Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Intellectualisme

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 2 – de « Fin justifie les moyens » à « Loi divine »p. 539-547).

INTELLECTUALISME. — Le mot d’intelleciuulisinea été fréquemment répété dans les controverses religieuses qui ont abouti à la condamnation du Modernisme ; c’était, dans la bouche des novateurs, un terme de reproche à l’égard de la philosophie et de la théologie traditionnelles. A ce titre, le mot a trouvé place dans l’Encyclique Pascendi ; à ce litre encore, il doit figurer dans le Dictionnaire apologétique.

LiTTRK définissait l’Intellectualisme : « Doctrine métaphysique d’après laquelle tout dans l’univers est subordonné à l’intelligence » (Dictionnaire, Supplément, 1886, p. ao2). Dans les discussions philosophiques et théologiques, depuis une vingtaine d’années, le mol a été pris d’ordinaire dans un sens spécial, généralement péjoratif, et qui n’a pas, nous le verrons, de liaison nécessaire avec cette première acception : il désignait la doctrine, implicite ou avouée, de Vuniverselle compétence et suffisance de la pensée conceptuelle et discursive : on pourrait dire encore : la doctrine qui se représente toute réalité sur le type d’une a chose », entendant par « chose » l’objet propre du concept, ce qui est vu tel qu’il est quand il est conçu (eus concretum quidditati materiali, dans la langue scolastique).

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Ceux qui s’en prennent à l’intelleclualisme en matière morale et religieuse s’en prennent donc à une doctrine qui reconnaîtrait, soit une absolue suffisance, so’t une compétence qu’ils jugent exagérée, à lapensc’e jonceptuelle et discursive en matière morale et religieuse. — Nous dirons dans quel sens la doctrine catholique rejette l’intellectualisme (I), dans quel sens elle le consacre (II), dans quel sens elle le laisse affaire de libre discussion (lU).

On ne s*étonnera pas du caractère fragmentaire que présentera notre étude, si l’on veut bien se rappeler que les plus grands aspects du sujet ont déjà été considérés ailleurs <voyez Agnosticisme, Dieu, DoGMS, Foi). Pour la même raison, cette étude sera résolument, impudemment technique : elle eût fait double emploi avec les articles cités, si elle n’eût visé avant tout à montrer quelle est la position de la doctrine catholique vis-à-vis de la critiqne moderne du concept et du discours ; elle suppose donc constamment un lecteur déjà familiarisé avec cette critique.

— Nous la faisons précéder d’une Note où nous avons tâché de distinguer nettement les principaux sens d’un mot dont remploi irrétléchi a créé et crée souvent encore les plus lamentables confusions,

A. — Le terme à.* intellectualisme est pris par des historiens de la pensée scolaslique pour désigner la doctrine métaphysique d’après laquelle l’opération intellectuelle est la fin dernière de l’Univers, et nous fait saisir l’être absolu, en nous faisant, au Ciel, posséder Dieu. Ainsi, M. Khebs écrit dans son étude sur Maître Dietrich (Theodorus Teulonicus) qu’a il proclame expressément l’intellectualisme comme sa conception du monde quand il dit : Maxime et poiissime est liomo propter operaiionem, qiiac est intellectus per essentiant ; igitur per ipsani talis intelleetus operaiionem maxime et immédiate habet homo uriiri Deo in illa bcatifica fisione u (Kkebs, Meister Dîetrich^ sein Leberiy seine Werke, seine M’issensc/ta/ï [dans les Beilrd^e de Bæumker, Miinsler » Aschendorff, v. 5-6], p. 78. — De même Rousselot, L’intellectualisme de saint Thomas, p. IX et suiv.). En ce sens, saint Augustin est un grand intellectualiste, parce qu il met la fin de 1 homme dans la vision de la Vérité. — Or, il est très important de le noter, plus une philosophie est dominée par l’idée de l’Intelleclion subsistante et divine dont elle fait la mesure de l’être, ou par l’idée de l’intellei-tion bealifique et divinisée, dont elle fait le modèle idéal et le but de toute intellection, plus aussi son mouvement natui’cl la porte à développer une critique sévère et méprisante des formes d’intelliçenco inférieure, et particulièrement de l’intellection rationnelle, qui ostjiropre ici-bas â l’animal humain [rationnelle, c’est-à-dire par concepts abstraits et par discours). C’est à quoi n’ont pas manqué les Scolastiques, et surtout saint Thomas d’Aquiu.

B. — Quand c’est aux philosophies issues du Cartésianisme que le mot d’intellectualisme est appliqué (on l’emploie souvent à propos de Descartes lui-même, de Maleoranche et de Leibniz), la uotiin est déjà tout autre. C’est que les Cartésiens ne tiennent pas le même compte que les Médiévaux, et surtout que saint Thomas, des conditions corporelles de notre présente intellcction. Il s’ensuit que ces philosophes, quand ils prennent l’intelligence pour mesure de l’être, risquent souvent d’entendre par là l’intelligence humaine. Tout croyants qu’ils sont, ils inclinent inconsciemment par là vers le rationalism^e. L’intellectualisme cartésien, *t anthropomorphique)>, est caractérisé par une tendance, en métaphysique, à isoler les êtres, et par l’exaltation de l’évidence comme critère de la vérité. M. CotTURAT écrit de Leibniz, qu’il prend comme principe fondamental de sa pliilosophie, le « principe de raison, dont le sens exact et précis est celui-ci :

« Toute vérité est analytique. » En conséquence, poursuit-il, 

tout dans le monde doit être intelligible et démontrable logiquement par de purs concepts, et la seule méthode des sciences est la déduction. C’est ce qu’on peut appeler le postulat de l’universelle intelligibilité. La philosophie de Leibniz apparaît ainsi comme l’expression la plus complète et la plus systématique du rationalisme întellect laliste : il y a accord parfait entre la pensée et les

choses, entre la nature et l’esprit ; la réalité est entièrement pénétrable à la raison, parce qu’elle est pénétrée de raison. Pour caractériser cette métaphysique d’un seul mot, c’est un panlogisme » [La logique de Leibniz, Paris, 1901, p. II).

G, — L’intellectualisme cartésien, en faisant de l’esprit le miroir adéquat de l’être, supposait un irréductible dualisme entre l’être et l’esprit. Les philosophies issues du Griticisme proclamèrent Vaffînité de lEspiit et des choses, et, en unissant ces dernières, par leurs racines mêmes, à l’âme, les firent aussi sortir de leur mutuel isolement. On prend sur le fait la critique de l’intellectualisme à la Descartes, dans cette assertion de Hegel : « Le dogmatisme delà métaphysiiiue de l’entendement consiste à m.aint « nir les déterminations exclusives de la pensée dans leur isolement, tandis que l’idéalisme de la philosophie spéculative, saisissant le tout, s’élève au-dessus de cette exclusivité. » (Hegel, Logique, trad. Vera, Paris, 1874. t. 1, p. 265.1 Cependant Hegel tombait lui-même dans une idolâtrie de lentendemenl, de l’intellection particulière et conditionnée, bien pire que celle qu’il reprochait à Descartes, parce que, ne comprenant plus la nécessité du Dieu Créateur et personnel, il en venait à faire de la connaissance philosophique humaine, — qui reste toujours conceptuelle et animale, — la connaissance absolue. Ou ne doit donc pas s’étonner si des esprits pénétrés de Hegel, — et d’ailleurs éblouis par les beaux progrès des sciences naturelles aux xviii* et xix* siècles,

— tentèrent d’expliquer le monde suivant les méthodes de lintellectualisme rationaliste, c’est-à-dire en acceptant sans examen le concept comme instrument de connaissance adéquat au monde, en identifiant chose avec réalité . C’est le postulat inconscient de 1 intellectualisme qui fleurit vers 1850-1860, et qui attaque de front la religion.

