Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Indulgences

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 2 – de « Fin justifie les moyens » à « Loi divine »p. 365-382).

INDULGENCES. — I. J a doctrine catholique. — 11. Justification de la doctrine : A) Fondements dogmatiques ; B) Développement. — III. Ahus et réforme : 1" Indulgence a culpa et a poena : a* Vente des indulgences, — IV. Conclusion : utilité des indulgences.

I. La doctrine catholique

1° Définition. — On appelle « indulgence », dans la doctrine catholique, la rémission extrasacramentelle faite par l’Eglise de la peine temporelle due aux péchés déjà pardonnes. Ce n’est donc pas la rémission du péché : la faute ou coulpe qui le constitue et la peine éternelle qui en est la conséquence doivent, au contraire, avoir été préalablement remises pour que l’indulgence puisse obtenir son effet. Seule la peine temporelle en est l’objet. Encore l’indulgence n’est-elle pas, tant s’en faut, le seul moyen d’en obtenir la rémission : le sacrement de pénitence d’abord la procure, soit directement par l’absolution, soit indirectement par la contrition et la satisfaction — pénitence — qui en sont des éléments indispensables. Toutes les œuvres satisfactoires en outre, qu’accomplit le chrétien en état de grâce, obtiennent le même effet, en sorte que les indulgences ne sont 719

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nullement nécessaires ni au salut ni à la complète et parfaite purification des âmes.

2" Condition des indulgences : l’œuvre indulgenciée, son rôle. — Mais elles sont une faveur et un secours que l’Eglise met à la disposition de ses enfants pour leur faciliter un plus rapide acquittement de leurs dettes envers la justice divine.

Ici, en effet, c’est l’Eglise elle-même, par son chef ou par les ministres avoués de lui, qui agit. La rémission de peine qiii correspond à l’indulgence est son œuvre propre, et l’eflicacité de l’indulgence ne tient nullement à la valeurou à la perfection del’acte pieux ou cliaritable auquel elle est attachée. Ce n’est pas ici le mérite personnel qui entre en jeu et il ne faut pasparlernonplus d’une commutation dcpeine : l’œuvre accomplie ne tient pas lieu d’expiation ; elle n’est qu’une condition mise par l’Eglise à l’exercice de son pouvoiret la volonté seule deceluiqui accorde l’indulgence en détermine l’étendue et rellicacilé. De là vient qu’il ne lui est pas nécessaire de connaître et d’apprécier les dispositions subjectives des bénéficiaires de sa faveur ; qu’ils soient en état de grâce et qu’ils posent les actes prescrits par elle, et ilsproliteront de ses libéralités.

3° Motif des concessions d’indulgences. — C’est donc un acte d’administration, dérivant du pouvoir de juridiction et nullement du pouvoir d’ordre ; et voilà pourquoi il dépend des chefs de l’Eglise d’en régler l’exercice.

Il ne suit pas de là qu’ils doivent ou même qu’ils puissent en user arbitrairement. « Tous les docteurs, dit SuABEZ (De pænitenlia. Disp. liv, s. a, n" 3), théologiens aussi bien que canonistes, sont d’accord qu’il faut une cause pieuse pour la validité de l’indulgence », et, de fait, les conciles et les Souverains Pontifes n’ont jamais revendiqué ce pouvoir que dans ces conditions, n Thesuurum salubriter dispensandum et propriis et rationahilibus causis… applicandum », dit Clk.mbnt VI dans sa Bulle du Jubilé (Denzinger-Bannvart, 551), et en demandant aux partisans d’Husou de Wicleff s’ils croyaient au pouvoir du pape d’accorder des indulgences, le concile de Constance ne faisait porter sa question que sur un pouvoir ainsi défini : a i’Irum credut, quod Papa…, ex cuusa pia et iusta, pnssit concedere mdulgentias » (Denz.-Bannw.jfi^G [570^) : LkonX, dans sa bulle » Cum postquam » au cardinal Cajetan sur la doctrine des indulgences à promulguer en Allemagne, insère la clause pro ratiimahilibus causis » (Lk Plat, SInnum. ad conc. Trident., l. II, p. 2^).

Aussi — et quelles qu’aient pu être jadis les hésitations de certains (voir, pour l’époque de saint Tuo-MAS, .*<"H/)^/e/n., q. 25, a. 2) — l’opinion tend-elle à prévaloir que, pour être valide, toute concession d’indulgence doit avoir une cause, un motif raisonnable et proportionné (cf. Chr. Pescii, De indulgentiis, n’480-48a).

Non pas qu’il soit loisible aux fidèles de s’ériger en juges ou qu’ils aient à s’inquiéter de la valeur et de la suffisance des motifs ; jusqu’à évidence contraire, la présomption de sagesse et de prudence est pour l’auteur de la concession.

Non pas surtout que la cause ou le motif requis soit à chercher viniquement ou même d’abord dans l’importance, la dilliculté ou la valeur propre de l’ivuvre prescrite. Plus souvent, au contraire, ce motif lui sera extrinsèque et se trouvera dans une vue d’ordre supérieur : a Quæcumque causa adsit quæ in utiliiatem Ecclesiæ et honorent Dei vergat, sufficiens est ratio indulgentins faciendi », dit saint Thomas {Supplem., q. aS, a. a, c).

Mais il reste que, de ce chef, non seulement les

indulgences accordées par un pape peuvent être abrogées par un autre, mais aussi qu’il peut y avoir faute à concéder certaines indulgences et que même la concession peut alors se trouver invalide.

/(° Indulgence, paiement de dette : le trésor de l’Eglise. — L’Eglise, en effet, dans cette œu-Te d’administration pastorale, ne procède point à un acquittement du débiteur purement gracieux. En un sens très réel etqu’on regrette de traduire en termes aussi anthropomorphiques. il y a paiement de la dette du péché ; seulement, au lieu d’être personnel, il est social : l’Eglise y pourvoit elle-même. Jointes aux mérites du Christ, d’où elles tirent d’ailleurs toute leur valeur, les satisfactions surérogatoires de la Sainte Vierge et des saints lui constituent un trésor et comme un fonds de réserveoù elle peut puiserindéliniment pour l’exonération de tous ceux de ses membres qui en sont susceptibles. Fonds social : la dispensation en est confiée naturellement à ceux-là seuls qui gèrent les intérêts de la communauté ; mais le gaspillage et la profanation en doivent être évités ; c’est pourquoi les chefs qui en détiennent les clefs n’en peuvent pas disposer à la légère ou par caprice. Mais leur devoir aussi est d’en faciliter l’accès et l’usage, et tel est le but de leurs innombrables concessions d’indulgences ; elles ne sont pas autre chose que la mise à la disposition des fidèles du trésor de mérites et de satisfactions auxquels leur agrégation à la société des saints leur donne le droit de participer.

L’organisation sociale de l’Eglise et le dogme de la communion des saints, tels sont donc les fondements de cette discipline, et à qui n’admet pas ou n’a pas compris ces deux vérités, il serait vain de vouloir expliquer ou justifier la théorie et la pratique des indulgences. Aussi toutes les décisions rendues par l’Eglise à ce sujet se réfèrent-elles à l’existence de ce trésor. (Iliîmkxt VI l’alTirme et la démontre dans sa bulle du Jubilé (Denz.-Bannw., 550). Li ; on X fait de même dans la bulle à Cajetan mentionnée tout à l’heure, et la première des propositions de Luther qu’il condamne en cette matière est celle qui nie que « les trésors de l’Eglise, permettant au pape de donner des indulgences, soient les mérites du Christ et des saints » (Denz.-Bannw., -b-) [641]). Pour l’avoir contesté également et pour avoir insinué qu’il y fallait voir un simple produit des discussions et des subtilités scholastiques, les Jansénistes de Pistoie se firent à leur tour condamner par le pape Pie VI (Denz.-Bannw., 1341 [i^o^]), en sorte que, s’il n’y a pas lieu de dire avec SrAHKZ (Disp. li, s. i, n* a) qu’il s’agit là d’une vérité de foi proprement dite, du moins est-ce une conclusion de vérités définies qui fait partie de l’enseignement catholique. L’usage des indulgences, tel que l’Eglise le comprend, est conditionné par elle et il y aurait une témérité insigne à la nier ou à la mettre en doute.

5" Efficacité des indulgences aux yeux de Dieu. — Il n’y en aurait pas moins à vouloir restreindre l’elTet des indulgences à la rémission de la peine ecclésiastique exigible en vertu des anciens canons pènitontiels. II est bien vrai que les formules traditionnellement employées dans les concessions semblent viser d’abord et directement cet elTet, qui est d’ailleurs très réel. Faire grâce de tout ou partie des peines encourues signifie bien tenir quitte de la pénitence canonique encourue pour les péchés déjà pardonnes. Et de là vient aussi l’expression classique, accorder l’indulgence par forme d absolution : la même autorité, qui avait prescrit ou aurait pu prescrire la peine ecclésiastique, en fait remise, en absout, et. lorsqu’il s’agit des fidèles vivants, soumis à sa juridiction, il n’y a rien que de très naturel dans ce langage : il a 721

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son origine dans l’usage fait primitivement des indulgences ; c’est d’abord d’une pénitence réellement prescrite qu’on accordait la remise.

Mais autre chose est le langage et autre chose la réalité ou les réalités qui y corresponileiit, et l’Eglise n’a jamais admis que l’eiricacitc île son indulgence fût restreinte au for ecclésiastique. Etre délié par elle, c’est l’être aussi par Dieu, et sa pensée a toujours été qu’aux rémissions de peine accordées par elle correspondait, au tribunal de Dieu, une rémission égale ou proportionnelle. Où serait sans cela la faveur faite au pénitent ? et à quoi servirait de puiser pour lui au trésor social ? L’indulgence tournerait plutôt.^ son détriment : la dispense de la peine équivaudrait à un renvoi devant la justice divine et son auteur imiterait en somme le confesseur qui, pour un motif quelconque, impose au pénitent une pénitence plus légère : dans les deux cas, le feu du purgatoire aurait à suppléer.

