), Elie de Cyon (1843191 ï). A l’exception de Magendie, qui était matérialiste, tous furent des croyants.

Comme créateurs ou rénovateurs de la neuropathologie, on peut citer Jean-Etienne-Dominique Rtquitol (1772-1840), Guillauui"-Benjamin Duchenne (de Boulogne) (1806-1875) et Jean-Martin Charcot

Tome IV.

(182, ^-1893). Celui-ci fut un incroyant ; le premier, un chrétien. Sur le second, nous ne sommes pas renseigné.

Pierre- Jean-Georges Cabanis (1757-1808) et Joseph-Frédéric Bérard{ 1789- 1828) sont les deux fondateurs de la psychophysiologie moderne. Celui-ci fut un ferme croyant. Cabanis a voulu violemment être matérialiste et athée, et il n’a pu y réussir. Il a été un croyant malgré lui. Nous donnons dans notre second volume, p. 175-179, les principales pièces de ce curieux débat.

Au-dessous des grands noms mais parmi ceux qui comptent, les physiologistes incroyants ne manquent pas : tels, à titre d’exemples, Cari Vogt et Jakob Moleschott. Mais les croyants, non plus, ne manquent pas : tels, Rudolf Wagner, Georg-Theodor Ruette, Theodor-Ludwig Wilhelm Bischoff, Karl von Vierordt, Carlo Matteucci, Luigi Luciani, Arthur Van Gehuchten, Joseph Grasset, etc.

24. — La Médecine et la Chirurgie. — Sur les raisons de faire une place, dans cette enquête, à la médecine et à la chirurgie, nous renvoyons à notre seooud volume, p. 181-188.

Pour la Médecine, nous passons en revue, à titre d’exemple, les chefs des principales Ecoles médicales françaises.

Avant la révolution inaugurée par Cl. Bernard et Pasteur, la Médecine française se partage en deux courants qui, sous des noms divers, ont réuni, d’un côté les croyants, et, de l’autre, les matérialistes. Ceux-ci se réclament de la « Médecine physiologique », dont François-Joseph- Victor Broussais (1772-1838) fut le chef et comme le « dictateur »,

— ou bien de 1’  « Organicisme », fondé par Louis-Léon Rostan (1791-1866). Mais Rostan, s’il a eu pour disciples des matérialistes, était un croyant et même prétendait que sa doctrine démontre l’âme et postule Dieu. Broussais, s’il a été tout « guerroyant » contre Dieu, n’est pas arrivé à se convaincre lui-même, comme en témoigne son testament intellectuel, versé après sa mort au débat d’un procès. Ce document remplit soixante-dix-neuf lignes en petits caractères, que nous donnons en note, He volume, 193-195. En voici le titre et le début : « Ceci est pour mes amis, mes seuls amis : Développement de mon opinion et expression de ma foi. — Je sens, comme beaucoup d’autres, qu’une intelligence a tout coordonné. Je cherche si je puis en conclure qu’elle a tout créé ; mais je ne le puis pas, parce que l’expérience ne me fournit point la représentation d’une création absolue… » On peut classer Broussais parmi les agnostiques, plus près de la croyance que de l’athéisme.

Aujourd’hui, la « Médecine physiologique » et l’  « Organicisme » sont morts. Ils n’en reste rien, qu’un mauvais souvenir. C’est l’Ecole anatomopathologique qui « fit réaliser à la science de si grands progrès et fut, pendant près d’un demi-siècle, l’honneur de la Médecine française » (Triaire). Ses chefs furent, à la suite de Bichat, René-Théophile-Hyacinlhe Laënnec (1781-1826), dans lequel beaucoup saluent le plus grand médecin de tous les temps ; Gaspard Laurent Bayle (1774-1816), Guillaume Dmpuytren (1777-1835J, Joseph-Claude-Anthelme Bécamier (1774-1852), Gabriel Andral (1797-1876) et Jean Cruveilhier (1791-1874) : tous, de grands chrétiens, à l’exception de Dupuytren, qui fut un converti de la dernière heure.

