Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Jésus (I. Milieu évangélique)

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 2 – de « Fin justifie les moyens » à « Loi divine »p. 664-675).

ClIAPITHI ! rREMIKR

LE MILIEU ÉVAXGÉLIQUE

47. — Avant d’étudier un témoignage, il importe de le situer. Pour comprendre par exemple le texte du Concordat conclu en 180^ entre le Premier Consul Napoléon Bonaparte et le Pape Pie Vil, il faut se familiariser avec les faits qui occupèrent les années jyrécédiuit ce grand acte. Faute de quoi le document sera pour nous une énigme ou un grimoire. <’e sont là pourtant des textes rédigés en notre langue et des événements relativement récents, arrivés dans un pays qui est le nôtre. Que dire, s’il s’agit d’interpréter des déclarations faites il y après de deux millénaires, au sein d’une société qui s’effondra, tout d’un coup, quarante ans plus tard ?

Le témoignage du (Christ offre, il est vrai, cette particularité de n’appartenir pas qu’au passé. Reçu,

gardé, transmis par l’Eglise, adapte par elle à tous les temps et à tous les pays, il se conserve « gravé es cœurs des chrétiens ». Loin d’être pour nous chose morte, objet d’érudition pure, il se survit — non comme le droit romain par exemple, dans certaines de ses dispositions générales ou dans les grandes vues qui l’orientaient — mais comme une réalité vivante et agissante. Néanmoins, si son efficacité n’a pas diminué, si sa « présentialité » (pour reprendre un mot de saint Augustin), tout en se luodiliant, n’est pas abolie potir nous, il reste très important, et d’un intérêt suprême, d’étudier ce témoignage dans sa lettre première et authentique.

48. — Cette élude, en éclairant la foi des croyants, a de quoi rassurer ceux qui cherchent encore ou ceux qu’aurait troublés l’opposition énoncée naguère entre

« le Christ de l’histoire » et « le Christ de la foi »,

entre Jésus de Nazareth, prédicateur du Royaume de Dieu, prophète au sens large du mot, mais participant à toutes les limitations de sa race et de son temps, et le Seigneur Jésus, Christ et Fils de Dieu. Que cette distinction soit mal fondée ; qu’il n’j' ait pas, entre le Christ de l’histoire et le Christ de la foi, opposition, ou succession accidentelle d’un héros divinisé à un prophète inspiré, c’est ce que tout ce travail, s’il est bien mené, démontrera. Mais on comprend que cette œuvre de recherche sincère doit s’appuyer d’abord sur une intelligence exacte du message primitif, et débuter par un exposé qui replace ce message dans son milieu.

Le cadre de l’histoire et de la prédication évangélique nous est connu, soit par les évangiles eux-mêmes, soit par les écrits et monuments divers qu’on peut attribuer, avec certitude ou très haute vraiseniblance, aux siècles qui précédèrent ou suivirent immédiatement la venue du Christ. Il faudrait une longue étude technique pour présenter et dater cette littérature considérable, très souvent anonjme ou pseudonyme. Tel de ses documents principaux, le (I Livre d’Hénoch » par exemple, résulte d’un groupement artificiel d’écrits ou de fragments d’âge, de caractère et de langue fort divers*. Fort heureusement, il s’en faut de beaucoup que toutes les sources soient aussi dilliciles à utiliser. Un nombre imposant d’écrits peut être daté d’une façon exacte ou approchée, mais certaine. Renvoyant pour le détail aux auteurs qui ont étudié cette époque ^^ on se contentera d’utiliser ici les résultats qu’on peut considérer comme acquis.

§ 1. — L’état politique du monde juif

49. — Le peuple juif était soumis, au temps de Jésus Christ, à deux régimes fort distincts, selon que les fils d’israil lialiitaient la terre sainte qu’Abraham avait reçue de Dieu en héritage, Josué reconquise pour les douze tribus, et dans laquelle les croyants formaient tout le fond de la population, — ou que des colonies Israélites étaient dispersées, çà et là, chez les Gentils.

A l’ensemble de ces colonies, on donne communément le nom de Dispersion (S : « 7Tziipc/). Un seul lieu du monde étant agréé de lahvé pour son cnlle public : le Temple de Jérusalem, rebâti après l’exil de Babylone par Zorobabel, puis refait et embelli par llérode

1. Dans la table clironologiqiie où il l’ésunie ses conclusions, le Prof. St. SzékilLY assigne des dates diverses (d’ailleurs hypotliétiques) aux huit gronpes littéraîres pi-incipaiix qu’il distingue dans les deux Livres d’IIt’noch (l’thiopien et slave) : tîiblintlti’ca Aporri/pha, I, Kreihurg i. R., 191H, p.’|05, ’1%. Ces dates ne tiennent pas compte li’ailleuts des interpolations possibles et probables.

2. On trouvera les indications principales ii lu Bibliographie.

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le Grand. Les Juifs de la Dispersion n’avaient pas, de par la législation du Deuléronoine, de temples à eux. Cette disposition si dure, mais qui maintenait puissamment l’union des dispersés avec Jérusalem, semble avoir été tidèlement observée.

Jusqu’à ces dernières années, on ne lui connaissait ) qu’une exception, celle du temple restauré et consacré à lahvé, vers iCi-iôa av. J.-C, par le (Ils du grand prêtre Onias III, à Léontopolis (nome (l’fléliopolis, Egypte), sur autorisation dePtolémée VI Pliilométor.

Des papyrus rédigés en langue araméenne, découverts à partir de i goS, nous ont fait connaître la vie intime d’une importante colonie juive, lixée à Elcphantine, aux portes de l’Ethiopie, à la hauteur lie la première cataracte du Nil, entre !)) i et 406 avant J.-C. llappert de ce document que les Juifs possédaient’là un temple véritable, dédié à leur Dieu lalivé (laho’ou Iahii).Ce temple existait dès l’époque de la dernière campagne de Carabyse en Egypte (525 av. J.-C). Détruit par les prêtres du dieu bélier Khnoum, avec la complicité du gouverneur Widrang, en 409, l’édilice était encore à terre en 406, date de la supplique où licence de le rebâtir est demandée à Bagohi, administrant la Judée au nom de Darius II.

30. — Les dispersés suppléaient au culte sacrificiel proprement dit par des réunions, le jour du sabbat, dans des synagogues ou « proseuques », à la fois écoles et lieux de prières’. Dans ces réunions, les scribes ou lévites (s’il s’en trouvait) jouaient un rôle important, mais non indispensable. Le service s’ouvrait par la récitation du Schéma, composé de trois fragments du Pentateuque^ accompagnés de bénédictions. Une prière était dite par l’un des assistants, la face tournée vers Jérusalem, les autres répondant : Amen. Suivaient des lectures choisies dans la Bible et accompagnées de traduction en langue vulgaire (araméenne ou grecque, selon les temps et les pays) ; une homélie faite par un scribe, s’il y en avait là, puis une bénédiction, remplacée par une prière quand le prêtre manquait. Les officiers de la synagogue étaient généralement des laïques, chefs de 1.1 communauté, analogues aux marguilliers de nos anciennes paroisses et, plus encore, aux notables des clirélientés en pays de mission. Il y avait une synagogue dans tous les lieux où les Juifs formaient un groupe tant soit peu nombreux et, si la colonie était considérable, plusieurs.

SI. — Des groupes de ce genre, au i’"' siècle, s’étenilaient comme un réseau sur tout le monde hellénique et romain, débordant même ses frontières^. Et ces communautés, parfois considérables par le nombre de leurs membres, l’étaient presque toujours par leur entente étroite, leurs ressources, leur audace. CroKiioN, dans son plaidoyer pour Flaccus, après avoir mentionné le poids redoutal)le de « l’or juif », note qu’on a dû changer le lieu ordinaire des audiences à cause des fils d’Israël, et affecte de parler bas pour

1. L’institution des synagogues est sûrement postérieure là l’exil. Il est impossible de leur assigner une époque

d’origine absolument sûre. On en trouve des traces certaines en Egypte pendant la seconde moitié du m’siècle avant J.-C. Leur multiplicalion en Judée semble avoir été plus tardive, mais, au temps cvangélicpie, l’institution avait pris un développement immense. Voir W. Bousset, DU Heli !  ; ion des Judfiitiims im ir. Zeitalter-, Berlin, 1906, p. 197 sqq.

2. Ociit., Ti, 4-9 : « Ecoute, Israël. lalivé notre Dieu est seul lahvé. Tu aimeras lahvé, ton Dieu, de tout ton cnur, de toute ton àme, de toute ta force, etc. » ; Deut., xi, 13-21, iVH7 «., XV, 27-41.

3. E. Scnimi-R, G/f, III, p. 1-70, donne une liste détaillée et commentée des lieux où la présence de colonies juives est attestée.

éviter le péril qu’ilspourraient créer Ml y a là peut-être quelque artilice oratoire, mais il est certain d’autre part qu’un peu partout, surtout après qu’elles eurent rendu à César de grands services pendant sa campagne d’Egypte, les juiveries obtinrent des privilèges, des exemptions, des facilités pour leur vie religieuse. En dépit d’orages passagers, cette faveur se maintint et cette influence ne ût que croître. Les auteurs latins de l’époque impériale ne tarissent pas sur les Juifs, et leurs plaisanteries même montrent à quel point ceux-ci étaient encombrants et redoutés’-.

SS — Dans toutes les villes de quelque importance il y avait des juiveries. Parmi les pèlerins venus à Jérusalem pouikla Pâque — et qui auraient porté, à cette époque oe l’année, d’après FI. Josiîphf, à 2. 700. 000 le nombre des habitants de la Ville sainte

— le livre des Actes mentionne des Juifs venus de

« l’Elam, de la Médie, du pays des Parthes, de la

Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, du Pont et de l’Asie, de la Phrygie et de la Pampliylie. de l’Egypte et des provinces égyptiennes voisines de Gyrène, de Home (Juifs de race et prosélytes), de la Crète et de l’Arabie » (.^c(., 11, 9-12). Comment seconstituèrent ces nombreuses et puissantes colonies ? Il est malaisé de le dire.Dans certains pays : Médie, Mésopotamie, des groupes considérables de Juifs restèrent fixés, même après que leurs frères furent rentrés en Palestine, au soloùla colère des Grands Rois les avaient transplantés. Nous savons, par les prophéties de Jérémie, que bon nombre de notables, en son temps, émigrèrent en Egypte. Ailleurs, ce sont surtout des raisons d’affaires, de banque, de commerce qui expliquent — si l’on se rappelle la fécondité bien connue et l’àpretéà se soutenir et à s’appeler entre eux, qui caractérisent la race — le grand fait de la Dispersion.