Aussi les condamnations portées contre la doctrine de Luther sur les indulgences visent-elles surtout cette fausse conception : a C’est frauder les (idèles, disait le moine rebelle, que de leur accorder des indulgences ; c’est les dispenser des bonnes œu vres » que seraient les pénitences accomplies ; en sorte que « les indulgences sont à mettre au nombre des choses permises, mais non des choses utiles ». Car « même réellement obtenues, elles sont sans valeur au tribunal de la justice divine, et c’est une illusion de les croire salutaires et fécondes en fruits spirituels. Il n’y a que les criminels publics à qui les indulgences soient nécessaires, et elles ne s’accordent à proprement parler qu’aux esprits rebelles et impatients [de toute contrainte]. Il y a six classes d’hommes au contraire à qui elles ne sont ni nécessaires ni utiles : les morts ou les mf)urants, les infirmes, ceux qui sont légitimement empêchés [d’accomplir les pénitences prescrites], ceux qui n’ont pas commis de crimes, ceux qui ont commis des crimes mais pas publics, ceux qui travaillent à leur amendement », (tous ceux en un mot qui n’ont pas mérité ou sont hors d’état d’accomplir les ])énitences eanoniques](Denz.-Bannw., ’ ; 58-762 |G/i 2-6/161). Car, au point de départ de toutes ces assertions, se trouve cette notion fondamentale des indulgences : elles ne sont que la rémission de la peine canonique. Et c’est ce que i appelle la condamnation par Pie VI de la 40’proposition de Pistoie : « Dire que l’indulgence, au sens exact de ce mot, n’est que la rémission d’une partie de la pénitence canonique inlligée au pécheur, comme si, en plus, elle ne valait pas également, pour la rémissiim de la peine temporelle due aux péchés actuels a<i regard de la justice divine, c’est émettre une alfirmalion fausse, téméraire, injurieuse pour les mérites du Christ, depuis longtemps condamnée dans la itf proposition de Luther » (Denz.-B., 1540 [1403j).

6" Hdle du pouvoir des clefs. — De la notion catholique de 1 indulgence, il ne suit pas toutefois qu’elle soit à proprement parler une forme spéciale d’absolution et qu’intervienne ici encore, même quand il s’agit des vivants, une sentence judiciaire tombant directement sur la dette contractée envers Dieu.

La plupart des auteurs, il est vrai, croient devoir expliquer ainsi le mode d’action des indulgences. Le pouvoir des clefs s’y exercerait réellement sur le Ddéle et, tout en oITrant pour lui à Dieu le paiement de sa dette, on l’en délierait encore formellement. Mais peut-être cette conception est-elle l’effet d’une analyse trop exclusivement logique de la formule Tisuelle ti per modum ahsiitiitionis », et perd-elle trop de vue le sens primitif et immédiat que nous avons indiqué. Les anciens, en tout cas, et en parti culier saint Thomas (Siipplem., q. 26, a. i, c et ad 2m et’5"’ ; q. 26, a. i, r), sans méconnaître que la concession des indulgences dérive du pouvoir de juridiction et que l’effet, par rapi)ort aux peines canoniques du moins, est celui d’une réelle absolution, auraient plulùl conçu son mode d’action à l’égard de Dieu sous la forme d’un paiement effectué par l’Eglise en faveur de ses membres. Le pouvoir des clefs, à ce point de vue, ne s’y exerce proprement ([ue sur le trésor des satisfactions à utiliser, et l’cllicacité spéciale de l’application qui en est faite tient à ce qu’elle procède de l’autorité compétente, spécialement établie par Dieu à cet effet (cf. Billot, J)e indulgentiis, p. 221).

Mais, quoi qu’il en soit de cette diversité de conception, ou plutôt, semble-t-il, de langage, il reste que la doctrine catholique est très nette et très ferme sur l’elTet des indulgences : elles ont, au regard de Dieu, toute la valeur que leur attribue celui qui les concède (( taiitiim valent quantum prædicantur ». Supplcm., q. 25, a. 2, c) : partielles, elles procurent la rémission de peine qu’.iurait obtenue de Dieu la pénitence canonique spécifiée dans l’acte de concession ; plénières, elles assurent à celui qui les gagne la rémission totale de la peine due à ses péchés, quels qu’ils soient, déjà pardonnes. — Ainsi admet-on du moins qu’il en soit pour les vivants.

jo Indulgences pour les morts. — Pour les morts, auxquels il est permis souvent d’en faire l’application, la même certitude est loin d’exister. Deux choses seulement s’imposent à ce sujet à l’adhésion ferme de tous les catholiques. L’une, que l’Eglise ^ le pape — a le pouvoir de concéder des indulgences applicables aux défunts : les souverains pontifes, LiioN X en particulier dans la bulle déjà citée iiu cardinal Cajetan, l’ont allirmé très nettement, et, pour l’avoir qualifiée de « chimère déplorable », le synode de Pistoie a été lui-même noté par Pir’VI de fausseté, de témérité et de tendance à l’hérésie (Denz.-Bannw. , 15^2 [i^oôj). L’autre, que l’application faite ainsi aux défunts du trésor social de l’Eglise, l’est par forme de suffraf ;e et non par forme d’absolution : ce qui exclut tout au moins que le pouvoir des clefs intervienne ici pour permettre au pape de délier lui-même : les défunts, n’étant plus sous sa juridiction proprement dite, ne sauraient être l’objet d’une sentence de sa part et son rôle se réduit à présenter à Dieu les satisfactions destinées à solder leurs dettes. Car ici encore il y a « solution » ou paiement, et l’indulgence, même alors, est accordée aux vivants pour qu’eux-mêmes en accomplissent les actes, pour qu’ils « la gagnent » et en désignent les bénéficiaires. Cependant l’autorité sociale a seule qualité pour en transférer les effets à ces derniers : « transferre indul^entiam ii, dit Léon X dans la bulle à Cajetan ; ce qui pourrait se traduire : « inscrire à leur compte la part des satisfactions d’aulrui qui leur est affectée ». Et c’est cette affectation oflicielle par l’Eglise qui donne aux suffrages des indulgences leur supériorité par rapport aux suffrages offerts uniquement par les siuqiles fidèles : Dieu se doit à lui-même d’assurer un crédit spécial aux interventions de son plus haut représentant sur la terre.

Celte manière d’entendre l’efTicacité des indulgences, par rapport aux défunts, ne suflit pas, il est vrai, à tout le monde. Certains la trouvent minimisle ; elle leur paraît exagérer l’opposition des deux formules « per modum ahsolulionis » et « per modum sujfrofiii ». Toutefois elle est bien la seule qu’imposent les documents pontificaux. Sixte IV, le premier pape dont nous ayons une bulle d’indulgence pour les défunts, est aussi le seul qui ail donné une inler723

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prétation aiilhenlique de l’expression « per modiim stiffragii ». Il l’avait employée : « Volumus, disait sa liuile du 3 aoiit 1476 en faveur de réj, ’lise Saint-Pierre de Saintes, volumus ipsam plenariam remissionem jier moduiii sii//’riii ; ii ipsis unîmabus purgaturii pro quibus dictani quoium pecuiiiarum aut iolorein per-Siilyerint, pro relaxatiane poenarum valere ac suff’rafi /iri ij (cité par N. Paulus dans la Zeitschr. f. kath. Tlieol. de l’joo.p. a50, note 3, d’après les Àrchii-es liis-Itiriques de la Sainlonge et de l’Aunis, t. X, p. 36 sqq.). Mais force lui fut de l’expliquer. Au premier al>ord, on s’était exagéré rellicacitc de l’indulgence plénière appliquée aux défunts : on en concluait à l’inutilité désormais des sulfrages offerts directement pour eux par les lidèles : l’indulgence ne les avait-elle pas complètement délivrés ? « Non, dut expliquer le pape ; notre concession de l’indulgence « per modum ^iulfragii X n’entraîne pas cette conséquence. Ce que nous avons voulu, c’est que l’indulgence prolitc aux défunts à la manière d’un suffrage (in modum sujfragii ) comme leur profilent les prières et les aumônes offertes à leur intention ( « ut illii [indulgenlia] in modum suffrugii animarum saluli prudessel, perindeque ea indulgentia proficerel uc si devotæ orationes piæque eleeinosynæ pro earumdem animarum satute dicerentur et offerrcntur »). (Lettre à quelques évêques de France, citée par lui dans la bulle suivante.)

Ce langage paraît clair. Une exagération au sens opposé de la première le fit préciser encore. De l’explication donnée on crut devoir conclure à une atténuation de la valeur des indulgences pour les morts ; elles étaient mises au même niveau que les sulTrages, prières ou bonnes œuvres, des simples lidèles : " Non, reiirit le pape dans une troisième bulle (27 novembre i’177) ; il n’est pas question d’égalité de valeur ou d’elficacité ; des bonnes œuvres des fidèles offertes p.)ur lesmorlsjà l’indulgence « /(ermorfi/m su/fragii « , il y a une grande différence. Ce que nous avons dit, c’est que l’indulgence agit, a vaut », à la manière dont agissent, « valent o, les prières et lesaumôncs. » u Aon quod intenderemuSj prout nec intendimus neque etiam inferre vellemus, indulgentiam non vi, v^ proficere aut valere quant eteemosynæ et orationes, aut | eleemosynas et orationis tantum pro/icvre tantimqlh valere quantum indulgentiam per modum su/Jragii, curn sciamus orationes et eleemosynas et indulgentiam per modum snffragii longe dislare : sed eani PKRiNnK valere di.rimus, id est, VER f.vm MonrM ac 9, 1, id est, rt : H QUEM orationes et eleemosrnæ talent » (citée par N. Paulus, loc. cit., p. 252-253, d’après Amout, De (irigine, progressu, valore ac fructu indulgentiarum, t. II, p. 292 et 293).