D. — En 1860, c’est l’a intellectualisme » qui est antireligieux ; comment donc est ce, au temps de l’Encyclique Pascendi, l’anti-intellectualisme qui est condamné par l’autorité religieuse ? — La défense religieuse avait été menée en terre protestante (d’une manière très conforme à l’esprit de Luther, mais surtout depuis Kant, après Schleîerniachcr et Ritscbl) en séparant déplus eu plus le doiiiaine de la vérité spéculative, qui appartient à la raison, du domaine de la religion, réservé au cœur. Le protestantisme conséquent a, de la sorte, successivement abandonné : 1° lantique prétention de démontrer rationnellement la crédibilité de la révélation chrétienne, — 2" l’ancien système dogmatique lui-même. Tenir, non seulement aux anciennes démonstrations, mais même aux anciens dogmes, c’est donc, à ses yeux, pécher par « intellectualisme », et ce péché est celui de presque toute l’Eglise chrétienne, depuis les iii « et iv* siècles au moins. M. Hkb>ack, par exemple, en parlecomme il suit : a Unter ïntc^Ilektualisnius ist hier aber vor allem zu verstehen, dass hinter die Gebote der christlichen Moral und hinter die Hoffnungen und den Glauben der christlichen Religion die wiisenschaftlicbe Erkenntniss der Welt gestellt wurde und man dièse mit jenen so verkntlpfte, dass sie als das Fundament der Gebote und der Hoffnungen erschien. Damit ist die zukUnftige Dogmatik geschaffen worden » [Dogmengeschichte, I’, p. 550). — On sait comment, pur l’infiltration de ces idées dans certaines intelligences latines, le modernisme se forma, et quels flots de haines et d’insultes il déversa, pendant quelques années » sur I’u intellectualisme » de la dogmatique et de la théologie catholiques.

En même temps qu’à lintellectualisme théologique, on s’en prenait aux conceptions philosophiques qu’il supposait. En présence des théories idéalistes, sentimentalistes, volontaristes, mobilisfes des novateurs, les défenseurs de l’orthodoxie ont souvent accepté le mot â*in/ellec(ualisme pour désigner le réalisme et le dogmatisme qu’ils professaient, en y ajoutant telle on telle nuance particulière que ces doctrines prenaient dans leurs systèmes. C’est ainsi que le P. Garrigou-Lagrange, O. P., voulant définir I’k intellectualisme » qui est commun à saint Thomas avec Platon et Aristote, le caractérise par la priorité de l’être sur rinieJligence (Hefur des Sciences philosophiques et théologiques, janvier 1908, p. 30). Lea controverses modernes reflètent même leur vocabulaire sur celles du passé : par exemple, à propos des origines philosophiques du protestantisme, De » ii le- Weiss appelle zn^r//cc<uA/<jm « 1069

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la doctrine d’après laquelle rintcllijjence peut connaitie ce qui est Luther iind Luthertum, t. II, p. 298 et 2y9, note 3).

C — Miiis si c’est une erreur mortelle (c de sacrifier In valeur objective de la connaissance concepluelle, n’eu est-ce pas une aussi que d’îj^uorer l’activité du sujet, et de nier toute immanence de l’appétition dans le concept ? Contre cette nuitiltition se sont élevés avec vij ; ueur, depuis une vingtaine d’années, des philosophes chrétiens cotés « anti-intellectualistes ». M. Blo.n’DEL condamne ii une conception générique, dont l’idéalisme et le réalisme sous toutes leurs formes variées ne sont que des espèces hybrides, et qu’on peut nommer Vu intellectualisme » : elle se réaume [dit-il] en cette erreur fondamentale. Lq fa il de : pensée y est pris en lui-même, séparé do Vacie même de penser u [L’illmion idéaliste, extrait de la Revue de Métaphysique et de Morale, nov. 1898, p. ly. — Cf. du même auteur, Lr Point de départ de la recherche phitospphifjue, Annales de philosophie chrétienne^ t. CLII, p. 232).

I. Intellectualisme contraire â la foi. — La doctrine qui alBrnie l’absolue snllisance de la pensée humaine, conceptuelle et discursive, en matière morale et religieuse n’est pas autre chose que le rationalisme sous sa forme la plus crue. Dire que tout est explicable par la raison, c’est nier les mrsijres et la révélation divine, c’est donc clairement se mettre en contradiction avec la foi. — L’Eglise, en ellet, n’enseigne pas seulement que la vérité connue ne suffit pas pour bien vivre, que la pensée n’est pas suffisante au salut (mais qu’il faut en plus la grâce divine à la volonté), par où elle s’oppose à l’Inlelleclualisme absolu (auquel on pourrait rapporter, moyennant quelques précisions, les systèmes de Spinoza et de Hegel). L’Eglise enseigne encore que, pour la connaissance de la vérité nécessaire (et insuffisante) au salut, la raison naturelle est impuissante, et que cette vérité cachée en Dieu a été révélée aux hommes par son Fils incarné pour leur salut.

Ehilre les diverses formes de rationalisme toutes incompatibles avec la croyance à la Révélation, on appelle quelquefois plus particulièrement intellectualisme celle qui atteignit son apogée vers le milieu du siècle dernier, et qui, pour résoudre l’énigme du monde, pour donner le dernier mot de l’être, faisait confiance non plus en général à la Raison (comme au XVIII’siècle), mais plus spécialement à la Science, c’est-à-dire à un système de connaissances rationnelles édifié sur l’élude méthodique de la nature matérielle et de l’histoire. IIe.na> jeune fut un des chefs les plus écoutes de ce mouvement, dont son naturel scepticisme l’empêcha d’ailleurs de partager en tout les illusions. L’aboutissement dogmatique de ce courant d’idées, c’est proprement la métaphysique de Taixb : la réalité réelle est constituée par des « faits » et des « lois », et tout l’être est gouverné par un <i Axiome ». Nous n’avons pas ici à réfuter cette métaphysique, mais à dire seulement quelle en est l’illusion fondamentale, conformément au but particulier que notre litre définit.

