Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Paul (Saint) et le Paulinisme

Dictionnaire apologétique de la foi catholique

PAUL (SAINT) ET LE PAULINISME. — Sommaire. — Avant-propos. — Définition.

I. — Précis historique du paulinisme.

1. Premiers essais d’exposition systématique.

2. Le paulinisme de l’école de Tubingue,

3. Le paulinisme de l’école radicale.

4. L’état présent des recherches.

5. Eléments primordiaux de la théologie paulinienne.

U. — Paul et Jésus.

i. Paul opposé à Jésus.

2. Altitude de Paul à l’égard de la vie ter. reslre de Jésus.

3. Paul et le Christ historique.

4. Explicatisn des différences entre Paul et Jésus.

5. Bibliographie.

III. — Les sources de la pensée db Paul.

1. La conversion de Paul et le paulinisme.

1. Explications naturalistes delà conversion.

2. Genèse psychologique du paulinisme.

H. L’hellénisme et le paulinisme.

1. f^aul et la philosophie profane.

2. Paul et les religions orientales hellénisées. m. Lb judaïsme et lb paulinisme.

1. Paul et le judaïsme rabbinique.

2. Paul et le judaïsme apocalyptique. IV. Véritables sources du paulinisme.

Avant propos. — Définition du paulinisme et délimitation du sujet

L’objet du présent article est fort heureusement circonscrit par le caractère même de cette encyclopédie. H ne s’agit pas de tracer ici la biographie de saint Paul, ni d’esquisser sa physionomie, ni de raconter ses missions, ni d’apprécier son œuvre, ni d’exposer sa théologie, ni de prouver l’authenticité de ses lettres et des discours que lui attribuent les Actes des apôtres. On peut, sur tous ces points, consulter les manuels et les ouvrages spéciaux. Ce que nous avons à étudier, ce sont les principale » déformations infligées à sa pensée par une critique prévenue ou peu clairvoyante. Même ainsi limitée, notre tâche est des plus ardues ; car les systèmes ont la vie courte et, au moment où l’on s’escrime à combattre une erreur longtemps en vogue, elle est si subitement supplantée par une autre que l’on s’expose à n’attaquer qu’une ombre.

On est convenu d’appeler paulinisme l’enseignement du docteur des Gentils considéré dans ses caractères particuliers et dans son enchaînement organique. Malgré ses origines suspectes, ce nom de paulinisme n’a pas besoin de justification ; car, au fond, il exprime une idée juste et il a pour lui d’être nécessaire. Quand on lit avec tant soit peu d’attention les prophètes et les évangélistes, on remarque entre eux des différences nombreuses et profondes, portant quelquefois sur les idées et plus souvent sur la manière de les présenter. Comparez à ce point de vue saint Marc à saint Jean, saint Matthieu à saint Luc, Amos à Osée, Isaïe à Jérémie. La difTérence entre ces divers auteurs sacrés vous paraîtra d’autant plus frappante que le sujet traité est plus ressemblant. Les Pères de l’Eglise s’en rendaient bien compte lorsqu’ils appliquaient aux quatre évangélistes les symboles des quatre animaux d’Ezéchiel.

Saint Paul ne pouvait manquer d’imprimer à son œuvre le cachet de sa puissante personnalité. Cependant la pensée d’isoler son enseignement pour en étudier séparément les caractères particuliers, au regard de celui des autres apôtres, ne date guère que du dernier siècle. A l’heure actuelle les deux questions qui préoccupent le plus les historiens du dogme sont les suivantes : i*" Quels sont les rapports entre Paul et Jésus ou, si l’on veut, entre l’enseignement de Paul et celui de Jésus. 2" Supposé que le paulinisme ne vienne pas en droite ligne de l’enseignement de Jésus, quelle en est l’origine ? L’Apôlre le lire-t-il de son propre fonds, ou l’emprunte-t-il i une source étrangère ? On le voit, les deux questions sont connexes, mais elles peuvent se traiter d’une manière indépendante. Nous les examinerons à part, après avoir exposé brièvement l’histoire du paulinisme. Nous ne rencontrerons guère sur notre route que des écrivains protestants, pour la raison bien simple que les catholiques, dont les travaux d’exégèse et d’introduction tiennent un rang si honorable, sont restés jusqu’ici presque étrangers aux études de théologie biblique.

I — Précis historique du paulinisme

I. Premiers essais d’exposition aystématique. — La première théologie de saint Paul est celle de 1623

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1Ô24

LÉONARD UsTERi (Entwickelung des paulin. Lehrbegriffes in seinem Verhaltnisse zur bibl. Dogmaiik des N. T. Zurich, 1824 ; 6* édit. en 1851) ; car les timides essais du protestant G. W. Meyer (Altona, 1801) et du catholique Gehhausbh (Landshut, 1816) ne méritent pas encore ce nora.UsTBRi divise sou travail en deux parties, correspondant aux deux périodes historiques dont l’avènement du Christ est le point de rencontre : temps d’ignorance et plénitude des temps. Cette division, suggérée par les huit premiers chapitres de l’Epilre aux Romains, se prête à des développements commodes ; mais elle a le grand défaut de reléguer à l’arrière-plan l’œuvre de la rédemption et la personne du Rédempteur et de mettre trop en relief l’état de l’humanité déchue, qui ne devrait être qu’une préface.

Pendant longtemps, les successeurs d’Usteri marchèrent dans la voie qu’il avait tracée. Ils prirent l’Epltre aux Romains pour base de leur exposition, comme si elle contenait la quintessence du paulinisme, et transformèrent la théologie de saint Paul en une sorte de philosophie de l’histoire. Du moins tàchèrent-ils de ramener à une idée fondamentale (GrM/idirfee) ce qu’ils appelaient le système doctrinal {Lehrhegriff) de l’Apôtre. Ce fut en général, à l’imitation de Neander, la justice de Dieu. Ainsi Dæhnb (Entivickhing des paulin. Lehrbegnffs, Halle, 1835), ScHMiD (Bibl. Théologie des N. T., Stuttgart, 1853) et Mbssxer (Die Lehre der Aposlel, Leipzig, 1856). — Van Oosterzbe (De Théologie des nieuen verbands, iSe’j, édit. allemande en 1869) copie purement et simplement la division d’Usteri. Reuss et Simar, surtout le dernier, s’en inspirent visiblement. Celuici voit l’idée fondamentale de la doctrine paulinienne dans Hom., i, 16, celui-là dans Hom., iii, 21-22 ; mais tandis que Reuss (Histoire de la théologie chrétienne au siècle apostolique ^, Strasbourg, 1864, t. IL p. 1-262) semble perdre complètement de vue sa division et aligne ses chapitres sans aucune suite apparente, Simar (Die Théologie des heiligen Paulus’^, Fribourg-en-B., 1883, i" édit. en 1864) s’y attache fidèlement et développe les quatre points suivants : I. Le besoin de rédemption pour tous les hommes ; 2.1a rédemption universelle dans le Christ ; 3. la rédemption subjective qustiûcation) ; 4. la consommation des choses. — Simar a eu le très grand mérite de donner l’exemple et de montrer le chemin aux catholiques ; mais son œuvre est moins une théologie qu’un inventaire et qu’un recueil de textes. Les caractères des ouvrages indiqués plus haut peuvent se résumer ainsi : a) L’authenticité des Epîtres de saint Paul est admise, parfois avec quelques doutes pour les Pastorales. — b) L’Epltre aux Romains est mise à la base de l’exposé doctrinal. —

c) L’enseignement paulinien est considéré comme une thèse ou une série de thèses (Lehrbegriff). —

d) La personne et l’œuvre du Rédempteur ne viennent qu’en seconde ligne et en fonction de la déchéance originelle. — e) La morale est généralement laissée de côté.

2. Le paulinisme de l’école de Tubingue. — -Baor (1792-1860) allait changer tout cela. Nommé en 1826 professeur de théologie historique, à l’université de Tubingue, il occupa ce poste jusqu’à sa mort et réunit autour de sa chaire un grand nombre d’élèves, dont quelques-uns devinrent illustres. En 1835, il publia une attaque contre l’authenticité des Pastorales qui passa longtemps pour décisive dans l’école libérale. A cette époque, il s’était détaché de Schleiermacher, dont il avait été d’abord l’admirateur fervent, pour devenir le disciple enthousiaste de Hegel. Au fond, il ne fit jamais qu’appliquer aux études historiques les principes de l’évolu tion hégélienne. Aux yeux de Hegel, hommes et faits sont peu de chose, les idées seules importent. Or l’histoire des idées n’est qu’un perpétuel recommencement. Thèse, antithèse, synthèse : telles sont les trois phases successives qui rythment fatalement la loi du progrès. A l’origine du christianisme, la thèse était la doctrine de Jésus et des premiers apôtres ; l’antithèse fut l’enseignement de saint Paul ; la synthèse sera la fusion opérée dans le courant du second siècle, grâce à des concessions mutuelles qui donnent naissance au catholicisme, c’est-à-dire à la doctrine commune de la grande Eglise. Le professeur de Tubingue crut avoir découvert à Corinthe les deux partis qui déchirèrent l’Eglise naissante : les pétriniens, judaïsantsébionites qui constituaient le parti de Pierre ou du Christ, et les pauliniens ou hellénistes qui formaient le parti de Paul et d’Apollos. Il retrouvait, en face les uns des autres, les mêmes adversaires dans l’Epltre aux Galates et en suivait la trace, jusqu’à la fin du deuxième siècle, dans le curieux roman des Homélies et des Récognitions Clémentines, Ainsi l’histoire du christianisme primitif se résume en un conflit d’idées dont les deux grands apôtres Pierre et Paul sont les représentants.

Les dogmes caractéristiques de l’école de Tubingue sont les suivants : <i) Date tardive assignée à tous les écrits du Nouveau Testament ; saxif, d’une part, les quatre grandes Epitres de saint Paul, les seules authentiques et, d’autre part, l’Apocalypse et l’Epltre de Jacques. Tous les autres sont postérieurs aux écrivains dont ils portent le nom ; l’esprit de conciliation qu’on remarque dans quelques-uns prouve qu’ils ne sont pas antérieurs au milieu du second siècle et le paulinisme qu’on voit dans plusieurs n’est qu’un paulinisme atténué. — b) Violente opposition entre Paul et les Douze et par conséquent entre Paul et Jésus, dont les Douze continuaient l’enseignement. — e) Inspiration hellénique de la théologie paulinienne, se manifestant surtout par le spiritualisme des idées et l’universalité du salut.

L’école de Tubingue ne survécut pas à son fondateur. On peut même dire qu’elle était morte avant lui. Zeller, Scqweglbr, KoESTLiN, dégoûtés de la théo logie et de l’exégèse qui ne leur avaient causé que des déboires, se tournèrent vers la philosophie et l’antiquité classique. Volkmar versa dans le radicalisme le plus absolu. Ritschl se fraya des voies nouvelles, insoupçonnées du maître. Hilgenfeld, Holsten, HoLTZMANN et Weizsæcker furent plus fidèles à l’esprit de Baur ; mais ils firent subir au Bvstème des modifications importantes, équivalant parfois à une transformation. Les idées des deux derniers, passées dans les manuels et les livres de vulgarisation, continuent à exercer une influence considérable.

3. Le paulinisme de l’école radicale hollandaise. — Pour Baur et ses adeptes, le paulinisme tenait tout entier dans les quatre grandes Epitres ; l’école ultra-radicale supprima cette base, pourtant si étroite, en déclarant apocryphes toutes les lettres sans exception. Brcno Bauer, Pierson et Nabeb avaient ouvert la voie par des négations partielles, mais les vrais chefs de l’école radicale sont Loman et VoELTER d’Amsterdam et Van Manbn de Leyde. En Hollande, ils ont été suivis par Matthes, Van LoON, Mbyboom, Bruins et quelques autres et ils ont même réussi à conquérir le suffrage de deux étrangers : R. Steck de Berne, et ^V. B. Smith, de la Nouvelle-Orléans. Ces critiques font ouvertement profession de continuer l’œuvre de Tubingue ; ils espèrent a agrandir leur horizon en montant sur les épaules de Baur et de ses disciples ». Cf. l’article Paul par Van Manen, n »  » 33-5 1, dans VEncyclop. 1625

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Biblica, t. III, col. Sôao-S^. Voici comment ils rai-, sonnent. j

A) Les partisans de Baur disaient que les Actes i ne méritent aucune créance ; mais c’est ce qu’il faudrait prouver. Au contraire, s’il y a quelque part des récits tendancieux, c’est plutôt dans les lettres attribuées à Paul. D’ailleurs on ne trouve ni dans saint Justin, ni dans le Pasteur d’Hermas, ni dans la Didachè, ni dans VEpitre de Barnabe aucune mention des prétendues lettres pauliniennes ; les preuiiers à témoigner de leur existence sont Marcion et les gnostiques. — Pour comprendre cette stupéfiante argumentation, il faut savoir que les critiques ultra-radicaux nient, contre toute évidence, les allusions et les emprunts de saint Justin à saint Paul, et qu’ils sont maintenant les seuls à déclarer apocryphes la lettre de Clément de Rome et celles de saint Ignace.

B) Les théologiens de Tubingue s’autorisaient des différences de style et de doctrine pour séparer les lettres authentiques des lettres apocryphes ; mais ce triage est sans fondement, car il y a plus de différence entre l’Epître aux Galales, par exemple, et la première aux Corinthiens qu’entre celle-ci et n’importe laquelle des lettres rejelées comme inauthentiques. Bien plus, ces différences de diction et d’idées se remarquent souvent entre les diverses parties d’iine même lettre. — On le voit, l’argument ad homineiii est sans réplique ; mais il frappe les Tubinguiens et non les cliampions de l’authenticité.

C) La doctrine des lettres de Paul est une sorte de gnose chrétienne ; Jésus n’y paraît plus comme un homme, mais comme un Dieu, ou du moins comme le Fils de Dieu. L’Eglise est sortie de ses limbes, elle est organisée, persécutée, divisée en sectes ; on y agite d’étranges problèmes : les rapports de la Loi et de l’Evangile, la justification par la foi ou par les œuvres, le mariage et le célibat, la valeur de la circoncision et autres semblables. Est-il possible d’imaginer cela dans la première génération qui suivit la mort de Jésus ? Ce développement doctrinal réclame un temps considérable et il est absolument inadmissible que le paulinisme, tel qu’il ressort des Epltres dites pauliniennes, soit né du vivant de saint Paul. — Ces raisons toutes subjectives n’ont de poids que sur des esprits aveuglés par le préjugé rationaliste. Et beaucoup de rationalistes conviennent franchement qu’elles n’ont aucune valeur.

De saint Paul lui-même, au dire des critiques ultra-radicaux, nous ne savons presque rien. On peut admettre qu’il est né à Tarse, vers le début de l’ère chrétienne, qu’il a voyagé beaucoup, en Syrie, en Asie Mineure, en Grèce, en Italie. Peut-être l’habitude de vivre au milieu des Juifs hellénistes avait-elle relâché la rigueur de son pharisaïsme, mais il doit être resté attaché à la Loi mosaïque, comme les autres apôtres. Il n’est donc pas l’auteur du système appelé de son nom. Mais alors, où est né le paulinisme ? Probablement à Anlioche de Syrie ; peut-être en Asie Mineure ; en tout cas, pas en Palestine. Le paulinisme est la doctrine tardive d’une école ou d’un cercle de chrétiens progressistes qui voulut placer son programme sous l’égide de Paul, pour lui ménager un meilleur accueil. Pourquoi de Paul plutôt que d’un autre ? Parce que les Actes de Paul, dont Luc s’est inspiré pour composer son livre, le donnaient sans doute pour un réformateur qui avait commencé à émanciper le christianisme du joug de la Loi.

On ne s’étonnera pas que ces paradoxes soient restés confinés dans leur pays d’origine. Les écrivains rationalistes, en France, en Angleterre et en Allemagne, ne leur font pas généralement l’honneur

de les réfuter. L’absurde peut atteindre un point où il ne provoque plus la contradiction. Seuls les derniers tenants de Tubingue ont cru devoir protester contre les incartades de ces auxiliaires compromettants.

4- Conception actuelle du paulinisme. — Les exagérations des Tubinguiens et les extravagances des critiques radicaux ont eu en somme un heureux effet. Une réaction, progressive et raisonnée, nous a rapprochés des vues traditionnelles, tout en nous débarrassant de certaines théories désuètes qui étaient un poids mort plutôt qu’un secours. Quatre résultats sont à signaler.