Grande inégalité de valeur, en un mot, car la caution du chef de l’Eglise l’emporte, auprès de Dieu, (le tout le poids de son autorité suprême et de toute la surabondance du trésor social, sur celle du simple fidèle, rpii présente ses seuls mérites personnels ; mais même mode d’action : voilà ce que le pape a tenu, i aflirmer des indulgences et des suffrages ordinaires pour les morts. Quant à la mesure dans laquelle Dieu accepte au compte des âmes souffrantes le » satisfactions, soit individuelles, soit sociales, offertes en leur faveur, il n’en dit rien, et les auteurs catholiques diffèrent d’avis à ce sujet, comme aussi sur la nécessité d’être en état de grâce pour gagner et appliquer aux morts les indulgences (cf. Clir. Phscu, De indulg., n" ^78-^79 et 607). Inutile [)ar conséciuent de nous engager dans le détail de ces discussions : remarquons seulement que, s’il y aurait irrévérence et manque de sens catholique à prendre prétexte de ces divergences d’opinion sur le mode il’action pour mettre en doute l’efllcacité réelle des indulgences, ce serait, par contre, abuser les lidèles

que de leur présenter l’une quelconque des solutions proposées comme doctrine catholique ou même comme certitude avérée. Bien des résistances et des révoltes sans doute, au xvi et au xvi* siècle, auraient été évitées, si certains commissaires et prédicateurs d’indulgences ne s’étaient pas scandaleusement départis de cette réserve. (Voir ci-dessous, III)

L’attitude à observer ressort très nette de la réponse faite par l’autorité compétente à une question qui lui avait été posée sur l’eflicacité d’une des indulgences les plus appréciées, celle dite de « l’autel privilégié i> : « A ne considérer, répond la S. Congrégation des Indulgences, que l’intention de celui qui l’accorde et l’usage qu’il y fait du pouvoir des clefs, l’indulgence est plénière et dénature à délivrer l’àrae sur-le-champ de toutes les peines du purgatoire ; mais, pour ce qui regarde l’effet de son application, il faut comi)rcndre que sa mesure correspond au bon plaisir de la divine miséricorde qui l’accepte. 51 spcctetur mens concedentis et ùsus clavium potestatis, intelligendum esse indulgentiam plenariam, quae animant statim lilieret ah omnibus purgatorii poeriis, sivero specletur applicationis efjectus, intelligendam esse indulgentiam cujus mensura divinæ misericordiae beneplacito et acceptioni respondet » (Décréta authentica, n" 283. Cf. Lehmkihl, Tlieol. mor., t. II, n° 181). En d’autres termes : l’intention du pape, en accordant l’indulgence plénière applicable à un défunt, est bien de prendre au trésor de l’Eglise de quoi amortir toutes ses dettes ; mais le degré d’application ()ui lui en est fait reste le secret de Dieu.

Et voilà où s’arrête la doctrine catholii]ue sur les indulgences. Très ferme et très sûre d’elle-même au sujet de l’action de l’Eglise sur ceux de ses membres qui restent encore soumis à sa juridiction, pour ceux que Dieu a déjà retirés de son autorité, elle se borne à atrirmer, d’une part, son pouvoir indéfini et sa volonté toujours réelle de leur venir en aide, et, de l’autre, sa confiance en l’eflicacité des secours qu’elle leur prodigue.

IL Justification de la doctrine catholique

A) Fondements dogmatiques. — La doctrine des indulgences, telle que l’Eglise l’avoue et telle que nous venons de l’exposer, résulte de quatre vérités fondamentales : i" Le péché pardonne peut laisser, laisse même normalement, à la charge de celui qui l’a commis, l’obligation d’en subir une peine temporelle déterminée par Dieu. — 2" Dans l’économie religieuse établie par le Christ, la solidarité des justes entre eux est telle qu’elle leur permet un échange et comme un commerce mutuel, sinon de leurs mérites proprement dits, du moins de leurs réparations et de leurs satisfactions pour le péché. — 3* De cette mise en coiuuiun de leurs soulfrances et de leurs expiations, et (le radjonition surtout des mérites de leur Chef, résulte, au profit de la société, un trésor spirituel auqiud tous ses membres peuventavoirpart.

— 4* Les chefs de cette société, administrateurs nés de son patrimoine, ont aussi pouvoir de Dieu sur les péchés de ses membres.

Or, de ces quatre vérités, il n’est aucune dont il ne soit aisé de prouver qu’elle était admise et professée dès les premiers siècles de l’Eglise. Ce n’est pas ici le lieu de fournir cette démonstration. La première fait partie de la doctrine générale de la rémission du péché, telle qu’elle se dégage de l’Ancien et du Nouveau Testament. La dernière, fondée sur la constitution organique de l’Eglise, rai)pclle l’un de ses pouvoirs les plus solennellement revendiqués et les plus jalousement exercés. La secomle et la troisième, qvii, par leur connexion, servent de pivot à tout le 72â

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système doctrinal des indulfiences, ne sont que le résumé des allirniations de saint Paul sur les liens étroits qui unissent les membres du corps mystique du Christ, et il eslsiny ; uliérenient cliange de les voir contester par des bommes dont toute la doctrine reliy ; ieuse se fonde sur l’attribution aux rachetés des satisfactions du Rédempteur. Les relations, qui existent de la tête aux membres, ne se poursuivent-elles donc pas entre les membres eux-mêmes ? Et est-il si anormal que, comme il a accepté les réparations olTertes par le Christ en faveur de ses frères. Dieu permette également à ses frères de se secourir mutuellement et d'échanger entre eux les biens qu’ils tiennent du Christ ? Saint Paul, en tout cas, les exhorte à le faire. « Portez les fardeaux les uns des autres » ('-al., vi, 2), écrit-il à propos du péché qui peut les atteindre, et la raison de cette assistance nuiluelle est précisément la solidarité établie par Dieu entre tous les membres d’un même corps. Bien loin de s’ignorer et de se traiter en étrangers, ils se portent secours, en sorte que, si l’un d’eux a quelque cln>se à souffrir, les autres en prennent aussi leur paît (I ('()/., xit, 24-26). Et joignant l’exemple à la diM-ti-ine, l’Apotre accepte avec joie de souffrir dans sa pers<mne au prolit de ce corps du Christ qui est sou Eglise (Cul., i, a^). Saint Jean fait comme lui. Pour permettre au jeune homme perverti et égaré parmi des brigands de rentrer dans l’Eglise, il n’hésite pas à se porter caution en sa faveur auprès de Dieu : « C’est moi qui satisferai (rendrai raison) au Clirist pour toi ; s’il le faut, j’accepterai la mort pour toi comme le Seigneur l’a fait pour nous. En faveur de ton àme, je suis prêt à donner la mienne » (Clem. Alexamir., Qiiis dives sahelur, xlii, P. G. IX, 6^9. C).

En sorte, peut-on dire, qu’il n’est pas de doctrine plus solidement établie par l’Ecriture et la tradition apostoliqueque celle qui permet de porter au compte d’un membre de l’Eglise les satisfactions et bonnes œuvres accomplies par un autre. L’intercession publique des lidèles en faveur des pénitents, qui tient une si grande place dans l'économie pénilentielle des premiers siècles, n’a pas d’autre fondement.

Il ne suit pas de là toutefois que la doctrine des indulgences se trouve formellement énoncée et explicitement connue et pratiquée dès cette époque.

Le concile de Trente n’a rien déGni sur le moment ou les circonstances dans lesquelles a commencé de s’exercer le pouvoir accordé par le Christ à son Eglise de concéder des indulgences. Ce qu’il en dit (Denz.Bannw., gSj [86-2]) n’est pas l’objet direct de son décret ; et quel que soit le sens donné par les Pères du concile à l’expression « nnlif/iiissimis tempnrihus usa est). les catholiques, bien loin d’en conclure à une nécessité dogmatique de rechercher et de retrouver aux premiers siècles l’usage des indulgences proprement dites, se reconnaissent, au contraire, parfaitement libres, en cette matière, de toute contrainte. L’exislencedu pouvoir n’exigenullementqu’il en soit fait usage, et decelui-ci, commede beaucoup d’autres. Tienne s’opposerait à ce que lEgliseeùl attendu longtemps pour se servir (Palmikri, De pænitentia, 501). Comme le remarque très bien le docteur Paulus (Die Aiiffingr des Ablasses : /.eitr^chr. f. lath. TlieoL, t. XXXIII (1909), p. 817). la théologie s’accommoderait sans peine de l’apparition brusque et imprévue de la pratique et de la théorie des indulgences. Il lui sulTirait d’en pouvoir montrer le fondement doctrinal dans les quatre vérités susdites pour écarter le reproche d’une innovation et d’une invention purement humaines. Coordonner entre elles les données anciennes de la révélation n’est pas les altérer ou y ajouter ; c’est en mieux approfondir le contenu, et

l’Eglise se fait gloire, en ce sens, de savoir évoluer et progresser.

B) Le développement historique. — Il s’en faut toutefois que la théorie et la pratique des indulgences présentent ce caractère d’une brusque apparition. S’il est vrai que des indulgences, au sens précis où nous les connaissons, on ne trouve pas la trace avant le XI' siècle ; s’il est vrai aussi que la doctrine n’a pris corps qu’au cours des siècles et qu’il faut descendre jusqu’au xiii' pour en trouver la formule propre et dèlinitive, il est incontestable, par contre, que l’histoire en montre la jiréparation et les ébauches et permet de suivre à travers les générations la genèse progressive d’une institution destinée à un développement si considérable.

1° Le point de départ : rkglkmrntatiox par

LES KVicgl’KS DK LA DISCII’LISB PKNITBNTIBLLK. Le

point de déjiart en est dans le pouvoir revendiqué dès le début par l’Eglise de remettre, non seulement le péché, mais aussi les peines qui en accompagnent normalement le pardon. Ces peines, Dieu seul les connaît ; mais c’est pour y satisfaire que l’Eglise impose aux pécheurs repentants les épreuves de la pénitence. Régulièrement, ces épreuves s’exigent de tous les coupables, qu’elles précèdent ou qu’elles suivent la réconciliation appelée sacramentelle. Des dérogations cependant se produisent à cette loi générale et il arrive que, pour accorder « la paix » définitive, on n’attende pas le complet achèvement de la pénitence. Le concile de Carthage en 251, par exemple, permet que, en cas de danger de mort, la réconciliation — nous dirions l’absolution — soit accordée aux pénitents, quelque temps d'épreuve qu’il leur reste encore à courir ; et s’ils reviennent ensuite à la santé, le bénélice du recouvrement de

« la paix » leur demeure acquis : saint Cyprien ne

conçoit pas qu’on puisse remettre en question la rémission de peine qui leur a été ainsi consentie (Epiai., Lv, 13 : Hartel, p. d’il).