La défaveur dans laquelle est tombée de nos jours cette métaphysique de r « Intellectualisme » (étroitement apparentée à l’atomisme en cosmologie, et en psychologie à l’associationisme), semble dispenser sur ce point la doctrine catholique de toute « apologie ». En dehors même du monde spécial des philosophes et des théologiens, on a très bien senti ce qu’avait

« l’arbitraire et d’étroit la prétention d’appliquer à la

connaissance de l’ànie les principes propres des sciences qui concernent les choses matérielles. « L’erreur de rintellectualisme, écrit à ce propos M. Bourget, réside précisément dans l’application à des phéno mènes d’un certain onlre, de méthodes qui convenaient pour d’autres. » (Pages de Critique et de Doctrine, t. II, p. 313.) La critique plus technique et plus serrée des philosophes anti-intellectualistes a également ici, dans une large mesure, travaillé pour la vérité. En montrant que (a connaissance conceptuelle n’est jamais épuisante, elle a prouvé à nouveau, contre l’hégélianisme, que le concept ne peut être l’organe de la connaissance absolue. En montrant que le concept est essentiellement relatif à notre nature bornée d’animaux raisonnables, elle a fait voir, contre Taine, que la réalité absolue ne peut consister en

« faits » et en « lois », essentiellement corrélatifs du

concept ; elle a pareillement dissipé la chimère de l’Axiome éternel. On peut même espérer, semble-t-il, que cette idée de la relativité du concept, pénétrant encore davantage, finira par rendre intolérable à l’intelligence philosophique contemporaine le Panthéisme classique, qui consiste à se représenter l’Etre suprême comme une grande « Chose », ce qui est lui imposer en fait les conditions du concept. (Çà et là cette réaction s’esquisse dans certains essais de polydémonisme, assez irrationnels au reste en ce qu’ils ont de constructif, mais intéressants parce qu’ils sont à l’antipode de la métaphysique « scientifique 1) d’autrefois.) Il se peut que ce mouvement critique, s’il se poursuit, ramène les esprits vers la vraie notion de Dieu, Esprit vivant et personnel. Quoi qu’il en soit, il est certain qu’entre l’agnosticisme, le « mobilisme » moderne, et le dogmatisme catholique, l’intellectualisme à la mode de 1860 a vu de nos jours sa place se rétrécir singulièrement’.

Cette critique moderne de l’intellectualisme, qui, sur plus d’un point, a dépassé les bornes, prolonge, dans ses parties légitimes, les vues des penseurs catholiques, et particulièrement les principes de saint Thomas, sur les rapports de la science, de la raison humaine, et de la vérité religieuse. On peut résumer ces principes, pour ce qui touche la question présente, en deux assertions capitales. Première assertion : la métaphysique ne dépend pas, per se, des sciences. (La raison en est que la métaphysique a pour objet l’être comme tel, tandis que chaque science a pour objet l’être qualifié, déterminé d’une certaine façon, pris dans telles ou telles conditions à l’exclusion de toutes autres. Il s’ensuit cette conséquence, que le progrès des sciences ne fait pas avancer nécessairement et directement la question de la Réalité suprême, la question de Dieu, puisque les sciences rendent raison des différentes qualifications des êtres, mais que la Réalité suprême est celle qui explique l’être comme tel) Deuxième assertion ; la Héalité suprême n’est pas vue telle qu’elle est par le concept (voyez saint Thomas sur la vision de Dieu, par ex. I" p., q. 1 2, a. 1 1 ou Contra Gentiles, lll, 45-4^). Ces deux assertions sont d’une importance e.vtrême, et, dans l’intérêt même de la conservation de la foi, on n’en saurait être trop intimement convaincu.

II faut se réjouir, sans doute, que la pseudométaphysique scientifique soit en baisse ; il ne faut cependant pas oublier qu’un changement de vent peut la remettre en vogue, le penchant à interpréter le monde en termes de « choses » proprement concevnliles étant profondément enraciné dans lesprit huni.iin. Ces derniers temps, d’âpres et justes critiques du mobilisme universel se sont fait jour ; un rationalisme sain paraît retrouver de la faveur en plusieurs domaines, en critique littéraire, par

1. Le programme de l’ancien intellectualisme et son opposition nu mobilisme contemporain sont clairement définis par.Iacob contre M. Le Roy dans la Revue de Métaphysique et de Morale, 1898, p. 170-201. 1071

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exemple et dans la science politique. Ce retour n’a rien jusqu’ici qui ne doive plaire à l’Eglise. Que si, par un hasard que rien ne fait prévoir, il aboutissait à un renouveau de l’intellectualisme naturaliste à la 1860, la pensée catholique devrait se maintenir avec force dans son juste milieu de vérité : affirmant la compétence du concept dans ses limites propres, mais marquant aussi avec rigueur ces mêmes limites, et poussant la critique du concept dans le sens des deux principes thomistes ci-dessus formulés. Au reste, il est clair que ces deux principes ne suffisent ni à faire d’un homme un catholique, ni même à faire admettre la nécessité d’une révélation. Ils y disposent seulement l’intelligence, en la débarrassant de graves erreurs.

II. Intellectualisme garanti par la foi. — « Les modernistes, dit le Pape dans l’Encyclique l’ascend i, posent comme base de leur philosophie religieuse la doctrine appelée communément agnosticisme. La raison humaine, enfermée rigoureusement dans le cercle des phénomènes, c’est-à-dire des choses qui apparaissent, et telles précisément qu’elles apparaissent, n’a ni la faculté ni le droit d’en franchir les limites ; elle n’est donc pas capable de s’élever jusqu’à Dieu, non pas même pour en connaître, par le moyen des créatures, l’existence. Telle est cette doctrine. D’où ils infèrent deux choses : que Dieu n’est point objet direct de science ; que Dieu n’est point un personnage historique. Qu’advient-il, après cela, de la théologie naturelle, des motifs de ciédibililé, de Ia révélation extérieure ? Uesl aisé de le comprendre. Ils les suppriment purement et simplement et les renvoient à l’intellectualisme, système, disent-ils, qui fait sourire de pitié, et dès longtemps périmé. » (Encyclique /’oiCPHt/i dominici gregis, 8 septembre 1907, traduction française officielle, dans les Questions actuelles, t. XCIII, p. 199 ; texte latin ibid., p. 198, ou dans Denzinger-Bannwart, Encliiridion’", n. ao^a.) L’intellectualisme figure ici comme le terme dont les modernistes se servent pour désigner le contraire de l’agnosticisme et, plus précisément, comme le système qui admet et la théologie naturelle (qu’on appelle plus ordinairement de nos jours théodicée), et la rationahililé de la foi prouvée par les signes extérieurs d’une manifestation divine, et enûn la possibilité d’une révélation extérieure, non point renfermée, par conséquent, dans les cœurs de ceux à qui Dieu s’adresse, mais exprimable en concepts et communicable par des mots.

Il ne saurait s’agir ici de traiter dans toute leur ampleur ces trois questions, déjà exposées aux articles Agnosticis.me (t. I, col. 66 sq.), Dieu (ib., col. 9^3 sqq.). Dogme (ib., col. 1135 sqq.), Foi (t. II, col. 65, etc.). Nous nous bornerons, pour chacun des trois points touchés par l’Encyclique, à ajouter certaines précisions, du point de vue particulier qui nous intéresse, et qui est celui de la critique du concept, c*est-à dire que nous essaierons de marquer exactement quelle suffisance de la connaissance conceptuelle l’Eglise affirme dans chacun des cas.