A) Questions d’authenticité. — Le dogme des quatre grandes Epitres, seules authentiques, n’est plus guère qu’un souvenir. Les derniers tenants de l’école de Tubingue admettent l’authenticité de l’Epître aux Philippiens, de la première aux Thessaloniciens et du billet à Philémon. Malgré Holtz-MANN (Kritik der Eplieser-und Kolosserhriefe, etc. Leipzig, 1872), qui regarde l’Epître aux Ephésiens comme apocryphe et l’Epître aux Colossieus comme authentique seulement pour le fond, on se rallie de plus en plus à la thèse de l’authenticité des deux Epltres, surtout de la dernière. Cf. Coppieters, Les récentes attaques contre l’épître aux Ephésiens, dans la Revue biblique, 1912, p. Sôi-Sgo. On peut dire qu’à l’heure actuelle le seul doute sérieux concerne les Pastorales. Et encore ici la thèse favorable à l’authenticité regagne tous les jours du terrain. Voir notre Théologie de saint PauP, Paris, 1920, p. 387-898 et note J, p. 544-551.

B) Présentation de la doctrine. — Autrefois on se préoccupait beaucoup d’établir un Lehrbegriff, c’est-à-dire de faire converger tout l’enseignement de saint Paul autour d’une idée centrale. Un danger trop réel était de mettre entre les doctrines des rapports imaginaires, d’inventer des points de raccord, d’altérer les proportions et de fausser les perspectives, d’écarter enfin de l’exposé systématique tout ce qui n’entrait pas naturellement dans un cadre fixé d’avance. — Immrr et B. Wkiss distinguèrent dans la prédication de l’Apôtre quatre phases, répondant aux quatre groupes d’Epîtres : Thessalooiciens, grandes lettres, lettres de la captivité, Pastorales. A ce sectionnement, il y a deux inconvénients. D’abord il oblige à repasser plusieurs fois sur les mêmes idées, ce qui entraîne d’inévitables redites. De plus, si la séparation est étanche entre les divers groupes, l’exposé doctrinal de chaque section sera incomplet et diminué. Si l’on fait abstraction des lettres de la captivité, que devient la christologie des grandes Epltres ? Et l’eschatologie des Epltres aux Thessaloniciens est-elle bien intelligible sans le surcroît de lumière que projettent les deux Epitres aux Corinthiens ? — Anjounrhui l’on se préoccupe moins de tout ramener à l’unité absolue, mois sans admettre 3hez un penseur tel que saint Paul des doctrines disparates et contradictoires. Si elles ne forment pas un système, elles doivent former un tout. Il est bon d’en montrer la cohésion et l’harmonie.

C) La /ikysionomie de Paul. — Les docteurs hégéliens de Tubingue se désintéressaient des faits et des personnes. Dans le Paulus de Baur, la vie de Paul était rejelée en appendice. On a maintenant compris, même en Allemagne, que les faits éclairent les idées, autant que les idées éclairent les faits. De là le grand nombre de biographies et de monographies parues en ces derniers temps : C. Clbme.n, Paulus. Sein Leben nnd Wirken.i vol. 1904 ; C. MuNziGEB, Paulus in Korinth, igo8 ; H. Bûkulig, Die Geisteskaltur von Tarsus im au^usteischen /.eilalter mit Beriicksichtigung der paulin. Schriften, 191Π; 1627

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B. Weiss, Paulus und seine Gemeinden, igii, etc. Les deux hommes qui se sont le plus efforcés de resUluer la vraie physionomie de l’Apôtre, en la replaçant dans son triple cadre, linguistique, géographique et archéologique, sont Dbissmann(/' « (fins. £ine kiiltur- und religiun^geich. Skizze, Tubingue, 191 i) et W. Ramsay, en ses nombreux ouvrages dont le dernier a pour titre The bearing of récent discovery on the iiusUKoithiiiess of tlie N. T.*, Londres, 1920. — En même temps la morale de Paul, trop négligée jusqu’ici, est l’objet de travaux sérieux : K. Bknz (cathol.). Die Etink des Apostels Paulus, Fribourg-en-B., 1912, et Junckhb, Die Etliik des Apostels Paulus, Halle, 1'" partie, igo4, 2* partie, 1919. Autant d’heureux symptômes.

D) Maie le gain le plus important sans comparaison est la reconnaissance maintenant générale des deux faits suivants : a) Le paulinisme n’est pas un simple produit de l’hellénisme. Il y entre d’autres éléments : l’influence des livres prophétiques et sapientiaux, le judaïsme contemporain, l’inspiration personnelle, l’enseignement de Jésus et des premiers apôtres. Schweitzer (Paulin. Forschung, p. 186) va jusqu'à dire que « le paulinisme et l’hellénisme ont bien la même langue religieuse, mais n’ont rien de plus en commun » et que par conséquent « l’Apôtre n’a pas hellénisé le christianisme ». — h) On ne croit plus que les notions pauliniennes de justice, de vie, de grâce, de gloire, etc. soient seulement des abstractions et des symboles. On reconnaît la valeur sacramentelle du baptême et de l’eucharistie. On commence à s’apereevoirque chez Paul la religion et la théologie ne sont pas choses distinctes. Il reste d’autres erreurs, mais c’est tout de même un progrès.

5. Les éléments primordiaux de la théologie de saint Paul- — On peut les obtenir par un moyen tout empirique, en organisant une sorte de référendum entre les auteurs qui traitent de la doctrine du grand Apôtre. On est surpris de constater que, malgré la diversité des écoles et des tendances, ils abordent tous à peu près les mêmes questions, formulées presquedans les mêmes ternies.Choisissons-enquatre, qui partent de points de vue très différents, Holtz-MANN, BiiVscHLAG, Strvkns et Fkinb. Holtzmanu (l.ehrbuch der neutest. Théologie, Leipzig, 189^, t. II, p. 1-226) divise ainsi sa matière : 1. Anthropologie. 2. Loi. 3. Péché. 4. Conversion. 5. Christologie. 6. Réconciliation. 7. Justilication. 8. Morale. 9. Mystères (Eglise, baptême, eucharistie). 10. Eschatologie. Suit un chapitre sur le deutéropaulinisme de l’Epître aux Ephésiens, des Pastorales, de l’Epitre aux Hébreux, des Epitres catholiques. — Beyschlag (^Neutestam. Théologie-, Halle, 18y6, t. II, p. 1-286) préfère cette distribution : i. Chair et esprit. 2. Adam et le Christ. 3. Dieu et le monde. 4. Rédemption {Heilsstiftiing). 5. Jus.ûca.on iHeilsurJnung). 6. Vie dans l’esprit (morale). 7, Communauté chrétienne. 8. Consommation. Les Pastorales sont étudiées à part. — Stevens (Tlie Pauline Theology'^, New-York, 1906) : I. Dieu. 2. Le péché. 3. La Loi. 4. Le Christ. 5. La rédemption. 6. La justification. ;. La vie chrétienne. 8. L’Eglise. 9. Eschatologie. — Feine (r/ieologie de » IV. 7"., Leipzig, 1910, p. 230-548) : i. Origine du péché, a. La Loi. 3. L’Ecriture. 4. Dieu. 5 Le Christ. 6. La mort et la résurrection de Jésus. '}. La justification. 8. Le Saint-Esprit. 9. Eschatologie. 10. Morale. 11. Eglise et sacrements. 12. Pastorales. Un moyen encore plus sûr est de consulter Paul lui-même. Il suflit d’ouvrir ses lettres pour constater que le Christ est le centre de sa pensée. Tout converge de ce côté ; tout part de là et tout y ramène. Le Christ est le principe, le milieu et le terme de tout. Dans l’ordre naturel, comme dans l’ordre surnaturel,

tout est en lui, tout est par lai, tout est pour lui. La plus simple opération d’arithmétique nous confirme dans cette impression. L’Epitre aux Hébreux mise à part, le nom de Jésus revient environ deux cent vingt fois sous sa plume ; le nom de Seigneur, deux cent quatre-vingts fois ; le nom de Christ, près de quatre cents fois. S’il inscrit l’un des noms du Sauveur presque à chaque ligne de ses lettres, c’est qu’il dirige tout vers ce point de mire de ses pensées et de ses adorations. Toute tentative de comprendre un passage quelconque, abstraction faite de la personne de Jésus-Christ, aboutirait à un échec certain.

Mais sous quel aspect envisage-t-il la personne du Christ ? Ici le doute n est pas possible ; c’est en qualité de Sauveur et de Rédempteur. La théologie de saint Paul est essentiellement une sotériologie, une doctrine du salut par le Christ. Il suffirait pour s’en convaincre d’examiner les quatre points les plus caractéristiques peut-être de la prédication de l’Apôtre : a) Ce qu’il appelle son évangile, l'évangile de l’incirconcision, l'évangile qu’il prêche parmi leg Gentils, Jiom., xvi, 25 ; I Cor., xv, i ; Gal., i, ii ; ii, a7, etc. — l>) Ce qu’il appelle le Mystère, Eph., i, 9 ; III, 3, 4.9 ; Col., I, 26-27 ; ^om., XVI, 26, etc. — c) La formule in Christo Jesu, ou autre semblable, qui revient plus de cent soixante fois dans ses lettres. — d) La communication d’idiomes qui existe entre le Christ et les chrétiens et qui s’exprime par ces mots composés commori, conregnare (Il Tim., 11, ii-ia), compati, conglori fleuri (Rom., viii, 17), conresuscitare, convivificare, consedere facere (Eph., ii, 5-6) ; coheres, comparticeps, cnncorporalis (Eph., iii, 6), etc.

— Tout cela nous montre que, dans les vues de Dieu, la rédemption doit s’accomplir non seulement par le Christ, mais aussi dans le Christ, comme représentant des hommes et chef des élus.

Pour embrasser, comme en un vaste panorama, tout l’ensemble de la théologie paulinienne, il faut s'établir au Calvaire et contempler le drame de notre salut en jetant un double coup d'œil derrière nous, sur l’histoire du monde racheté, et devant nous, sur les fruits de la rédemption. Dans le passé, nous voyons la déchéance du genre humain, la faute originelle qui entraîne sur nous la mort, le péché et la malédiction ; mais nous voyons en même temps Dieu, dont la providence paternelle ne se lasse point, qui se prépare à exécuter ses desseins de miséricorde, conçus dès l'éternité. En face de la croix du Sauveur, nous sommes au centre même de la doctrine et nous pouvons considérer le Christ dans sa personne, dans son œuvre rédemptrice et dans l’instrument de la rédemption. Dans sa personne, il nous apparaît d’abord au sein de Dieu, image et premier-né du Père, cause efficiente, exemplaire et Onale de toutes les créatures ; puis sous la forme d’un esclave, pauvre et souffrant, en tout semblable à nous hormis le péché ; enOn exalté au-dessus des anges et inaugurant aux deux son règne de gloire. Son acte rédempteur comprend trois choses : la mission rédemptrice qui le qualifie pour agir et souffrir au nom de l’humanité coupable ; la mort rédemptrice qui abolit la sentence de mort portée contre nous ; la réconciliation qui rétablit les relations normales entre le ciel et la terre, entre l’homme et Dieu. Le moyen mis en œuvre consiste en ceci que le Christ se survit et se perpétue dans l’Eglise, qui est son corps mystique, et dans les sacrements, qui sont pour l’Eglise et chacun de ses membres les canaux de la grâce. Il ne reste plus à contempler que les fruits de la rédemption ; en ce monde, la vie de sainteté que le don du Saint-Esprit confère ; dans l’autre, la vie glorieuse qui en est l’aboutissement naturel. 1629

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L’économie de la rédemption se déroule ainsi, dans le passé, dans le présent et dans l’avenir, en un tableau (grandiose dont les perspectives ne manquent pas d’harmonie. On pourrait, couiræ le font la plupart des auteurs, donner à cet exposé la l’orme antithétique : Adam et le Christ, le siècle présent et le siècle futur, la cliair et l’esprit, le péché et la g-ràce, la promesse et l’Evangile, la Loi et la foi, etc. Mais la forme constructive est préférable ; car elle évite de forcer les contrastes et elle laisse à l’idée centrale sa place d’honneur.

Une théologie de saint Paul offrirait donc le schéma suivant :

L Préhistoire de la rédemption.

I. L’humanité sans le Christ. — 2. L’initiative du Père.

IL Le fait db la bkdbmption.

I. La personne du ItéJein pleur.

a) Le Christ préexistant. — b) Jésus-Christ, a. L’œut’re de ta rédemption.

a) La mission rédemptrice. — t) La mort rédemptrice. — c) La réconciliation. 3. L’instrument de la rédemption.

a) La foi. — b) Les sacrements — c) L’Eglise. III. Les fruits de la rédemption.

i. La vie chrétienne. — 2. Les fins dernières.

IL

Paul et Jésus

I. Paul opposé à Jésus. —Dès 1869, Kenan écrivait (Saint Paul, p. 569-670) : « Après avoir été depuis trois cents ans le docteur chrétien par excellence, Paul voit de nos jours linir son règne ; Jésus, au contraire, est plus vivant que jamais. Ce n’est plus l’Epîlre aux Rouiains qui est le résumé du christianisme, c’est le Discours sur la montagne. Le vrai christianisme, qui durera éternellement, vient des Evangiles, non des Epilres de Paul. Les écrits de Paul ont été un danger et un écueil, la cause des principaux défauts de la théologie chrétienne ; Paul est le père du subtil Augustin, de l’aride Thomas d’Aquin, du sombre calviniste, de l’acariâtre janséniste, de la théologie féroce qui damne et prédestine à la damnation. Jésus est le père de tous ceux qui cherchent dans les rêves de l’idéal le repos de leurs âmes. » La thèse du prétendu antagonisme entre Paul et Jésus n’a pas cessé d’être un dogme dans certaines écoles rationalistes. Pour beaucoup de critiques, Paul reste le créateur de la théologie, le fondateur de l’Eglise, le propagateur de l’ascétisme, le promoteur des sacrements, l’adversaire résolu de tout ce qu’il y a de libre, de spontané, de vivant et de viviliant dans la religion individuelle, qui serait la véritable religion de Jésus.

De ce chef, Nietzsche le surhomme, Paul de Lagarde le critique mystique et ce pauvre abbé Loisv, ont voué à Paul une sorte de haine personnelle. L’Allemand Bokttichiîr, qui se faisait appeler Paul de La ;  ;  ; arde, traite l’.Apôlre de fanatique, d’halluciné, d’esprit mal fait, qui « nous a gratiliés de l’exégèse pharisaïque » et dont l’inlluence néfaste a ruiné l’Evangile autant que cela était possible (Deutsche Schriften, Gœtlingue, 1886, p. 70). Nietzsche (Morgenrothe’, Leipzig, 1887, p. 64 68) appelle Paul un ambitieux et un intrigant, un roué et un superstitieux, qui aurait détruit le christianisme depuis longtemps, si on l’avait compris ou si seulement on l’avait lu d’un esprit libre et honnête. Selon M. Loisv, Paul voit faux et résonne faux : u Ce qu’il dit n’est consistant que pour lui (l.’Epitre aux Galatea, Paris, 191 6, p. i^O ; toute sa discussion n’est que mirage fantastiijue et jeux de mots (p. 142). Il a

poussé jusqu’aux dernières limites le génie du contresens (p. 45) ; il invente la philosophie et la psychologie qui conviennent aux besoins de sa thèse (p. 15y). » Pour comprendre ce phénomène d’aberration intellectuelle, il faut se souvenir que « la mentalité de Paul n’est pas celle de l’homme cultivé ; c’est celle du primitif dominé par ses impressions qui prend pour des réalités les images qui se heurtent dans son cerveau (p. 161) ».

D’autres critiques contemporains, par ailleurs assez modérés, sont franchement hostiles à Paul. Cette hostilité plus ou moins ouverte a provoqué, en Allemagne et en Angleterre, un mouvement religieux qui se traduit par le mot de passe : /.aisio/fs-/ ;  ; l’aul, revenons à Jésus ! ou autres formules semblables. En Angleterre la formule abrégée Back lit Christ ! marque moins clairement l’hostilité contre Paul.

La question des rapports entre Paul et Jésus est supprimée par deux catégories de critiques radicaux : ceux qui rejettent l’authenticité de toutes les épîtres de Paul et ceux qui nient l’existence historique de Jésus.