Et voici encore des croyants parmi les médecins les plus célèbres : Mathieu-François-Régis Buisson, Guillaume-François Laënnec, Jean-Noël Halle, E.-L. Heim. J.-A. Hoschland, Christoph- Wilhelm Hufeland, Samuel-Christian-Friedrich Hahneraann,

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SCIENCE ET RELIGION

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Etienne Parise », James Cooles Pritchard, Antoine-Laurent-Jessé Bayle, Louis-Aimé Fizeau, Ludwig Schônlein, François-Achille Longet, Maurizio Bufalini, Vincen/.o Pinali, Agostino Bassi, Albert von Grafe, Alfred-Karl von Grafe, Claude-François-Herman Pidoux, Samuel Haugbton, Armand Trousseau, Jean Bouillaud, Paul-Emile GhaulTard, Augustin Fabre, Eugène Boucbut, Pierre-Charles-Edouard Potain, Louis Landouzy, Guido Baccelli, Ernest Gaucher, F. Raymond, Jean Camus.

a 5. — Pour la Chirurgie, nous avons cherché quels noms il y a à l’origine des quatre découvertes qui ont conditionné ses progrès dans ces derniers temps. Nous avons trouvé :

James Young Simpson (181 1-1870), pour l’anesthcsie < ; Eugène Kœberté (1828-1915) et Jules-Emile Péan (1830-1898), pour la for ci pressure ; Joseph Lister (1%^1912), pour l’antisepsie ; quant à l’asepsie, les Allemands en font honneur à Ernst von Bergmann (1836-1906), et les Français, à Louis-Félix Terrier (1837-1908). Kœberlé, d’abord catholique pratiquant, semble avoir fini dans l’indifférence Péan a évolué en sens inverse. Terrier, qui se donnait pour librepenseur, demanda les sacrements dans sa dernière maladie. Les autres furent toujours des croyants.

Et parmi les grands chirurgiens, sans reparler de Bell, de Récamier, de Dupuytren, de Cruveilhier, nous pouvons citer encore comme croyants : Dominique-Jean Larrey, Amédée Bonnet, Auguste Nélaton, Luigi Porta, von Langenbeck, Richard von Volkmann, J- M. Nussbaum, Théodor Billroth, Aristide-Auguste-Stanislas de Verneuil, Louis-XavierEdouard-Léopold Ollier, Marie-Marcellin Lucas-Championnière, Edouard Delanglade.

26. — Résumé. Nous avons nommé dans ces pages trois cent soixante-quatorze croyants. Et pour en allonger la liste, il n’y aurait qu'à continuer l’enquête.

Au sujet des initiateurs, de ceux qui ont ouvert les grandes voies nouvelles, nous avons essayé d'établir une comparaison numérique entre les croyants et les autres. Or nous avons trouvé cent cinquante et un initiateurs. Il y en a onze dont les sentiments religieux nous sont inconnus. Il en reste cent quarante, qui se répartissent ainsi : cent vingt-six croyants, quatre athées, cinq indifférents, quatre agnostiques. Ce qui veut dire que, sur trente-cinq dont nous pouvons définir l’attitude religieuse, il y a en moyenne un agnostique, un indifférent, un athée et trente-deux croyants.

Il est bien entendu que ces chiffres ne sont qu’approximatifs et restent sujets à révision, mais ils approchent de la vérité. Les additions ou les soustractions que notre liste comporte ne changeront guère et, surtout, ne renverseront pas les proportions. En voyant ce que représente la part des croyants dans les grandes découvertes qui sont à l’origine des principales orientations de la science moderne, on se demande ce qui pourrait rester de considérable à mettre au compte des incroyants que nous aurions oubliés.

27. — Conclusions. — Quand on affirme que les savants sont, avec, tout au plus, de rares et insignifiantes exceptions, des incroyants, on parle contre la vérité.

28. — Les savants, comme tels, ne sont pas spécialement qualifiés pour témoigner de la religion : mais ils le sont pour témoigner de la science et de l’esprit scientifique.

Or, il se trouve que les plus grands, ceux au ? : 1. Il y a des points litigieux que nous avons indiqua, I'. page 21 !).

quels la science doit le plus, ceux qui l’ont faite, ont cru, presque tous, à la religion comme à la science : c’est donc qu’ils n’ont pas vii, dans la science, d’opposition irréductible. Mais s’ils n’en ont pas vii, eux qui étaient admirablement renseignés, c’est qu’il n’y en a pas, qu’il n’y en a pas, du moins, entre la religion et la science spéciale qu’ils ont créée. Mais toutes ou presque toutes ont été créées par des croyants, et, dans toutes sans exception, il y a eu, il y a encore, au premier rang de ceux qui les connaissent et les servent, des croyants : c’est donc que, dans aucune, le conflit de la science avec la religion ne s’impose, si bien que les savants les mieux qualifiés peuvent ne pas le voir. Mais la science est objective, c’est sa condition essentielle, et tous les savants, comme tels, voient et jugent de même : c’est donc enfin que si, parmi eux, quelques-uns voient une opposition entre la religion et la science, ce n’est pas comme savants, c’est à un autre titre, c’est par quelque chose qu’ils surajoutent à leur science. Et ce quelque chose, de quelque nom qu’on le nomme, n’est donc plus de la science ; ce n’est pas avec la science, mais avec ce quelque chose — histoire vraie ou fausse, philosophie bonne ou mauvaise, sentiments, préjugés, préventions, tout ce qu’on voudra, sauf la science I — que la religion est en conflit.