A. Théologie naturelle. — Le Pape parlait d’abord de la théologie naturelle. En affirmant le pouvoir qu’a la raison de connaître avec certitude l’existence de Dieu par le moyen des créatures, l’Encyclique Pascendi n’a absolument rien innové ; elle se réfère explicitement (quelques lignes après le passage cité) aux définitions vaticanes qui, d’accord avec une tradition constante, avaient déjà consacré ce grand point (concile du Vatican, sess. iii, chap. i et canon i de Revelatione, Denzi.ngeh, op. cit., n. l’jSô et 1806).

Observons seulement qu’un document postérieur, dont les premiers articles du Dictionnaire n’avaient pu tenir compte, a précisé encore, par une interprétation autorisée, la doctrine catholique. C’est la formule de serment prescrite par Pie X, le 1" septembre 1910, à certaines catégories d’ecclésiastiques (Motu proprio sacrorum Antistitum). Je professe, y lit-on, que Dieu, principe et lin de toutes choses, peut être certainement connu et même démontré par la lumière de la raison naturelle au moyen de ce qui a été fait, c’est-à-dire des œuvres visibles de la création, comme une cause par ses effets. » Deux traits méritent d’être signalés : l’insistance sur leselfets visibles de la puissance créatrice, et le terme de démonstration pour expliquer la connaissance certaine dont parle le concile du Vatican. Ce dernier enseignement, au reste, ne fait que consacrer une conséquence déjà tirée dans les écoles catholiques, où l’on jugeait

« théologiquerænt certaine » l’équivalence de ces

deux propositions : « Dieu est connaissable avec certitude à la raison naturelle)i et « l’existence de Dieu est démontrable ». L’affirmation delà démonstrabilité exclut toute incertitude dans la preuve tirée des effets visibles de la Puissance divine, elle n’exclut pas toute influence de la liberté sur les conditions de sa perception, et l’on n’est point obligé de croire que cette démonstration soit aussi évidente et contraignante qu’une démonstration géométrique pour toute intelligence en n’importe quel état. L’intellectualisme outré consisterait à croire que le discours agit ici, pour ainsi dire, ex opère operato, que l’clat moral du sujet n’y importe point. Au reste, quelle que soit l’importance qu’on attache aux bonnes dispositions libres en cette matière, il faut prendre garde que, si on les concevait comme suppléant à l’insuffisance de la preuve, il n’y aurait plus démonstration : pour qu’existe la démonstration que le Pape déclare possible, il faut que l’effort libre dispose seulement le sujet à percevoir une preuve valable objectivement. Ce rôle de la liberté consiste donc plutôt dans l’écartement des obstacles que dans une positive efficacité.

Les termes « lumière de la raison naturelle », employés par le concile du Vatican et repris par Pie X, ne méritent pas moins d’attention, et ont pour la question de l’intelleclualisme une importance capitale. Ils excluent les différents sjstèmes fidéisles, qui font dépendre de la foi ou même de la charité surnaturelles, la certitude de l’existence de Dieu. De quelque façon qu’on requière comme nécessaire une lumière intrinsèquement, substantiellement surnaturelle (pour employer le terme technique) à l’effet de procurer la certitude de l’existence de Dieu, on tombe certainement dans l’hérésie. On n’y échapperait pas, dans le cas présent, si, partant de la distinction très légitime entre la valeur rationnelle objective des preuves et la capacité de les percevoir, on accordait qu’assurément la démonsiralion de l’existence de Dieu est valable, mais qu’elle ne peut être saisie avec certitude que par une intelligence surnaluralisée. Le concile, en effet, n’a pas fait tomber directement sa définition sur lanaturalilé de la vérité connue, mais sur celle de l’organe de connaissance, du moyen qui fait connaître. Sans doute, pour ceux qui admettent la doctrine thomiste de l’objet formel, ces deux notions sont corrélatives. Mais celui qui nierait cette doctrine pour prétendre que la vérité nalurelle de l’existence de Dieu ne peut être connue que i ar la lumière surnaturelle, n’échapperait pas aux onathèmes du concile. Il suit de là que l’on ne jieut faire dépendre ladite certitude, de la conversion du cœur à Dieu, de la justification (qui introduit sur-le-champ dans l’àme la foi infuse). 1073

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Mais alors, est-ce que l’Iiomnie ilont l’intelligence est surnaturalisce, dont la raison est guérie par la lui, se trouve vis-à-vis des vérités naturelles dans la même situation que celui dont l’intelligence souffre encore des suites du péché originel, dont la raison est encore blessée’? Il n’en est rien. Tout le monde convient, d’abord, que les vérités révélées proposées par l’Eglise enseignante sont très elficacemenl protectrices des vérités naturelles touchant la morale et l’existence de Dieu. Mais il y a plus, et l’on peut concevoir que l’infusion de la lumière surnaturelle redresse, en ce qui regarde la connaissance de quelque vérité que ce soit, un certain déséquilibre intérieur du sujet connaissant. Sur ce point très délicat, certains défenseurs du dogme ont [lU se méprendre, faute d’habitude des pliilosopliies anti-intellectualistes, et il est arrivé aussi à certains philosoplies catholiques d’employer des formules inacceptal)lcs, alors que leur vraie pensée ne contenait rien de contraire à la foi.

a Croire, écrit l’auteur de l’Action, croire qu’on peut aboutira l’être et légitimement aflirmer quelque réalité que ce soit sans avoir atteint le terme même de la série qui va de la première intuition sensible à la nécessité de Dieu et de la pratique religieuse, c’est demeurer dans l’illusion. » (M Blondel, /.’Action, cinquième partie, chap. iii, p. 4a8 de l’édition complète. )

A première vue, cette proposition ne paraît pouvoir échapper aux qualifications d’ « erronée » et de

« proche de l’hérésie ». Par a pratique religieuse », 

l’auteur n’entend-il pas la pratique religieuse catholi <iue ? par la connaissance qui l’atteint, n’entend-il pas la connaissance ferme et surnaturelle qu’en donne la foi ? Or l’Eglise enseigne que la démonstration certaine de Dieu (qui suppose nécessairement une connaissance certaine de l’être) peut être perçue en dehors de cette lumière surnaturelle. Il est certain qu’avant de s’être résolu aux observances chrétiennes, et même avant d’avoir adhéré par la foi aux dogmes chrétiens, on peut avoir de Dieu une connaissance certaine, démontrée, qu’on n’aura pas à corriger, et qui donc est « légitime ».

Prise telle quelle et isolée, la formule tomberait donc justement sous les censures que nous avons dites ; ajoutons que, même replacée dans son contexte, elle choque encore par sa malencontreuse rédaction. Mais le contexte, croyons-nous, suggère un sens acceptable.