Personne, à notre connaissance, n’a relégué dans le domaine des fables l’existence de Paul ; mais l’école hollandaise, comme nous l’avons dit plus haut, soutient que nous ne savons à peu près rien de son histoire et absolument rien de sa doctrine, parce que toutes les lettres qui portent son nom lui sont étrangères et datent d’une époque beaucoup plus récente. En revanche, un certain nombre d’amateurs ne voient en Jésus qu’un être lictif, la personnification d’une idée ou d’un mythe. Cette thèse paradoxale, émise successivement par Bruno Bauer, Kalthoff, Conybeare, W. B. Smith, J. Robertson et l’orientaliste Jensen, qui fait de Jésus une transposition du héros babylonien Gilgamesh, commence, parait-il, à émouvoir les esprits, dans la docle Allemagne, depuis l’apparition du livre populaire de Drkws : Hat Jésus geleht ? lieden gehalten auf dem Berliner Heligiansgespràck des deutschen Monistenhundes iiher die Christusmythe. Berlin, 19 10 (traduit en français). VoirFiLLioN, les étapes du rationalisme dans ses attaques contre les Evangiles et ta vie de J. C. Paris. 191 1, et cinq articles du même auteur intitulés Paul ou Jésus ? dans la lievue du Clergé français, jgi 2. Pour l’honneur de l’esprit humain, il nous est impossible d’accorder la moindre attention à ces rêveries de cerveaux malades.

3. Attitude de Paul â l’égard de l’histoire évangélique. — Posons d’abord la question préjudicielle. Est-il possil)le, est-il concevable que Paul ait ignoré les principales circonstances de la vie terrestre de Jésus ? Converti presque au lendemain de la résurrection, au moment où le souvenir du Maître était si vivant, il n’aurait rien appris, rien demandé sur un sujet de Cette importance ! Ananie et les chrétiens de Damns, avec lesquels il vécut à deux reprises, avant et après son voyage en Arabie {Ad., IX, 10. 2^), ne lui auraient rien dit ? De quoi put il donc s’entretenir avec Pierre et Jacques, chez lesquels il passa quinze jours, trois ans après sa conversion (Gal., i, 18-19) ? P>>"’demeura continuellement en contact avec les disciples immédiats de Jésus. Barnabe fut son collaborateur à Antioche {Act., XI. 26), àChypre et en Asie Mineure (.-(c^, xiii, 4-xv, 3g). Silas l’accompagna pendant la seconde mission, qui ne dura pas moins de trois ans (Act., XV, 40). Philippe fut son hôte à Césarés, probablement plus d’une fois (Act., xxi, 8). L’ApÔlre passa une grande partie de sa vie dans l’intimité des historiens de Jésus. Marc fut l’associé de ses premières courses apostoliques (Act., xiii, 5), le compagnon de sa captivité (Co/., IV, u) et peut-être le témoin de ses 1631

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derniers jours (II Tint., iv, ii). Luc resta toujours à côté de Paul prisonnier (Col., iv, 14 ; U Tim., iv, 1 1) et c’est auprès de lui qu’il composa son Evangile. Jamais homme fut-il mieux placé que Paul pour connaître, à fond et dans le détail, les paroles et les actes du Sauveur ?

Mais, dit-on, il s’en désintéresse. Son Christ n’est pas le Christ de l’histoire ; c’est le Christ mort et ressuscité, le Christ glorieux siégeant à la droite du Père, prêta revenir sur les nuées du ciel pour introduire les siens dans son royaume. Lui-même n’en fait-il pas l’aveu quand il écrit : « Désormais nous ne connaissons personne selon la chair ; même si nous avonsconnu le Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus » delà sorte (II Cor., v, 1 6). Arguer d’un texte aussi obscur, que chacun interprète à sa guise, n’est pas d’une lionne méthode. Mais passons. Le point capital est de savoir si la condition (îi' xv-l iymxy.ii.sv, si même nous avons connu) est réelle ou irréelle ; en d’autres termes, si Paul part d’un fait, concédé comme véritable, pour écarter un malentendu, ou s’il fait vme supposition imaginaire, pouvant fournir une conclusion a fortiori. D’après les meilleurs exégètes, la première alternative ne donne aucun sens acceptable, car elle revient à dire :

« Si autrefois nous avons méconnu le Christ, maintenant nous ne le méconnaissons pas. » Or le contexte annonce quelque chose d’inattendu, de paradoxal en apparence, au lieu d’un truisme. L’hjpotlièse

est donc irréelle. Ce n’est même pas, à proprement parler, une phrase conditionnelle, mais vine supposition faite arguendi causa. Le contexte donne à cette incise énigmatique un sens assez clair. Mort dans le Christ, le chrétien est un élre nouveau (II Cor., v, l’j), tenu de revêtir d’autres pensées, d’autres sentiments, d’autres affections, d’autres aspirations. Il ne doit plus connaître personne selon la chair. Même s’il avait connu le Christ selon la chair, il ne doit plus le connaître ainsi. Que l’expression selon la chair qualifie le sujet connaissant ou l’objet connu, cela n’importe guère ; puisque, de toute façon, leur relation mutuelle est changée par l’effet de la mort mystique du chrétien dans le Christ et qu’ainsi le mode de connaissance est lui-même modilié. Ce texte prouve bien que Paul converti a sur toutes choses des idées plus spirituelles, plus surnaturelles, mais non pas qu’il se désintéresse de la vie terrestre du Christ.

3. Paul et le Christ historique. — Certains critiques radicaux avancent hautement et plusieurs manuels de vulgarisation répètent avec assurance que Paul ne dit presque rien de Jésus, qu’il ne sait presque rien de Jésus. Pour apprécier le bien ou le mal fondé de ces assertions, ouvrons les Epîtres et relevons les traits qui concernent la vie du Christ. Avant de venir sur la terre, il préexistait dans la forme de Dieu (^Pliil., ii, 6), il possédait toutes les richesses du ciel (II Cor., ii, g). Au terme des préparations providentielles et au temps marqué par les décrets divins, il est envoyé par son Père pour accomplir son œuvre de salut (t^d/., iv, 4 ; I Cor., X, II ; Ilom., iii, 25-26 ; v, j). Jésus est la gloire du peuple hébreu (Rom., ix, 5), le descendant d'.braham (Gal., iii, 16), le fils de David (Rom., i, 3 ; XV, 12 ; Il Tim., ii, 8). Il naît d’une femme, sous le régime de la Loi (Gal., iv, fi), il vit au milieu des Juifs (Rom., xv, 8 ; I Ihess., ii, 15) et c’est Jérusalem qui est le centre de son Eglise (Gai, i, i-j ; Rvin., XV, 19-27). Il est vraiment homme, en tout semblable à nous (Rom., v, 15 ; I Cor., xv, 21-22 ; I Tim., ji, 5), hormis le péché (U Cor., v, 21). Il a des frères (I Cor., ix, 5), dont l’un, Jacques, tst expressément nommé (Gal., i, 19 ; f. 11, 9). Pour

collaborer à son œuvre et la continuer, il s’entoure d’apôtres (I Cor., ix, 5. 14 ; xv, 7.9), au nombre de douze (I Cor., xv, 5), dont trois, Céphas-Pierre, Jacques et Jean, sont mentionnés par leur nom (Gal., I, 18-19 ; "' 9)i nisis Pierre occupe parmi eux un rang hors de pair (I Cor., ix, 5). Jésus donne à ses apôtres l’ordre de prêcher l’Evangile et le droit de vivre de l’autel (I Cor., ix, 15), avec le pouvoir d’opérer des miracles (II Cor., xii, 19 ; cf. Rom., XV, ig). Après avoir mené sur la terre une vie de pauvreté (II Cor., viii, 9), de sujétion (Phil., 11, 8), d’obéissance (Rom., v, 16-19) et de sainteté (7?o ; /i., 1, 4), il se livre volontairement à ses ennemis (Gnl.,

I, 4 ; II, 20), aux Juifs qui le mettent à mort (1 Thexs., u, 19). L’institution de l’eucharistie estracontéeavec plus de précision que dans lesEvangiles (I Cor., xi, a3-26). Paul mentionne spécialement la trahison de cette nH » ( tragique, qui rappelle le sinistre nox erat de saint Jean (xiii, 30). Si la passion est décrite en traits généraux (I Cor., i, i^-îS ; P/n7., 111, 10), nous savons que l’Apôtre en faisait de vive voix aux catéchumènes une saisissante peinture (Gal., iii, i). U nous parle souvent de la croix (I Cor., 11, a ; Phil, ,

II, 8 etc.), du sang (Rom., iii, 25, etc.) et même des clous C’ol., 11, la). Les bourreaux de Jésus sont les Juifs (I Thess., 11, 15) et les princes de ce monde (Eph., 1, 7 ; 11 13). La passion a lieu vers la Pàque, au temps des azymes (I 6'or., v, 6-8), sous PoncePilate (1 Tim., vi, 3). La sépulture n’est pas oubliée (I Cor., XV, 4) parce qu’elle donne au baptême sa valeur figurative (/l’om., VI, 4 ; Col., II, 12). Mais Paul insiste davantage sur la résurrection au troisième jour (I Cor., xv, 4) et sur les diversesapparilions du ressuscité (I Cor., xv, 5-'j). Jésus-Christ est monté au ciel (F.plt., IV, 8-10), il est assis à la droite du Père (Eph., I, 20 ; II, 6), il reviendra juger les vivants et les morls(I Thess., 1, 10 ; iv, 16 ; II Thess., , '] ; Phil., m, 20).

Tel est le tableau sommaire que Paul nous trace lie Jésus. C’est plus qu’une esquisse ; c’est un portrait ressemblant et un dessin aux lignes fermes, que les cvangélistes pourront compléter mais sans en modifier l’expression.

Ce n’est pas tout : après les actes, les paroles ; après la physionomie du Maître, le précis de son enseignement.

Paul nous a seul transmis un motde Jésus quiprésente tous les carætèresd’authenticité (Ad., xx, 35 : Oportet suscipere infirmas ac meminisse verhi Ihimini Ji’su : 'ieatius est miii^is dare quam accipere).U reproduit les paroles de la Cène plus complètement que les évangélistes eux-mêmes, si l’onexcepte peutêtre saint Luc (I 6'or., xi, 24-26). En parlant du mariage (I Cor., vii, 10-11), il se réfère à l’enseignement du Christ, tel qu’on le trouve en saint Mathieu (xix, 3- 12) et en saint Marc (x, 212) et le dislingue expressément de ses propres préceptes (I Cor., vii, 10-12 cf : præcipio, non ego sed Dominas,.. Ego dico, non Dominas). Quand il proclame le droit qu’a l’ouvrier évangélique de vivre de l’Evangile (I Cor, , IX, 14 : Dominas ordinas’ii iis, qui Et’angeliiim annuntiant de Evangelio t’itère), on pense irrésistiblement aux dispositions prises par Jésus en faveur des hérauts de la foi (l.uc., ix, 7) et cette impression > se change en certitude en lisant dans saint Paul (I '/'('m., V, 18) la parole textuelle reproduite par saint Luc : Digniis est operarins mercede sua. Le sens le plus naturel est certainement de prendre la parole du.Seigneur (1 Thess., iv, 15 ; Hoc vobis dicimus in l’erbo Domini) non pas pour une voix intérieure, , mais pour une parole réellement prononcée par Jésus I au cours de sa vie mortelle.

L’Apôtre ne songe à légiférer en son propre nom 1633

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que lorsqu’il n’a point d’ordre du Seigneur (1 Cor., VII, 33 : /lei’irffinibus præceptunt Domini non lialieo). Partout ailleurs il en appelle à la loi du Glirist qu’il suppose connue de ses néophytes (Gal., vr, a : Aller allerias uriera portate et sic aitimptehitis legem Christi ; cf. Mat., xx, 26-38, etc.), loi qui l’oblige lui-même aussi bien que les simples Udèles (1 Cor., ix, ai :

iToû). La règle morale qu’il inculque aux catéehumènesn’esl pasde lui, maisde Jésus-Christ (I Thess., IV, 1-2 : Scitts quæ præcepta dederim vobis per Dominum Jesitm, o.-à-d. au nom du Seigneur Jésus et par son autorité). Y contrevenir serait manquer aux ordres du Maître (1 Tint., vi, 3 ; I Cor., iv, l’j, etc.). Ceci nous donne la clef de deux locutions énigraatiques apprendre le Christ el enseigner le Christ (Eph., IV, 20-21 ; Col., ii, 6-7). Les lidèles, attentifs à la prédication morale desapôtres, apprennent le Christ, non seulement dans ce qu’il a fait, mais dans ce qu’il enseigne et dans ce qu’il ordi>nne.

Pour contrôler et compléter cette revue rapide, il faudrait prendre quelques termes de comparaison, par exemple le Sermon sur la Montagne (l/at., vvii )oule Discours eschalologique(.V/rt/., xxiv ; il/arc, XIV ; Lac, xxi). Ici les nombreuses similitudes de fond et de forme sautent aux yeux et remontent évidemment à la même source. Le fait est si palpable qu’aucun critique sensé ne le contestera. Cf. pour l’eschatologie, notre Théologie de saint Paul, t. I, 1920, p. 87-88, 94.

Mais il est d’autant plus inutile de poursuivre notre enquête qu’elle n’a point de raison d’être. Le reproche fait à saint Paul d’utiliser si peu les actes et les paroles de Jésus porte à faux. S il était fondé, il atteindrait au même titre et encore à un degré supérieur tous les autres écrivains du Nouveau Testament, en dehors des évangélistes qui ont précisément pour but de raconter la vie du Sauveur. Proportions gardées, il n’y a pas dans ces auteurs plus d’allusions à l’existence terrestre de Jésus ; on peut même affirmer qu’il y en a moins. La question change donc complètement d’aspect. S’il reste une diUlculté, ce n’est pas saint Paul qu’elle concerne en particulier ; elle réclame une réponse générale. _ DIra-t-on que l’auteur des Actes qui, sans conteste, est aussi l’auteur du troisième Evangile, ne connaissait pas la vie de Jésus ? Cependant il est très sobre d’allusions, sauf dans le premier chapitre qui n’est qu’une continuation de l’Evangile. Il rapporte une seule parole de Jésus et, chose remarquable, il la met dans la bouche de Paul(^cf., xx, 35). Comme l’a dit très bien Harnack (.Veue Untersnchungen zur Apostelgeschichte, etc., 191 1, p. 81) : « Si nous ne connaissions de cet auteur que les Actes et pas l’Evangile, nous porterions sans doute sur lui le jugement suivant : cet homme ne sait rien de l’histoire évanjélique ; surtout il ignore absolument la tradition synoptique, puisque le seul mot de Jésus qu’il ait onservé ne se trouve pas dans cette source. » Conîlusion absurde ; maisraisonnement identique à celui jjue nous réfutons.

. Encore un évangéliste, le quatrième. Que ce soit iaint Jean ou non, peu importe pour le moment. Il îst certainement l’auteur de l’Epilre qui sert comme le préface à l’Evangile ; et il s’y donne expressément

! 0 ! ume témoin oculaire et auriculaire (I Joan., 1, i-5).

3r, que nous apprend-il sur Jésus ? Il mentionne en lassant son incarnation (iv, a), sa sainteté (m, 3), ion amour (m, 16), ses préceptes (m, 22). Il fait leut-être allusion au baptême (n, 27). Et c’est tout. ^’Apocalypse n’est pas plus riche en détails précis, i part l’allusion aux douze apôtres (.//)0c., xxi, ll^), îlle signale seulement la descendance du sang de

Tome III.

JudætdeDavid(v, 5 ; xxii, 6), le cruciflement à Jérusalem (xi. 8), la mort et la résurrection.

La Prima Pelri et l’Epitre aux Hébreux peuvent soutenir le parallèle avec les lettres paulinleunes pour l’intérêt porté à la vie du Christ. Nous remarquons dans la dernière la prédilection pour le nom de Jésus (neuf fois sans article) ; mais ni l’une ni l’autre ne nous donnent, proportions gardées, plus de renseignements que Paul. Quant à l’Epitre de Jude et à celle de Jacques, frère du Seigneur, ce sont justement les plus pauvres sur le point qui nous occupe. Celle-ci ne contient rien, celle-là presque rien sur la vie terrestre de Jésus.