Le concile de 252 fait plus encore : la perspective prochaine d’une nouvelle persécution lui l’ait admettre à la communion tous les pénitents sans distinction. La remise de peine ainsi faite par lui, certains évêquesont d’ailleiu-s déjà pris sur eux de l’accorder pour d’autres motifs et en des cas particuliers : saint Cyprien approuve que, malgré la loi prescrivant aux apostats une très longue pénitence, certains d’entre eux soient réconciliés après trois ans d'épreuve seulement(/r^/s/., Lvi, 1-2 : Hartel, p. 0^8). Un de ses collègues va plus loin : il a usé de la même indulgence à l'égard d’un prêtre apostat ; il l’a réconcilié sans le laisser aller jusqu’au bout de sa pénitence : antequam pæniteiitiam plenam egisset et Domino Deo in quem deliquerat salisfecisset… ante legttimum et plénum tempiis satisfactionis (Epist., Lxiv, I : Hartel, p. 717). Saint Cyprien désapprouve cette conduite et l'évêijue lui paraît à blâmer, mais la rémission de peine accordée demeure acquise et le prêtre ainsi admis à la paix en conserve le bcnéûce (ibid.).

Eu ces matières, en effet, le pouvoir des évcques est souverain et universellement reconnu. Les conciles eux-mêmes, dans leur législation pénitentiellé, le réservent : les peines édictées par eux, les évéques pourront en abréger la durée, s’ils le jugent à propos fcf. v. gr. Conc. Ancrr., caii. a, 4, 6, 7 ; Conc. Nicæn., can., 12 ; saint Basile, Epist., can. 74 (P. G., XXXII, 804.) ; saint Ghkg. de Nvsse, Epist., can. 4 (P. G., XLV. p. 229 BC)], et ces derniers considèrent comme l’un des plus graves devoirs de leur charge 1 exercice de ce pouvoir sur le péché : qu’il sullise de rappeler 727

INDULGENCES

728

l’effroi causé à saint Jeax Chrysostomb par les responsaliilités qui en résultent (De sacerdotio, I. II, 2-4, P. G., XLVIIl, 633-635. Cf. notre article : Saint Jean Clirvsostome et la confession, dans Heclieri lies de science religieuse, niai et juillet igio, p. 229-a33, 315817, 323-324). Ils n’hésitent pas d’ailleurs à en user et, dans les réductions ou dispenses de pénitence qu’ils prononcent, ils ne se sentent nullement liés par les dispositions personnelles des intéressés : les exemples abondent, dés le m* siècle, de rémissions ou de suppressions d'épreuves dues à des considérations tout à fait extrinsèques. A l'évêque Troflme, par exemple, dont l’apostasie avait entraîné celle de toute son église, le pape Corneille ne demande pas autre chose, pour l’admettre à la communion laïqui-, que de ramener ceux qu’il a égarés : le retour du troupeau tiendra lieu au pasteur de la satisfaction normalement requise : — pro qtio satisfaciehat fratrum rediius et restitiita multorum salas — (Cvpriai., Epist., Lv, 11 : Hartel, 632). Malgré sa répugnancipour tout ce qui lui paraît énerver la discipline, saint Cyprien croit de son devoir, en certains cas, d’aller jusqu’aux extrêmes limites de la condescendance. Son indulgence à l'égard des schismatiques le fait taxer de failjlesse par ses fidèles, et lui-même en a presque du scrupule : par amour de l’union, il ferme les yeux sur tant de choses — Milita dissimula ; — il relàclie tant de la rigueur de la justice ! — non pleno judicio religionis examina. — Mais enfin, il passe outre, il fait remise de tout — omnia remitta — et au riscjue, dit-il, de se rendre coupable lui-même, il ouvre les bras sans retard — amplector prompta et plena dilectione — à tout égaré qui seulement reconnaît et confesse sa faute : comme satisfaction, il n’exige pas davantage (Epist., lix, 15-16 : Ilartel, 685- 686).

A Home, d’ailleurs, on ne procède pas différemment. Aux fauteurs du schisme de Novatien, dès qu’ils reconnaissent leur faute et en demandent pardon, on fait grâce de toute épreuve pénitentielle {Iiiler Cypr. Epist., xli.k : Hartel, 608-613).

2° Acheminement : les « RÉuBMrTioxs » du moyen AGE. — Les évêques et pontifes du moyen âge étaient donc bien dans le sens de la tradition lorsque, eux aussi, par égard pour la dilHculté ou la répugnance des peuples à accepter les rigueurs de la pénitence primitive, ils les autorisèrent à s’en « racheter 1 aux prix d’autres bonnes œuvres.

L’usage de ces sortes de « rédemptions » est fort ancien. Un « arda » de l’Eglise de Rouen, publié par MoHiN dans l’appendice à son grand ouvrage sur l’Administration du sacrement de pénitence aux treize premiers siècles de l’Eglise (Append., p. jo), j' fait allusion comme à une pratique courante. Les pénitents à qui l’on impose la pénitence le mercredi saint sont avertis qu’ils ne pourront pas en obtenir la rémission à moins de rachat — « iiec in liis, pro certo sciatis, tobis indulgehb possumus nisi pauperum sustentât ione aut aliquo heneficia reoimantur a. — Les premières traces certaines en apparaissent en Angleterre et en Irlande vers la lin du vu" siècle (Looi’s, I.eilfaden zum Studiiim der Dogmengesch., S Sg, 9). Elles sont d’abord d’ordre tout personnel ; c’est entre le prêtre et le pénitent que se détermine, pour chaque cas particulier, l'échange à intervenir. Car la rédemption n’est qu’une cainmutation de peine : au lieu des longs jeûnes prescrits par les canons, on récitera des prières ou l’on donnera aux pauvres ; ainsi restera-t-on dans le courant traditionnel qui reconnaît à l’aumône une efficacité de premier ordre pour la rémission du i)éché.

Et tel est, sans aucun doute possible, le fonde ment historique en même temps que théorique de ce système de compensations : la coutume germaine du n’elirgeld a pu contribuer à le généraliser, mais l’origine naturelle en est toute dans la doctrine évangélique de la di'^tribution des biens et dans la tradition ecclésiastique d’une adaptation de la pénitence aux dispositions et aux situations du pécheur (LooFs. lac. cit., note 3). C’est du moins de ce dernier motif que nous voyons s’inspirer les autorités ecclésiastiques, qui acceptent ou proposent l’usage des rédemptions ». L’observation rigoureuse des canons pénitentiels est devenue impossible. Les longs jeûnes d’un semestre, d’un an, de deux, de cinq, de sept ans, qu’ils ordonnent de prescrire, ne se font pas : toute la vie en serait bouleversée. « C’est trop de rigueur et de sévérité », dit un document pénitentiel du ix' siècle ; « de nos jours nous ne pouvons plus la faire accepter des pénitents » (cité par Paulls dans Zeitschr. f. katli. Theol., XXXIII (1909), p. 311, note 1). Et les conciles, comme les plus saints personnages, font la même constatation (cf. Paulus, lac. cit., p. 310-3Il et 289-298). Force est donc de commuer des pénitences en d’autres plus légères et ainsi s’introduit la a rédemption ».

Le premier concile, en tout cas, que nous voyons s’en occuper (Tribur, près de Mayence, en SgS) s’inspire de ces considérations. D’après le droit, rappellent les Pères (can. 54), l’homicide volontaireentraîne une pénitence de toute la vie ; mais, poursuivent-ils, la sollicitude pastorale, par égard pour les besoins du temps et pour la fragilité des hommes, nous fait un devoir de régler d’une manière générale le mode et la durée de la pénitence à imposer pour cette faute (Mansi, XVIIt, 156). La pénitence ne sera donc plus que de sept ans. Elle comporte pour le meurtrier un certain nombre de privations et d’interdictions que le concile détermine ; de longues semaines de jeûne en particulier lui restent prescrites. Mais le droit de les remplacer par des aumônes (redimere uno denario, vel pretio denarii. si^e très pauperes pro nomine Domini pascendo : can. 56) lui est en même temps reconnu, restreint pour la première année à trois jours par semaine et aux cas de voyage ou de maladie, mais entendu, pour les six autres aux jours et aux cas où sa santé et ses occupations lui rendraient le jeûne possible (eau. 56 et 58).

Le concile de Reims, quelques années après (928) généralise plus encore le droit de certains pénitents à une rédemption : t< Omnihus his Irihus quadragesimis, secundo, quarto et sexta feria, in pane, sale et aqiia ahstineant aut rkdimant..Simitiler quindecim diebus ante nativitatem S. Joannis Baptista', et quindecim diebus ante nativitatem Domini Salfaloris, omni quaque sexta feriu per t’ttinn annum, Nisi HEŒMERiNT » (Mansi, XVIll, 345-3'|fi).

De personnelle et de privée, la commutation devient ainsi discipline générale. L’usage s’en répand et le principe de la substitution s'étend de l’aumône aux autres bonnes œuvres plus appropriées aux mœurs et aux goûts de l'époque : pèlerinages aux sanctuaires fameux, à Rome en particulier, assistance aux solennités exceptionnelles de certaines églises, participation aux frais de construction ou d’entretien des églises, des abbayes, des hôpitaux. La croisade ellemême se présente d’abord sous la forme d’une « rédemption » de peine. Le voyage tiendr.i lieu de toutes les pénitences auxquelles on était tenu : le concile de Glermont (can. 2) le dit en propres tcrnu-s : « Iter illiid pro omni pænitentia repuletur » (Mansi, XX, 816) et c’est en ce sens que le pape Urbain II, dans son discours au concile, déclarait faire une immense remise de pénitences : u Eidelibus, qui arma susceperint et anus sibi hujus peregrinationis assumpse729

INDULGENCES

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rinl, Immensas pro suis deliclls pacnitentias relaxamas » (Maiisi, XX, 823 D).’( llcmise totale », sj^’ciliail-il dans une lettre à la ville de Bolof ; nc : « Eis umnibus qui illuc non lerreni cunimucli capiililale, sec ! pro sala animæ suæ sainte et licclcsiac iiberalioiie profecti fucrint, pænilentiam tolam pecalorum de quibus veram et perfectam confessionem feccrint… diniittimiis >> (P. /.., CLI, 483).

Déjà cependant, on le voit, l’idée de « rédemption » n’est plus ici adéquate à la réalité et celle d’indulgence y correspond plus exactement. Voilà pourquoi le moment est venu de remarcjuer que, si celle-ci se trouve en germe dans toutes ces rémissions et commutations de peines qui ont précédé, toutefois elle n’y apparaît pas encore dans sa forme projire et caractéristique.