53. — Dans le passage des Actes qui vient d’èlre cité, allusion est faite à des « prosélytes » (tt/jot/i/utîi) | venus de Rome. Dans l’Evangile, Jésus parle également des prosélytes : Mt., XXIII, 15. Ailleurs, dans les Actes, nous trouvons mentionnés comme une classe à part, les « craignant Dieu » ou les « adorant

Dieu » (p^CîyycvOl, ai^oyeyoi TÔv 9sO’v)^ Act., X, 2, 22 ; XMI,

1 6, 26. Dans l’Ancien Testament, les « prosélytes » (Iiebr. » erim]doivenl être assimilés aux " métèques », A ces étrangers fixés en Attique et vivant au milieu d’un peuple sans en faire partie..Mais le mot changea de signification et, aux temps évangéliques, les « prosélytes » sont, parmi les païens étrangers à la race d’Abraham, les très rares convertis qui acceptaient toute la Loi, y compris la circoncision, et devenaient à ce prix fils d’Israël au sens plein du mot. Beaucoup plus nombreux étaient ceux qui acceptaient une partie des croyances et coutumes juives, sans aller jusqu’à la circoncision et au judaïsme intégral : à ceux-ci s’appliquent les expressions de « craignant, ado-j ranlDicuD.Ilsétaient plutôt des candidats, des postulants au judaïsme que desIsraélites proprement dits-’.

1. Pio Flacco, xxvni, G6. « … auri illa inuidia iuda’ici… [Læli]. scis quanta sit manus, quanta concordia… Sumniissa uoce agnm… »

2. Théodore Reiikach, Textes d’auteurs £ ; recs et romains retati ; s au Judaïsme, Paris, 1895, 21914 ; F. Staf.melin, Der Aniisemitismus des Altcrtums, BAIe, 1005 ; et Jean Ji’Ster, Les Juifs dans l’Empire romain ; leur condition juridique, éennomique et sociale ; 2 vol., Paris, 1914.

3. La qualification de « prosélytes de la porte », qu’on leur a longtemps attfibuéc, semble bien une expression rabbinique très postérieure, médiévale. Sur tout cela, M.J. Lagrange, Messianisme, p. 278-282 ; E. vos DonsciiiiT ?., P/ ! E l. p. 112-123 ; et l’étude approfondie de Ed. SghHrer, G/n, p. 150-188 : sur les « prosélytes de la porte », p. 177-180.

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54. — Parmi les juiveries delà Dispersion, mention spéciale doit être faite de celle d’Alexandrie, la plus considérable de toutes les façons. Au temps de Philon, qui est le contemporain de.) ésus Christ, deux des cinq quartiers de cette ville immense (peut-être un demi million d’habitants ?) s’appelaient « judaïques », à cause du grand nombre de Juifs qui y faisaient séjour. Philon ajoute que nombre d’Israélites habitaient çà et là, dans les autres quartiers (Philon, In Flacctijn, n.xui). Danslenienieecrit.il n’estime pas à moins d’un million le nombre de ceux qui étaient fixés en Eg^ypte. Fidèles à la Loi. à la circoncision et même, dans une large mesure, au Temple de Jérusalem qu’ils ornaient au mo3en de leurscontributions, et visitaient en pèlerins, les Juifs alexandrins jouissaient d’une certaine autonomie. C’est par eux et pour eux que les LiTes saints, ou du moins le Penl ; iteu’que’. avaient été, auni’" siècle av. J -C., traduits pour la première fois engrec’-. C’est encore par eux quele contact s’établit et se maintint entre la pensée grecque et la religion d’Israël, entre la philosophie platonicienne ou stoïcienne et la i Sagesse « biblique.

55. — Ailleurs, les juiveries, moins puissantes, l’étaient encore beaucoup. C’est chez elles ou dans leurs environs que nous transportent les missions de saint Paul décrites dans les Actes, et ses propres épîtres. C’est dans les synagogues et les proseuques que Patil, Barnabe, Silas. Apollo prêchèrent d’abord Jésus crucilié. C’est d’elles que se détachèrent les premiers convertis ; d’elles ou, plus souvent, du groupe d’âmes de bonne volonté, « craignant Dieu », (pii gravitaient autour d’elles. Ce sont elles aussi qui, se retournant contre les chrétiens affranchis de la Loi, provoquèrent les premières persécutions et les exaspérèrent toutes, méritant le nom de « font<"S persecutionuni » que leur inlligeait plus tard Tbrtcli.ikn. Scandalisé par le mystère de la croix, l’Israël de la chair poursuivit sans lelàcrtie l’Israël spirituel que Dieu lui substituait.

56- — En face de cette nation dispersée, mais énergiquement maintenue dans ses cadres par la Loi, les coutumes et la race ; émiettée, mais non fondue dans la masse des Gentils, il faut décrire brièvement le corps de nation qui occujiait le sol de la Terre Sainte au moment où Jésus de Nazareth commença de prêcher l’Evangile. C’était, nous dit saint Luc, u la qtiinzième année du règne de Tibère César, Ponce PUate étant gouverneur de la Judée ; Hérode, tétrarque de la Galilée ; Philippe, son frère, Ictrarque de l’iturée et du pays de la TracUonite : et Lysanias, tétrarque de l’Abiléne ; au temps des grands prêtres Anne et Caïphe… » (Le, 111, 1, 2). Cet enchevêtrement de noms, de fonctions etd’autorilés, nous avertit d’abord que nous avons affaire à un état de choses complexe. On sait en efl’et qu’après les régnes glorievix des premiers princes Asmonéens (de la famille des Macchubées)et lalongue anarchie.où s’étaient débattus leurs indignes descendants, l’unité politique avait été rétablie en Palestine, au prix d’une guerre atroce de trois années (40-3^ av. J.-C), par l’idumécn Hérode.

Ce (ils de l’étranger, astucieux, cruel et rude, qui devait finir son règne par le massacre des Innocents,

1. II. A. Redp.^th, The tintes « /" the liamlation nf Ihe variuus Hoitks ofthc Sepluagint, danse Journal o/t/ieological Sttidies. VII, (1906), p. 60C-G1.5.

2. C’est la fameuse ver.sion des Septante L’histoire légendaire des 72 traducteurs étant mise de cftté. il reste cerlain que la version est d’origine ïdexanfirine et qn’rlîe existait au m’siècle av. J.-C. L’Iielléniste Demetrnis s’en servait au temps de Plolémée IV (22J-20Ô av. J.-C.K

imposa du moins l’ordre et obtint, s’il ne le mérita pas, le nom de Grand (i-j- ! av. J.-C.’) Le Temple fut magnifiquement rebâti, la paix maintenue, l’aristocratie remuante des familles sacerdotales humiliée. Les noires intrigues de palais et les meurtres répétés qui assombrirent les dernières années du règne, n’empêchèrent pas Auguste de ratifier le testament de l’Iduméen. Celui-ci divisait le pays’- entre ses trois fils survivants : Archélaiis eut la Judée ; Hérode (Antipas : celui qui figure dans le récit de la Passion, et qui fit décapiter Jean Baptiste), la Galilée et laPérée ; Philippe, l’iturée et les districts du Nord-Est.

57. — Au bout de dix ans, des sujets d’.rchélaiis firent passer à Rome une pétition contre leur prince. Auguste intervint, déposa Archélaiis, mais au lieu de donner la Judée à l’un des fils survivants d’Hérode le Grand, il la déclara terre d’empire et la soumit directement au magistral romain (G ap. J.-C). Celuici, un Procurateur^ résidant à Césarée, d’où les communications avec Rome étaient moins malaisées, eut la haute main sur l’administration du pays. Toutefois, son habituel éloignement de Jérusalem — il y montait chaque année, avec une forte escorte, vers la fête de Pâques — et le souci des Romains de laisser aux peuples vaincus (et soumis) une part ou une ombre d’autonomie, firent que le haut conseil de la nation, le Sanhédrin, à peu près réduit à rien sous le règne d Hérode, reprit une certaine autorité. Composé de soixante-dix membres, « princes des prêtres » (c’est-à-dire chefs des hantes familles île la caste sacerdotale),

« scribes » (docteurs spécialisés dans l’interprétation

de la Loi), et k anciens n (personnages considérables, mais n’appartenant à aucune des deux catégories précédentes), le Sanhédrin était présidé par le grand prêtre alors en fonction. Ce tribunal était, à vrai dire, l’unique autorité juive *, en matière politique et ecclésiastique, au temps de Jésus.

58. — Sur le reste de la Palestine, les deux fils d’Hérode le Grand. Hérode Anlipaset Philippe, conservaient leur principauté. Pour apprécier leur pouvoir réel, il faut nous reporter par la pensée aux princes des pays « protégés r, : Tunisie, Maroc, et surtout aux « Etats indépendants i> de l’Inde anglaise. Les grands rajahs y gardent des troupes, une administration, des finances à eux, tout en reconnaissant la souveraineté de la Couronne d’Angleterre. Ils ont

Î.On sait que l’ère vulgairecommence plusieurs années, au moins.5, peut-être 6 ou 7, après la nais8 : ince de Jésus. Voir Ferd. Pkat, dans les Recherches de Science relii^ieitse. janvier 1B12, p. S2 sqq. ; et E. Schurer, G/T*, I, p. 41.) sfjq, , note 107.

2. La Terre Sainte proprement dite, ou Palestine, dans ses limites classiques, << de Dan à Bersabée ». est évaluée par les géographes du Palestine Exploration Fund » 9.700 milles carrés (anglais) : France, 207.000. En kilomélres carrés on obtient 28.000 km- environ C’est à très peu près l’élendne de la.Sicile ; 9.930 ml^ = 29.230 km’^. ou de la Belgique : 1 0.000 -mP = 29.400 km ». Tous ces chilïres, en ce qui concerne la Palestine, sont, bien entendu, a|iproximatifs : les frontières se sont déplacées.

3. Ce point, qui importe à l’histoire de. lésus, a élé contesté par certains éru dits isracliles.s’nppnyant sur quelques indications talnuiiliques très postérieures. Biiciii.ER a défendu la thèse de deux tribunau.t distincts, dont l’un numit été préposé exclusivement aux différends d’ordre religieux : e( cette vue est adoptée dans la Jeish Encyclopedia. Maw les textes (vangcliques, en plein accord avec ceux d «  Jtjsèphe, et les indications qu’on peut tirer du rétablissement, après la c.ilaslrophe de 70, à labné, du Sanhédrin, concordent à prouver qu’il n’y avait qu’un seul tribunal, à compétence universelle. Voir Ed. SciiuREii, C/f, 11, p. 2’i.’)Sqq., et G. Adam S.mith, Jérusalem, the Topography. Economies and Bistory, Edinburgh, 1908, 1, p. 418 sqq.