Prenez maintenant les Pères apostoliques. Examinez VEpître à Dingnète, les Epitres de Clément, de Barnabe, d’Ignace et de Polyearpe, le Pasteur d’Hermas, la Doctrine des apôtres. Ces écrits mis ensemble dépassent en longueur les lettres de saint Paul. Ils contiennent cependant beaucoup moins d’allusions expresses au passage de Jésus surla terre. On n’en attendait peut-être pas beaucoup du Pasteur d’HBRMAS, mais il y en a moins encore qu’on n’en attendait. Si saint Ignace a constamment sous la plume le nom de Jésus-Christ, c’est presque uniquement dansles formules/n Jesu Chrislo, in nomineJe » u, et quand il représente le Christ comme un principe d’unité(J</ Stnyrn., viii, 2 : C’bi fuerit Christas Jésus, ihi catholica est ecclesia). L’Epitre à Diognéte ne nomme même pas Jésus-Christ. Saint Clément ne mentionne guère que l’humilité de Jésus (xin, 2 ; XVI, a), son rôle de pontife (xxxvi, i) et de rédempteur du monde (xxi, 6 ; XLix, 6, etc.) avec sa résurrection glorieuse (xxiv, i). Quant à l’Epitre de Barnabe, elle se home k indiquer comment Jésus, auteur de la nouvelle alliance (11, 6 ; iv, 7) vérilie les types de l’Ancien Testament (xi, 7-8 ; xir, 5-6, etc.). Il n’y a, dans tous les Pères apostoliques, aucun détail plus précis que celui-ci : « Nous célébrons dans l’allégresse le huitième jour, parce que Jésus est ressuscité des morts et qu’après être apparu, il est monté aux deux. » (Barnabe, xv, 9). Et c’est peu, à côté de ce que saint Paul nous apprend. L’explication la plus naturelle de ce fait, pour saint Paul comme pour les autres, c’est qu’ils s’adressent à des chrétiens déjà instruits de la vie de Jésus et que leurs ouvrages supposent la catéchèse, mais ne sont pas une catéchèse.

4. Diaérences doctrinales entre Paul et Jésus.

— « Quand, après avoir lu les évangiles synoptiques, on aborde l’étude de quelqu’une des épîtres de saint Paul, de l’épître aux Romains par exemple, on se sent tout dépaysé. Il semble qu’enpassant de Jésus à son apôtre, on ait été transporté sur un autre terrain. La prédication de Jésus est extrêmement simple, complètement étrangère à toutes les subtilités de la théologie. Chez Paul, au contraire, on se sent en présence d’un système théologique parfaitement ordonné. » Ces paroles de Goguel (L’apôtre Paul et Jésus-Christ, Paris, 1904, p. i) forcent assurément le contraste, mais elles ne rendent pas trop mal l’impression du lecteurordinaire ; en tout cas, elles posent nettement le problème. Jusqu’où vont ces divergences ? S’arrêtent elles à la surface, ou touchent-elles au fond de la doctrine ? Sont-elles dans les idées ou seulement dans l’expression ? Quelle en est l’explication la plus vraisemblable ?

Voici quelques-unes des différences les plus saillantes : a) Les noms de Messie, de Fils de Dieu, de Seigneur sontrelativementraresdanslesSynoptiques et Jésus a coutume de se designer par le nom de Fil » de l’homme ; au contraire, ce dernier titre ne parait jamais dans saint Paul, pas plus d’ailleurs que dans le reste du Nouveau Testament en dehors de saint 1635

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Jean, et les noms de Christ (Messie), de Seigneur, de Fils de Dieu, s’y lisent presque à chaque ligne. — fc) Jésus en appelle souvent à ses miracles pour autoriser sa mission divine et les Evangiles sont pleins de ces récit s merveilleux ; Paul ne mentionne de miracle que celui de la résurrection. — c) Jésus fait profession d’annoncer le royaume de Dieu et il en explique la nature au moyen des paraboles qui tiennent une si grande place dans l’Evangile ; en saint Paul, pas plus que dans le reste du Nouveau Testament, il n’est point question de paraboles et la notion du royaume de Dieu passe au deuxième ou au troisième plan. — i/) Jésus prédit à maintes reprises sa passion et sa mort, mais il n’en indique guère le caractère sotériologique, lequel est capital, on le sait, dans la doctrine de saint Paul. — e) Jésus semble dire qu’il est venu parfaire la Loi et non pas la détruire, son regard reste en général limité à l’horizon palestinien ; tandis que Paul place l’abolition de la Loi au centre même de son évangile, se proclame l’apôtre des Gentils, et énonce comme un axiome l’universalité du salut. Pour citer encore GoGUEL(p. Sô' ;) : « Toutes les dilTérences… peuvent être ramenées à deux. La première, c’est que Paul a constitué une christologie ; la seconde, c’est que dans sa théologie une théorie du salut a remplacé la prédication du royaume. »

Pour n'être pas spéciale à Paul, la dilliculté n’en existe pas moins. Examinons-la donc brièvement sous ses deux faces : la christologie et la sotériologie.

A) I.a christologie de Jésus et cette de Paul. — Pour accomplir sa mission divine, Jésus devait se faire reconnaître pour le Messie, lils de David et roi d’Israël. Mais la délivrance de ce message se heurtait à de multiples obstacles : la susceptibilité jalouse des Romains, l’exaltation fanatique et révolutionnaire des patriotes juifs, surtout l’inintelligence et les conceptions grossières du peuple. Les idées que les Juifs se faisaient du Messie étaient loin d'être uniformes, mais on peut dire qu’on rêvait généralement d’un héros national, investi de puissance et de gloire, qui secouerait la domination étrangère, anéantirait ou soumettrait les ennemis d’Israël, rassemblerait la diaspora et inaugurerait à Jérusalem une ère de paix, de justice, d’abondance et de bonheur. Tout cela devait se produire subitement, sans le concours des causalités humaines, par une intervention fulgurante et irrésistible de la divinité. On n’avait aucune idée d’un Messie pauvre et soulfrant, ni d’un règne de Dieu spirituel, réclamant la coopération intérieure des âmes et s'élablissant par degrés en intensité et en étendue. Telle est la situation dont il faut que Jésus s’inspire pour prévenir les dangers, écarter les malentendus et amener graduellement les esprits à une saine compréhension des choses.

Le nom de Messie, comme celui de Roi, évoquait chez presque tous les Juifs contemporains des notions incomplètes, inexactes et fausses. On ne pouvait s’en servir qu’avec circonspection. Au début de sa prédication, Jésus semble l'éviter à dessein, comme s’il craignait l'équivoque. Il est vrai qu’il ne le repousse pas quand il lui est décerne ; il l’approuve même solennellement, six mois avantsa mort, dans la bouche de Pierre (iV « <., XVI, 1 6, , l/are., viii, 29, Z, » c., ix, 20), il le revendique devant Pilate et le sanhédrin (Mal., xxvi, 64 ; Marc, xiv, 6a ; cf. I.uc, xxii, 67-71) avec le titre de Fils de Dieu ; mais enfin il ne l’emploie pas habituellement. Le mot ordinaire, dont il fait usage pour se désigner lui-même, est celui de Fils de riiomnie. Ce mot avait l’avantage d'être compris dans un sens messianique, sans réveiller les passions révolutionnaires des zéloles. Le Fils de l’iiorame de Daniel est un être surnaturel, planant entre le ciel et la terre, à qui Dieu donne « la domination, la gloire et le règne i>,

à qui II tous les peuples et toutes les nations » rendent hommage. i< Sa domination est une domination éternelle qui ne passera pas et son règne ne sera jamais aboli » (Dan., vii, 13-14). Les allusions nombreuses du livre A' Enoch (xi.vi, i-4 ; LXii, 6-9 ; LXlx, 26-29 ; i-xx, i ; Lxxi, 17) et du quatrième livre d’iisdrnj (xiii) montrent que les contemporains de Jésus appliquaient au Messie le passage de Daniel.

Le titre de Fils de l’homme sera donc l’appellation messianique dont Jésus fera son nom propre. Mais, quand on lui demande ce qu’il est, il en appelle d’ordinaire à trois témoins : Jean-Baptiste, l’Ecriture, ses miracles qui contiennent l’attestation authentique de son Père. Le Baptiste avait rendu à Jésus un témoignage solennel (il/ai., iii, n-ib ; Marc.. 1, 7-8 ; Luc., ii, 16-17 ; Joan., 1, 2687) et il est naturel que Jésus s’en autorise (Joan., v, 33 ; cf. Mat., xi, 7-10 ; XXI, 25 etparall.). Le témoignage de l’Ecriture a plus de valeur encore ; Jésus y fait plusieurs fois appel, dans la synagogue de Nazareth (Luc, iv, 21), devant les messagers de Jean (Mat., xi, 5 ; Luc, vii, 22) et ailleurs (Jean., v, 'içj ; Luc, xiv, 27). S’il n’invoque pas plus souvent le témoignage des miracles (Mat., IX, 6 ; XI, 21, 28 et parall., Joan., v, 36 ; xv, 24)c’est qu’il entend faire de sa résurrection le grand motif decrédibilité(.Ua/., xii, 38-41 ; xvi, i-4 ; Luc, xi, 29-30). Il n’est pas besoin d’autre signe. Quand les disciples l’auront vu et qu’ils auront reçu l’Esprit promis (Joan., VII, 3g), ils comprendront ce qu’est Jésus par rapport à eux et par rapport à Dieu.

A partir de la résurrection, trois grands changements se produisent dans la manière dont les apôtres parlent de Jésus : a) Le nom de i(7s de l’homme n’a plus de raison d'être. Si les évangélistes le conservent pour rester tidèles à la vérité historique, tous les autres (à part saint Jean rappelant la prophétie de Daniel, Apoc, 1, 13 ; xiv, 14)le laissent tomber en désuétude et le remplacent par des termes plus significatifs : Christ (c’est-à-dire Messie), Seigneur (nom deJéhova dans l’Ancien Testament), surtout Fils de Dieu. Ce dernier titre est le plus coinpréhensif. celui que la résurrection avait mis le plus en lumière (Rom., 1, 4). — b) Les miracles que Jésus prodiguait pour vaincre l’incrédulité des Juifs n’ont plus la même utilité depuis le miracle de la résurrection. Ce miracle les remplace tous et il suffit d’y faire appel comme le font les apO>tres(, '/(<., ii, 32 ; iii, 15 ; iv, 10, etc.). Saint Paul agit de même. Si l’on excepte la transfiguration (II Petr., I, 18), aucun miracle particulier n’est signalé dans le Nouveau Testament et les Pères apostoliques, en dehors des Evangiles. — t) Enfin, bien que la vie terrestre de Jésus fût toujours pour les fidèles d’un puissant intérêt, elle faisait surtout l’objet de la catéchèse apostolique. On lasupposaitconnue de tous les néophytes mais on n’y revenait qu’accidentellement. L’intérêt capital s’attachait à Jésus tel qu’il est maintenant dans la gloire, chef invisible de l’Eglise et intercesseur tout-puissant auprès du Père.

B) La sotériologie de Jésus et celle de Paul. — Ce que nous venons de dire de la christologie, nous pourrions mutalis m » ( « ; iJ/s l’appliquer à la doctrine du salut. Les limites de ce travail ne le permettent pas. Bornons-nous à une seule notion, le Horaume de Dieu. Jésus devait le prêcher, mais l’annonce en était presque aussi scabreuse que l’enseignement relatif à sa projire personne. Il fallait éviter de porter ombrage à l’autorité romaine et en même temps corriger les idées vagues, incomplètes, fausses ou extravagantes que les Juifs d’alors nourrissaient sur la nature du Royaume de Dieu. Jésus s’y appliqua dès le milieu de son ministère galiléen et c’est dans ce but qu’il inaugura sa prédication en paraboles, avec la formule stéréotypée : Le royaume de Dieu estsem1637

PAUL (SAINT) ET LE PAULINISME

1638

hlalile. Il y montrait que la notion du Royaume

; omprend non seulement l’emprise de Dieu sur l'àme

ndividuelle, mais le règne de Dieu dans une société )ù les bons et les méchants se trouvent mêlés. Il nettait en relief le caractère spiritiu’l et universel du oyaume ; et le rejet des Juifs infidèles était clairenent marqué, à côté de la vocation des Gentils. Une )artie notable desSynoptiques(une douzaine de cha)itres) est consacrée à cet enseignement.

Mais la vraienotion duRoyaumeune foiscomprise, (uand on en vit dans l’Eglise l’accomplissement et a réalisation, le rôle pédagogique des paraboles devait rendre fin. Nous n’en voyons aucune trace ni dans ainl Jean, ni dans le reste du Nouveau Testament, dans les écrits des Pères apostoliques. Elles ntraient seulement dans la catéchèse élémentaire, omme un point d’histoire, avec l’abrégé de la vie de ésus. L’expression même de Royaume de Dieu tenait à disparaître. On la lit une fois dans 1 Epltre de icques, une fois dans la Secunda Pétri, une fois ans l’Apocalypse, six fois dans les Actes, partout illeurs dans saint Paul. L’Apôtre identilie pleinelent le Royaume de Dieu avec le Royaume d)i Christ Eph., v, 5 ; , I Cor., xv, a/J ; Col., i, 13). Le Royaume le plus souvent le sens eschalologique ; mais c’est ussi l’Eglise militante (I Cor., xv, 2^ ; Cot., i, 'i ; f, u ; I Thess., ii, ig ;./c/., xx, aô), ou encore l’esprit u christianisme, et comme l’essence de l’Evangile Hom., XIV, 17 ; I Cor., iv, 20). En somme, sur ce point articulier, saint Paul est celui des écrivains sacrés ui se rapproche le plus de la prédication de Jésus, die quelle estconsignée dans les Synoptiques. Mais, iir ce point comme sur les autres, le fait de la résurîclion avait opéré un changement radical. Désorlais on parlera de l’Eglise du Christ plutôt que de >n Royaume.

Ces brèves remarques sufQsent à montrer pouruoi et comment la christologie et la sotériologie nt nécessairement subi une transformation en Rssant de Jésus aux apôtres ; et l’on a pu constater -æ Paul ne se distingue pas, à ce point de vue, de s collègues dans l’apostolat.

und Paulus, Leipzig, 1902 ; M. Gogpel, L’apôtre Paul et Jésus-Christ, Paris, igo^ ; Dausch, Jésus and Paulus, Miinster, ign (collection Biblische Zeitfragen) ; Olaf Mob, Paulus und die etaiigclische (ieschiclile, Leipzig, 19 12. — M. Dausch est catholique ; les autres sont protestants mais tous (sauf M. Goguel) passent pour conservateurs. On trouvera chez eux les éléments d’une étude indépendante. Un défaut commun à tous, c’est d’affaiblir l’impression d’ensemble par l’accumulation des détails secondaires ou insigniliants et d’obscurcir leur thèse par le morcellement excessif. Une assez bonne mise au point est celle de Scott, Jésus and Paul, dans Essays on some Bibllcal questions of the day, Londres, 1909, p. 329-378.

in. — Les sources de la pensée de Paul

A supposer que l'évangile de Paul ne dérivât point de la prédication de Jésus, il fallait lui trouver d’autres sources. Trois principaux systèmes ont été mis en avant :

I. Paul ne devrait son enseignement qu'à luimême, à son expérience religieuse ou à sa puissance dialectique.

II. Il s’inspirerait de l’hellénisme ambiant, soit de la philosophie grecque, soit des religions orientales hellénisées.

III. Il dépendrait étroitement, presque exclusivement, de la pensée judaïque, non pas tant du rabbinisme que de l’apocalyptique juive contemporaine.

I. La conversion de Paul et le paulinisme. - Si l’on rattache la théologie de saint Paul au fait de sa conversion, il faut expliquer la conversion ellemême. Or c’est le miracle le plus gênant pour la critique rationaliste, parce qu’il est le mieux attesté et le plus rebelle à toute explication naturelle, après celui de la résurrection de Jésus. Beaucoup évitent d’y insister, comme si le problème n’existait pas ou comme s’il était déjà résolu. Baur fut plus sincère. En 1860, Landerkr pouvait dire sur sa tombe :

« Lui qui a passé sa vie à éliminer les miracles de

l’Evangile, il confesse que la conversion de Paul résiste à toute analyse historique, logique ou psychologique. En maintenant ce seul miracle, Baur les laisse tous subsister : il a manqué sa vie. » Depuis nombre de critiques se sont flattés de réussir là où Baur avait échoué.