3" RÉMISSIONS ou RliDBMl’TIONS ET INOULGBNCES : IlESSEMBLANCES ET DU’TÉRENCES.

u) Jlesseniblances générales. — Non pas qir’il y manque l’intention de remettre la peine au for divin comme au for ecclésiastique : dans l’Eglise, cette correspondance entre la terre et le ciel, en matière de péché et d’absolution, n’a jamais été mise en question et, encore qu’on ne le dise pas, on y pense toujours. L’exclusive mention de l’indulgence canonique n’est donc point par elle-même exclusive de l’indulgence divine.

Non pas davantage que la rédemption dilïcre surtout de l’indulgence pour s’être d’abord produite au for privé et sous le contrôle chaque fois exigé d’un confesseur. Il y peut avoir aussi des indulgences strictement personnelles ; le prêtre, quand il sanctionne ou accorde une commutation de peine, agit au nom de l’Eglise, qui l’approuve et lui donne juridiction. Nous avons vu enfin que le système de la

« rédemption » n’avait jias tardé à être généralisé

par les conciles.

b) Différences essentielles. — Mais il manque autre chose à ces réductions ou rédemptions de peines pour constituer de véritables indulgences. Celles-ci, nous l’avons dit, sontde véritables faveurs accordées gratuitementaux intéressés. Qui oseraiten dire autant des commutations ? Ce qui paraît et frappe d’abord dans ces dernières, c’est la substitution d’œuM-es moins onéreuses à des peines devenues ou considérées comme excessives ou intolérables.

Les réductions accordées à la ferveur personnelle des pénitents difTèrent plus encore de nos indulgences. L’évêque ne fait en somme alors que constater et consacrer au for externe la rémission de peine que le mérite i)ropre est censé avoir déjà obtenue de Uieu.

A plus forte raison ne saurait-on reconnaître nos indulgences dans ces dispenses que la fâcheuse disposition des coupables ou des considérationsd’ordre sui)crieur déterminent à consentir. Bien loin qu’ils prétendent alors absoudre et dispenser au for divin, nous voyons au contraire le pape Corneille et saint Gyi’ribn réserver expressément l’obligation de lui satisfaire : Omnia reniisimus Deo omnipotent ! in cujns potestate omnia sunl resert’ata », dit l’un, à |)ropos de scLismatiques admis d’endjlée à la paix et à la communion ecclésiastique (inter Cyp. epist.. xlix, 3 : Hartel, p. 612). Et, à propos soit des libellatiqnes dispensés de toute pénitence, soit des « apostats pénitents n réconciliés en cas de danger de mort, l’autre formule plus nettement encore ses réserves : « Ce n’est pas que nous préjugions en rien le jugement à venir du Seigneur : ce que nous faisons, il ne le ratifiera qu’autant que la pénitence du pécheur lui-même lui paraîtra i>leine et juste » (Epist., lv, 13). Notre sentence en elTet, si elle assure le pardon |de la faute], est loin de procurer dans ce cas l’immédiate admission à la gloire ; à ceux que nous réconcilions

ainsi il peut rester à subir les peines pour lesquelles leur pénitence n’a pas satisfait. « Aliudcst ad’cniam stare, aliud ad gtoriam per^’enire ; alitid missum in carcerem non exire inde donec solvat novisimuni quadrantem, aliud slatim [idei et virtulis accipere mercedem ; aliud pro peccatis longo dolore cruciatum emundari et purgari in igné, aliud peccata omnia p ! (ssione purgasse. » (t’pist., lv, 20).

Il s’enfaut, onle voit, quesaint Cyprien ait reconnu à ces « réconciliations » accordées in extremis le caractère d’une « indulgence plénière in articulo murlis >i.

Et les prêtres de Home, qui ont adoi)té la même ligne de conduite à l’égard des pénitents surjjris par la mort, ne paraissent pas y songer davantage. A ceux qui auront donné des marques sincères de repentir, on assurera les secours habituels de l’Eglise :

« caute et sollicite subfeniri n ; mais Dieu garde le

secret du jugement que, en dernière analyse, il porte sur ces absous de l’Eglise : « Dec ipso sciente quid de talibas facial et qualiter judicii sni examinet pondéra » (Epist., xxx, 8 : llartel, p. 558).

t) Amorces des indulgences. —’Toutefois, s’il est impossible de reconnaître dans ces divers exercices du pouvoir des clefs la pratifiue formelle des indulgences, il est incontestable d’autre part que le principe et le point de départ en est bien là et point ailleurs. Tout le monde l’avoue, du reste. « Les

« rédemptions » servirent de précurseurs aux indulgences

», dit Lea (Auricular confession and indulgences, t. III, p. 9) ; et Looi’s(I.eitfaden zum Stud.der Dogmengesch., % 5<j, 9a), tout en faisant ses réserves sur le caractère et les elfets propres des rémissions de peines, reconnaît également que le pouvoir de les accorder est aussi ancien dans l’Eglise que celui d’imposer des pénitences, et qu’il s’est fréquemment exercé au cours des siècles, au moins sous la forme de rémissions ou de réductions individuelles.

d) Cas spécial des « billets de paix ». — Nous allons plus loin, et il est, au m" siècle, toute une catégorie de rémissions où nous reconnaîtrions volontiers tous les éléments essentiels de nos indulgences actuelles. Nous voulons parler des réconciliations accordées au nom des martyrs.

Sur le vu d’un « billet de paix », délivré par une des victimes de la persécution, remise était faite de la longue et dure épreuve qui, suivant la discipline en vigueur, aurait dû précéder — d’autres diraient suivre : mais il n’importe pour la question présente

— l’absolution proprement dite. Il s’agit donc bien ici d’une remise de peine temporelle : les coupables ne sont nullement dispensés du repentir et delà satisfaction personnelle indispensables pour le pardon de la faute elle-même, et c’est pourquoi le bénéliee de la

« paix » reste quand même subordonné au jugement

de l’évêque sur les dispositions actuelles du pécheur. Rémission des peines exigées par l’Eglise, c’est évident, mais aussi de la peine due à Dieu : sans qu’il ose affirmer une exacte et complète correspondance de l’une à l’autre, saint Cyprien ne met pas en doute l’efficacité au for céleste de celle application des soulfrances des martyrs à leurs frères coupables (De lapsis, 17 et 36, et cf. Epist., Lv, 20). Car, et c’est où s’accentue la ressemblance avec nos indulgences, la rémission ici est bien gratuite pour le pécheur. Le trésor social de l’Eglise en fait tous les frais : ceux qui ont contribué à l’enrichir en sont aussi les distributeurs ; mais, quoique la répartition des richesses accumulées se fasse ainsi de ])crsonne à personne, c’est l’Eglise qui, en dernier ressort, en commande rai>plication et en assure l’efficacité. Aux martyrs trop portés à se considérer comme les vrais et les seuls dispensateurs de leur superflu et aux clercs trop oublieux de la haute surintendance qu’il leur 731

INDULGENCES

732

appartient J’y exercer, saint Cyprien rappelle, sans se lasser, ce principe qu’il déclare essentiel et traditionnel ; la valeur salisfactoire des soulHances endurées pour le Glirist peut être inépuisable cl le nombre de ceux à i|ui l’on en veut assurer le l>énélice peut être indéfini ; — bien qu’il trouve exorbilante la prétention de certains martyrs de réconcilier en masse les lapsl, saint Cyprien ne conteste que le procédé (Epist., xxvii) — néanmoins, pour être ellicace, ratlril>uti()n en doit être garantie et autlienliquée par l’Eglise (Epist., xv, xxvi, xxvii ; De lapsis, 18, 20, etc.). En sorte que saint Cyprien revendique, tout aussi nettement que LiioN X, pour l’Eglise, la haute administration de ce trésor social alors en formation qui permet d’accorder les rémissions de peines les plus larges.

4* L’aboutissemknt aux indulgences.

a) Comment s’est faite la transition. — Mais cette constatation une fois faite, il ne nous paraît pas possible d’allirmer l’existence, au cours des siècles qui ont suivi, d’une pratique ou d’un usage quelconque pareillement analogue à celui de nos indulgences. Des préparations, des aclieminemenls, voilà, sans en excepter les « rédemptions » du moj’en âge, tout ce que l’on trouve. Ces dernières toutefois, si elles ne sont pas encore les indulgences — nous avons dit pounjuoi — y aboutissent. Le passage est même si naturel de la commutation gracieuse à la rémission gratuite ; il se fait si spontanément et si insensiblement que, pendant longtenqis, les deux systèmes coexistent et se eompénètrent. L’indulgence accordée aux croisés, nous l’avons déjà vii, se présente d’abord sous la forme d’une « rédenqition » et la même conception se retrouve, un siècle après Urbain II, dans les bulles pour la croisade J’Alexandre III et d’iNNo-CKNT III : le voyage, disent-ils, leur tiendra lieu de satisfaction (Jafi-k, 1 1687, P. /-., CC, tjoi ; et Pottuast, 33-2^, , P. /.., CCXV, 13 : 16). Le pape Innocent IV, il est vrai, dans son Apparatus super decretalium liliris (cité par N. Paulus ilans Zeitsclir. j. katb. Tlieol., XXXII (lyoy), p. 296, note 1) distingue, au milieu du XIII* siècle, la « rédemption » et l’a indulgence » : ce sont deux moyens différents de suppléer à l’accomplissement de la satisfaction due au péché ; mais Aldert le Grand (/ » IV Sent., dist. 20, a. 16) nous apprend que les maîtres » de l’époque définissent encore l’indulgence une commutation de peine (Itelaxalio est satis/oclionis miijoris in iiiinorem competens et discreta cummiitatio) : Guillaume de Paris par exemple lui reconnaît très nettement ce caractère (De sacrum. ordinis, cp. xii ; Paris, 1674, t. I, p. 5506 F).