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surtoal grand soin (le s’assurer que leurs actes im^ portauts ne déplairont pas à Downin^-Slreet’.

39. — Tel étaiten lésuiué l’état politique du monde juif quand Jésus vint se l’aire baj)tiser par Jean ; une très l’orle « Alliance Israélite », fondée sur la eoniniunaulé de race, sur l’unité jalousement gardée de l’oi. de [iratiques et d’espérances religieuses et nationales, sur dus interdictions sévères : mariages mixtes, repas communs, etc. lie cet Israël dispersé, les groupes, parfois très compacts, toujours nettement tranches, couvrent la totalité du monde occidental. .-Vu centre, la Terre Sainte, divisée en circonscriptions politiques distinctes, st)uniises à des régimes politiques dilférents : ici des régions gxuivernées par les lils d’IIérode, là le eontuole direct du Procurateur, partout riiégénionie impériale. Cette mainmise laissait |)onrtant large place aux partis, aux groupements, aux tendances locales. Rome twlérait aussi les rapports, les tributs, les péierinages desjuiveries de la Dispersion à Jérusalem et, à la seule condition de rester maîtresse, accordait volontiers à ses « protégés 1) des dispenses, des droits, voire des privilèges fort désirables, ("est à l’.Vngleterre impériale qu’il faut toujours se reporter pour se rendre réelle cette situation.

§ II. — Le milieu social

60. — Si la carte politicpie du monde juif vers l’an 30 de notre ère n’est pas trop dillicile à dresser, il n’en va pas de même quand il s’agit de mettre aux yeux son état social et intellectuel.

II y a, bien entendu, une première distinction à faire entre « dirigeants » et « gens du commun ».

On voyait alors en Judée, moins qu’ailleurs, peut-être, mais comme ailleurs, des riches et des pauvres, des « glands de chair » et des simples, des gens considérés et du populaire. Les premiers nous sont, I comme toujours, les mieux connus, et c’est d’eux qu’on parlera surtout plus bas. Mais en oubliant les autres on s’exposerait à ne pas comprendre les évangiles. Ce sont les évangiles aussi q^ui nous en offrent les types les plus vivants. Artisans aisés, pécheurs plus faciles à détacher de leur barque que des laboureurs à déraciner du sol, les apôtres de Jésus appartenaient, l)our la plupart, à ce petit monde d’Israélites véritables, a sans artilice », formés sur le modèle que les livres de la Sagesse et les Psaumes nous ont rendu familier, et que le Maître loua en la personne <le Xathanæl.

61. —.Vu-dessus ileces masses populaires, les dominant on du moins s’en distinguant, nous trouvons en Judée, à cette époque, « des riches et des prudents » auxquels la fortune ou la connaissance de la Loi assuraient une certaine importance.

Les « Hérodiens » sont trois fois mentionnés dans nos évangiles. Ils constituaient au pouvoir à demi national des princes Iduméens une clientèle assez nombreuse, opporlunisle.de gens quel’état dechoses actuel n’a pas triq) froissés ni lésés. Ils y voient donc un moyen terme sorlable, entre la sujétion totale à l’Empire et une indépendance qu’ils ne croient plus possible. Les paroles prononcées au conciliabule des sanhédriles, touchant les miracles et la croissante popularité deJcsu- ;  : « Si nous le laissons faire, tous croiront en lui, et les Romains viendront, et ils nous arracheront le Li(Mi ^saint] et |le nom de| nation ». (/o., XI, 48) forunilenl assez bien la timide sagesse des Hérodiens et la hantise de Home, qui leur faisait accepter, et presciue aimer, la dynastie iduniéenne.

68. —.V Tantre extrémiléde l’arc-en-ciel politique,

1. Rue de Lonlres, où se trouve le Sécrétai iat d’Htut pour les Indes.

voici un groupe remuant, fanatisé, les « Zélotes », jaloux observateurs de la Loi et, comme tels, Pharisiens sans plus, mais nalionalistesavant tout, adversaires déclarés de toute iloniinalion étrangère. Cette minorité turbulente commenvait de se former aux temps évangéliques. Elle fomenta et conduisit les révoltes successives qui amenèrent en 70 la prise et le sac de Jérusalem.

63. — Un peu estompés, connus seulement par des textes assez rares de Philon, de Joskpue et de Plink l’Ancien (cesdernicrs. tout à fait romantiques I)’, les

« Esséniens » ont beaucoup piqué la curiosité des

érudits. Ils formaient des groupes cénobitiques, recrutés librement. Leurs (irincipaux « phalanstères » étaient situés autour de la Mer Morte, et, d’après Josèphe, ils auraient compté jusqu’à 4.000 adhérenl’s environ. Leur origine est tout à fait inconnue : on en trouve des traces vers le milieu peut-être, siirement vers la Un du premier siècle avant J.-C. Après un postulat d’un an, on remettaità chacun des initiés une hachette, une ceinture et une robe blanche. Ils s’administraient eux-mêmes, travaillaient de leurs mains, gardaient le célibat, n’entretenaient pas d’esclaves et ne faisaient pas le commerce. Ces traits, auxquels il faut ajouter un soin minutieux, concerte, quasi rituel, de la propreté, et l’abstention des sacrilices sanglants du Temple, pourraient faire croire que les Esséniens étaient fort différents des autres Israélites.

64. — En réalité, fidèles aux croyances fondamentales du Judaïsme, stricts observateurs de la Loi, grands lecteurs des Livres saints, envoyant au Temple leurs offrandes, les Esséniens étaient des Juifs véritables et, doctrinalenient, des « pharisiens décidés », selon le mot de SciiiiuER. Il reste que ces Juifs avaient subi et accepté une inlluence étrangère, une discipline et une forme de vie venue d’ailleurs, probablement hellénique et pythagoricienne, — peut être iranienne. Uien, dans tons les cas, de plus différent, en dépit de quelques analogies superficielles, du christianisme primitif. Le légalisme étroit des Esséniens, leur application scrupuleuse aux purifications corporelles etniénagères, leurrigorisme moral allant jusqu’à la condamnation du mariage, leur éloignement de tout ce qui était profane, pécheur, commun, tout cela est aux antipodes de l’esprit et des habitudes de Jésus. Ou se demanderait plus justement si certaines critiques du Maître ne visent pas les rallinements et l’exclusivisine des Esséniens-, Cela, pourtant, n’est pas siir, d’autant que les communautés esséniennes, isolées, peu nombreuses, restaientsans grande influence sur la marche des choses. Certaines sectes russes du Uaskol, parmi les plus inoffensives, avec leur courageuse, simple et on peu chimérique manière de vivre, offriraient peut-être à PEsscnisme ancien une analogie contemporaine.

65. — Venons-en anxdeux grands partis, opposés et rivauDC en bien des points, mais qu’un intérêt

1. [l’sl. nature/., y, x’il.

2. «.If’siis ne peut non plus avoir eu aucun rapport avec les Esséniens, cet or<lre si i-cmarqnuhle (ie moines juifs. Si de semblables rapporta avaient existé, Jésus eut éiéde cesdisciples qui témoignent de leur dépendance à l’égnnl de leurs maitres en prêchant et en faisant exactement le contraire « le ce qu’ils ont appris auprès d’eux… Fin et moyen, tout les sépare. Si, dans cquelcpies préceptes particuliers donnés à ses disciples, Jésus semble se renconti-er avec eux, c’est pur une coïncidence purement fortuite, caries mobiles étaient complètement différents. » Ad. Hak : 5Aiii<, Dos M’rsrn dea Christintuins, Tr. fr. noufcUc, Pwis. 1907, p.’iO, iC. 1323

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commun pouvait rapprocher, el réunit en effet contre Jésus : les c Sadducéens » et les « Pharisiens ».

D’abord prépondérante sous la dynastie asnionéenne, suspectceeteomhattuesous Hérodele Grand, la faction sadducéenne avait recouvré, au moment de la vie publique du Sauveur, une partie de ses prérogatives et par conséquent de suu prestige. La ruine du Temple el de la Ville sainte entraîna la leur en 70. Ils se recrutaient en effet dans un petit nombre de familles sacerdotales plus opulentes, et inlluentes — les deux pouvoirs tendant, comme toujours, selon l’ancienne conception d’Israël, à se confondre. Ces « princes des prêtres », cette aristocratie lévitique se transmettait le souverain pontilicat et les cliarges principales du Temple : or toute la vie religieuse et nationale du peuple de Dieu gravitait autour de ce centre, vers lequel allUiaient les pèlerins, les vœux, les offrandes de la Dispc rsion, comme ceux de la Palestine. On comprend dès lors que Home, après les princes Iduméens, surveillât de très près les agissements des Sadducéens : ceux-ci, de leur côté, pour garder ou recouvrer les privilèges dont ils avaient joui jadis, étaient portés à des concessions, à des compronnssions à l’endroit du pouvoir de fait. Gens orgueilleux et peu dévots, durs au pauvre peuple, d’un conservatisme étroit et littéral, ils affcctaientde ne reconnaître que les cinq Livres de Moïse comme Ecriture inspirée. Ils mettaient en doute ou niaient l’existence des esprits et la résurrection des morts. C’était pourtant moins comme i)rotres, et pour des raisons doctrinales, que comme grands, par rivalité d’iniluenco et orgueil de caste, que les Sadducéens s’opposaient aux Pharisiens. Ces hommes « nés » et nantis considéraient avec jalousie les progrès d’une autre caste, formée en dehors d’eux ; ils déploraient les accroissements de prestige que conciliaient à celle-ci la science, le zèle, le rigorisme. Ils trouvaient ces casuistes encombrants et compromettants.

66. — Casuistes, les Pharisiens l’étaient avec délices. Ils se recrutaient parmi les scribes, les savants, les « intellectuels », mais à vrai dire leur esprit et leur influence s’étendaient beaucoup plus loin. Ce qui les distinguait, ce que leur nom même de Pharisiens {^cptrmoi, periicltiiii : sépan’s) impliquait, c’était un zèle extraordinaire, inaccessible au grand nombre, et faisant d’eux une élite, pour la Loi. Ils s’en constituaient les interprèles, mais aussi les cliampions et au besoin les vengeurs. Dans leur enthousiasme, plusieurs allaient jusqu’à rendre la Loi indépendante de Dieu, en « luelque sorte, et s’imposant à luil Saint Paul, voulant exprimei- d’un mot son attachement passionné à la Thora, à la Loi de Moïse, se contente de dire qu’il était Pharisien : « Hébreu, Ois d’Hébreu ; pour ce ijui est de la /o/, Pharisien » (Philipp-, m,.^>). Tout était dit par là.