Comme pour la résurrection du Sauveur, on a essayé de mettre les témoignages en désaccord. II y a dans les Actes trois récits de l'événement : l’un fait par saint Luc pour son propre compte {.ici., IX, 1-19), les deux autres mis dans la bouche de saint Paul (Act., xxii, 5-16 et xxvi, 12-80). De l’aveu de tous, ces trois récits concordent sur tous les points de quelque importance : l’occasion, le lieu, l’heure, la clarté éblouissante dont fut enveloppée soudain la caravane, le dialogue entre Paul prosterné à terre et la voix mystérieuse, sa cécité temporaire, son baptême, sa guérison, l’orientation toute nouvelle d’un persécuteur transformé en apôtre. On scrute avec la dernière rigueur, pour y chercher des contradictions, les détails les plus insigniHants, des minuties qu’on rougirait de relever dans un écrivain profane, des circonstances extérieures au fait luimême et ne concernant que les impressions éprouvées par les compagnons du principal acteur, impressions nécessairement subjectives et peut-être diverses. A. Sabatirr l’a très bien dit (L’Apôtre f’ouP, p. 42) :

« Ces différences ne peuvent en aucune façon porter

atteinte à la réalité du fait. Réussirait-on parfaitement à les concilier, ou même n’exisleraient-elles pas du tout, ceux qui ne veulent pas admettre le 1639

PAUL (SAINT) ET LE PAULLMSME

164(

miracle ne repousseraient pas avec moins de décision le témoignage du Livre des Actes. Comme Zeller (Apustelgescliiclite, p. lyj) l’avoue franchement, leur négation lient à une conception pliilosopUique des choses dont la discussion ne rentre pas dans le cadre des recherches historiques. »

Les différences signalées ne sont nullement inconciliables. Il y en a quatre : A) D’après un récit, les compagnons de Saul entendent la voix ; d’après un autre, ils ne l’entendent pas. Mais l’expression employée dans les deux cas n’a pas le même sens : àxoùojriiTrii fcûjfii (génitif. Jet., IX, 7) veut dire ils perçurent le son de la voix (sans la comprendre) » ; rr, v ^wv/jv ovx r, K0u7Kv roû XoiXou-jToe, fi-OL (accusatif, Act.y xxiT.g) signifie « ils ne comprirent pas la voix de celui (]ui me parlait (tout en en percevant le son) ».

— B) Ici, ils ne voient personne (Act., ix, 9) ; là, ils voient une lumière (Act., xxii, 9). Où est la contradiction ? Une lumière est-elle donc une personne ?

— C) D’un côté, ils restent debout (Act., ix, 7) ; de l’autre, ils tombent à terre (Act., xxvi, 14). Mais EtïT/iKêtTav £vv£ot uc vcut pas dire nécessairement a ils étaient dehout, frappés de stupeur ; on peut traduire « ils étaient, ils restaient hors d’eux-mêmes î, comme en latin steterunt en pareil cas. Il sulUl pour s’en convaincre d’ouvrir le premier lexique grec venu. — D) Enûn on prétend que les paroles de Jésus sont différentes dans les trois récits. Littéralement, oui ; pour le sens, non. La principale divergence consiste en ce que l’auteur, selon un usage reçu à cette époque, unit en un seul discours (AcL, XXVI, 15-18) des paroles prononcées par Jésus en deux occasions distinctes (Act., xxii, 8 et 21) ; peutêtre aussi des paroles que Jésus lui fait dire par Ananie (Act., xxii, i^-iS).

I Explications naturalistes delaconversion. — Au fait, tous les critiques se rendentcompte qu'.i un moment donné un changement radical, équivalant à une transformation intellectuelle et morale, s’est produit dans l'àme de Saul, que ce changement est attribué par lui à l’apparition de Jésus ressuscité, qu’il est sûr d’avoin » leGhrist aussi réellement que les autres apôtres (I Cor., ix, 1 : Non sum Aposlolus ? Nonne Christum…vioif xv, 8 : Not’issime omnium… visus EST et mihi). Orce fait, s’il n’estpas miraculeux, appelle évidemment une explication. Les tentatives d’explication n’ont pas manqué. Signalons brièvement les trois principales.

i. Système de l’hallucination. — Rbnan, dans un long chapitre consacré à ce sujet (Les apôtres, 1866, p. 163-190), dissimule de son mieux sous les grâces du style l’indigence du raisonnement. Il nous dépeint Saul, aux approches de Damas, rongé par l’inquiétude, torturé par le doute, bourrelé de remords.

« L’exaltation de son cerveau était à son comble ; il

était par moments troublé, ébranlé. » Voici donc les maisons des victimes I « Cette pensée l’obsède, ralentit son pas. Il voudrait ne pas avancer ; il s’imagine résister à un aiguillon qui le presse. i> Qu’arriva-t-il alors ? On ne saurait le dire ; « Peut-être le brusque passage de la plaine dévorée par le soleil aux frais ombrages des jnrdins détermina-t-il un accès dans l’organisation maladive et gravement ébranlée du voyageur fanatique… Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’un coup terrible enleva en un instant à Paul ce qui lui restait de conscience distincte, et le renversa par terre privé du sentiment. » Peut-être cependant, j' eut-il autre chose : « Il n’est pas invraisemblable qu’un orage ait éclaté tout à coup. » Mais, au gré de Renan, ces circonstances matérielles ont très peu d’intérêt : u Qu’un délire ûévreux, amené par un coup de soleil ou une ophthalmie, se soit tout à coup emparé de lui ; qu’un éclair ait amené un long

éblouissement ; qu’un éclat de la foudre l’aitrenvers et ait produit une commotion cérébrale, qui oblitér : pour un temps le sens de la vue, peu importe. »

Si Kenan a pu croire que ses lecteurs seraien assez simples pour prendre aux sérieux ses sophis mes, il avait trop d’esprit pour s’y laisser prendr lui-même. Où veut-il en veniravec son roman ? Aren drevraisemblableune insolation, un transport au cet veau.Sousle climat de Syrie, cet accident n’est pas trè : rare ; mais un cou|) de soleil n’est point une conver sion ; ce serait plutôt le contraire. L’insolation gravi produit le coma, parfois suivi du délire. Lorsqu’elli n’a pas un dénouement fatal, elle entraîne en gêné rai un alTaiblissement temporaire ou durable dei facultés intellectuelles, souvent même la paralysi( ou le ramollissement du cerveau. L’insolation béni gne— et c’est sans doute de celle-là qu’on parle, puis que Saul put entrer à Damas avec l’aide de ses compagnons — guérit sans laisserde traces sensibles mais il est inouï qu’il en soit résulté une améliora tion physique ou morale. Dans un cas comme dant l’autre, la conscience du patient est inerte et il n garde aucun souvenir de ce qui s’est passé dans 1 ; crise. Une insolation du genre de celle qu’imagim Uenan pour le besoin de sa thèse serait un prodige aussi merveilleux que le miracle des Actes.

2. Procédé dialeclitjue. — Pi’lbidkhbr, dans soi Paulinismas, s'évertue à montrer que Saul persécu leur s’acheminait graduellement vers les idées chré tiennes. Convaincu que le Messie allaitvenir, pourvi que les Juifs fussent préparés à le recevoir, sacban d’autre part que les chrétiens allirmaient énergique ment la résurrection et le second avènement de Jésus avec la valeur expiatoire de sa mort, il se disait i< Jésus ne serait-il pas, après tout, le Messie atleiidi elsa mort n’aurait-elle pas la vertu rédemptrice qules chrétiens lui assignent ? » Mais c’est Holstkn qui dans tous ses écrits jusqu'à l’ouvrage posthume inti tulé Das Ei’angelium des Pauliis (1898), a échafaud le système avec le plus d’acharnement. Selon lui Saul persécutait les chrétiens parce qu’il regardai Jésus comme un faux Messie. Un criminel, condamn par l’autorité légitime à un supplice ignominieux pour avoir attaqué la Loi de Moïse, ne pouvait pa être l’envoyé de Dieu. Saul en était tellement con vaincu qu’il cherchait à désabuser les chrétiens. El discutant avec eux, il apprit que Jésus était ressus cité. Contre ce fait, il n’avait à élever aucune ohjec tion de principe ; car, en bon pharisien, il croyai à la résurrection des morts. Restait le scandale d la croix ; mais saint Pierre en donnait une explica tion plausible lorsqu’il attribuait à la mort du Chris une valeur rédemptrice. Cet ordre d idées n'était pa pour étonner Paul, qui admettait la réversibilit des mérites et la valeur expiatoire des souffrances La seule question était de savoir si Jésus était réel leinent ressuscité. Mais le nombre et la qualité de témoins, leur accord, leur évidente bonne foi, leu constance, ne pouvaient laisser aucun doute. Ici importe d’entendre Holsten lui-même : « On com prend que, dans ces circonstances, une tempête d pensées tumultueuses agitât l’esprit du persêcuteu et lui inspirât un désir intense de vériûer par lui même le fait de la résurrection de Jésus… Un pareille surexcitation, jointe à cette idée fixe, le pré parait psychologiquement à une vision… Il ne fau pas s'étonner que la visionse soit produite. »

C’est tout ; et c’est vraiment trop peu. L’argumen lation de Holsten fourmille de paralogismes. a) Sau croj’ait à la résurrection, inaisc'était à larésurreclio : des justes, soit à la fin des temps, soit à l’avènemeD du Messie ; il ne croyait pas à la résurrection di Messie lui-même, dont aucun Juif authentique n’ad 1641

PAUL (SAINT) ET LE PAULINISME

1642

nettait la morl. — b) On suppose qu’il n'était arrêté

[ue par le scandale de la croix ; mais si les phari iens n’avaient eu que ce grief contre Jésus-Christ,

Is n’auraient pas créé le scandale de la croix en le

ruciliant. — t) Holsten doit aboutir en détinitive,

out comme Renan, à une hallucination de Saul. Or

ien n’est moins propre à y conduire que de froids

yllogismes. Renan l’avait senti d’instinct et c’est

lourquoi il se rabattait sur les troubles physiques

t les commotions mentales. — d) Alors même que

: s syllogismes de Holsten seraient concluants, l’ex

'érience desNewman, des Manning et des autres

onverlis, montre combien la voie du raisonnement,

our aboutir à la conversion, est longue et doulou euse. Beaucoup de ceux qui la suivent s’arrêtent

n roule et tous gardent jusqu’au dernier jour le

ouvenir très vif de ce voyage pénible qu’ils compa sntà une agonie. En saint Paul, rien de pareil.

3. Recours à ta théorie de la subconscience. — A

jtéou au-dessous de la conscience normale, il existe

Il nous des états cognitifs ou émotionnels que nous

e pouvons pas susciter à notre gré. mais qui se font

ur sous l’empire de certaines circonstances. L’al rnance de deux ou plusieurs états de conscience se

omme dédoublement de la personnalité. La sub itution permanente d’un état de conscience à l’au e, en matière religieuse, s’appelle conversion.

Dire qu’un homme est converti, c’est dire que les

ées religieuses, qui étaient autrefois périphériques

atentes ou subconscientes) deviennent centrales

onscientes) et que l’idéal religieux forme désormais

: levier habituel de son énergie. » W. Jajibs, '/lie

irietiesof religions expérience, Londres, igo4, p. 18g.

omment cela se fait-il ? Nous l’ignorons encore,

ais peut-être le saurons-nous un jour ; et, en

tendant, nous avons le phénomène similaire de

s conversions subites, dues à des causes mysté euses, qu’on nomme rei’i'ia/s.

Expliquer ohscurum per obscurius, accumuler les cmes mal définis et les phénomènes mal observés, ur se dispenser d’une explication rationnelle : éthode aussi commode que peu scientifique. Pour vivre, un état de conscience doit avoir réellement isté ; et le revival éprouvé par Saul sur le chemin Damas suppose qu’il avait été chrétien aune date térieure.

Aussi la plupart des auteurs modernes s’abstiennt-ils de tout commentaire. Ils disent, parexemple, n en un sens, toute conversion est un miracle, véritable et unique miracle qui relève de la foi… que le converti a éprouvé, il ne le connaît que came une expérience toute-puissante, et nul autre e lui ne peut le savoirni le décrire. » Wrizsabckbr, is apostolische Zeitalter^, Tubingue, igo2, p. 66. contenter d’une pareille explication c’est avouer lirementqu’on n’en a pas de bonne. Le vice radical de toutes les explications naturates est de supposer que Saul était chrétien dans a cœur, sans y songer peut-être, au moment où il llicitait la mission d’aller pourchasser à Damas les eptes du Christ. Or cette hypothèse invraisemblaiest démentie non seulement parle récit des Actes, lis par les témoignages les plus formels de Paul même. On objecte qu'à cette distance ses souves se brouillaient ; qu’il était incapable d’analyser véritable état de son âme ; qu’ayant conscience m grand changement opéré en lui, il trouvaitplus aplc d’en attribuer tout l’honneur à Jésus- Christ, as faire intervenir les causes secondes ; qu’au suris il y a dans les Epitres et même dans les Actes 5 indices de cet acheminement progressif, bien 'à peu près inconscient, vers la foi chrétienne. TOUS demandez quels sont ces indices, on vous

cite le chapitre vrideTEpître aux Romains et le mot de Jésus àSaul : Duruni est tibi contra stimutum calcitrare.

Dans l’Epître aux Romains (vu, ^-aS), l’Apôtre décrit le conllil intérieur d’un Juif harcelé par la concupiscence et mal défendu parla Loi mosaïque, qui éveille en lui la conscience du péché, mais sans lui donner la force d’en triompher. C’est l’histoire de tous les Juifs vivant sous le régime de la Loi ; ce n’est pas l’histoire spéciale de Paul, bien qu’il en ait peut-être senti plus que les autres les douloureux épisodes. Lecontlit, remarquons-le bien, n’a pas pour origine un doute quelconque sur la valeur ou l’obligation de la Loi, ni le soupçon que le système chrétien pourrait être meilleur. Au cours de la erise, l’idéal de Saul reste toujours l’observance de la Loi et il n’insinue jamais qu’il entrevoie, en dehors d’elle, un moyen de salut. Il n’a pas en vue d’attaquer la Loi, mais de la défendre, de montrer qu’elle est juste et sainte et que son échec n’est imputable qu'àla corruption native de l’homme. Tant qu’il a été pharisien, il n’a pas eu d’autre pensée. Sa réflexion finale :

« Qui me délivrera de ce corps de mort ? Grâces à

Dieu par Jésus-Christ Notre Seigneur ! » est le cri libérateur de sa conscience chrétienne. Auparavant ' cette solution ne lui venait pas à l’esprit. S’il est mieux préparé que d’autres à l’accepter, c’est là une I préparation toute négative, celle qui consiste à écarter j les obstacles.

, Mais le motde Jésus : Durum est tibi contra stimu'. lumcalcitrare (Act., xxvi, ii)n’implique-t-il pas des 1 doutes, des perplexités, des remords ? En aucune sorte. Il ne faut pas traduire : Il t’est dur de regimber contre l’aiguillon, sous peine de solliciter le texte et d’y faire entrer une idée étrangère. En grec il n’y a point de verbe (tx)/ ; oov sot tt^ô ; xëvt^k y.v.xziÇztv, calcitrare) et la double métaphore suggère l’idée d’une résistance o|Sposéeà uneforceextérieure. — /OL’sphoj risme est un conseil, iin avertissement pour l’avenir. Il revient àdire : Renonceà luttercontreplus fort que 1 toi ; ton effort serait vain. — Le sens est donc : « Mal i t’en prendrait de t’altaquer à moi ; la lutte n’est pas I égale. i> Et cela peut s’entendre soit des efforts faits

; par Saul pour exterminer l’Eglise, soit plutôt de la

résistance possible à l’appel divin qui vient d’avoir lieu. En aucun cas cela n’implique ni doute ni remords, puisque saint Paul déclare au même endroit que sa bonne foi était enlière (Act., xxvi, C)) : Et ego quidem exisiimaveram (%tïex13timavi, iôoX'> ifixvTa)meadverSHs nomen Jesu Nazareni debere multa contraria agere.

MosKK (cathol.), nie Bekehrung des hl. Pnulus, Miinster, 1907, et Ros’e, Comment Paul a connu JésusChrist (ians la lievtie biblique, 1902, p. 32 1-3^6), étudient spécialementlestroisrécits des Actes ; l’abbé BouRGiNE, Conversion de saint Paul, Paris, 1902 (collection Science et re/Z/j’ion), réfute Renan ; Stkvens, The Pauline Theologj', iVew-York, 1906, p. 1-26, critique les systèmes de Holsten et de Pfleiderkr ; Godet, Introd. particul. au N. T., Neuchàtel, iSgS, 1. 1, p. 92102, expose et combat les divers systèmes rationalistes.

a. Genëæ psychologique du panlinisme. — Le fait de la conversion n’est pas expliqué ; mais, supposé qu’il le soit, explique-t-il à son tour toute la théologie de l’Apôtre ?