D’autre part, il est bien évident que, à la commutation de peine, en quoi consiste la « rédemption », correspond un adoucissement et donc une rémission au moins partielle. Les contemporains ont bien raison (le parlera ee projios de « altevialio », a lewi-falin »,

« rela.ralio pænitentiæ ». Saint Pierre Damibn, l’un

des promoteurs du système, voit dans les aumônes le moyen pour les laïques d’éteindre leurs dettes pour le péché (Epist., t. viii, 8, P. /.., CXLIV, 351-352) et Alexandre de IIalés plus tard n’hésitera pas à reconnaître une véritable indulgence dans les repas aux pauvres par lesquels on supplée aux jeûnes prescrits : « Qtiando conceditur alicui ah eo qui potest rjuod aliquis prn jejunio sibi injnncto pascat pauperem, dicitur fieri relaxatio » (.’iumma tlieol., |>. IV, q. 23, m. 2). A ce point de vue, « rédemption » et

« indulgence > sont donc bien identiques. Mais elles

ne le S(mt aussi qu’à ce point de vue, et l’identité entre elles n’est donc pas complète. C’est seulement à mesure que la disproportion s’accrut entre la peine due et l’œuvre substituée, que l’indulgence se déga gea et apparut dans sa forme propre. Moins il fut demandé au iidèle, et plus, dans l’aequittement de la dette, l’apport de l’Eglise fut considérable Le jour vint enfin où de ces deux facteurs le premier ne fut [iliis considéré comme directement opérant et l’indulgence dès lors exista sans mélange aucun de <i rédemption » ou de commutation.

Ij) les indulgences des xi* et-an’siècles. Les indulgences-aumônes. — C’est pendant le xi’et le xii’siècles que s’acconqjlit ce travail de dégagement et de siniplilication. Alors se répandit l’usage de ce qu’on a appelé les indulgences-aumdnes. Les documents nous restent, relativement nombreux, des concessions qu’en ont faites les évêques et les papes : le D’N. Pailus les a relevés dans un article spécial de la Zeitsclirift f. kath. Tlieol. (Die iiltesten Ahltisse filr Almosen und Kirchenbesuch, t. XXXIll(ir)Oy), p l-iio). Les occasions en sont presque toujours les mêmes : translations de reliques, consécrations d’églises, érections d’abbayes, anniversaires religieux, constructions de monuments d’utilité publique, tels que pouls et hôpitaux, etc. Mais la pensée supérieure qui y préside est l’intention de faciliter aux lidèles l’acquittement de leurs dettes péniteiitielles. La mcnie sollicitude, qui avait fait accepter la pratique des

« rédemptions », engage les pasteurs dans cette voie

nouvelle. Décidément la vie sociale ne comporle plus l’accomplissement des peines traditionnelles. Plutôt que de s’y soumettre, les intéressés préfèrent ne plus vivre de la vie de l’Eglise Sous peine donc de faire œuvre de mort, l’Eglise se doit à elle-même et à ses enfants de luodilier ses usages. Déjà les « rédemptions » ont habitué à une grande condescendance. Peu à peu la préoccupation disparaît de maintenir une proportion entre la dette à éteindre et la contribution à exiger du débiteur. Le grand souci est d’entretenir en lui la vie religieuse en l’associant à la vie et aux œuvres de l’Eglise. Et de là viennent les invitations aux pèlerinages, à la visite des lieux de sainteté, à la générosité envers « la maison du bon Dieu ou des hommes — pauvres ou religieux — du bon Dieu ».

Car, il n’y a pas à en défendre les auteurs des indulgences : la considération des prolits pécuniaires à en résulter ne leur a pas été étrangère. Encore que les offrandes ne soient pas toujours exigées et que la visite des sanctuaires ou l’assistance aux offices en bien des cas soit seule prescrite, personne ne doute que le concours des peuples ne doive procurer aux églises ou aux abbayes un surcroît de ressources ; et c’est bien en vue de provoquer ces contributions à l’achèvement des édifices ou à la splendeur du culte divin, que les intéressés sollicitent et font publier les rémissions de peines obtenues des évêques ou du pape. L’escompte, en un mot, des avantages à résulter des indulgences est réel. Mais, en vouloir faire la raison déterminante et exclusive de leur concession, c’est dénier aux plus éminents et aux plus saints personnages d’alors la moindre élévation de pensée ; c’est céder au préjugé d’une Eglise systématiquement simouiaque, qui exploite à froid la crédulité des fidèles. Que l’usage des indulgences-aumônes prête à des abus et à des excès, rien n’est plus vrai : AiiÉ-LARD les dénonce déjà, non sans les exagérer sans doute (Ethica, xxv, P. /.., CLXXVIII, 672-673), et le concile de Latran en ia15 se préoccupe de les supprimer ou de les prévenir. II s’en prend, d’une part, aux recteurs d’églises et aux quêteurs d’aumônes qui abusent de la bonne foi des fidèles en exagérant, quaiid ils ne l’invenlent pas, l’importance des faveurs assurées à leurs bienfaiteurs : ils devront s’en tenir très exactement aux lettres qui les autorisent. De l’autre, il invite les évêques à se montrer plus réser733

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734

vcs ilans les concessions d’indulgences : un an au plus pour la dédicace d’une basilique el pas plus de quarante jours pour le jour anniversaire (Cnyjii. Lxii, Mansi, XXII, lOiig-ioSi).

Mais les abus possibles ou réels ne prouvent rien contre la légitimité ou l’utilité de l’usage, et encore moins contre la droiture d’intention de ceux qui ont contribué à l’établir. Dans le cas actuel notanmient, le Dr X. Paulus le remarque très à propos (Zeiisch. / : Icalh. riieo !., t. XXXIU (1909), p. 312-313), le rei)roclie de simonie est particulièrement invraisemblable : la multiplication des indulgences-auuiùnes ne coïncide-t-elle pas avec la défense, renouvelée dans presque tous les conciles de l’épiKjue, d’exiger aucune redevance pour l’administration des sacrements, [lour l’accomplissement des fonctions ecclésiasli qucs ? (Voir en particulier les canons des trois conciles de Latran : iiSg, can. 2^ ; 1 179, ean. 7 ; I215, cap 63, 64, 66.) C’est la preuve évidente que les apparences de spéculation ou de trafic, que l’on poursuis ait ailleurs, ne se découvraient pas ici. Dans les olfrandes spontanées des visiteurs et des bienfaiteurs des lieux de prières, on ne voyait qu’une des formes traditionnelles de l’aumône, et les faveurs qu’on y attachait avaient moins pour but de provoquer à la générosité que d’encourager à la dévotion ou aux dévotions.

c) /.es induti^ences pontiprales. — Les rémissions de peine, par exemple, accordées par les papes, ont pour but avoué de reconnaître l’instinct de foi qui pousse à venir implorer les suffrages du prince des apôtres. L’usage est fort ancien de ces recours à Uome : à partir du ix’siècle, on en relève des traces nombreuses dans les « Regestes » ponlilioaux (cf. Paulus, dans Zeitsch. f. hatli. TheoK, XXXIll (’909), p. 304-300). Bk.xoit III, Nicolas I", Jkan VIII, Etii ;.n.e V, Jran X, Alexandre II usent fréquemment de leur pouvoir de « miséricorde », et la considération qui les y meut est celle de la conliance mise par les coupables en la puissance de Pierre : « Huer omnia prnpter inisericordiam facimus et bealiiin l’etrum aposlolum, iid ciijus sacratissimum corpus fecil confu^ium » (Jk.^n X, lettre à Hermann de (Pologne en 916 ; Pailus, li>c. cit., p. 306, note 3).

D’individuelles qu’elles étaient d’abord, ces faveurs pontificales se généralisèrent peu à peu. A l’occasion d’un concile tenu à Rome en 1 1 1 6, nous voj’ons le pape Pasc.vl II accorder une indulgence de IfO jours à tous ceux, sans distinction, qui « prnpter cuncilium et aiiimurum siiarum remedium aposlulorum llmina visitaveruiit » (Paulus, loc. cit., p. 14, nole 1).

Nous sommes au xii’siècle ; les pèlerinages à Rome, à Jérusalem, se multiplient et c’est par mesure d’ordre général qu’on y attache des indulgences :

« Nous avons coutume d’en accorder autant à tous

ceux qui visitent le tombeau du Seigneur », dit le pape.lbxandre Ht, dans la bulle où il accorde un an d’indulgence aux chevaliers qui prennent part à la croisade contre les païens de l’Esthonie (J-ki-é, lai 18, P. /.., CC, 861)et le même, dans une lettre aux évêques suédois (Jaffk, 14417), nous fait connaître que le pèlerinage à Rome procure la même faveur. Ici seulement se manifeste une certaine préoccupation de proportionner l’étendue de l’indulgence à la longueur du pèlerinage : la rémission, qui est d’un an pour les pèlerins du continent, est de deux ans pour les Anglais ; pour les Suédois, qui sont plus éloignés encore — n quia remntissimi sunt » —, elle sera de trois ans. On aperçoit l’idée de la rédemption qui persiste. Mais elle est en voie de s’évanouir et la règle de plus en plus suivie est que l’indulgence s’accorde sans aucune considération des mérites personnels. L’excellence du saint à honorer, l’importance de

l’entreprise à favoriser, la dignité de l’autorité qui concède l’indulgence : voilà d’où s en prend la mesure. La visite du prince des apôtres dans la personne d’Un-B. u.N II vaut à l’église Saint- Nicolas d’Angers le privilège à perpétuité d’une indulgence pour tous ceux qui la visiteront au jour anniversaire de sa consécration (Paulus, loc. cit.. p. 12, note i). Une faveur analogue est accordée par le pape Calixte lia l’église deFontevrault (17//rf., p. 15, note i) el les concessions de ce genre ne se comptent bientôt plus. Elles servent d’encouragement ou de récompense pour toutes les initiatives heureuses : le pape Alexandre lll.par exemple, en confirmant la paix signée entre quelques seigneurs et l’abbaye de Clunj-, leur promet, s’ils gardent la foi jurée, la même indulgence d’un an qui s’accorde au.x croisés de Jérusalem (Jaifé, 109 16, P. L., ce, 250).

d) La théorie définitive. — L’indulgence est donc bien désormais d’usage courant. Praliiiuement, elle a rompu tout lien d’attache avec les « rédemptions » ou commutations de peine, d’où elle dérive. Les défiances, les hésitations, les doutes, que des théoriciens manifestent au sujet de son ellicacilé, ne tiennent plus qu’à la persistance de conceptions que l’on sent bien insullisantes, mais que l’on maintient jusqu’à ce que se précise la théorie dcUnitive. La spéculation, une fois de plus, retarde : scolastiqucs et canonistes, à la Un du xu’et au commencement du XIII’siècles, s’égarent dans la multiplicité des oj inions sur la nature, la valeur et la manière d’sgir des indulgences (cf. Paulus, Die Ablasslehre der Frïilischolastik dans Xeitsclir, f. kath. Thcul., XXXIV, (1910), p. 433 sqq.). L’ancienne, qui tend à identilier l’indulgence et la commutation, leur en impose. Elle fait se maintenir dans les écoles la définition de l’indulgence signalée par Alberï le Grand (cf. ci-dessus p. 731). Mais elle est manifestement en désaccord avec la pratique de l’Eglise qui ne se borne plus, tant s en faut, à commuer la peine temporelle : remise directe en est faite intégralement ou partiellement, et ce que l’Eglise fait ne saurait être sans raison ou sans valeur. L’Eglise n’abuse pas ses fidèles en leur accordant « relâche » de la pénitence : c’est un jjremier principe dont tombent d’accord tous les maîtres.