Ainsi, à la <Ulférence des llérodiens, simples politiques ; des Esséniens, groupe de rêveurs désintéressés, absorbés par le souci <le leur progrès moral ; des Sadducéens, aristocrates de race et d’instinct, les Pharisiens formaient un parti avant tout religieux. Mais n’est-ce i)as dire aussi, dans ce temps et dans ce pays, national ? Moins dépendants <)ue l’élite sacerdotale des circonstances et conditions politiques ; moins engagés que les Zéloles dans la politique militante, le gros des Pharisiens représente et constitue

— par son ardeur à observer, k gloser, à imposer la Loi ; par sa science, littérale, minutieuse et étroite, mais réelle ; par la prise i]ue son puritanisme lui donnait sur le |)eiiph’— le noyau d’israil, le cœur du judaïsme. C’est par les «.Sépaiés » qu’Israél a survécu aux crises ciTroyables du v et du n* siècles. Les barrières établies ou relevées autour de la race ; les traditions jalousement maintenues dans ces

groupes fermés ; l’obstination souple qui ne cède que pour obtenir ; l’opportunisme politique qui se plie à tous les gouvernements pour arracher à chacun la tolérance et, s’il se peut, la faveur ; la masse énorme d’adages, de souvenirs, de prescriptions, de décisions qui a cristallisé dans le double Talmud, tout cela est l’œuvre des Pharisiens. Et il sullit de lire lesévangiles pour voir leur rôle prépondérant dans l’opposition faite au Clirist.

67. — Il ne faut pas oublier toutefois qu’avant de devenir, par leur obstination aveugle et leur malice, les adversaires du Règne de Dieu, les Pharisiens avaient tenu, pendant un siècle et plus, un rôle utile et glorieux. Ils étaient les descendants — diminués, racornis, entêtés, empoisonnés d’orgueil stérile — mais enfin les descendants des grands hommes qui avaient libéré Israël du joug des Gentils, au prix du sang. Ils étaient le vinaigre d’un vin généreux, les épigones d’une race héroïque. Ce qu’il y a de plus élevé et de meilleur, dans la littérature des deux siècles qui précédèrent Jésus, porte l’empreinte des sentiments, des espoirs, des passions qui furent les leurs. Même au temps du Sauveur, si la niasse était gâtée, une imposante minorité n’avait pas péché contre la lumière. Les.ctes des apôtres complètent sur ce point nos évangiles. Ils nous montrent, parmi les recrues de l’Eglise naissante, un grand nombre (et non des moindres, à commencer par saint Paul) venu du parti des Pharisiens. Il faut noter enfin que, tout en stigmatisant leur lilléralisnie impitoyable, leur hypocrisie, leur orgueil el leur vanilé, Jésus a visé beaucoup plus l’abus fait par eux des choses saintes, la canonisation de traditions humaines, le faux zèle des Pharisiens, que leurs erreurs doctrinales. Bien plus, il reconnut, tout en démasquant leurs vices, leur autorité relative sur le terrain de la Loi : « Les Scribes et les Pharisiens sont assis dans la chaire de Moïse. Faites donc et gardez tout ce qu’ils vous disent, mais ne faites pas comme ils font… » Mt., xxiii, 2, 3.

§ IH. — Le milieu intellectuel

68. — Dans ce peuple de Galilée el de Judée, où prévalaient à des degrés divers l’influence de ces partis, depuis la molle sagesse des llérodiens jusqu’au radicalisme intransigeant des Zélotes, quelles notions religieuses, quelles aspirations allait rencontrer el transformer la parole du Maître nazaréen ?

Pour répondre, même sommairement, à cette question, il est indispensable d’indiquer les sources de nos connaissancesà ce sujet. Rappelons pour mémoire les ouvrages capitaux de l’historien Flavius Josèphb et du philosophe allégoriste Philon, d’Alexandrie.

A. — Les sources

69. — A côté de ces écrits, une ample littérature, presque toute anonyme, s’espace dans les trois siècles qui vont du début de la période raacchabéenne (170 av. J.-C.) à la ruine délinitive du peuple juif, sous Hadrien (vers 130 ap. J.-C). Palestinienne (rédigée ordinairement en langue sémitique), ou littérature de la Dispersion (rédigée en langue grecque), cette suite d’ouvrages nous est parvenue le plus souvent à travers des traductions postérieures, ou à l’état fragmentaire’.

En dehors des histoires, ou des récits édifiants fk forme historique, nous trouvons <rabord des livres de morale, senlentieux, poétiques, imagés, profilant

1. On trouveiu i la Bibliographie l’indication îles Corput modernes où cette matière uisparitlc a été réunie. 1325

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de toutes les ressources du parallélisme et souvent de la stroplàque. Les grandes figures de David et surtout de Salouion dominent cette littérature, dile de Sapience. Plusieurs de nos Livres saints rentrent, on le voit, dans ce genre littéraire, auquel ils ont fourni des modèles.

tl’cst à lui, ou du moins à quelques-unes des sollicitudes qui l’inspirèrent, qu’il faut rattacher les ouvrages postérieurs où l’on a recueilli les dires et solulions motivées des maîtres en Israël. Nous y entendons la voix des scribes illustres, depuis Hillel et SciiAM.MAÏ, tiges des deux écoles d’interprétation, celle-ci plus rigoureuse, celle-là plus libérale, de la Loi (tous deux ilorissaient au temps des lils de Jean Ilyrkan, de loo à 70 av. J.-C), jusqu’à Rabui Aqiba (mis cruellement à mort au temps de la dernière grande révolte, celle de Bak-Kociiua, vers 130ap. J.-C), en passant i)ar les deux Gamaliel, dont le [iremier, maître de saint Paul, est mentionné avec honneur au livre des.ctes des apôtres.

Les réponses de ces rabbis et de leurs émules, ainsi que des prières devenues traditionnelles et remontant (sauf additions postérieures) à la même époque, nous ont été conservées dans les parties les plus anciennes des Talmuds : la Mischna, mise par écrit au m’siècle ap. J.-C, et la 6’» em ara, formée d’interprétations plus récentes, mais ayant recueilli, elle aussi, des souvenirs antiques. Cette littérature formaliste, cette casuistique fastidieuse, volontairement artilicielle, ce « Dalloz i> pliarisaïque a cependant, çà et là, un grand intérêt. Plus d’une perle se cache dansl’énormefumier du Taliuud ; plus d’un problème exégétique trouve là une solution probable ; plus d’une parole du Seigneur en reçoit un surcroit de lumière’.

70. — Non moins importante au but que nous poursuivons, plus insolite sûrement et plus étrange, se présente à nous la littérature des apocalypses. On doit avouer pourtant que ce langage déroute nos façons habituelles de concevoir et de parler. C’est un genre littéraire dont nous n’avons pas le droit de médire absolument. Sans parler de nombreux passages des prophètes anciens, deux de nos Livres inspirés, la prophétie de Daniel pour une importante partie, et l’apocalypse johannique presque en son entier, appartiennent sans conteste à cette catégorie d’écrits. Le Christ lui-même ne dédaigna pas d’employer parfois le langage apocalyptique.

Essenliellerænl, l’apocalypse est une vision anticipée, révélée ou censée telle (c/.r.-.yMj^ii, révélation) des choses lointaines, et surtout ultimes : fin du monde, jugement dernier, crise décisive, récompenses ou châtiments d’outre-tombe. De ce caractère

1. Ed. Sr.PFEP, La Palatine au (empif de Jésus Christ^, Paris, 1892, p. 24 et siiiv. porte un jugement peut-être trop sévère sur k ces pages interminables », où il n’y a k ni style, ni ordre, ni talent ». dont « la langue est aussi déploraliie que la pensée, laforme que le fond ». Quant à l’utilité exégétique des Talmuds. elieest mise en vive lumière, avec un peu de complaisance, par Is. Abraham, Rabbinical Aids io Exe^esis, dans les Cambridge Biblicat Essays^ London. I*.t0î*, p. 159-193. — Les plus beaux lextes se trouvent dans le traité le plus ancien de la Mischna, intitulé : les dires des Pères (Pirliè Aboth). Il a été souvent éJilé à part, en particulier pnrH. L. Sth*c : k, l’irkê Abùlh", Leipzig, 1901. Le texte des Dix-huit Bénédictions (Sc/iemone Esre), que chaque Israélite, y compris les femmes, les enfan’.s et les esclaves, doit répéter trois fois le jour, et qui remonte, dans sa rédaction actuelle (en 19 bénédictions) au temps qui suivit immédiatement la ruine de Jérusalem en 70, a été souvent publié, en particulier par G. Dalman, avec d’autres textes messianiques, en appendice de ses }yorle JesH, Leipzig, 1898, p. 292-309, et d après lui parle R. P. Lacram ; f, Messianisme, p. 338, 339.

découlent assez naturellement les lois du genre, et ce fait que l’apocalypse non inspirée, composée à froid, sera généralement pseudoii) me. On veut, on doit prcsque, pour autoriser ces visions (<iui ne sont dans l’occurrence, que prévisions), les mettre sous le couvert d’un grand nom. Et ce sera Ilénoch, Moïse, Esdras… L’apocalypse est riche en allégories, en images, en symboles. Si l’on y mêle (ce qui arrive fréquemment, et permet de dater avec plu » ou moins de probabilité certaines pièces) des allusions aux faits ou personnages contemporains, ce sera sous forme enveloppée, énigmatique.

71. — Un peu comme les mystiques, et pour des raisons analogues, les auteurs d’apocalypses désespèrent d’égaler leur langage aux réalités. Ils y tâchent du moins et leurs expressions sont donc véhémentes jusqu’à l’hyperbole, leurs images grandioses jusqu’à l’incohérence. Le genre se prolongeant et se perpétuant, certaines comparaisons oudescrip-i lions particulièrement frappantes Unirent par se fixer en « clichés », en séries toutes faites. Les troubles sidéraux, les révolutions cosmiques étant jugés spécialement aptes à suggérer les impressions justes, c’est toute la machine céleste qui sera mis^e en branle pour annoncer des événements qui semblent alors

« s’élargirjusqu’aux étoiles », etrejoindre les dernières

convulsions du monde.