I. La conversionet l’expérience religieuse. — SabaTiER (L' Apôtre Paul ^, livre V, p. 289-369) cherche à établir cette thèse : « La théologie de Paul a ses racines dans le fait même de la conversion. On peut dire que chacune de ses idées a été un fait d’expérience intime, un sentiment, avantd'ètre formulé par l’intelligence « (p. agi). Sa pensée se développe d’abord 1643

PAUL (SAINT) ET LE PAULINISME

1644

dans la sphère individuelle, en comparant l’état d’autrefois à létal d’aujourd’hui. Autrefois il était charnel, impuissant contre la tentation, asservi au péché ; maintenant il est affranchi, régénéré, capable de résister au mal et d’opérer le bien : et il sent qu’il doit tout cela à l’emprise du Christ sur lui, à la foi qui l’unit au Christ. Tel est le principe de son anthropologie. Mais a ceque le Christ est pourun membre de l’humanité, il l’est et il doit le devenir pour tous » (p. 330). Le chrétien est membre d’un corps, de l’Eglise. Or i l’unité de l’Eglise repose sur le sentiment, commun à tous ses membres, d’une comnmnion vivante avec Christ ». Paul s’élève ainsi, « par voie de généralisation, dans la i^/ièresociiî/e elhistorique » (p. 296), d’où il embrasse toutes les destinées de l’humanité, du premier au second Adam et du Christ à la fin des siècles. Il lui reste un degré à franchir ; mais comme sa pensée, exclusivement religieuse, tend d’un effort incessant vers l’unité et les derniers principes, elle monte spontanément jusqu’à la sphère métaphysique « et essaie de trouver en Dieu même la cause première etla hn suprême, le poinlde départ et le terme du grand drame qui se déroule dans le temps » (p. 296).

Ainsi Paul a se ; ii( son évangile avant de le penser ; et il l’a pensé comme un phénomène individuel avant de le généraliser et de l’étendre à Vunitersatité des hommes. La cUristologiede Paul, en particulier, naît de ce sentiment. Gomme l’a dit un de ceux qui ont le mieux attrapé le jargon mystique de llitschl (D. SoMERviLLB, St.Paul’s conception of Christ, Edimbourg, 18y7. p. 15) : « Le Christ de Paul est le Clirist de son expérience, le Christ tel que le lui révèle la conscience de la vie divine qu’il lui doit. Sa christologie est l’expression de son expérience dans les termes suggérés par la pensée et la réflexion : c’est un jugement ou une série de jugements au sujet du Christ, fondés sur les impressions quTpn a de lui dans la vie de foi. > L’expérience religieuse, la conscience religieuse ! Mots si élastiques qu’on peut y faire entrer ce qu’on veut (cf. Pbiîcy Gakdner, The religions expérience of St. Paul, Londres, 191 1). Mais ce serait une impardonnable illusion de croire qu’ils expliquent quoi que ce soit. Un simple coup d’oeil sur le système de Sabatier montre combien toute sa construction est caduque et arliticielle. Les trois phases ou périodes supposées par lui coïncident au lieu de se succéder ; comme on peut le voir dans l’Epitre aux Romains : le progrès des doctrines est purement imaginaire.

2. Analyse dialectique du fait de la conversion.

— Au lieu de faire intervenir le sentiment, Holstkn {ûas Evangelium des Paulus, 2’partie : Paulinische Théologie, Berlin, 1898) préfère appliquer le raisonnement au fait de la conversion. Ce travail interne, commencé aussitôt après l’incident de Damas, continué avec persévérance durant la retraite d’Arabie, est attribué par l’Apôtre à l’Esprit de Dieu et a pour résultat final ce qu’il appelle son évangile. L’idée du Messie crucifié, une fois entrée dans son esprit, ne peut manquer de transformer toutes ses conceptions religieuses. D’abord la mort du Juste ne peut être, dans les vues de Dieu, qu’une mort expiatoire, une mort rédemptrice. Cela, Pierre l’admettait aussi ; mais il ne regardait dans la rédemption que le côté négatif, la rémission des péchés, subordonnant la justice et la sainteté aux œuvres et à l’observation de la Loi. Paul vit là une inconséquence ; car, si le Christ nous sauve par sa croix, il faut qu’il nous sauve intég^f^lement, sans condition d’aucune sorte, qu’il nous obtienne la justice, non pas une justice personnelle, mais une justice mise par Dieu à notre compte et qui . s’appelle à ce titre la justice de Dieu. Non seulement

la Loi ne donne pas la justice, mais elle n’a jamais pu la donner ; autrement la mort du Christ ne serait qu’un luxe, qu’une superfélation. S’il en est ainsi, il n’y a pas de différence, au point de vue du salut, entre les Juifs et les Gentils. Paul en tire, par une conséquence inéluctable, l’universalité de la rédemption ; il devient de la sorte l’apôtre des Gentils, par opposition aux Douze qui n’ont pas déduit ce corollaire. Tel est le principe révélateur qui, rayonnant dans toutes les directions, apportera partout la lumière. En somme, le paulinisme, " c’est le mouvement de la pensée développant et motivant, de point en point et dans toutes les directions, l’idée de la mort du Messie sur la croix, considérée comme im acte rédempteur de Dieu » (p. 133).

Les écrivains rationalistes eux-mêmes ne sont pas dupes de ces sophismes. Plusieurs les ont démasqués avec vigueur. Comment Holslen sait-il que le pharisien Paul gémissait sous le joug de la Loi et que son désir d’y échapper l’ut assez fort pour lui donner une hallucination du Christ glorieux ? La vision de Damas le Ut croire en Jésus-Messie ; mais la foi en Jésus-Messie n’implique par elle-même ni l’abolition de la Loi, ni l’universalité du salut, autrement tous les croyants auraient tiré, dès l’abord, toutes ces conséquences. Pourquoi Jésus n’aurait-il pas pu mourir pour parfaire l’économie judaïque et rendre possible l’observation de la Loi ? Nous savons qu’il n’en est pas ainsi, mais ce n’est pas de l’idée abstraite du Messie que nous le déduisons. Toute l’argumentation de Holsten n’est que chute perpétuelle de paralogisme en paralogisme.

II. L’helliînisme et le paulinismb. — Ce mot d’hellénisme désigne soit la culture grecque classique, soit l’ensemble des idées religieuses et morales du monde grec après Alexandre, soit le tour d’esprit des Juifs appelés hellénistes qui avaient adopté, dans la Diaspora, la langue et les mœurs grecques. Nous verrons dans quelle mesure Paul peut avoir subi l’influence de ces divers courants, après avoir fixé son attitude à l’égard du paganisme en général.

Dans ses promenades solitaires à travers les rues et les marchés d’Athènes, l’Apôtre se rongeait intérieurement à la vue des innombrables idoles dont cette ville savante et superstitieuse était remplie (Act., xvii, 16). C’était un sentiment mêlé de douleui de dégoîit, d’indignation et de pitié. Nul Juif éleV’dans le monothéisme n’y échappait. Paul ne se dis tinguait de ses coreligionnaires qu’en cequelemépri était chez lui tempéré par la compassion et que l’hoi reur pour les idoles n’éteignait pas la sympalhi pour les personnes. Témoin, le sombre tableau qu’i trace de l’idolâtrie au début de l’Epitre aux Romain (i, 18-31). Chaque fois qu’il rappelle aux néophyte leur condition passée, il retrouve les mêmes accent (I Cor., VI, 9-1 1 ; Eph., ii, 1 1-12, etc.). Il ne se born pas à condamner chez les païens les égarements d l’esprit et la dépravation des mœurs, il flétrit égale ment ce que le paganisme paraît avoir de meilleni la philosophie, l’amour de la sagesse. Cette sagess mondaine et charnelle (I Cor., ii, 5), il la répudi pour son compte. Il écrit aux Colossiens (11, 8) : « Qu personne ne vous séduise par la philosophie… selo) la tradition des hommes, selon les éléments du mond et non selon le Christ. » Et aux Ephésiens(iv, 17-19) a Ne suivez pas la voie des païens… qu’éloigne d Dieu leur ignorance et l’aveuglement de leur cœur. Mais à quoi bon continuer notre enquête ? Le résu. tat n’en est pas contesté. Toutes les lettres son pleines de passages semblables. Ce que l’Apôtr trouve de plus favorable, non pas pour admirer 1 paganisme ni pour l’absoudre, mais pour le condaii ner avec moins de rigueur, c’est qu’il appartient 1645

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ces siècles d'égarement (Act., xiv, 16 ; xvii, 30), antérieurs à la lumière de l’Evangile, où le monde encore enfant n’avait reçu qu’un enseignement élémentaire (ta/., iv, 8-9 ; Col., 11, 16). Aquifera-t-oncroire qu’un homme animé de telles dispositions soit allé se mettre spontanément à l'école des païens et leur ait emprunté sciemment des pratiques ou des doctrines religieuses ? Voyons s’il est du moins possible de constater dans l’ceuvre écrite de l’Apôtre des influences inconscientes.

I. Saint Paul et la philosopbis païenne. — L'érudition classique de saint Paul n’est pas considérable. On n’a relevé chez lui aucun détail prouvant qu’il ait lu un auteur profane quelconque. Il y a, dans ses discours, trois citations de poètes. Mais l’une est un de ces mots passés en proverbe (I Cor., XV, 33 : Corrumpunt mores bonos coUoquia prava) qu’on répétait à l’occasion sans savoir qu’il était tiré de Ménandre. La seconde est un hémistiche court et expressif (Act., xvii, 28 : ToXi /à.p ma yémi èf^/jév) qui semble fait pour les citations et qu’Aratus et Cléanthe ont inséré dans leurs hexamètres. La troisième (Tit., I, 13 : Cretenses semper mendaces, malæ bestiae, ventres pifiri) n’est qu’un dicton satirique souvent décoché aux Cretois même par ceux qui n’avaient jamais ouvert les Oracles d’Epiménide. S’il est vrai cependant, comme cela semble problable, que la sentence alléguée devant l’Aréopage (Act., xvii, aS : In ipso i’ivimus et moyemur et sumus) est empruntée à la même pièce d’Epiménide intitulée Minos, il est possible que Paul ait eu de ce poème une connaissance directe. Cf. Rendel Harkis, St. Paul and Epimenides, dans VExpnsitor, octobre 1913. En tout cas, son érudition classique était fort restreinte.

On a souvent signalé d'étroits rapports entre la morale de Paul et la morale stoïcienne. On a supposé des relations directes entre l’Apôtre et Sénèque ; et la chose n’est pas impossible a priori, puisqu’il s’agit de contemporains, morts la même année ou à peu d’années d’intervalle. Une prétendue correspondance entre ees deux grands hommes a été plusieurs fois publiée, en particulier par Aubbrtin, Sénèque et saint Paul, étude sur les rapports supposés entre le philosophe et l’apdtre^, Paris, 1872, et, d’une façon plus critique, par Woulrnbrrg, Die Pastoralbriefe'^, Leipzig, 191 1, p. 36^-375. En la lisant, on est profondément surpris que saint Jérôme, sans en garantir l’authenticité, lui ait accordé assezd’importance pour assigner à Sénèque une place dans la liste des écrivains ecclésiastiques (/>e vir. ilL, 12 ; cf. Epist ad Macedon., cliii, 14).Personne ne l’avait signalée avant 892, date du De viris illustrihus. « Jamais plus maladroit faussaire n’a fait parler plus sottement d’aussi grands esprits. Dans cette correspondance ridicule, le philosophe et l’apôtre ne font guère qu'échanger des compliments, et, comme les gens qui n’ont rien à se dire, ils sont empressés surtout à s’entretenir l’un l’autre de leur santé. Il n’est pas une fois question entre eux de doctrines, et il ne leur arrive jamais de s’occuper de ces graves problèmes que soulevait la foi nouvelle. Cependant Sénèque est censé initié à tous les mystères du christianisme, il en reçoit et en comprend les livres sacrés, il le prêche à Lucilius et à ses amis… il raconte même qu’il en a parlé à l’empereur et que Néron paraît assez disposé à se convertir. Toutes ces belles choses sont ditessècherænt, dans des lettres de quelques lignes où le vide des idées n’est égalé que par la barbarie de la forme. B G. BoissiER, La religion romaine d’Auguste aux Anionins, Paris, 1878, t. II, p. 51.

Ecartons cette correspondance dont aucun historien sérieux ne fait plus état : amusement futile d’un esprit oisif ou supercherie littéraire d’un apologiste

malavisé, qui croyait grandir Paul en lui donnant pour disciple et ami le plus grand des philosophes romains. Il y a certainement entre les deux écrivains des rencontres assez frappantes d’idées et d’expressions dont on a voulu conclure soit que Sénèque était chrétien dans son cœur (Flbury, Saint Paul et Sénèque, Paris, 1853), soit que saint Paul s’inspire de Sénèque. On n’a pas remarqué que les passages servant de terme de comparaison n’appartiennent pas en propre à Sénèque, mais au fonds commun du stoïcisme. Il faut donc porter la question plus haut et se demander si l’Apôtre, peut-être sans le vouloir et sans le savoir, n’aurait pas subi l’influence de la morale stoïcienne. Le stoïcisme n’est pas un produit du sol hellénique. C’est une importation d’Orient. Ses fondateurs et ses principaux représentants étaient Sémites, ou du moins orientaux. Au premier siècle, la ville de Tarse était célèbre entre toutes par ses écoles philosophiques, où le stoïcisme était prépondérant. Autant de canaux par lesquels la doctrine du Portique pouvait arriver à l’Apôtre.

Mais, à y regarder de près, la thèse qui fait de Paul un disciple des stoïciens paraîtra bien précaire, bien invraisemblable. Les stoïciens se servaient, surtout en morale, d’une langue à part. Leur habitude de définir, de disséquer les notions, les distingue à première vue des autres philosophes. Pour constater que le lexique de Paul n’ofl’re aucun rapport avec celui des stoïciens, il suffit de comparer les liste » des vertus morales. Des quatre vertus cardinales, la force (mSpsix) n’est même pas nommée par l’Apôtre ; la tempérance (aoifpot ! Ùin)re l’est qu’une fois, dans les Pastorales (I Tim., 11, 9.16) ; la prudence (p/3 « v>jtiç) une fois aussi et appliquée à Dieu (Eph., i, 8) ; la justice (iixKiomvyj) est employée dans un sens très difl"érent. On ne trouve chez lui aucune trace des vertus secondaires qui divisent et subdivisent à l’infini les vertus principales. Un seul mot, la bénignité (xt>imrr, i), rappelle vaguement le vocabulaire stoïcien.

Les doctrines diffèrent encore plus que le langage. Les stoïciens parlent souvent de Dieu, de l'âme, de la providence, de la prière, de la bienfaisance ; mais ces termes n’ont presque rien de commun avec les idées chrétiennes correspondantes.