Il se trouve encore que l’esprit scientifique le plus incontestable, le plus accusé, le plus aiguisé, le plus fécond, tel qu’il s’est révélé, par exemple, dans Cauchy, Hermite, Weierstrass, Le Verrier, Lord Kelvin, Fresnel, Ampère, Faraday, Maxwell, Berzélius, Dumas, Chevreul, Tliénard, Cuvier, Haiiy, Mendel, Bichat, Lacnnec et Pasteur, a coexisté tout naturellement, dans le même homme, avec l’esprit religi' ux le plus simple, le plus pur, le plus sincère, le plus ardent. Le moyen, après cela, de prétendre que l’esprit scientifique est incompatible avec l’esprit religieux ?

29. — Une troisième conclusion, moins évidente que les autres, paraît cependant justifiée. On peut regarder comme certain, avons-nous dit, que, parmi les grands initiateurs, les croyants représentent une très notable majorité. Or, si l’on pouvait étendre l’enquête à tous les hommes (à l’exclusion des femmes), savants ou ignorants, — qui ont vécu, pendant le xixe siècle, dans les peuples et dans les milieux où les savants se sont recrutés, personne sans doute ne s’attendrait à trouver une proportion de 3a sur 35, ni même une majorité, de croyants prêts à s’affirmer comme tels par leurs déclarations ou par leurs actes.

C’est dire que les savants ont été plus croyants que la moyenne de leurs contemporains.

Les savants sont des hommes ; comme les autres, ils ont respiré l’air ambiant, ils ont subi les influences de leur temps et de leur milieu, et, dans l’ensemble, ils ont été moins croyants que dans les siècles passés ; mais ils le sont restés beaucoup plus que les autres, ils ont beaucoup mieux résisté aux influences qui détournaient de la religion les hommes de leur temps et de leur pays. Il faut bien en conclure qu’ils étaient, de par leur science même — puisque c’est le point unique par où ils diffèrent des non savants, — mieux armés contre l’athéisme ou plus attirés vers la foi.

Le fait brutal, traduit avec l'éloquence des chiffres, suffirait à justifier cette conclusion ; mais il s’est présenté, au cours de notre enquête, avec des modalités intéressantes qui lui donnent plus de relief. Lrs esprits les plus originaux, les plus vigoureux, les plus larges, les grands initiateurs, les génies, sont généralement religieux ; mais encore, au-dessous

d’eux, dans une science donnée, ceux qui, sans l’avoir inventée, se l’assimilent, en prennent la tendance, la mentalité, pour ainsi dire, ceux-là sont d’autant plus habituellement religieux que cette science est plus près de sa perfection. C’est, en effet, dans toutes les sciences que nous avons vu les initiateurs, presque tous, proclamer leur foi en Dieu et en l’âme immortelle ; c’est dans les sciences exactes, qui sont aussi des sciences faites — mathématiques, astronomie, physique et chimie, — que nous avons vu, au-dessous des initiateurs, les autres savants professer en plus grand nombre des sentiments religieux. Les incroyants se trouvent surtout parmi les savants de second ordre’appartenant aux sciences naturelles, qui sont à un degré moindre de vraies sciences, et qui sont en même temps des sciences en retard, trop jeunes encore, mal développées, inachevées.

En deux mots, les savants les plus savants et les sciences les plus scientiliques sont les plus sympathiques à la religion : voilà le fait. Il faut en conclure qu’il y a donc affinité entre la science et la religion, et que la science, au moins pour ceux qui la suivent en droite ligne jusqu’au bout, conduit vers la religion. Il faut en conclure que la contradiction entre l’une et l’autre, loin d’être essentielle, se dissipe à mesure que la science est plus sûre d’ellemême et le savant plus maître de sa science. C’est ce que disait Pasteur : « La science rapproche l’homme de Dieu 2°.

A. Eymihu.