Cette littérature fleurit naturellement aux heures de crise, et une guerre malheureuse ou une révolution donnent lieu, de nos jours encore, à des « prophéties » qui sont dans la ligne littéraire des apocalypses. Or ces écrits, ces Tracts for bad times, comme on les a heureusement appelés, forment une grande partie des documents qui peuvent nous renseigner sur la pensée juive aux temps évangéliques.

Il est aisé de voir combien des écrits de ce genre sont difficiles à utiliser, et quelle réserve s’impose â leur endroit. On ne saurait non plus prolester trop lot contre la conception qui voit dans cette littérature pseudonyme, allégorique, à demi ésolérique.un élargissement doctrinal, un épanouissement du prophélisme ancien. Certaines notions se sont, il est vrai, précisées à celle époque : l’universalité de l’appel de Dieu, le prix de l’âme individuelle ; la certitude, la durée elles conditions des rétributions d’outre-tombe. Mais ces progrès s’allirment surtout dans les écrits inspirés de la littérature de Sapience.

Les apocalypses ne font guère que les vêtir, jusqu’à les défigurer parfois, d’une imagerie voyante, ouïes engager dans des symboles abstrus. Loin d’être une transition hevircuse entre les Prophètes d’Israël et l’Evangile de Jésus, les apocalypses non inspirées forment plutôt parenthèse, et c’est en passant pardessus elles que les paroles du Maître rejoignent et prolongent en les élevant, en les achevant, les enseignements des grands [voyants d’autrefois.

B. — Ij3s notions maltresses

72. — Nous rendre réel, en utilisant ces sources d’information (dont les évangiles, du simple point de vue historique, sont assurément la plus pure), l’étal d’esprit des amiiteurs de Jésus, louchant le^ objets principaux de son enseignement, est une tâche délicate. Elle l’est autant que celle qui consisterait à dégager, des documents antérieurs et contemporains, le tableau des aspirations, des images, des idées forces, des mots fascinateurs, des courants de sensibilité qui travaillaient la société française à la veille des Etats Généraux de 178g, ou la société allemande en 1813, quand Fichle lui adressait ses Discours passionnés.quand les pamphlet s de Jean- Joseph Goerres la galvanisaient. 1327

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73- — Le Règne de Dieu (ou, an sens identique, mais en passant des personnes au territoire, le Royaume de Dieu : ou encore le Royaume des Cteu.t’) est une notion traditionnelle, fondée sur* une révélation divine, incarnée dans une indéfectible espérance. On peut la définir par l’acceptation et la réalisation, de plus en plus ellectives et parfaites, des gracieux desseins de Dieu sur un homme, un groupe d’hommes ou tous les hommes.

L’origine historique de la notion, et le fondement solide de l’espérance, c’est l’Alliance (le Berith : on traduirait très bien par l’any^lais Coienarit), le pacte authentique qii, en liant lahvé avec une famille : la famille d’Aliraliam — puis avec un peuple : Israël — a fait, de cette race et de ce peuple, la famille élue, le peuple choisi, la race " épousée par Dieu », pour reprendre les expressions prophétiques, et concentré sur ce peuple les destinées religieuses de l’humanité.

Alliance dont la partie humaine, toujours inégale -à sa vocation, s’en était montrée souvent tout à fait indigne. Le culte adullère des faux dieux, les crimes d’Israël avaient motivé de la part de lahvé, durant les six derniers siècles, des répudiations temporaires, des abandons, des châtiments. Aux exils, aux massacres, aux transportations en masse dans les pays lointains de la Babylonie et de la Perse succèdent, après l’oppression des rois Macédoniens et le réveil Macchabéen, la mainmise des Gentils sur le sol, les institutions, l’indépendance du peujile de Dieu. Cependant lahvé, qui est juste, est aussi miséricordieux, et le pacte conclu par lui avec Abraham, Jacob et Moïse, renouvelé avec David, ratifié par les oracles des grands prophètes, est, comme le serment qui le garantit, sans repenlance.

74. — L’essentiel se peut résumer ainsi : par Israël lahvé régnera ; sa seigneurie sera reconnue de tous les hommes. En droit, il est vrai, sa gloire s’étend déjà aussi loin que son haut domaine, c’est-à-dire partout, au ciel et en terre, sur les hommes et les bêtes des champs. En fait, le jour viendra que sa majesté sera confessée par tous les peuples.

Oui, lahvé aura son lieure ! Les jours troublés du présent sont gros de jours meilleurs où, chaque chose étant remise en sa place, aux humiliations, aux injustices, aux ruines succéderont la paix, la prospérité, le règne du droit : veniet felicior aelas. Ce sera au lieu du « siècle présent », le « siècle futur ». Et dans cette lieureuse révolution, Israël tiendra le premier rôle : il en sera l’instrument et, plus sûrement encore, le bénéficiaire. A la face des Nations qui présentement le dédaignent ou le persécutent, il sera glorifié à jamais. Les poèmes des derniers chapitres du Livre d’Isaïe fournissaient à ces espoirs d’incomparables formules, prédisaient en termes sublimes toutes les revanches et toutes les joies :

C’est pouri^oî le Seignear lahTé âl ceci :

Eh bien, mes serviteurs mangeront

et ous aui’t’z faim ; Eh bii^n, mes servileors boiroat

et vous aurez soif ; Eh I)i*’n, mes serviteurs auront la joie

el vous aurez la honte ; Eh bien, mes serviteurs, le cœur en liesse, chanteroiil

et TOUS, le cœur en peine, gémirez

et dans)e désespoir vous vous lamentere ? :  ! …

Car voici que je crée des cieux nouveaux, une lerre nouvelle.

I. Les IL cieux » sont ici un synonyme respectueux désignant le Seigneur lahvé. Voir là-dessus G. Dal.maj, Die Wurte letu, I, Leipzig, 1898, p. 75 sqq.

On ne se souviendra plus du passé,

il ne reviendra plus à l’esprit ; Mais on goûtera la joie, l’allégresse éternelle

de ce que, moi, je vais créer : Car voici : je crée Jérusalem pour l’allégresse,

son peuple pour la joie, Jérusalem sera mon allégresse

et son peuple, ma joie…

Car ils seront une race bénie de lahvé

et avec eux leurs descendants. Et avant qu’ils m’appellent, moi, je leur répondrai,

ils parleront encore qu’ils seront exaucés’1

75. — Mais cette prophétie, qui résume assez bien les autres, et que Dieu devait réaliser par un renversement des vues humaines, restait enveloppée d’images et de symboles. Unanimes dans leur espérance, les penseurs, les fidèles, les voyants enthousiastes rassemblaient ces traits épars dans les Livres inspirés, et y ajoutaient ceux que leur suggéraient des traditions suspectes, des interprétations postérieures, une imagination surchauffée. Ils en formaient des tableaux plus ou moins cohérents, colorés par les angoisses, les besoins, les aspirations de chaque génération.

Sur l’époque et le caractère général du < siècle futur B, deux courants d’interprétation se manifestent dans les apocalypses. Quelques auteurs mettent au premier plan le c6té religieux el moral du jugement de Dieu que tous attendaient. Les deux notions complémentaires de rétribution individuelle et de restauration théocratique avaient pris, à l’époque des Macchabées, une prépondérance qui se marque dans certains de nos apocryphes. Le Règne de Dieu, c’est surtout pour eux le triomphe final de la justice et des justes, les grandes assises où chacun sera mis à sa place et traité selon ses mérites — mérites de toutes sortes, moral et surtout lé !  ; al, la fidélité à la Loi étant considérée comme le premier des devoirs. Cliaque Israélite sûrement, chaque homme ijrobablement, aura ainsi son dû.

76. — Mais sur ces vues, très hautes en dépit du décor bizarre dont elles s’entourent souvent, d’autres aspii’ations prenaient d’ordinaire le pas. Abusant des images de prospérité matérielle indispensables à un peuple « incii-concis et dur de cœur », et comme telles employées par les anciens prophètes, beaucoup de Juifs ne voyaient plus guère qu’elles. Avant donc le jugement final, on plaçait une période de durée variable, mais généralement très longue, sur la(]m’lle l’ini.’igination s’arrêtait avec prédilection. L’erreur n’était i>as de dislinguer, dans l’avènement du Règne de Dieu, une consommation foudroyante el une époque d’expansion plus ou moins glorieuse, mais terrestre. Elle était dans le caractère, exclusivement ou principalement charnel, qu’on donnait à cette époque. La lettre éloulTait l’esprit ; les maux présents suscitaient dans l’imagination, par contraste, des biens sensibles, iKilpables, des revanches dénuées de noblesse. Sur une terre renouvelée, plantureuse, paradisiaque, Israël triomphant serait heureux, servi par les Nations pendant un laps de quarante, de quatre cents, de mille ans. Sous un conseil de sages, ou, plus souvent, sous un roi ieutenant de lahvé, Jérusalem attirerait tout à elle :

Et lahvé des armées préparera

pour tous les peuples, sur cette montagne

Un festin de viandes gi-asses, un festin de bons vins, de viandes grasses moelleuses, de bons vins clarifiés.

(haïe, XIV, 6.)

1. Isaîe. i.xv, 13-1j, 23-25. Trad. Alb.CoMDAMi.s. Le Li.re dhaïe, Paris, 1905, p. 384-386. L329

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On concevait généralement, il est vrai, cette apolliéose comme précédée par des guerres, des troubles, des signes de toute sorte, poui- lesquels la mélapliore de l’enfantement douloureux s’imposait. Uc celle sanglante aurore sortirait le « jour du Seigneur ».

77 — Ouel serait l’instrument principal de ce grand cbangemcnl’.' lalivé avait toujours agi par l’intermédiaire de prophètes, de chefs élus, n hommes de sa droite ». Les Livres sacrés, sous diverses formes, ne laissaient d’ailleurs pas de doute sur ce point : Israël et le monde devraient, après Uicu et par lui, leur salul à un élu, à un envoyé, à un grand prophète consacre pour ce rôle par une onction analogue à celle qui faisait les rois et les grands prêtres — d’un mot : à un Messie (^Màchiiih ; nram. : Mechicih ; grcciXotjrij ; lalin : unctus : oint, consacré)’. C’est vers lui que montaient, aui heures d’épreuves nationales comme aux jours où lecourage individuel lléchissait sousle poids des injustices, les j^euxetles vœux d’Israël.