Un second, qui ne leur est guère moins commun, est celui-ci, que la disprojjortion entre l’étendue de la peine remise et la dilliculté de l’œuvre « indulgenciée » est combléepar les suffrages de l’Eglise — voir en particulier Guillaume d’Auvergne (Du sacraiii. ordinis, cap. xiii ; opp., t. I, p. 550F et 551 » A), dont nous avons dit cependant qu’il continuait à voir une comnmtationde peine dans l’indulgence — On reconnaît la notion du trésor social de l’Eglise.

Quant à l’efficacité des indulgences aux yeux de Dieu, personne alors ne la met en doute. La question ne semble même pas s’être posée : parmi les opinions énumérées et discutées par les docteurs de la fin du xii’siècle, le D’Paulus (Inc. cit., p. 4C8-4 ; 0) déclare n’en avoir trouvé aucune qui restreigne l’efficacité des indulgences à la rémission de la peine ecclésiastique. Toute la difficulté tenait au contraire à la nécessité de concilier la conception qu’on se faisait de leur mode d’action avec la conviction que l’on avait de leur efficacité aux yeux de Dieu — de là, entre autres, l’indignation d’AniÎLARD — : l’appel aux suffrages compensateurs de l’Rglise n’avait pas d’autre but que de résoudre ce problème ardu.

A tous ces points de vue essentiels et fondamentaux, la théorie des indulgences se trouve donc bien ébauchée au xii’siècle, et les grands scolastiqucs du xiii’, ici comme ailleurs, auront moins à innover <(u’à préciser. Ils élagueront les opinions vieillies ou de surcharge ; ils dégageront les idées maîtresses et 735

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les coordonneront en un système ferme et solide. Mais ils ne changeront rien à la nature des indulgences : c’est tout à fait à tort que l’on a voulu faire Alexandre i>e Halès le créateur de leur notion actuelle (cf. Paulus, art. cit., p. ^Cg-^ ?’) 5° Les indulgences poir les morts.

a) Principe ajjinné dès te xiii" siècle. — Mais s’ils n’ont pas créé, les grands scolastiques ont réduit. La doctrine précisée par eux aura pour conséquence de faire étendre aux morts le bienfait des indulgences. Jusqu’au xiii’siècle, pas trace de cette extension.

L’usage toutefois est ancien et remonte aux premiers âges de l’Eglise de prier pour les fidèles défunts — voir art. PuuGAToinE —, et, comme le remarque Amort (Z)e or/^’( « e, pro^ji-essu, valore ac fructu indiilgentiunnii, t. 11, p. agi, cité par Paulus dans ^ei(5c/i ; -. /’. katli. Tlieol., XXIV (igoo), p. 36), s’il est vrai que leur appliquer des indulgences n’est qu’une manière plus solennelle de venir à leur secours, il n’y a pas eu dans l’Eglise d’innovation ou de changement à ce point de vue : seule a varié la forme des suffi-ages oll’erts pour eux. Rien de plus juste, et c’est par des considérations de cette nature que, dès la première moitié du xiii" siècle, on passe de la théorie générale des indulgences à celle de leur application aux morts.

Les prières et les satisfactions personnelles peuvent être appliquées aux défunts : pourquoi n’en serait- il jtas de même de celles qui constituent le trésor de l’Eglise ? L’attribution que le simple fidèle peut faire de ses biens propres, à plus forte raison le chef de l’Eglise peut-il la faire des biens dont il a la suprême administration. Ceux des fidèles qui sont morts en état de grâce conservent d’ailleurs avec le corps social des liens sullisants pour que dispensalion puisse leur être faite du patrimoine commun.

Ainsi raisonnera, à la lin du xv" siècle, un commissaire fameux d’indulgences, Perauui (cf. Paulus, Der Ablass fur die Verstorbenen aiii Ausgangc des Mitielalters. dans Zeitsclir. f. kath. Tlieol., XXIV (igoo), p. 25^, note i). Mais le principe même de son raisonnement se trouve déjà très nettement énoncé, quoique en d’autres termes, par Alexandre de Halès : comme les biens éternels, dit-il, peuvent dériver d’une triple source de mérites : le mérite personnel, le mérite du chef (du Christ), le mérite de l’unité ecclésiastique, de même la rémission de la peine peut avoir la même triple origine (Summa theol., p. IV, q. 23, m. i, a. i).

Or, laconclusion que le docteur franciscain tire de ces prémisses, tous les grands docteurs de son époque l’admettent également. Saint Bonavbnturk (/ « IV, dist. 20, p. 2, a. I, q. 5) et saint Thomas (lu IV, dist. lib, ij. 2, a. 3, sol. 2) enseignent comme lui la possibilité d’appliquer les indulgences aux morts. Leurs disciples ou leurs successeurs du xiv et du xv’siècles reproduisent et répandent la même doctrine, en sorte que l’on s’attendrait à la voir sanctionnée des lors par l’autorité compétente.

b) Acheminement lent et tardif à ta pratique. — D’autant plus que les fidèles sont portés à opérer d’eux-mêmes cette translation de leurs indulgences. Ce qu’un homme possède, disent-ils, il peut le distribuer. Si donc il a obtenu une indulgence, rien ne l’empêche d’en faire profiler ses amis vivants ou morts.

Alexandhbde Halès connaît déjà ce raisonnement (Sum. Theot., p. IV, q. 23, m. 3), dont il montre le faux supposé ; Albert lï Grand (in IV, dist. 20, a. 22), qualifie d’abus l’usage qui prétend s’en autoriser. Tous deux rappellent qu’il n’en est pas de l’indulgence comme des autres biens spirituels : elle est essentiellement d’ordre public et administratif ;

seule l’autorité qui la concède a qualité pour en régler l’usage.

Mais ce principe essentiel, beaucoup de quêteurs et de prédicateurs d’indulgences le méconnaissent eux-mêmes. A la diflérence des docteurs qui, eux, supposent l’intervention expresse de l’Eglise et ne parlent que dans l’hjpothcse d’une application formellement autorisée par elle, ils n’hésitent pas à proclamer qu’en se procurant l’indulgence de la croisade, par exemple, on peut arracher au purgatoire — si ce n’est même à l’enfer, car Albert le Grand en connaît qui vont jusque là ( ; " IV, dist. 20, a. 18) — deux, trois, dix âmes, si l’on veut. Aussi le concile de Vienne (1312) doit-il, comme celui de Latran in siècle plus tôt, réprimer ces exagérations et rappeler aux quêteurs et prédicateurs qu’ils n’ont aucune autorité pour accorder ou amplifier eux-mêmes les indulgences ; les trois canons publiés sur cette matière et insérés au livre V des Clémentines (t. V, tit. ix), donnent l’impression très vive d’un abus fort grave et trop généralement répandu.

Et c’est sans doute ce qui explique la persistance, en face de la doctrine établie par les grands théologiens du XIII- siècle, d’une opinion contraire : jusqu’au milieu du xv’siècle, elle tient en échec dans les écoles la thèse de l’application des indulgences aux défunts (voir Paulus, Der Ablass fiir die ]’erstorbt’nen imiVittelalter, dans Zeitsclir. f. kath, Tlieol., XXIV (1900), p. 12 sqq).

La vraie raison cependant de cette opposition est dans l’absence d’une intervention catégorique de l’autorité ecclésiastique. Qu’elle se produise, et l’on se trouvera d’accord : « Si le pape accordait de ces sortes d’indulgences, écrivait au milieu du xiii « siècle un commentateur de la Somme de saint Baymond de l’ennafort, ce n’est pas moi qui m’arrogerais de fixer les limites de sa puissance » (Si tamen Papa tatibus faciat indulgentiam, nolo ponere os in coetum de plenitudine notestatis ejus temere judicando. Cité par Paulus, ibid., p. 7, note 2, et cf. Bonaventure, in IV, dist. 20, p. 1 1, q. 5, à la fin). Et après lui, tous les partisans de l’opinion négative réservent de même le cas d’une initiative pontificale. Ainsi fait encore BiEL au milieu du xv’siècle : ses premiers ouvrages contestent la possibilité de l’indulgence pour les défunts, tandis que les derniers l’admettent (Paulus, ibid., p. 27). Dans l’intervalle, il a eu sans doute connaissance des bulles pontificales autorisant cette application, et dès lors tous ses doutes sont tombés.

c) Premières concessions. — C’est alors en effet, et alors seulement, semble-t-il, que les papes s’engagent dans la voie que la spéculation leur a ouverte toute large. Du moins parmi les innombrables bulles d’indulgences qui nous restent du xiii’, du xiv= et de la première moitié du xv° siècle, n’en signale-t-on aucune qui mentionne l’application à en faire aux morts. Les premières concessions connues en ce genre datent du pape Calixte III en 14Ô7, et la première dont nous ayons le texte est de Sixte IV en 1476 (Paulus, Die Abldsse fur die Verstorbenen am Ausgange des Mittelalters dans Zeitschr. f. kath. Theol., XXIV (1900), p. 249-260) : c’est celle-là même dont nous avons déjà dit (p. 723) que deux bulles successives en durent expliquer le sens et la portée.