Le dieu des stoïciens n’est pas le Dieu personnel, le Dieu bon, juste, saint, tout-puissant que les chrétiens adorent. Le dieu des stoïciens c’est la nature, l’ensemble des êtres, le grand Tout, ou, si l’on veut, la loi du monde, l’intelligence de l’univers, la force opposée à la matière ; car ils concevaient dieu tantôt comme la somme de ce qui existe, tantôt comme le principe actif des êtres. « Quid est natura quant deus et dii’ina ratio toti mundo parlibusque ejus inserta ? » (SÉNÈQOB, De henef., IV, ^.)Ils necroyaientpasplusà l’immortalité de l'âme qu'à la personnalité de Dieu. Pour être conséquents avec eux-mêmes, ils devaient dire que l'âme se dissout avec le corps, qu’elle retourne aux éléments, qu’elle se perd dans le grand Tout, dont elle n’est qu’une parcelle. El c’esten effet ce qu’affirme plusieurs fois Epictète. Sénèque est plus hésitant, car il se souvient que plusieurs coryphées du Portique accordent aux âmes une certaine survivance. D’après Diogène LAiincE (vit, ibj), Cléanthe les laissait subsister jusqu'à la conflagration, c’est-à-dire jusqu’au temps où le monde sera détruit par le feu ; mais Chrysippe restreignait ce privilège à l'âme des justes. Ce qui faisait dire plaisamment à CiciÎRON (/"i/sch/., I, 31) : « Stoici usuram nobis largiuntur tanquam cornicibus ; diu mansuros aiunt animos, semper negant. » Avec ces idées sur Dieu et sur l'àme, on peut imaginer ce que devait être la providence. C'était la destinée fatale, la loi immuable de l’univers, le décret inflexible de l’intellifc’ence 1647

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aveugle qui gouverne le monde et se confond avec lui. Comment peut-il être encore question de prière ? Que demanderait-on aux dieux ? Une dérogation à la destinée ? Mais cela est impossible ; cela est impie. Le bonheur et la vertu ? Mais cela dépend de nous seuls. Au point de vue stoïcien, Sénèqub a raison :

« Qaid yotis opus est ? Fuc te ipsiim felicem (Epist., 

XXX, 5). Qiiain stultum est optare, cum possis a le impetrare » (Epist., xli, i). La prière typique du stoïcien est contenue dans la formule de Gléanthe (J. VON Armm, Stoicorum veteriiin fragmenta, Leipzig, igoS, t. I p. iiS) recommandée par Epictktk (Èiichir., LUI) : et par SiiNÈQUB (Epist. ad Liicil., cvii, lo) : « Conduis-moi, Jupiter, avec la Destinée, là OÙ vous avez décidé de me conduire, afin que je suive de gré ou — si par malice je refusais — de force. »

AyO’j Se fx '&1 Zeû x « t ffù yr, ïisTipufJiév’O ' Onoi TToO û/ifv €i/it Stcf.r£7uy/j.ivOi 'ii ; i-pOfiKiy ' ».o/.yoç, y, v 5é ys _uïj fle'/w, Kc^fCç ysvofxtvoij oùciv rJTTOv k^po/J-at.

Prière aussi peu chrétienne que possible. Le stoïcisme était la philosophie du désespoir, tandis que le christianisme est la religion de l’espérance. Contre les maux de la vie, le stoïcien n’avait qu’un antidote, l’orgueil, qui lui faisait dire : Douleur, tu n’es pas un mal. Et si l’antidote ne suffisait pas, il restait toujours le suprême remède, le suicide. Sans la ressource du suicide, la vie, pour le stoïcien, vaut-elle la peined'ètrevécue ?Cen’estpasqu’iln’yaildans l’effort à sauvegarder sa dignité d’homme, dans sa philanthropie dictée par la raison, mais étrangère à la pitié qui est considérée par lui comme une faiblesse, et même dans sa triste résignation à la Fatalité, quelque chose de noble et de touchant ; mais rien qui ressemble à l’idéal chrétien. EpicTiiTH est regardé à juste titre comme le représentant le meilleur et le plus complet de la morale stoïcienne. Or voici ce qu’en dit un connaisseur qui s’est fait une spécialité de cette étude (Adolf Bonhoffer, EpUdet iind das Neiie Testament, Giessen, igii, p. iy8) : « A la lin de notre enquête sur l’inlluence exercée sur saint Paul par la philosophie, en particulier par la philosophie stoïcienne, nous constatons que les termes, les expressions et les idées qui de prime abord présentent un rapport frappant avec le stoïcisme, sont, à y mieux regarder, si différents et même tellement opposés qu’il est impossible d’admettre chez l’Apôtre une connaissance exactedela doctrinestoïcienne ni des emprunts voulus à cette doctrine. » On peut consulter les deux articles du P. Lagrange sur La philosophie religieuse d’Epictèle et le christianisme, dans la Jievue biblique, 1912, p. 5-21 et 192-212. Le P. Lagrange croit, comme Zadn, « qu'Épictète a lu saint Paul, et qu’il l’attaque indirectement, sans l’avoir bien compris)i. C’est possible, après tout ; quoique les preuves ne soient pas très fortes. Mais, l’hypothèse une foisadmise, noussouscririons volon- ; tiers à cette conclusion (p. 211) : « Epictèle a connu j l’existence du christianisme, il n’a pas cherché à l’approfondir. Il était incapable de le goùter, ne voulant accepter d’autre lumière que celle de la raison, d’autre point d’appui que la volonté, d’autre libération ou de salut que le don initial du libre arbitre. » De toutes les formes de la philosophie antique, c’est peut-être le stoïcisme et le pyrrhonisme qui sont le plus irréductiblement hostiles àlàvérité chrétienne, parce que l’un nie la raison et que l’autre la divinise.

2. Le paulinisme et les religions orientales hellénisées. — M. Jacquier a étudié, dans ce Dictionnaire, de façon très complète, la question des

Mystères païens et saint Paul ; M. d’Alès a examiné en particulier la rencontre de la Beligion de Milhra avec le christianisme. Il n’y a pas à y revenir ici. Nous signalerons seulement en peu de mots deux ou trois vices de méthode dont se rendent coupables plusieurs de ceux qui prétendent appliquer die religionsgeschichtliche Méthode, comme on dit en Allemagne, c’est-à-dire la méthode historique dans l'élude des religions comparées. A leurs assertions gratuites, on peut opposer le plus souvent une simple fin de non-recevoir.

i. Cercles s’icieux et paralogismes. — Pour tout chrétien et tout Israélite, les mystères du paganisme étaient l’abomination de la désolation, car ils imprimaient sur le front de leurs adhérents, encore plus que les autres pratiques superstitieuses, le sceau de l’idolâtrie. Il ne s’ensuit nullementqu’onn’ait pas pu tirer de là des comparaisons et des métaphores. Philon, qui parle avec un souverain mépris de ces initiations honteuses, amies du secret et de l’ombre, refuge des voleurs et des courtisanes (De sacrificantibus, Mangey, t. II, p. 260-1 ; Liber qnisquis liri. studet, t. 11, p. 44"). s’approprie sans scrupule, à l’occasion, la langue des mystères et s’en sert pour expliquer le sens symbolique des Ecritures (/Je Cherubim, l. II, p. 147 ; De sacrif.Abel et Cain, t. Ijp.l’jS). Même phénomène chez saint Justin et chez Clément d’Alexandrie. Ce dernier exploite en grand le vocabulaire des gnostiques et des mystères d’Eleusis, Voir Stromales, I, 28 ; II, 10 ; IV, -ïi ; V, lo-i 1 ; VII, 4, etc. II ne faudrait pas conclure, pour autant, qu’il admire ces initiations païennes et qu’il sente le besoin d’en enrichir le christianisme. On sait comment il stigmatise les cultes orgiastiques et les rites secrets d’Eleusis ; c’est pour lui le comble de l’ignominie et du ridicule et tous les païens sensés devraient en rougir (Protrepticus, 11, 21-28, édit, Stabhlin, Berlin, 1905, p. 10-17). Saint Paul pourrait donc aussi employer la terminologie des mystères, comme il emploie celle des jeux du stade et du théâtre, d’autant plus que cette terminologie était passée dans la langue usuelle ; mais ce qui est inadmissible, c’est la dépendance pour le fond des idées et l’emprunt conscient de ces rites idolâtriques.

« Quel pacte ou quel accord entre le Christ et Bélial, 

entre le fidèle et l’infidèle, entre le temple de Dieu et les idoles ? » (II Cor., vi, 15-16.) Ce qu’on a dit plus haut de la philosophie profane s’applique à plus forte raison aux pratiques païennes.

Le grand danger, dans l’histoire comparée des religions, est de prendre une analogie pour une imitation, une similitude de langue pour une dépendance d’idées. Les sages réflexions de Cumont (Les religions orientales, Paris, 1907, préface, p. xi-xiii) sont à méditer. Mais si l’imitation était démontrée, il faudrait examiner d’abord de quel côté elle se trouve (Ibid., p. xi) : « Dès que le christianisme devint une puissance morale dans le monde, il s’imposa même à ses ennemis. Les prêtres phrygiens de la Grande Mère opposèrent ouvertement leurs fêtes de l'équinoxe du printemps à la Pâque chrétienne et attribuèrent au sang répandu dans le laurobole le pouvoir rédempteur de celui de l’Agneau divin. » Les Pères accusent le diable, ce singe de Dieu, d’avoir inspiré ces parodies du culte chrétien. Il sepeul qu’ils se trompent. Encore serait-il bon d’examiner sans parti pris la question de priorité.

Pour juger des rapports entre deux grandeurs, il faut les bien connaître l’une et l’autre. Or la plupart des savants modernes qui prétendent appliquer la religionsgeschichtliche Méthode (Reitzenstbin, DieTERicH, Hepding et autres) peuvent être des philologues distingués, mais ils sont tout à fait étrangers 1640

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aux études bibliques et ne procèdent, dans leurs comparaisons des textes, qu'à coups de concordance. Il en résulte les malentendus les plus extraordinaires. Ainsi Heitzhnstbin, qui s’excuse de s’immiscer, lui philologue, dans les matières théologiques (Die helUnisttschen Mrslerienrelifioiien. Leipzig, 1910, p. i), n’hésite pas à trancher les questions du ton le plus doctoral. Il révoque en doutccetle assertion deHAnNACK dictée par le bon seDs(Militia Chiisti, p. 122) que « la désignation des chrétiens comme soldats du Christ n’est due en aucune façon à l’influence des religions étrangères ». Au même endroit (note sur TTc-KTiûrai ôèoû, xà-Toyot, oéafjtot^ p. 66-83), il prétend que saint Paul s’est appelé prisonnier du Christ. (fcyKio ; X/sioToâ I>j70û, Pliilem., 1 et g ; Eph., iii, 1) à l’imitation desz « T « ;  ; oi, enfermés dans le Sérapéumde Memphis. Il assure (p. 80) que les xdroy/^i ou &171j.tii de Sérapis ou d’Isis étaient « des novices servant dans le temple, dans l’espoir d’une initiation, qui se faisait attendre des années, parfois toute la vie «.Mais les autres érudits ne partagent pas sa belle assurance. Pour Prbuschen (yî/o « c/i/um « nrf Serupishdt'^, Giessen, 1908) les xàroyoi sont des possédés, non des prisonniers. Wilcken (Papyruskunde, 1. I. 2" partie, p. 1 30-2) est du même avis : « Der Gott hait ihn fest, nimmt Besilz von ihm (xy.Tiyet), so dass er ein vom Gott Ergriffener, Besessener ist. » Et quand le mot xv.Toyci signifierait prisonnier, qu’aurail-il à faire avec le SsT/ito ; de l’Apôtre ?

a. Anachronismes et im’raisemblances. — Fait constant mais trop oublié : à part le culte d’Attis et de Cybèle, qui se prèle peu aux rapprochements avec saint Paul, les diverses religions orientales répandues dans le monde gréco-romain au premier siècle de notre ère ne nous sont connues que par des documents très postérieurs à l’Apôtre. Nous ignorons par conséquent sous quelle forme elles se présentaient vers le milieu du premier siècle. Pour les mystères isiaques. notre source principale et presque unique, en dehors des Pères de l’Eglise, est VAne d’or d’Apulée, ce roman satirique et licencieux écrit dans la seconde moitié du deuxième siècle. Curieux et superstitieux comme il l'était, Apulée a pu fort bien rechercher l’initiation d’Isis ; mais, dans ce récit grotesque, il est malaisé de faire le départ entre la vérité et la fantaisie, entre la piélé sincère et le persiflage. Quoi qu’il en soit, nous sommes loin de 1 Eglise naissante, et le rapport de dépendance, si tant est qu’il existe, peut se tourner en sens contraire.

Pour qu’une forme religieuse influe sur une autre, il faut que la première soit antérieure à la seconde ou tout au moins qu’elles soient contemporaines. Or un contact entre le christianisme naissant et le mithriacisme, par exemple, est tellement improbable a priori qu’on peut l'écarter sans balancer. Ce eulle était encore inexistant, pour ainsi dire, dans le monde romain. Stb abon XV, iii, 1 3) et Qdintb-Curce {Alex., IV, XIII, 48) parlent de Mithra comme d’un dieu perse ; Stacb (Theb., 1719-20), comme d’un étran r ; LuciKN (Dec, coric, 9 ; Jiip. tra^.), comme d’un dieu barbare. Selon Plutarqde (Vita Pompei, ii.xiv), l » s Romains en doivent la connaissance aux pirates lyciens vaincus par le grand Pompée. Aucun écrivain iu siècle d’Auguste n’en dit un mot. La religion de

itbra ne commença à se répandre dans l’empire m’après l’annexion du Pont, de la Cappadoce, de 'Arménie et de la Commagène (à partir de Vespaiien). Les missionnaires du mithriacisme furent les soldats, les marchands et les esclaves. Voilà pourjnci nous n’en trouvons guère de traces que dans es grandes villes cosmopolites, les principaux ports le mer et les stations militaires placées le long des

frontières. Le monde grec fut particulièrement réfractaire à une religion restée troj) orientale. Si l’on consulte la carte jointe à l’ouvrage de Gumont sur les Mystères de Mithra^, Varis, igoa, on verra qu’aucun monument mithriaque n’est mentionné en Macédoine et en Grèce (à l’exception du Pirée), aucun dans les provinces de Bithynie, de Galatie, de Pamphylie, de Lycie, de Paphlagonie, un seul (Amorium) ilans la province' d’Asie, un autre (Tarse) en Cilicie, deux respectivement en Cappadoce (Césarée et Tyane), en Syrie (Sidon et Sahin), en Egypte (.lexan(lrie et ^Iemphis). A part Rome et l’Italie centrale, les raithréums ne se trouvent plusqu'à l’extrême périphérie de l’empire, en Numidie, sur les bords du Rhin ou du Danube, ou dans les villes de garnison, surtout en Germanie, en Dacie et en Pannonie. En regard de cette distribution géographique, placez la carte de Deissmann (A’flH/H.ï, Tubingue, 1911), représentant le théâtre de l’apostolat de Paul, vous voirez que les deux domaines s’excluent mutuellement. Le Christ prêché par Paul prend d’abord possession du monde hellénique, du monde civilisé ; Mithra est encore relégué aux confins du monde barbare. Mithra ne dut sa fortune éphémère qu'à la protection de l’Etat. Favorisé par les Flaviens (70-96), il entra au panthéon romain sous Commode (180-192) qui se Ut initier aux mystères perses. Il vit son apogée au ni' siècle. Cependant, en 248, Origèhr (Contra Celsum, vi, a3) le traite comme une secte obscure et une valeur négligeable. Organisé en petits groupes autonomes, d’où les femmes étaient exclues et qui ne pouvaient compter tout au plus qu’une centaine de personnes, le mithriacisme ne semble jamais avoir visé à l’universalité. Toujours est-il qu’abandonné à lui-même il disparut bientôt dans l’indifférence et l’oubli. Du reste, au temps de saint Paul, <i les mystères mithriaques n’avaient aucune importance » ; il est donc invraisemblable que Paul les ait connus et tout à fait inadmissible qu’il leur ait rien emprunté. Tel est l’avis de Cumont (Les religions orientales, Paris, igo6, p. xv), de de Jong (Das antike Mysterienwesen, Leyde, 1909, p. 60), de Harnack (Mission und Ausbreitung des Christentums^, Leipzig, 1906, t. II, 278). de TocTAiN (Les cultes païens dans l’empire romain, t. II, Paris, 1911, p. iSo-iSg).

Ce serait un anachronisme encore plus intolérable ou, pour mieux dire, de la fantaisie pure, que d’interpréter le baptême chrétien par le rite du Taurobole, pratiqué en l’honneur de Cybèle et d'.ttis. Frudb.nce (Peristephanon, x, ioii-io50) nous a laissé une description détaillée de cette répugnante cérémonie. Le candidat, placé dans une fosse recouverte d’un plancher à claire-voie et le buste nu jusqu'à la ceinture, recevait le sang fumant du taureau immolé sur lui et en humectait avec délices les yeux, les oreilles, les narines, la langue et l’intérieur du palais.

Le rapport entre le myste d’Attis et le néophyte chrétien est-il bien frappant ? Mais il faut encore ajouter ceci, pour mieux marquer la différence : a) Le taurobole n’est pas un rite d’initiation et il n’est pas spécial au culte de Cybèle. i) Il n’est considéré ni comme une nouvelle naissance ni comme un gage de vie éternelle, c) Il est de date relativement récente et, loin d’avoir influencé Paul ou les premiers écrivains chrétiens, il peut fort bien avoir subi lui-même l’influence du christianisme.