78. — Dans les écrits, il est vrai, où les catégories de la pensée grecque ont canalisé la religion juive, comme ceux de Philon, et dans ceux de Jos<])hc, où le besoin s’affirme de ménager, de gagner, de ne pas dépayser le vainqueur romain, l’image du Messie est vague, estompée, ou épisodique. Çà et là pourtant, et malgré qu’ils en aient, la pensée messianique se trahit chez ces auteurs, encore que le Juif alexandi’in affeclede compter surtout, pour conquérir le monde, sur la Loi, et, pour y i’aire régner la justice, sur l’ascendant des sages et des philosoplies. Josèphe, de son côlé, transporte, avec l’impudence d’un courtisan qui a beaucoup àse faire pardonner, les promesses messianiques sur la race des Flavii. Il n’en est pas ainsi dans la littérature vraiment nationale et populaire, dans les écrits palestiniens auxquels, sui’ce point, nos évangiles font écho. Là, comme dans le i-œur de tout fidèle Israélite, le Messie occupe une place d’honneur, toujours considérable, souvent prépondérante, et l’idée qu’on s’en fait commande et colore celle du Régne de Dieu.

79. — Il est celui qui doit venir, cl qui resliluera I toute chose. Surtout Juge dans les écrits où la piéocpalion eschatologique domine (l’araholes du lifi-e I d’HétiDch), Visions d’Hénoch, surtout Roi guerrier, dans ceux où le carætère de triomphe tem|)orel est plus accusé (Assomption de Moïse, ApucuU pse de liaruch, etc.), il est toujours l’un et l’autre, etcomme tel libérateur, sauveur, restaurateur et justicier. La plus noble expression de cette attcnle (avec celles qui figurent aux chap. xLvi-ui du /./ire d’Iléiioch) se trouve dans le xvii"= Psiinme dp S ilomnn. Là est esquissée, avec une grande délicatesse de touche, et par un écrivain qui aurait pu, peut-circ, à l’extrême soir de sa ie, voir de ses yeux le « Salut d’Israël ». l’image qui charmait l’àme pieuse des croyants véritables : Siméon et Anne, Zacharie et Elisabeth, Natlianacl et Philippe. C’est d’ailleurs (et à ce titre aussi, le morceau vaut d’être cité) un écho très fidèle des prophéties anciennes.

Vois, Seigneur, et suscite-leur leur Roi, fils de David, è 1 époque que tu conDois, toi, ù Dieu, pour qu’il règne sur Israël, ton serviteur, et ceins-le de la force, pour briser les princes injustes.

Purifie JéruSHiem des païens qui la foulent… de manière à détruire les païens impies d’une parole de sa bouche,

de manière que, devant sa menace, les païens s’enfuient loin de son visage…

1. Sur le mot et son usage dans la littérature juive, G. Dai..i

, Die Worte Jesu, p. 237 sqq.

.Uors il rassemblern le peuple saint qn’d ct.>uduira avec justiie,

il gouveriieia les trilm. du peuple sanctifié par le Seigneur son Dieu ;

il ne laissera pas l’iniquité séjourner encore parmi eux et aucun homme. « acluintle mal n’habitera avec eux ;..’Et il aura les peuples païens pour le servir sous son joug ; il gloiifiera le bei^jneur à la vue de toute la terre ; il purifiera Jérusulen) jjour la sanctification comme c’éluit autrefois,

de sorte que les Nations viendront de l’extrémité de la pour contempler sa gloire, à lui, [terre

en apportant comme offrande leurs fils, à elles…

C’est qu’il est un Roi juste, instruit par Dieu, placé sur eux ; et il n’y a pas d’iniquité, pendant ses jours, au milieu

[d’eux ;

car tous sont saints, et leur lloi est le Christ Seigneur…

Il ne faiblira pas pendant ses jours, appuie sur son Dieu, car Dieu l’a fjit puissant par l’Esprit Saint et siige par le don de conseil éclairé, accompagné de la force et de la justice…

Telle est la majesté du Roi d’Israël, que Dieu a prévue dans son desscinde le susciter sur la maison d’Israël, pour la corriger…

Heureux ceux qui vivront euces jours-là pour contempler le bonheur d’Israël dans la réunion des tribus ! Que Dieu le fasse’ !

80. — Juge des hommes. Roi libérateur d’Israël, Prophète enseignant les voies saintes de labvé : à i part ces traits à peu près constants, l’image qu’on se ! fait du Messie est ondoyante, diverse, poussée le plus, souvent au chimérique ou au matériel. Chacun, dans les prophéties anciennes, choisit et interprète au gré de ses désirs, à la mesure de son àrae.

Il est un trait pourtant, bien accusé et net dans la seconde partie du livre des j)roi)hélies d’Isa’ie et dans d’autres prophètes"^, que ni les rabbis les plus illustres, ni les voyants des apocalypses, ni les psalmistcs ne surent, ou ne voulurent discerner. La figure austère dn « Serviteur de labvé », du Messie souffrant et rédempteur, demeura dans une pénombre sacrée, énigme aux yeux mal dessillés, scandale aux esprits encore charnels. « D’un messie souffrant, les sources [ de la théologie juive antérieure au christianisme ne paraissent rien savoir^. » Il fallut, pour dégager le sens des prophéties anciennes, que l’Agneau de Dieu vint prendre sur lui et racheter les péchés du monde.

§ l’V. — Les infiltraticns étrangères.

81. — Mise en contact sur une si large étendue, et si longtemps, avec la pensée et les cultes des Gentils,

1. Psalm. Salomun., XTU, 2’.t-â. traduction de J. V1TEA.U, Les Paaiimes de Salomun, Paris, mil, p. 3M-3(19.

2. Sur ces prophéties, voir la belle dissertation d’Albert Co ! <D.MiM, Le Serviteur de lalivé, dans le Liire d’haie, Paris l’JOô.p. 318-34Ô ; et, du même, la note sur Zacharie, xii. 10, dans Recherches de science religieuse, janvier 1910.

3. « Von einem leidenden Messias scheinen die vorrliristlichen Qucllen der judiscben Théologie ftclits zu wissen » ; Alfred Bektiiolet, Biblische Theolojiie des Allen Testaments [beg. von B. Stade] II, Tiibiogen, li » !  ! , p. 450. Le fait est si constant qu’on s’en sert comme d’un critère pour juger si un écrit est antérieur, ou postérieur, au christianisme.

4. Ceux des lecteurs auxquels cette discussion, nécessairement un peu aride, ]iaruUrait détourner trop longtemps l’attention de la personne de Jésus Christ, sont priés de se reporter, par-dessus ces pages, au chapitre II : Le têmoii^nage du Fds. 1331

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il était inévitable que la religion juive s’en ressentit. Le contre-coup fut naturellement beaucoup plus fort dans les communautés de la Dispersion. Mais, en Palestine même, les traditions et impressions rapportées du grand exil, la domination syro-grecque des princes macédoniens, les rap[)orts incessants avec les populations voisines, les fonctionnaires, les soldats romains, les « frères de la Dispersion », devaient amener, semble-t-il, de profondes inliltratons païennes. La plasticité bien connue du caractère Israélite inclinerait a priori à faire très large, dans la pensée et les aspirations religieuses de ce temps, la part venue de l’étranger’. En fait, ni en Palestine, ni sur les dis[iersés, et de moins en moins, l’influence de l’hellénisme, des anciennes religions de la Perse, de l’Egypte et de la Cbahlée, n’a été bien considérable. On s’attendrait à trouver un syncrétisme, une mixture confuse d’éléments religieux d’origine diverse, artiliciellement réduits à l’unité ; quelque chose d’analogue à ce que présente, vers la même époque, le paganisme romain. On trouve, grâce à la vigueur de la vie religieuse, un judaïsme jjresque pur, et de plus en plus intransigeant. Les euq)runts faits à l’hellénisme sont plutôt philosophiques ou littéraires- que religieux. Dùt-on accorder que l’in(luence du dualisme persan a contribué à accentuer la conception des deux royaumes. Royaume de Dieu

1. Naguère, au moment où la méthode comparative des religions était fiévreusement employée, chaque spécialiste a proposé ses hypothèses et ses termes de comparaison. Les religions hermétiques de l’Egypte ancienne, la religion assyro-habylonienne, le syncrétisme syi’o-helléniipic, la religion des Perses ont été successivement mis à contribution, avec un arbitraire qui n’a j>as peu contribué à déprécier la méthode. Un des savants qui l’ont maniée avec ie plus de délicatesse a cru devoir protester : m On peut parler, dit M. Franz Cu.mont, de « vêpres isiaques » ou d’une « Gène de.Mithra et de ses compagnons », mais seulement dans le sens où l’on dit « les princes vassaux de l’Empire » ou « le socialisme de Dioclétien n. C’est un artifice de style pour faire saillir un rapprochement et établir vivement et approximativement un parallèle. Un mot n’est pas une démonstration, et il ne faut pas se hùter de conclure d une analogie à une influence. » Les Religions orientales dans le paî^anisme romain^ Paris, l’.K)7, p. XII. Ces spirituelles formules n’ont pas été malheureusement la règle de ceux qui se sont livrés au jeu décevant des comparaisons. Ils ont (comme M. Cumont lui-même, dans ses premiers travaux, mais plus souvent et plus docturolciuent) conclu k d’une analogie à une influence », et appuyé sur des mots ou des rapprochements hâlifs mainte démonstration j>rétendue.

2. Encore ne’faut-il pas, avec le célèbre philologue classique Ed. Xorden, traiter les écrits chrétiens ancit ns comme un pays conquis, où l’arbitraire peut se donner cavricve : Ai ; noslos TJteos ; Untersuchun^en zur Formen^^eschichie relii^ivser liede, Leipzig. PJIIÎ. L’auteur prétend retrouver dans plusieur.* morceaux importants du N. T. lô discours de saint Paul à l’Aréopage ; C’o/osj., i, ’.t-2’t ; Mi., -M, 2.5-30, des procédés littéraires empruntés à la rhétorique du Stoïcisme orientalisé. Il en conclut à l’inau-Ihenticité et au caractère postérieur de ces pièces. .M. Adnlphe II.vk.nack a bien montré quiCHHc des quatre hypothèses superposées par Nordcn n’est prouvée, ni solidement probable ( Ai/ die liede des Pattlus en Alhencin urspriin^tichrr lîesUindteil der Aposteli^eschichte ? T. I Dr. Heihe, fo…X1X, n° 1., Leipzig. l’.ll : t, p. 10-’12. Voir aussi

_^les pages pro ha uli’s de E.C. Buhkitt, Journal i>f T/teoiu^ical Siudies, XV, avril l’Jl’i, p.’i.5.")-’i*>’t ; et d’K..Iacquirh, VUnivcrsiic cat/iolii/ue, mars 1*JH, p. 228-200). Harnack ajoute justement que ces attributions nouvelles, échafaiidëes sur des comparaisons litléraii-es, toujours aisées à établir cuire écrivains traitant dos sujets analogues vers la même époque, sont le pendant des conjectures fondées sur la méthode comparative de riiistuire des religions. Ici et là, un peu de virtuosité sulTit à donner un air de vraisemblance aux conjectures les moins sérieuses.

et Royaume du démon, il faudrait encore reconnaître que ces influences sont restées à la superficie. Dans son essence, la religion de lahvé demeure elle-même, et (si l’on exclut les descriptions apocalyptiques, où l’imagination des auteurs se donne plus de carrière) les adaptations qu’elle se permet, à cette époque oti l’Israël de Dieu était encore indistinct de l’Israël selon la chair, ressemblent assez.^ux « emprunts » faits plus tard par le christianisme aux cultes qui l’entouraient. Un esprit nouveau vivifie et transforme ces annexionset ces conquêtes’.