Toute légitime qu’elle est en tant que proposition rationnelle et conclusion authentique d’un discours, l’allirmation certaine de Dieu, dans la raison blessée par le péché originel et non encore réparée par la grâce, a-t-elle sa pleine valeur de vérité ? En dehors même de l’école de M. Blondel, plusieurs se refusent à le croire. Si la recherche philosophique, disent ils, ne s’arrête pas aux seuls éléments représentatifs de l’idée et à la seule valeur de représentation de l’acte intellectif, elle aboutit à la découverte d’une nouvelle sorte de connaissance, plus intime et plus pénétrante, et fondée sur un plus parfait accord <lu sujet et de l’objet. Cette connaissance est du genre de celles que saint Thomas appelle per cunnaturalitatem, et imite plus excellemment l’intellection parfaite, qui, d’après ce saint docteur, n’est pas seulement représentation d’un objet, regard sur une essence, mais conquête, étreinte, prise d’un être. Or, dans l’espèce, cette connaissance sympathique requiert un consentement libre et surnaturel. Mais dans quel sens peut-elle être dite seule connaissance « légitime » de quoi que ce soit ? En ce sens, que seule elle met le réel en équilibre, en « adéquation » non seulement avec le sujet visant déterrainément tel objet, avec le sujet

restreignant le champ de sa vision à un problème partiel, mais avec le sujet total, présent tout entier (puis<iu’il est spirituel) dans chacune de ses intellections, avec le sujet qui, sous tous les problêmes partiels, poursuit la solution du problème premier qui s’identifie avec la vie même : gagner son âme et gagner Dieu. — On le voit : ce point de vue dépasse celui de la « critcriologie » courante, duquel on examine la valeur des certitudes particulières, partielles, et auquel on s’est souvent placé pour critiquer la formule citée plus haut.

On arrive à peu près au même résultat par une voie dill’érente, comme il suit. Dans l’exercice le plus primitif et le plus spontané de la raison, l’analyse décèle aisément une certaine triomphante confiance en soi, une certaine assurance qu’elle peut tirer l’être au clair, une conviction que l’homme peut arriver à avoir le cœur net de lui-même, du monde et de la vie. Cette présomption (j’emploie le mot sans aucune nuance péjorative) est naturelle, essentielle à l’intelligence, est condition a priori de son exercice, et forme comme l’àme de chacune de ses intellections particulières. Or, encore une fois, dans l’état actuel de nature déchue, et par suite de la ruine en Adam de la race entière, cette présomption, en dehors d’une grâce qui illumine l’intelligence, se trouve injustifiée. Sans une révélation d’en haut, sans uneguérison qui ne lui est point due, l’intelligence ne peut arriver à la vérité touchant sa destinée réelle. Il s’ensuit un déséquilibre dans le sujet connaissant comme tel, déséquilibre qui désoriente toutes ses connaissances, qui, sans rendre chacune d’elles mensongère ou « illégitime », les sépare toutes de ce qui devait leur donner leur plein sens et leur pleine vérité. Or, de même que l’ignorance proprement dite est guérie par l’enseignement de l’Eglise, qui nous catéchise à l’extérieur et nous fait connaître notre destinée, de même cet élan vital de la raison, cette présomption naturelle qui est à l’origine de tout son mouvement, est guérie dans sa source par la vertu de foi infuse, qui rectifie la raison en l’élevant. En entendant les choses de la sorte, on comprend comment seule la foi surnaturelle, considérée comme perfection du sujet, rend son assiette à la raison naturelle, et à la connaissance de quelque objet que ce soit, sa pleine légitimité.

B. Motifs de crédibilité. — Au sujet des motifs de crédibilité, l’Encyclique Pascendi renvoie encore au concile du Vatican (De Fide, canons 3, 4)- Le Motu proprio que nous avons cité contient derechef sur ce point une précision importante ; il afiirme la rigoureuse suflisance, même pour les simples, des motifs extérieurs (tels que miracles, prophéties, fait de l’Eglise). Une représentation conceptuelle, communicable, peut donc être le moyen choisi par Dieu pour amener l’esprit de l’homme à l’assentiment raisonnable au christianisme ; si c’est intellectualisme, l’Eglise catholique est intellectualiste en ce point ; elle se refuse absolument à restreindre les légitimes motifs de crédibilité aux seuls phénomènes intérieurs, et a déclaré cette doctrine dans une définition infaillible.

Mais dans l’interprétation des documents, et faute d’une distinction philosophique nécessaire, il pourrait y avoir excès d’intellectualisme, c’est-à-dire affirmation d’une certaine suffisance du concept, plus étendue que celle que le Magistère a définie. C’est ce qu’il nous faut expliquer.

La révélation supposée faite aux hommes, et étant admis que Dieu n’en a pas graliûé, comme d’un don inné, notre intelligence, mais la fait parvenir à chacun de nouspar la tradition, par l’autorité, et, comme 1075

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dit saint Paul, par l’ouïe, appuyée de raisons valables, la question demeure encore, de la manière de se l’approprier. La raison y suffira-t-elle, ou y faiidra-t-il absolument la bonne volonté ? La nature y suftira-t-elle, ou la grâce y sera-t-elle nécessaire ?

Tous sont d’accord pour confesser qu’on ne peut connaître la vérité de la Révélation surnaturelle de lu manière qu’il faut puur parvenir au salut [II" concile d’Orange, canons 5, 6, n. Concile de Trente, canon 3 de Jiistificatione. Drnzingbr, op. cit., n. 178-180 (148-150) et 813 (695)] sans une grâce surnaturelle de Dieu et sans un bon mouvement de la volonté libre. Penser autrement serait attribuer la foi salutaire aux forces de la nature, et tomber par conséquent dans l’hérésie pélagienne. Tous sont d’accord également aujourd’hui pour réprouver l’erreur de Georges Hermès, erreur moins radicale et cependant condamnée. Hermès ne disait pas qu’un assentiment naturel ])ùt être un acle salutaire ; il le niait même expressément, et c’était là le sens de la dislinclion qu’il établissait entre foi de connaissance et foi du cœur. Mais cette foi du cœur n’était qu’un abandon, une résignation de soi-même à Dieu : la foi, en tant que connaissance, était naturelle, et la foi sans la charité, la « foi morte », n’était pas une grâce. C’est ce que l’Egliseacondamné (Denz.B., Enchiridion, n. 1619 (148-) et 1814 (1661).— Acta Concilu Vaticani, notes 14 et 17 au schéma des théologiens, col. bi-) et Safj du tome VII de la Collectio tacensis). II doit donc être constant entre catholiques que la bonne volonté collabore à la foi surnaturelle, même en tant qu’elle est une connaissance. C’en est assez pour exclure la prétendue

« autosuflisance » du concept, et donc pour

écarter les plus graves reproches d’intellectualisme outré qu’on ait faits à la théorie catholique de la foi.

C. Dogmes réfélés. — Si l’on a reproché à la doctrine catholique un intellectualisme outré dans la manièi’e de concevoir les motifs de crédibilité, l’attaque a été bien plus chaude encore quand il s’est agi du contenu de la vérité à croire. On a nié avec hauteur que des concepts, exprimables en mots et communicables, pussent être légitimes véhicules delà vérité divine et salutaire. Celte question a été traitée à l’article Dogme ; nous nous bornerons ici à une observation, qui porte directement sur le caractère conceptuel des dogmes que l’Eglise propose à notre foi.