On offrait des tauroboles à la déesse Ma, la Bellone de Comane en Cappadoce ; le premier taurobole connu par une inscription datée (en 134 après J.-C.) fut réclamé par la Vénus Céleste. M. Cumont pense qu’il ne devint propre au culte delà Mère des dieux qu'à partir du deuxième siècle de notre ère. Même 1651

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sous l’empire, il est le plus souvent administré pour le salut de l’empereur, ou par suite d’un vœu, ou par ordre de la déesse. Tous ces faits prouvent que ce n’était pas un rite d’initiation ; car un tel rite ne passe pas aisément d’une religion à l’autre et son effet n’est pas transmissible. C’était donc un sacriiice comme les autres, mais plus coûteux et par là même réservé aux personnages jiublics ou aux communautés. — Plus tard, le taurobole devint personnel et fut considéré comme un puissant moyen de purilication. Le taiirobolié était censé lavé de ses fautes ; mais l’effet n’en durait que vingt ans. Ce temps écoulé, le sujet devait recevoir le sang d’un nouveau taurobole. D’assez nombreuses inscriptions latines mentionnent cette répétition, soil à une époque indéterminée (Corp. Inscr. Lai., t. VI, 502 et t. X, l5y6), soit après un laps de vingt années (Ilnd., t. VI, 50^, 512). Une seule fois (Corpus, t. VI, )i<S)e taurobolié est présenté comme in aeternum reiiatus ; mais il s’agit d’un vieillard qui ne pouvait guère espérer vivre plus de vingt ans. Cf. Lagrangb, Atlis el le Christianisme dans la Jieviie biblique, 1919, p. 4 « 9480.

Mais l’anachronisme le plus choquant est de prouver la dépendance de Paul à l’égard des religions orientales par les Litres hermétiques et les Papyrus mugiques, comme le fait notamment Ubitzbnstein {Poimandres, Studien zur griechisch-ngypt’schen uiid friihckristlichen Literiilur, Leipzig, 1904). Les papyrus magiques ne sont pas antérieurs au troisième et au quatrième siècle de notre ère, quoiqu’ils puissent contenir et contiennent sans doute des documents plus anciens. Voir Tu. Schermann, Griechische Zauberpapyri und das Gemeinde-und-Dankgebet im I Klemensbriefe, Leipzig, 1909, p. 2. Quant aux livres hermétiques, ils sont aussi, dans leur étal actuel, du quatrième, tout au plus de la fin du troisième siècle. Cf. L. Ménard, Hermès Trismégiste-, Paris, 1867 (traduction précédée d’une étude sur l’origine des livres hermétiques) ; J. Kroll, Die Lehren des Hermès Trismegistos, Miinster-en-W., igi^. Stock, Hermès Trismegistus (dans Kncycl. of Religion and Ethics.l. VI, I913)pense qu’ils furent composés entre 313 el 330, car Lactance est le premier qui les cite ; il en donne cette appréciation (p. 6a0) : « Prenez Platon, les Stoïciens, Philon, le christianisme, le gnosticisme, le néo-platonisme, le néo-pythagorisme ; amalgamez tout cela, en y ajoutant une forte dose d’idées égyptiennes, et vous aurez quelque chose de semblableà Hermès Trismégiste telquenous le possédons. » II est vrai que Reitzenstein se fait fort de retrouver les parties anciennes, à force de gratter le vernis moderne ; mais il ne peut se dissimuler ce que ses intuitions ont d’hypothétique el ses déductions de précaire. Est-ce d’une bonne méthode que de chercher dans des compositions hybrides, de date et de provenance incertaines, la source de la pensée de Paul et n’est-ce pas vouer une thèse au ridicule que de l’élayer de pareils arguments ? Cf. Mange-NOT, La langue de saint Paul et celle des mystères païens (dans la Ret’ue du clergé français, igiS, t. LXXV, p. I2ç)-161).

m. La judaïsme et le paulinisme. — Sous le nom de judaïsme on entend soit le rabbinisme cristallisé dans le Talmud, soit l’ensemble des idées religieuses dont les écrits palestiniens, à peu près contemporains de l’âge apostolique, nous renvoient l’écho.

I. Le rabbinisme et le paulinisme. — Autrefois ScHŒTTGEN, LiGHTFooT ct d’autrcs savants qu’énumère Vollmbr (Die alttestam. Zitate bei Paulus, 1895, p. 80-81) tentèrent d’illustrer le texte de saint Paul par des passages tirés du Talmud. Le

succès fut médiocre. Fbanz Delitzsch (Paulus’Brief an die Humer in das Hebraische tibersetzt und aus Talmud und Midrasch erlàutert, 1870) a renouvelé l’entreprise sans beaucoup plus de succès. Il fallait s’y attendre. Le rabbinisme du temps de saint Paul nous est inconnu. Ce que nous nommons ainsi est le produit artificiel d’une école isolée, qui se constitua après la ruine du Temple et fut successivement transplantée à lamnia, à Lydda, à Séphoris, à Tibériade. La source la moins trouble du rabbinisme, la Misclina, remonte seulement à la fin du second siècle. Selon la comparaison saisissante et juste de ScHWBiTZER (Paulin. Forschung, p. 38), le rabbinisme du Talmud « ressemble à une prairie calcinée par un soleil torride. Il fut un temps où cette herbe jaunie et poussiéreuse était verdoyante et fleurie. Quel était alors l’aspect de la prairie ? » Nous ne le savons pas ; et dans cette ignorance, nos rapprochements sont bien précaires. L’ouvrage classique « le Wkber (Jiidische Théologie auf Grand des Talmud und vertvandter Schriften-, Leipzig, 1897) a la sagessede les éviter. Saint Paul n’y est cité que deux fois ; et c’est encore une fois de trop (II Cor., xii, 4). L’emploi du sens typique est commun à Paul et au rabbinisme, mais ce n’est pas au rabbinisme que Paul le doit. Certains procédés de citation et d’argumentation, par exemple Gal., iv, 22-31 ; I Cor., 11, 9-10 ; Rom., X, 5-8, voilà tout ce que l’Apôtre a retenu des habitudes de l’école fréquentée par lui dans sa jeunesse. Voir dans I Cor., x, 4 (Bibebant de spiritali, conséquente eos, petra : petra autem erat Christus) une allusion à la pierre qui suivait partout les Israélites dans le désert, selon la fable ridicule du Talmud, serait travestir grossièrement sa pensée. Cf. sur ce texte, le commentaire de Cornbly et, sur la question en général, la Théologie de saint Paul’, 1920, l 1, p. 22-28.

2. Le judaïsme apocalyptique et le paulinisme.

— C’est J. Wbiss qui inventa le messianisme eschatologique (Die Predigt Jesu vom Reiche Gottes, Gcettingue, 1892 ; 2e édition très augmentée en 1900) ; LoisY Ut chorus dans l’Evangile et l’Eglise. Schwei-TZBR prête à l’opinion nouvelle l’appui de son réel talent cl de son ardente polémique (Von Reimarus zu Wrede, Tubingue, 1906 ; 2 » édition augmentée sous ce titre Geschichte der Leben-Jesu-Forschung, Tubingue, igiS). Voici, variante » à part, le fond du système. Jésus croyait à l’apparition soudaine, imminente et catastrophique du Messie. Comment arrivat-il à se persuader qu’il était lui-même ce Messie, la nouvelle école ne l’explique pas clairement. Toujours est-il qu’ayant en vain caressé l’espoir de l’être de son vivant, il comprit qu’il ne remplirait ce rôle qu’après sa mort. Il se résigna donc à mourir. Mais, dans son attente, la parousie devait suivre la mort de si près qu’il ne songea pas à fonder une Eglise. A quoi bon, pour si peu de temps ? Cf. Lagbange, Le sens du christianisme. Paris, 1918, p. 230-a68.

Kabisch (Die Eschatologie des Paulus in ihren Zusammenhangen mit dem Gesamtbegriff des Paulinismus, 1893) avait attribué le même système à l’Apôtre. ScHWHiTZER s’est fait l’héritier de ces théories qu’il défend avec fougue dans sa Geschichte der paulinischen Forschung, Tubingue, 191 1. Paul, lui aussi, attendait le retour du Christ à brève échéance. C’est ce qui explique le caractère provisoire de sa morale. Toutes ses pensées sont tournées vers l’avenir. Il n’aspire qu’à une chose : échapper à la destruction. Or ce sera le privilège de tous les croyants, au moment où le Christ inaugurera son règne. Les conditions pour y être admis sont la foi et les sacrements (baptême et eucharistie), qui nous unissent mystiquement au Christ. La justification, la réconci1C53

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liation, c’est l’assurance d’y avoir part. Il reste, dit Schweilzer (p. 187), des points à éclaircir : « Y a-t-il deux résurrections ou une seule ? Y aura-t-il un jugement à l’heure de la parousie ?Sur quoi porterat-iï ? Qui le subira ? En quoi consistera la récompense elle cliàtimenl ? Que deviendront ceux qui ne seront pas admis au royaume ? Quel est le rapport entre le jugement et l’élection ? Quel sera le sort des croyants qui ont reçu le baptême, mais n’ont pas conservé la grâce ? Ont-ils complètement perdu la béatitude, ou sont-ils simplement exclus du royaume messianique ? Paul connait-il une résurrection générale ? Si oui, quand aura-t-elle lieu ? », etc.

Schweilzer se proi)osait d’éclaircir toutes ces questions dans un nouvel ouvrage ; mais, étant parti < omme missionnaire au Congo, le 2t mars 1918, il est probable que son ouvrage ne paraîtra pas. Ainsi nous n’avons plus l’espoir de jamais comprendre saint Paul ; car personne, affirme Schweitzer, ne l’a jamais compris jusqu’ici, si ce n’est peut être Kabisch, partiellement.

IV. VÉRITABLES SOURCES DU PAULINISME. PrCSqUC

tous les systèmes mentionnés plus haut contiennent quelques parcelles de vérité ; mais ils ont le torl d’être exclusifs et de vouloir simplifier à l’excès un problème complexe. On crée de fausses perspectives en mettant trop en lumière des points accessoires et en rejetant dans l’ombre des points essentiels. Que le rabbinisme où Paul s’est formé, l’hellénisme où il a vécu, la culture philosopUique et le mysticisme religieux rencontrés sur sa roule aient influé dans une certaine mesure sur son langage et même sur sa pensée, personne ne le niera ; mais les sources principales de la théologie paulinienne n’en sont pas moins : l’Ancien Testament, l’enseignement de Jésus avec la prédication des premiers apôtres, l’inspiration personnelle.

A) Ancien Testament. — La Bible est pour saint Paul, comme pour tous ses compatriotes, l’autorité souveraine et irréfragable, la parole de Dieu. C’est le Livre par excellence, le seul qui renferme toute vérité et le seul digne d’être étudié. L’Apôtre le possède à fond et le sait presque par cœur dans les deux langues, grecque et hébraïque. Il le cite constamment de mémoire, sans s’astreindre à une exactitude méticuleuse. Quand on dit que ses lettres — l’Epitre aux Hébreux non comprise — contiennent quatre-vingt-quatre citations de l’Ancien Testament, on ne donne qu’une idée très imparfaite de la réalité. En dehors des citations expresses, son langage est tissu d’allusions et de réminiscences, inconscientes ou voulues. Gomme celui de Bossuet et de saint Bernard, son style est tout imprégné d’expressions bibliques qui jaillissent spontanément de son souvenir. Ses conceptions religieuses ont leurs racines dans l’Ancien Testament et son langage est greffé sur celui des Septante. Mais ni les conceptions ni le langage ne sont stéréotypés. De mêmequeson champ de vision dépasse de beaucoup celui des prophètes, de même aussi les mots qu’il emploie subissent une extension et un accroissement de sens proportionnés au progrès des doctrines.

B) L’enseignement de Jésus et la prédication des premiers apôtres. — La thèse de Resch ( i>er PaHlinismus und die Logia Jesu, Leipzig, igo^), d’après lequel Paul ferait constamment usage d’un Evangile primitif en araméen, d’où seraient sortis nos trois Synoptiques, n’a pas été prise en considération. A juste titre ; car les nombreuses et remarquables coïncidences d’idée et d’expression entre saint Paul et les évangélisles peuvent fort bien s’expliquer par la tradition orale et la catéchèse apostolique. Mais cette catéchèse à peu près uniforme, synthétisant l’ensei gnement de Jésus, est un fait indéniable et révélateur. En dehors de la question des observances légales, il n’est pas Iracede dissentimenlentre le docteur des Gentils et ses collègues dans l’apostolat. Encore ce point, moins théorique que pratique, fut-il vite réglé à l’amiable. Pour le reste, mêmes idées sur Dieu, sur la personne du Christ, sur le salut, sur les sacrements, sur les destinées finales de l’homme. Pierre, Jacques et Jean, à l’assemblée de Jérusalem, approuvent solennellement l’évangile de Paul (Gal., II, 7-9). Celui-ci, en louant la foi des Roniains(/ ?oni., XV, il)), évangélisés par d’autres, a la certitude qu’ils professent la même doctrine que lui sur la valeur du baptême (vi, 3), sur l’abolition de la Loi (vu, 2) et sur d’autres points qu’on serait porté à regarder comme lui étant propres. Loin de chercher à s’isoler, Paul en appelle volontiers au témoignage des autres hérauts de la foi : « Soit moi, soit eux, ainsi nous ])rêchons et ainsi vous avez cru » (1 Cor., xv, 11). Et c’est bien naturel, puisqu’il n’y a pas deux évangiles, mais un seul, qui est l’Evangile du Christ (Gal., 1, 6-7 ; U Cor., XI, 4).

C) Inspiration personnelle, — L’Apôtre attribue toujours son évangile à une révélation immédiate du Christ (Epk., iii, 3-io). Il écrit aux Galates (i, 11la ) : « Mon évangile n’est pas selon l’homme, car je ne l’ai ni reçu ni ap|)ris d’un homme, mais par révélation de Jésus-Christ. » Son évangile, celui qu’il exposa à l’assemblée de Jérusalem pour montrer qu’il n’avait pas fait fausse route (Gal., 11, 2 ; cf. II, 7), c’est le tour spécial que prend sa prédication quand il s’adresse aux Gentils ou qu’il défend leurs privilèges ; c’est l’annonce du Mystère. La vision du chemin de Damas fut la plus importante des révélations, mais ne fut pas la seule. Jésus avait promis à Paul (, -(c<, , xxvi, 16) que d’autres suivraient et elles suivirent en effet (II Cor., xii, i-^ ; Gal., 11, 2 ; I Thess., IV, 15, etc.). L’illumination divine guide ses pas comme ses paroles (.ici., xvi, 6-7, 9-10 ; xviii, 9 ; XX, 22-28 ; XXIII, 16). Non pas qu’un événement providentiel ne favorisât l’éclosion de la révélation ou que la raison n’intervint à son tour pour la féconder. L’esprit de Paul n’était ni passif ni inerte. La condescendance exagérée de Pierre lui fit comprendre le danger du maintien de la Loi dans les églises mixtes ; les prétentions des judaïsants lui firentsaisir, mieux et plus tôt qu’aux autres, le principe et les conséquences de l’égalité chrétienne ; la négation et le doute étaient souvent le choc d’où jaillissait la lumière surnaturelle. C’est quand il revendique la compréhension des mystères (Eph., iii, l)ou qu’il affirme avoir l’Esprit de Dieu (I Cor., VD, 40), qu’il exprime parle mol le plus juste le caractère de son inspiration.

N. B. Les principaux ouvrages qui se rapportent à notre sujet, ayant été signalés au cours de cet article ou à la fin des sections, il n’a point paru nécessaire d’ajouter ici une liste bibliograpliique. Qui désirerait plus d’indications les trouvera dans notre Théologie de saint Paul, t. II, p. 659-672. La 6" édition contiendra une liste raisonnée et méthodique, allégée des non-valeurs et des travaux surannés. Dans sa Geschickte der l’aulinischen Forschung’on der Heformation bis aiif die Gegennart, Tubingue, 1911, Albkrt Schweitzbr énumère et critique les auteurs de langue allemande (les catholiques exceptés, bien entendu) qui ont écrit sur saint Paul. Sa critique est généralement sévère et quelquefois partiale, mais souvent juste et jamais ennuyeuse. Pour les ouvrages anglais, on pourra consulter J. Stalker, article Puni dans le Dictionary of ihe Apostolic C/(Mrc/), Edimbourg, ig18, édité par Hab TINGS.

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