83. — C’est naturellement dans la Dispersion, et en Egypte, que la culture hellénique et peut-être, dans une faible mesure, quelques-unes des conceptions les plus élevées de l’ancienne religion égyptienne, iniluencèrent davantage la pensée religieuse juive. L’Egypte avait toujours pris, et revendiqué, parfois, une certaine liberté par rapport au judaïsme olliciel de la Cité sainte. Nous avons mentionné plus haut les temples illicites, bien que non schismatiques, d’Eléphantine et de Léontopolis. Les Juifs d’Eléphantine ne se faisaient pas toujours scrupule (les contrats retrouvés en témoignent) d’unir au nom de lahvé celui d’autres divinités’-. Plus tard, à Alexandrie, parlant grec, en contact incessant avec les philosophes, les poètes, les savants grecs, les

« dispersés » s’hellénisaient, par la force des choses, 

dans une certaine mesure. Que l’on songe à ces Juifs espagnols expulsés sous Ferdinand et Isabelle, et transportant dans une partie de l’Orient un dialecte hispanisant et jusqu’au Homancero !

83. — Les livres canoniques eux-mêmes, en particulier la Sagesse dite de Saloraon, rédigée d’abord en grec, portent trace de « réminiscences helléniques nombreuses et caractéristiques ». Qu’on ne s’y méprenne pas cependant : « sous le vocabulaire platonicien ou stoïcien, c’est bien la doctrine juive que l’on retrouve, plus consciente et plus nettement définie. »

84. — Otte excellente formule pourrait s’appliquer, dans une mesure variable, aux autres ouvrages ipii témoignent de la pénétration d’idées étrangères dans les milieux de la Dispersion. C’est le langage qui est influencé ; ce sont certains germes semés dans les Livres anciens qui se développent au contact ou en opposition avec des conceptions analogues, rencontrées dans les religions ou la philosophie des Gentils. Ce sont les manières de vivre cpii se détendent, les liens avec Jérusalem qui, en dépit des pèlerinages et des subventions pour le Temple, se relâchent un peu. C’est le côté apologétique, la polémique défensive et surtout offensive, du judaïsme, qui se fait une place au soleil, comme aussi l’interprétation morale, allégorique, philosophique de la Loi (mais n’est-ce pas là encore de l’apologétique ?). Au total, détails de forme, concessions de peu de portée. Quand on a relevé tous ces indices, force est bien de reconnaître que tout le fond reste juif, que ces « dispersés », même en Egypte, du temps de Jésus Christ, restent de fermes croyants de lahvé, de stricts observateurs de la Loi. Les traits syncrétistes qui apparaissent ç.î et là sont, en bien des cas, moins des com|)rorais que des facilités destinées à rendre aux (ientils l’accès de la religion d’Israël moins malaisé.

1. Lii-dessus, A. Bertmolet, Théologie des A. T., p. S-iS, 350, où il résume son mémoire : Das retigionsgeschultiliche Problem des Spætjtidenturns, 1009.

2. Sur ces faits, VAnii du clergCy 18 sept. 19Î3, 795797.

3. J Lkbrhtox, Orii^ines, p. 118 et P. IIeimscii, Die griechische Philosophie im Bûche der Wcisheit, Munster, 1908. 1333

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« On est Juif, on reste Juif, et Jom' : phe pouvait sou

tenir à bon droit qu’aucun Juif n'était inlidi’le à la Loi. Ce ne sont pas les Juifs qui doivent devenir Grecs, 'nais les Grecs, Juifs. ' »

85. — Un autre indice très net de l'état d’esprit des « dispersés », aux temps évangéliques, peut se tirer de l’attitude religieuse de Paul de Tarse et de celle des communautés juives qu’il commença par évangéliser. Ces hommes parlent le grec commun de leur temps, ils sont en rapports quotidiens d’allaires, de relations, avec leur entourage païen ; ils profitent de la paix romaine et se prévalent du titre du citoyen romain, quand ils le possèdent. Mais à l’endroit de la religion de leurs voisins et de leurs vainqueurs, quel mépris, disons mieux, quel dédain traniiuille I « Culte des démons », « religion, x, de néant » ; rappel, à travers cette vile mythologie, du Dieu inconnu, du Dieu unique, du Dieu vivant et voyant qu’une idolâtrie sans excuse frustre de son dû, tout en précipitant ceux qui adhèrent à cette idolâtrie dans un abîme de maux et de vices innommables. Comparaison établie, aux moments d’ironie et d’indignation, entre le a calice du Seigneur » et le

« calice des démons », car « ce que les païens offrent

en sacriûant, ils l’immolent à des démons, et non à Dieu » (I Cor., x, 20) : il est bon de relever tous ces traits, et nous aurons à rappeler cette attitude intransigeante à ceux qui proposent de faire une part, non plus dans le judaïsme contemporain du Christ, mais dans les plus anciennes origines chrétiennes, à des inlillrations païennes importantes '-.

86. — Général en Israël, l'état d’esprit que nous venons d’esquisser était naturellement porté à son comble en Palestine. Le culte solennel du Temple ; la présence au milieu du peuple des plus célèbres rabbis et des pliarisiens ; le souvenir indigné des souillures idolâtriques qui avaient, au temps des Macchabées, contaminé la Ville sainte et même de nombreux ûls d’Israël ; la réaction et la rancœur contre les Gentils triomphants et leurs odieuses enseignes, tout contribuait à entretenir dans les âmes un invincible éloignement pour la superstition des Nations.

« Mieux que la littérature, les faits nous révêlent la

profonde aersion du peuple pour l’itlolâtrie. Sur lu grande porte du Temple, Ilérode avait fait placer une aigle d’or, le peuple l’abattit ; Pilate provoqua une révolte pour avoir

1. A. Bektiiolf.t, Bi’A/. Theol. des A. T., II, p. 482, 483. — PiMLON lui-même, le plus hellénisant des penseurs d’Israël, ne fait pas plus exception que ceux de ses prédécesseurs dont les œuvres ne nous ont été conservées qu'à l'état fragmenlaire. Assurément, son exégèse allégorique, en faisant « j.lier entre ses mains le texte sacré », le défendait mal contre la tentation de retrouver toute la philosophie, toute la mythologie gi-ecque dans la Loi de.Moïse. « S’il fut retenu sur cette pente si glissante », >i sa conception de Dieu est plus pure, plus ferme, plus religieuse que celle de ses maîtres hellènes ; si son Dieu est un Dieu vivant, non une entité abstraite ; si les Puissances sont pour lui moins « des réalités absolues », des dieux secondaires, que des reflets visibles de l’Etre transcendant du Dieu unique ; si son Logos, en dépit des fluctuations de son langage, ne possède pas d’individualité personnelle et n’est que la première des Puissances, la plus élevée des images où s’arrête v humain, impuissant à contempler Dieu en lui-même — (( ce fut par son attachement sincère à son Dieu, à sa religion, ft ses traditions nationales », J. Lebketon. Orîi ; ines, p. lâU.

2. Là-dessus E. Maxgenot, 5. Paul ei Us reUi^ioiis à mystères, Paris, 1 ! I14 ; E. Kkebs, Das reli^lnnsgcscInclitUclie Problcm des i’rchrislenlums, Munster, 1913 ; U. A.-A.KfnNEDY, 5. Paul and the Mystery-Rehglons, Lonilon, 1913. M. LoiSY, reflet intelligent de l’exégèse radicale a la mode, a repris et mis au point, en 1913, dans la Revue d’Histoire et Littérature religieuse^ certaines idées de Reitzenstein.

fait entrer à Jérusalem ses troupes portant les images des empereurs ; pour éviter un pareil soulèvement, Vitellius, se rendant d'. tioche à Pctra, céda aux instances des Juifs et fit un long circuit plutôt cpie de traverser la Palestine. Quand Caligula voulut faire mettre sa statue dans le Temple de Jérusalem, l'émotion populaire fut telle que Pétronius, le gouverneur de Sjrie, recula'. »

87. — Mais la littérature même, où Us crudils

« comparatistes » cherchent leur point d’appui, ces

livres aj)ocalyptiques où, dans la démonologie, dans la description des lins dernières et des catastrophes grandioses imaginées à ce propos, l’on a relevé des ressemblances avec certains traits de l’eschatologie iranienne et même babylonienne-, restent, sur le point capital du monothéisme et de la médiation nécessaire d’Israël par rapport aux Gentils, d’une clarté décisi^e.

88. — Les traces d’influence sul)ie font ressortir d’autant mieu.x l’indépendance éclatante de la religion juive en sa substance. Jamais ne s’aflirma plus haut qu'à cette épocjue la transcendance absolue, ' exclusive, jalouse, de lahvé : jusqu'à la correction du texte sacré qui renfermait le nom divin, jusiju’au scrupule de le prononcer et de l'écrire, et à l’adoption pour le désigner de termes équivalents, censés plus respectueux : « les cieux », « le Béni », etc. 3. Contre ce monothéisme intransigeant, rien ne jjrëvaut : les ehorts opportunistes d’Hcrode et de ses successeurs pour acclimater en Judée quelques timides formes du culte impérial furent totalement perdus : « Sur le sol palestinien, remarque Bkrtiiolet ', jamais ce culte ne posséda la moindre puissance », alors qu’ailleurs il se superposait sans peine à ses rivaux, et très souvent les supplantait. La grande parole de Jésus, promulguant à nouveau, comme le premier et le plus grand des commandements, l’adoration exclusive el l’amour souverain de Dieu, est l’cclio du peuple juif tout entier. Mais plus que cette réplique, dans laquelle le Seigneur recueille et fait sien l’héritage sacré d’Israël, c’est sa vie entière, sa religion profonde et filiale qui protestent contre la pensée de faire intervenir, dans les précédents acceptés par lui de son message, des suggestions païennes.