Les Modernistes demandaieat sur un ton de raillerie si les vérités que nous prétendons « dites par Dieu B avaient été recueillies de sa propre bouche, un joui’qu’il causait avec les hommes, à l’aide d’une voixsensible et de paroles articxilées. Selon la doc tri ne catholique il faut répondre affirmativement. Quoi qu’il eu soit, en effet, des voies possibles que la divine sagesse n’a pas choisies, en fait, la conversalion du Dieu incarné avec les hommes est le principe de toute la doctrine du salut. C’est la doctrine de tout le Nouveau Testament. « Nul n’a jamais vu Dieu, dit saint Jean ; mais le Fils unique [la vraie leçon paraît être : le Dieu Fils unique] qui est dans le sein du Père, nous l’a manifesté. » (lean, i, cf. vi, 46.) < Qui connaît la pensée de Dieu ? dit saint Paul. Aous, nous avons la pensée du Christ. » (l Cor., 11, 16.) Et l’Epître aux Hébreux : Il Souventes fois et en façons diverses Dieu, par les prophètes, a parlé aux anciens, mais en ces derniers jours II nous a parlé en son Fils. » (Hebr., i, i.) Et on lit déjà dans les synoptiques : (c Nul ne connaît le Père sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler. » (.Mat., xi, 27, cf. Luc, x, a2.) Toute l’économie de la Révélation consiste donc

en ce que l’homme a entendu Celui qui voyait. L’homme qui est à l’origine de notre foi n’était pas croyant, mais voyant, et sans aucun voile, comme vrai Fils de Dieu. (Cf. S. Thomas, Contra Gentiles, III, XL, 3 : « sive ipsc homo proponens fidem immédiate videatveritateni, sicut Christo credimus 0.)

La vraie Incarnation du Verbe, et comme on dit maintenant, la divinité métaphysique » de Jésus est donc essentielle àla notion delarévélalion catholique, et celui qui les nierait aurait à professer et à défendre une foi différente de la nôtre. — La consolidation et la consécration pac le Christ de l’ordre conceptuel, si l’on peut s’exprimerde la sorte, rentre dans le plan jilus général de la répai-alion en Lui de noire monde terrestre et de tout ce qui s’y rattache, qu’il a comme marqué de son sceau : omnia in Ipso constant, dit saint Paul (Col., i, 17). De là, le principe sacramenlaire de notre religion, c’est-à-dire l’emploi de la nature corporelle elle-même pour la collation de la grâce. De là, le principe ecclésiastique, c’est-à-dire le salut mis à la portée des hommes par l’intermédiaire d’hommes enseignant, gou^ernant, dispensant les choses saintes. De là encore le principe dogmatique : c’est à-dire nos pauvres formes de pensée, inlimes et animales’, élevées à la dignité d’exprimer avec pleine certitude les ^ érités mystérieuses, qui concernent l’intime même de Dieu.

Plus précisément, et pour l’objet qui nous occupe : si, suivant ce qu’imagine Tyrrell, c’était une expérience confuse de la Divinité, — si c’était même une illumination mystique ou une vision intellectuelle, semblable à celles dont nous ont parlé les saints, — ((ui était à l’origine de la révélation, alors on pourrait Wien soupçonner d’inexactilude l’explication conceptuelle qui en serait donnée ensuite, car les hommes les plus spirituels peuvent mélanger aux traits de la lumière céleste qvielque chose de leurs humaines pensées 2. Ce serait beaucoup alors, si les

« prophètes » pouvaient exclure à coup svir les interprétations

fausses de leurs révélations, après qu’ils auraient entendu ces paroles secrètes, que l’homme ne saurait répéter » (II Cor., xii, 4). La révélation intérieure serait de Dieu ; mais son expression extérieure et sa communication aux hommes seraient d’un homme faillible en soi. Que si des mots divinement consacrés étaient communiqués, ou bien l’on n’aurait guère qu’à révérer des syllabes mortes, ce ([ui convient plutôt à des serviteurs qu’à des aiuis, ou bien leur interprétation soulèverait la même dillicullé. De là, sans doute, le petit nombre des dogmes dans le VieuxTestamenl, et la moindre communicabilité des révélations faites aux Patriarches et aux Prophètes (voyez Nkwma.n, Essai sur te Développement, éd. Longmans, ]>. 847). Mais pour la vérité chrétienne, il en est bien autrement : elle n’a point son principe dans une expérience plus ou moins confuse, mais dans la vision même dont le Fils voit son Père, dont Dieu voit Dieu ; et l’homme qui la communique aux hommes, c’est le même Dieu, fait chair. Donc, aussi bien la science du maître que la « particularisation qu’il fait de sa science à l’usage de ses disciples » (pour employer une expression de saint Thomas 3), aussi bien l’une que l’autre, dis-je,

1. « La rntiuii.ilîté, dit saint Thomas (c’est-5-dire l’attribut sitécififiU6 des esprits qui connaissent par concepts et par discours) est une quahté du genre unimal.)> liationaU est di/fcrenila anijnaht (ï Sent., d. Tk, q. 1, a. 1 ad 4).

2. Cf. saint Ignace de Lotola, Exercices spirituels. Règles pour un plus grand discernement des esprits, règle 8.

3. Saint Thomas, De Veritale, q. 9, a.">, et « ouvent ailleurs.

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sont nécessairement et absolument jointes avec la Térité. — En d’autres termes, le Christ n’est pas seulement né et venu au monde, pour rendre tén » oignage à la vérité (Jean, xviii, 37). Il a pu dire encore Térilablenienl et proprement : Je suis lu Véiité (ibid., siv, 6). Mais les concepts, les jugements, les discours, de Celui <|ui est la Vérité sul>sislante, délinissent la vérité créée, loin qu’elles puissent s’en écarter en aucune sorte. « Ce que j’ai vu cliez mon Père

« ’est ce que je dis » {.lean, viii, 38) : il n’a pu

parler que sincèrement, < naïvement », vraiment, <ies choses divines. — Autrement encore. Si, comme le dit la proposition condamnée sous le n° ao par le <lécret I.amentahili, la révélation n’a rien pu être que la conscience acquise par l’homme de sa relation à Dieu, c’est avec raison peut-être qu’on entreprend une critique rationnelle de l’expression qui manifeste de pareils phénomènes de conscience. Mais si nieu s’est fait homme, la manifestation même de vette conscience, son passage en catégories humaines t^e trouvent consacrés par l’autorité de Dieu. Les objections modernistes qui partent de la dilTérence entre le phénomène originel de l’expérience religieuse et ses « formes secondaires « , autrement dit, de l’impuissance du concept humain à traduire les réalités divines, s’évanouissent donc devant la réalité de l’Incarnation.

Il est bien clair qu’on n’a pas la prétention, dans tout ce qu’on vient de dire, de prouver la vérité des dogmes catholiques. On ne prouve pas tous les dogmes en aflirmant un dogme. Mais on montre

« omrænt ils se tiennent, ou mieux comment un

dogme particulier rend raison de la nature des autres dogmes, et explique aussi cette audace dogmatique de l’Eglise, qui nous dicte tant et de si précises Jillirmations sur les objets les plus cachés et les plus sublimes. Elle a entendu le Fils. — Les adversaires, inversement, en faisant la critique générale du dogme, prennent position sur un dogme. Us commencent par dire que Jésus fut un ouvrier de campagne, qui crut que la tin du monde allait arriver,

« l qui mêla à cette grossière imagination un rêve

sublime. Ils prennent, par le fait, position sur l’ensemble ou pIutiM contre l’ensemble du catholicisme. Le Verbe ne s’est plus fait chair, le monde matériel n’a plus été sanctifié par Lui, et il n’y a plus de <’onlinuité entre nos paroles humaines quand nous disons le Credo, et les paroles humaines de l’Emmanuel, de Dieu même, quand il conversait avec ses disciples.