89. — Nous ne contestons pas povir autant que certaines de ces conceptions se rapprochaient par leur orientation, par les espérances quelles exprimaient, par les.aspirations qu’elles traduisaient, de l’attente d’Israël. Celte attente était connue bien au delà des limites de la Judée, el, par les « dispersés », quelque chose en filtrait dans les ténèbres du paganisme. En dehors même de toute question d’emprunt ou d’imitation, les besoins profonds de l'âme liu-| maine exlialaient, comme une plainte immense, la demande à laquelle devait répondre l’ollre divine. Saint Paul rappelle que l’humanité (et la création tout entière) cherchait alors à tâtons, appelait de ses désirs confus un libérateur, un guide, une vie meilleure. Jésus constatait volontiers les bonnes dispositions de certains Gentils el les opposait à l’incrédulité des enfants d’Abraham. Mais le disciple comme le Maître savaient aussi que le salut devait venir d’Israël, et que, loin d’emprunter aux doctrines religieuses des Nations, l’Evangile était justement

1. J. Lebreton, Oriifines, p. 93 et les références.

2. J.-B. Fhf.y, Vangélologie juive au temps de Jrsus Christ, dans la Revue des Sciences philusophiques et tlicoîo^iques (de Kaînl 1911, p. 7.5-110 ; Ferd. PaAT, A" théologie de saint Paul. U, Paris, 1912, note D… p. 111-117, le Royaume de Satan ; J. Smit, De Dæmoniacis in historla eiangelica. Rome, 1913, p. 89-172.

3. Voir les faits réunis par V. Boisset, Die Religion des Judcntums'-…, p. 352 sqq.

4. Lib. laitd., p. 360-361. 1335

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destiné à leur être lumière de salut, à leur ouvrir 1^ seul |)orle qui menât au Père.

BiULIOÛUAPIUE

90. — Parmi les auteurs catholiques ayant traité en ces derniers temps toute cette matière, ou sa plus grande partie, on peut noter comme spécialement importants : J. Lebreton, Les Origines du Dogme de la l’rinité, Paris, igio. Livres 1 et II [Or/^iHes] ; M. J. Lagrange, I.e Messianisme cliez les Juifs, 150 ai'. J.-C. à 'JOO ap. J.-C, Paris, 1909 [Messiaiiismi’l ; J. Velen, ieu les tanwntliclie /.eitgeschichle, oder JudenUuti uiid Heidentiim ziir Zeit Christi und der AjiosU’U Kegensburg, 1910, 2 vol. : recueil considérîLble, débordant par son étendue géographique et chronologique l’ouvrage de Schiiier ; L.Hackspill, Elude sur le milieu religieux et intellectuel contemporain du A’oufeuu J’estanient, dans la Bei’iie Biblique, octobre 1900 ; avril, juillet 1901 ; janvier 190a : articles importants ; J. Touzard, La Heligion d’Israël, Paris, igiS ; St. Székcly, Bibliotheca Apocrypha, vol. I, Freiburg i. Ji., I913.

On lira utilement aussi B. Allô, UEvangile en face du syncrétisme païen, Paris, 19 10 ; M. B. ScLwalm, La vie privée du peuple juif à l'époque de Jésus-Christ, Paris, 1910 ; E. Beurlier, Le monde juif au temps de Jésus-Christ et des apôtres, Paris, 1900 ; Alb. Valensin, Jésus-Christ et l'étude comparée des Religions, Paris, 1912 : et les introductions, dissertations, etc., jointes à l'édition des textes de cette époque par M.Vl. F. Martin, J. Viteau, etc.

Parmi les ouvrages d’auteurs non catholiques, le plus important est sans contredit celui <rEdouard Schûrer, Geschichte des jiidischen Volkes im Zeitalter.lesu Christi, paru en S^-i" édition enti-e 1901 : vol. I, Introduction et histoire polilique ; vol. II, 1907, les conditions intérieures ; et 1909 : vol. 111, la Dispersion et la littérature juive ; tables générales en igii. Il existe une traduction anglaise de la seconde édition, beaucoup moins complète. Tous ceux qui écrivent sur cette époque sont débiteurs de Schiirer.

Ues autres livres, très nombreux, les plus utiles semblent être ceux de G. Oalman, Die tl’orle Jesu, I. Leipzig, 1898 : fait autorité en langue aramcenne ; de W. Bousset, Die lieligion des Judeiilums im neutestamentlichen Zeitaller-, Berlin 1906 ; et Ayrios Christos, Geschichte des Christusglauhens.,., Goettingen, 191? ; de W. Baldensperger, Die messianisch-apol.alyptischen Jlo/fnungen des Jtidenthums^, Strasboui-g, igoS ; de Paul Volz, Judt.sche Eschatologie ton Daniel bis Aqiba, Tiibingen, 1 903 ; de G. Hoennicke. Dos Judenchristentum im ersLen und zii’eiten iahrhundert, Berlin. 1908 ; et surtout d’Alfred Bertholot, Biblische Théologie des AUen Testaments, vol. II |le i" est de B. SladeJ, Tiibingen, 1911.

Parmi les ouvrages de langue anglaise, celui (]ui recouvre le plus e.xætemenl cette période est le recueil des conférences de W. Fairweatlier, The Uackgrouiid of the Gospels, or Judaism in tlie period hetiveen the Old and the JVe » ' Testament, Edii.burgI), 1908. Il faut signaler surtout, avec le livre ancien, mais encore utile, de V. II. Stanton, J’Iie Jeifish und Christian.Ves.sia/i, Cambridge, 1 886, les articles, introductions et éludes du llev. R. H. Charles, et K. C. Burkilt,./fu/s/i « /(rf Christiun Apocalypses, London, igi/J. L’article considérable de W. V. Hague, The eschatology of the apocryphal Scriptures, dans le Journal of theological Sludies J.th.S., XII, 1911, p. 59-98, est très inOuencé par l'école radicale allemande.

Le livre' du professeur protestant français Ed. Stapfer, La Palestine au temps de JésusChrist'^, Paris, 1892, se laisse encore lire.

91- — Les textes principaux se rajjportant à cette époque sont réunis en traductions soiguées dans trois collections, dont deux forment corps et sont achevées ; la troisième, due à des auteurs catholiques, ne contient que les ouvrages non canoniques, et se compose de monographies consacrées à chaque ouvrage.

I. — Die Apokryphen und l’seudepigraphen des Alten Testaments, éd. Eniil Kautzsch. Tiibingen, a vol., 1900. Le tome l*"^ contient les « apocryphes » (c’est à-dire nos Livres deutérocanoniques), plus le 3" livre d’Esdras, le 3 « des.Macchabées, la Prière de Manassé, la Lettre de Jérémie) ; le tome II contient les apocalypses, plus le 4 » livre des Macchabées, les Psaumes de Salomoa et quelques légendes.

a. — The Apocrypha and Pseudepigrapha ofthe Old Testament in eiiglisli, éd. R.-H. Charles, Oxford, 2 vol., 1913. Le contenu et la distribution des matières sont à peu près les mêmes. Le second volume de la collection anglaise contient de plus l’histoire d’Ahikar, les Pirkê Aboth et les fragments « Zadoqites)) découverts par S. Schechter en 19 10.

3. — Documents pour l'étude de la Bible. — Apocryphes de l’Ancien Testament, publiés sons la direction de Fr. Martin ; ont paru, de 1906 à igit : Le lifre d' Ilénoch (F. Martin) ; Histoire et Sagesse d’Ahikar l’assyrien (F. Nau) ; Ascension d’Jsaïe (E. Tisserant) ; Les l’sauinesde Salomon (J. Viteau).

Une grande édition du texte complet de la Mischna, avec traduction allemande et commentaii’c. a commencé de paraître à Giessen, en 1912 : Die Mischna, Text, l’ebersetzung und ausfuhrliche Erl.lærung, edd. G. Béer u. O. lioltzmann.

98. — Touchant les infiltrations étrangères, en plus des ouvrages cités de B. Allô, E. Mangenot, H. A. A. Kennedy, etc., on peut mentionner les recueils de Cari Glemen, lieligionsgeschichtliche Erklærung des JS’euen Testaments, Giessen, 190g (fr. anglaise complétée : /'/i/ni^rie Christianily and ils non-jciiish Sources, Edinburgli, 1912), etflc Ein/luss der Mysterienrcligionen aiifdas aeliesle Chrislenlum, Giessen, ig13 (RVV, XIII, i).

Les rapprochements pour I’Egyi’Te ancienne- ont été relevés (avec beaucoup de conjectures et d’arbitraire) par R. Reitzenstein, Z’iei religionsgeschichtliche Fragen, Strasbourg, I goi ; Poimandres, Leipzig, 1904 ; on peut voir la décisive critique de Eng. Krebs dans l’Appendice à son mémoire : Der L.ogos ats Ileiland im erslen Jahrhundert, Freiburg i. B., igio.

Pour l’AssYHiE et la Babylonib, H. Zimmern et H. Winokler, 3" éd. de Eb. Schrader, Die Lieilinschriften und dus Alte Testament, Berlin, igoa, et Alfr. Jcremias. — Critique dans l’article BabvLoNB ET h. Bigle, du présent Dictionnaire, vol. I, col. 327-3go, p. Alb. Condaniin ; et P. ICarge, Rabylonisches im Neuen Testament,.Miinster, 1913.

Pour riuANet la Pkiish, voir, outre les travaux de James Darmesteter (en particulier la Préface au vol. m de sa trad. de l'.vesta, Paris, 18g3) et de N. Soederblom, la Vie future d’après le Mazdéisme, Paris 1901, les mémoires du P. J. Lagrange, résumes dans le présent Dictionnaire : Ihan | Religions i>E l'1, vol. U, col. iio3-1135, et de MM..Albert Garnoy, 6'/(r(, s ; » s, Paris, ig12, ch. v ; et J.I.abourt, 133 :

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Où en est l’Histoire des Ileligioiis, vol. I, Paris. 19 ti.

Pour I’Hei.i.knismk et le Syncrétisme SYHO-nKLLi' ; NiijCE, l’aul Wendlaml, Die heltenistisch-roemisclie Kultiir in iliren Heziehiingen zu Judenlum und tViri.v/e/i/Hm 2.3^ Tiibiugen, ig13. — La question est fort bien traitée dans J. Lelireton. Origines, Livre I, p. i-8() et passim. Voir aussi St. von Diinin-Borltowskl, tlellenistischer Synkreiismus iind Clirisleiitiim, dans les Siiminen ans Maria f.aacli, vol. XCII, igia, p. 388 sqq., 5ïo sqq.