Il est clair encore que ce quia été dit laisse entière la question de l’identité des dogmes enseignés aujourd’hui par l’Eglise avec ce que le Christ a dit ans siens. Cette question est en dehors de notre objet propre : nous n’avions qu’à montrer qu’à l’orii’ine de la Révélation et dans la bouche même de 3 Heu l’expression de notre foi était conceptuelle. La distinction entre concepts vulgaires et concepts

« avants est, après tout, accidentelle. L’intellectualisme

dogmatique a gagné sa cause, s’il a montré

« (u’il peut y avoir, entre son Credo et la révélation

faite par Dieu même, homogénéité. Cette homogénéité nous est garantie par l’Incarnation du Verbe. /Virii/H^, dit saint Thomas, secundum humanam natiiTtini hahel perfectiiinem aliis homogeneam, et est frincipium quasi uniiocum, et est régula conformis, fl unius generis : … hæc complet in ipso rationcm capilis (III sent. d. 13, ((. 2, a. 1 sol.).

On le sait, les saints Pères ont souvent déveloiipc cette notion de la Kévélalion qui réclame l’Incarnation du Verbe non seulement pour que nous soyons rachetés, mais encore pour que nous soyons instruits <Ies vérités divines. On peut lire saint Irénéf, V, i ;

saint Athanase, Sur l’Incarnation du Verbe, ch. xiv, XVI, XLV, xLvi. — Le fond de la doctrine exposée par nous dans cette section est résumé par saint (’iHKGOiHK LK Ghanij en ces paroles : Dum difinitas defectum nostræ carnis suscepit, hunianum genus lumen, quod amisernt, receptt. Unde eniin Deus Itumana patitur, inde liomo ad divina sublevatur (llom. ir in Evang.). Saint Irénéh dit encore que le Verbe s’est fait enfant pour converser avec nous :

7UVcV » ; 7T1KÇ£V IV, XXXVIIl).

m. Intellectualisme librement discuté. — Après avoir exposé quel intellectualisme l’Eglise rejette et quel intellectualisme elle consacre, il nous reste à dire quel est celui qu’elle laisse matière de libre discussion.

Il sulUt à l’Eglise que soient saufs ses dogmes, et les conséquences qui en découlent touchant la valeur limitée, mais réelle de la connaissance conceptuelle ; elle n’impose par ailleurs aucune systématisation déterminée sur la nature et l’activité de l’intelligence, ou sur ses rapports avec la volonté. En fait, les deux systèmes philosophiques les plus célèbres dans son sein, et qui ont servi de base aux deux écoles de théologie les plus tranchées, le thomisme et le scotisme, se trouvent précisément, sur ces points, en opposition irréductible. La volonté a la primauté chez ScoT, et chez les Franciscains en général ; leur système est couramment et justement caractérisé comme anti-intellectualiste et volontariste. L’intelligence a la primauté chez saint Thomas ; on peut dire que sa philosophie est fondée siu- un intellectuali. sme intransigeant, radical.

Mais, quand on parle ainsi, il importe de l’observer, on prend intellectualisme ausens métaphysique, an sens où. le prend la délinilion de Littré citée au tlébut (le cet article. Le cœur de l’intellectualisme thomiste, c’est sa thèse sur la béatitude : il affirme que l’Etre infini, que Dieu, bonheur et Fin dernière de l’homme, est possédé, à proprement parler, par l’intelligence, et non par la volonté’. C’est dans la vision intuitive de Dieu que l’intellectualisme thomiste voit l’idéal de l’opération intellectuelle, et la raison dernière de tout le mouvement de l’intelligence surnaturalisée. C’est dans l intuition des (I Intelligibles subsistants », des purs esprits vivants, qu’il voit son plusnoble exercice naturel. Or cetteidée qu’il se fait de l’inlellection idéale l’amène à critiquer avec une extrême rigueur (et parfois à déprécier en termes très méprisants) la connaissance intellectuelle propre à l’animal raisonnable, c’est-à-dire la connaissance discursive et conceptuelle, abstraite,

1. « La béatitude est l’obtention de la fin dernière. Or, l’obtention de la fin ne conyiste pas dans l’acte de la volonté. Caria volonté se portant soit à la fin absente, par le désir, soit à la fin présente, parle repos du plaisir, il est clair que le désir de la fin n’est pas l’obtention de la fin, mais un mouvement vers elle. Quant au plaisir, il survient à la volonté dès que la fin est présente, et ce n’est pas, inversement, le plaisir pris dans une chose qui peut vous la rendre présente. Il faut donc que ce par quoi la fin est rendue présente à la volonté soit quelque chose d’autre que l’acle de volonté. Et c’est bien clair quand il s’agit de fins sensibles. Si c’était l’acte de volonté iqui faisait avoir do l’argent, l’av.ire en aurait tout de suite, dés qu’il en désire ; mais d’abord l’argent est absent : on l’a quand on le prend dans la main, par exemple, ou en quelque antre manière, et alors on prend plaisir à l’arRent qu’on a. Il en est de même pour la fin intelligible. D auord nous voulons l’obtenir ; ensuite nous l’obtenons par le fait de sa présence en nous, au moyen de lacle d’intelligence ; et alors la volonté prend plaisir et se repose dans la fin obtenue. Ainsi donc l’essence de la béatitude consiste dans l’acte d’intelligence, n i’II-’, q 3, a 4. Contra, Scot, Opi(S oxonifnsc, IV, d. 49, q. 4. 1079

liS’TELLECTUALISME

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soumise aux conditions du tcn ps el de l’espace. Les récents interprètes du thomisme ont insisté uvcc prédilection sur cet aspect de la doctrine. Ou peut voir RorssELOT, L’intellectualisme de saint Tliumas, Paris, 1908 ; Seutillanges, Saint Thunian, dans la collection des Grands Pliilosoplies, Paris, lyio. Ce dernier auteur résume très heureusement la critique thomiste du concept en fonction de lintellection idéale, dans cette formule : « Plus une chose est intelligible, moins elle est concevable. » (Op. cit., 1. 1, p. ^9.) Ainsi, c’est précisément l’Intellectualisme métaphysique le plus conséquent, le plus enthousiaste, qui fournit le plus violent et décisif antidote contre l’intellectualisme étroit et « anthropocentrique >, idolâtre de l’intellection animale, du concept. On chercherait en vain chez Scot les principes d’une pareille critique, méthodique et impitoyable. (1 Scot pense, contre S. Thomas, que la possession de Dieu s’opère formellement par la volonté. Il est, dès lors, conséquent avec lui-même en niant la parfaite coïncidence de l’ordre intelligible et de l’ordre réel : c’est le sens de sa fameuse distinction formelle ex natura rei. Parce que la notion thomiste d’intellection possédante et d’immanence intellectuelle lui manque, il tend à se représenter toute connaissance sur le modèle de notre conception abstraite et représentante : c’est ce qui explique ses théories sur l’univocilé de l’être, et sur la connaissance humaine des attributs di^ins. Si nous détinissions l’intellectualisme par la tendance à égaler tout le connaître au connaître humain, nous devrions dire que Scot est plus intellectualiste que S. Thomas. » (Rousselot, op. cit., p. XXIII, note i.) — On voit combien il est dangereux, jugeant sur les premières apparences, d’invoquer la tradition scotiste à propos de la moderne critique du concept. Une confusion semblable est possible dans la question de l’acte de foi, où Scot attribue à la volonté un rôle moins décisif que saint Thomas. Il y a là des distinctions essentielles à faire, que négligent aisément ceux qui n’ont de la Scolastique qu’une connaissance peu approfondie (voyez Le Roy, Dogme et Critique, >. laS-iai. et cf. note viii). — Au reste, encore une fois, et quelle que soit la faveur très spéciale témoignée par Rome, de nos jours surtout, au système de saint Thomas (voyez l’article Thomisme), celui de Scol jouit dans l’Eglise d’une pleine liberté.

Quelles que fussent au reste leurs idées sur la prééminence métaphysique de l’intelligence ou du vouloir, les scolastiques étaient d’accord pour pratiquer en théologie la méthode de la dialectique rationnelle. Ici, saint Thomas n’est pas plus intellectualiste que Scot. Il n’est peut-cire pas inutile de noter, à la fin de cette section, que l’Eglise a réprouvé, chez Bonnbtty, l’idée que la méthode des scolastiques conduisît au rationalisme. Pour être encore de temps en temps rééditée, cette appréciation n’en demeure pas moins condamnée par Rome [Denzinger, op. cit., n. 1602 (1508)l.

Conclusion. — (Qu’est-ce que l’Eglise pense de l’intellectualisme ? Le lecteur a vu par tout ce qui précède qu’on ne peut trancher cette question par une réponse abrupte et brève, mais qu’il faut, pour la résoudre, de multiples distinctions. La tâche est relativement facile, quand on est en présence soit d’un intellectualisme aux lignes rigides et nettes, comme celui de Taine, soit d’un anti-intellectualisme défini, et, par là même, rationnel encore dans sa méthode, et ilonc restreint, comme celui qu’on professe dans l’école de Scot. On reconnaît facilement le principe anti-dogmatique, identique à lui-même dans sa fai blesse, soit qu’il raille avec Voltaire les dogmes au prétendu bénélice de la morale, soit qu’il proclame avec M. Ménégoz que n la foi sauve indépendamment des croyances » : chez ces deux écrivains que tout le reste sépare, c’est la même impuissance à croire à la force de la vérité. Mais il est un anti-intellectualisme vague et diffus, d’ordre plutôt littéraire, et qui fut fort à la mode aux beaux jours du modernisme, et auparavant.

« Lesformules sont un grand mal, disait-on, 

îàme, l’àme inexprimée qu’on y met… est tout ce qui importe… il serait immoral que la foi pût être formulée… savoir avant de faire est notre tentation mauvaise ; ne nous occupons que d’être hommes de bonne volonté… » « Ne lui demandez pas de système, disait un théologien protestant à propos d’un autre protestant ; il est trop riche pour être conséquent. La vie ne se formule pas ; elle n’en a ni le loisir ni le besoin. » On pourrait sans peine multiplier les citations de ce genre ; de déclarations pareilles, nous avons été rassasiés jusqu’à l’écœurement. Or, à ces contre-vérités détestables, on mêlait des vérités diminuées, — « la primordiale affaire n’est pas de spéculer sur l’univers, mais de se conduire », etc., — et des truismes exprimés poétiquement, comme le mot de Goethe : n Mon cher ami, toute tliéorie est grise, mais l’arbre d’or de la vie est verdoyant », sans oublier l’inévitable distique où Hamlet avertit Horatio qu’il y a, sm’terre comme au ciel, plus de choses que sa philosophie n’en peut expliquer. Ce mélange constituait l’anti-intellectualisme à l’état de mentalité diffuse. Ce qui cherchait de la sorte à s’exprimer, c’était d’ordinaire moins une pensée qu’un vague état d’irritation sentimentale, tantôt contre l’excessive présomption de la raison raisonnante, tantôt contre l’intransigeance légitime de la vérité, tantôt contre l’une et l’autre, qu’on arrivait à confondre dans une seule et même répulsion. De cet état d’àme indistinct el trouble, on ne peut rien dire d’absolu. U peut marquer la lin d’un rationalisme étroit et superbe ; il marque plus souvent, peut-être, une maladie de l’intelligence, incapable de conquérir et de garder en paix son bien propre, la vérité. Le devoir du médecin des àiues est de les soigner selon leurs inQrmités diverses. Le devoir du philosophe et du théologien catholique est de distinguer avec soin les diverses formes intellectuelles de l’anti-intelleclualisme, ut sciât reprobare malum el eli^erebonum ; il lui faut d’abord maintenir hors de toute alleinte les droits absolus de la divine vérité, ensuite intégrer dans la spéculation catholique tout ce qui parait bien fondé dans la moderne critique du concept. Celui qui s’applique sérieusement à cette double tâche, se trouve tout ravi de l’admirable balance de la pensée catholique, si sensible à toutes les erreurs, si juste envers toutes les vérités ; ce spectacle confirme merveilleusement dans la foi. Omnia consonant vero !

n Qu’il y a une vérité, donc, et qu’il n’y a qu’une vérité ; i|ue l’erreur religieuse est en soi de nature immorale ; qu’elle est à craindre ; … que l’esprit est soumis à la vérité et non point son maître ; qu’il est tenu, non d’exécuter des variations à son sujet, mais de la vénérer ; que la vérité et l’erreur sont placées devant nous pour éprouver nos cœurs ; … qu’x avant toute chose il est nécessaire de tenir la foi catholique » ; que n celui qui veut être sauvé doit penser ainsi », et non autrement ; … voilà le principe dogmatique, qui est fort et qui vaut. — Que la vérité et l’erreur religieuses ne sont que matière d’opinion ; qu’une doctrine est aussi bonne qu’une autre ; que le Maître du monde ne veut point que nous parvenions à la vérité ; qu’il n’y a pas de vérité ; que nous ne plaisons pas à Dieu davantage en croyant ceci qu’en croyant cela ; que personne n’est responsable de ses 1081

INTÉRÊT (PRET A)

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opinions ; … qu’il suffit de tenir sincèrement ce qu’on professe ; que notre mérite consiste à clierctier, et non pas à posséder ; … voilà le principe des philosophieset deshérésies, principe d’essentiellefaiblesse. » Ces paroles de Newman (fessai sur le développement, cliap. viii, sect. i) expriment admiraMenient le premier principe de ce qu’on a le droit d’appeler l’intellectualisme catliolique, principe de force, d’harmonie, de paix, et, quoi qu’en dise une critique superlicielle, principe de ie. La bienheureuse Angèle DE FoLiGNO dit la même chose plus brièvement :

« Celui qui connaît dans la i’érité, celui-là aime dans

te feu. ti (Visions, trad. Hello, II" p., ch. LVii.)

Pierre Rousselot.