Malgré sa nouveauté cependant, malgré l’étonnement et l’émotion qu’il provoque d’abord dans certains milieux — il ne paraît pas toutefois que l’erreur de Pierre Martinez DE Osma, condamnée parSixTE IV en l/17g : « Papa non potest indnlgere alicui vivo poenam pur^ « i(jrn’» (Denz.-Iîannv., 72(j |6151), ait visé les indulgences pour les morts : cf. la discussion engagée à ce sujet entre Paulus, dans le Knthotik de 1898 II, p. 92, 476-480 sqq.) et la Zeitschr. f. kath. 737

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Theol., XXIV (igoo), p. a65-266. XXXIII (igoy), p. 5gij 608) et le P. Lbdmkuhl dans le « Pastur bonus » de Trêves (1898-1899), p. 8 sqq. — l’usage se répandit d’autant plus rapidement que la doctrine était depuis longtemps lixée : Sixtb IV, dans ses explications, ne faisait en somme que reproduire la doctrine déjà formulée par Alkxa.nurb db Halès :

« mis qui sunt in purgatorio putest fieri lelajcatio

per inudunt suj]ragii sii’t impetrationis et non per mudum judiciariæ alisululiunis sii’e commutatiunis » {Suniina theol., p. IV, q. 23, m. 5).

Mallieureusement, l’usage d’accorder des indulgences pour les morts, en se combinant avec celui de les attacher à de simples aumônes ou offrandes en argent, devait avoir pour elFet de multiplier encore les abus auxquels cette dernière coutume avait toujours donné lieu. Plus la nouvelle utilisation des indulgences les devait rendre populaires, plus les profits à en résulter devaient tenter les convoitises. Le danger avait toujours été de ne voir dans les indulgences-aumûnes que des sources de revenu. Il allait être désormais qu’on spéculât sur l’empressement des fidèles à soulager les âmes de leurs parents défunts. Une grande discrétion dans la concession, la publication et l’explication des indulgences aurait donc dû le prévenir. On sait que le contraire se produisit : c’est à partir de cette époque que furent portés à leur comble les abus exploités par la Réforme protestante.

III. Abus et réforme

Ces abus peuvent se résumer dans ce qu’on a appelé la n vente des indulgences «. L’Eglise aurait littéralement fait commerce de ces faveur’spirituelles. Et le tralic en aurait été d’autant plus scandaleux que l’objet en aurait été non pas seulement la rémission de la peine due au péché, mais la rémission du péché lui-même, de la cuulpe, pour eiuploj’er le mot technique. C’est comme indulgences « a culpa et a poena » qu’elles auraient été jetées sur le marché de la chrétienté. Les lidêles ne les auraient achetées que comme un remède éventuel du péché ; pour quelques pièces d’argent on leur aurait procuré d’avance la remise totale de leurs fautes. Ainsi, et par suite d’une matérialisation progressive des moyens do salut, auraient été rejetées au second plan la contrition et la confession : le sacrement de pénitence aurait fait place à la recette de l’indulgence, et le pape, qui s’en réservait la distribution, se serait créé ainsi une source inépuisable de revenus ; les banquiers désormais auraient été ses intermédiaires pour l’exercice du pouvoir des clefs.

De ce tableau si souvent reproduit le moins qu’on puisse dire est qu’il manque de fond et que la réalité s’y trouve considérablement réformée. Tous les traits cependant n’en sont pas inventés et, si la haine surtout a vulgarisé cette expression de « vente des indulgences », il faut bien reconnaître aussi que les apparences ont paru parfois la juslilier.

Voilà pourquoi nous aurons à décrire tout à l’heure les déplorables et scandaleuses pratiques que le concile de Trente réussit seul à supprimer. Mais il importe avant tout d’éclaircir ce point fondamental : l’indulgence a-telle jamais été présentée ou considérée comme la rémission proprement dite du péché ?

1° Les inoulgrnces a culpa bt a porna A) L’einpliii de la formule. — L’expression même d « indulgentia a culpa et a poena » ferait croire à cette conception de l’indulgence. L’emploi en est relativement ancien..Vu xiii « siècle déjà, les prédicateurs, en parlant de faveurs faites aux croisés, font ressortir

Tome I[.

qu’elles procurent à la fois l’absolution de la coulpe et Ce la peine du péché (Paulus, Die Anjange des sugenanntenvblasses von.Schuld und Strafe, Z.F.K.T., t. XXXVI (1912), p. 68 sqq.). Le même effet est attribuéau XIV* siècle au jubilé. Le pape saint Célestin V, dans une bulle, révoquée, il est vrai, presque aussitôt après par Bo.niface VIII, parle lui-même d’une absolution a a culpa et a poena > (ibid., p. Sy). Le concile de Vienne, en 1312, signale, entre autres abus des quêteurs, qu’ils s’attribuent le pouvoir d’absoudre a culpa et a poena » (Clément., 1. V, tit. ix) et la formule « absolvere a culpa et a poena >> revient fréquemment sous la plume des rédacteurs des lettres pontificales. Elle s’explique d’ailleurs très logiquement : le confesseur, qui absout sacramentellemenl du péché, peut aussi, s’il a les facultés nécessaires, accorder ou appliquer l’indulgence de la peine, en sorte que le même acte procure à la fois l’absolution de la coulpe et de la peine.

Mais l’expression indulgentia a culpa et a poena », quelque voisine qu’elle soit de la précédente, et quoiqu’elle en dérive, est, au contraire, irrémédiablement équivoque. Le mot « Indulgence », malgré le sens restreint qu’il a désormais, y conserve une signification plus large qui le rend synonyme du mot absolution. Aussi les canonisles n’ont-ils cessé de protester contre l’emploi de cette expression. « Proprie loquendo, disait, au xv siècle, Nicolas Weigel, un docteur de Leipzig chargé de promulguer eu Allemagne l’indulgence accordée par le concile de Bàle, proprie loquendo non est indulgencia dicenda apena et a culpa, licet posset dici ahsolucio aliqua a pena et a culpa. » Et la raison qu’il donne de cette différence est celle que nous indiquions à l’instant : le mot indulgence a un sens beaucoup moins large que celui d’absolution : « Multum dijfert dicere : llic absolvitur a pena et a culpa vigore indulgencie plenarie reniissionis, et ilii fit vel dutur indulgencia a pena et a culpa. JVani prinuim potest optime concedi. Sacerdos nanique suo modo dicitur absolvere a peccalo et ita a culpa. Ex auctoritate dantis et Itabentis dare indulgencias eliam absolvit a pena, id est, remittit penam debitam pro peccato. fgitur hujusmodi loquendi niodus potest admilti, scilicet quod plenana indulgencia lionio potest absoivi a pena et a culpa, sed quod darelur indulgencia a pena et a culpn, hoc non est concedendum ». Et de fait, ajoute ce même docteur, l’Eglise évite l’emploi de cette formule : « Hle modus loquendi a pena et a culpa est contrarias forme qua communiter Ecclesia utitur » (cité par Paulus dans Zeitsckr. f. kath. Theol.. XXIII (189g), p. ^48). Affirmations renouvelées constamment par les commentateurs des bulles d’indulgences : « Ecclesia nunquam utitur ttili forma ». « IVunquam lalis indulgencia emanavit a curia » (P’rançois Mayron, 1827 : cité ibid., XXXVl (1912), p. 88, note 3, et 89, note 5). « Ecclesia in suis concessionibus nunquam utitur tali forma s (Nicolas de Dinkensbuhl, commencement du xv’siècle : cité ibid., XXV (1902), p. 340). « ’iedes apostolica sub his verbis « a poena et a culpa » indulgentias nunquam dare consuevit » (cardinal de Cusa, légat du pape en Allemagne, 1451 : cité par Bkringbr (trad. Mazoyer), Les indulgences, leur nature et leur usage, p. 14).

Toutefois, et quelle qu’ait été la répugnance de la chancellerie romaine à adopter cette formule — qu’elle n’a d’ailleurs pas toujours et absolument exclue : cf. N. Paulus, Zeitschr. f. kath. Theol.. XXXVI (1912), p. 271-273 — toujours est-il que le langage courant l’a admise. A partir du xiv’siècle, elle vient d’elle-même sous la plume des chroniqueurs (cf. N. Paulus, dans Zeitschr. f. kath. Theol., XXV (igoi), p. 338-343 ; Lba, t. III, p. 62 sqq., et Th. Bnii ; 24

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ŒB, art. Indulgenzen, dans Realencykl. f. protest. TheuL, IX, p. 85-86). Des documents conciliaires eux-mêmes constatent qu’on appelle de ce nom une certaine catégorie d’inJulyences : « (jitæ diciintiir de poena et ciilpa » (Conc. Const., xliii, i^, Mansi, XX Vil, Il 84), et le besoin même qu’éprouvent les théologiens, les canonistes, les prédicateurs, les commissaires d’indulgences, d’en expliquer et d’en rectifier le sens est une preuve de son emploi fréquent.

Quel sens donc lui donnait-on ?

B) Le sens de la formule. — A vouloir répondre d’un seul mol, on pourrait dire qu’elle sert à désigner l’indulgence plénière du jubilé et de la croisade. Telle fut du moins sa signification primitive. Parce que les croisés obtiennent d’être absous d’abord, et par tout confesseur de leur choix, de tous leurs péchés, même des réservés au pape, et que rémission ou indulgence leur est faite en outre de toutes les peines temporelles dues aux péchés pardonnes, l’habitude se prend, pour abréger, de grouper sous un même vocable ces deux faveurs d’ordre si difl’ércnt ; mais tandis que les prédicateurs les attribuent, il’un trait, à la participation à la croisade, les fidèles, eux, détournant les mots de leur signification logique, appliquent à la seule rémission de la peine l’appellation d’indulgence de la coulpe et de la peine {ita N. Paulus dans son art. : Die Anfiinge des sogenannten Ablasses von Schuld und Strafe, dans Zeitschr. f. hath. Theol., XXXVlCigis), p. 67-96). Et c’est ainsi que cette expression, devenue sjnonyme d’indulgence plénière, se trouva, quand le jubilé fut institué (1300), excellemment propre à le designer.

La transposition d’ailleurs se fil d’elle-même. D’une part, et conformément au langage traditionnel de l’Eglise, le mot péché s’applique à la peine qui en est la suite, non moins qu’à la coulpe qui le constitue, et c’est pourquoi « remissio peccati » peut se dire indifféremment ou simultanément de la rémission de l’une et de l’autre (Beringer-Mazover. up. cit., p. 12-13) ; dès le début, les bulles d’indulgence l’entendent ainsi : la remise de la peine n’est indiquée que par l’adjonction au mot a remissio » des mots ^i plena, plenior, plenissima » (t’. gr. Bonifacb VIII, dans sa bulle d’indiction du premier jubilé : Exlraw Comm., , g, 1). Nicolas Wkigel, au xV siècle, notait très exactement contre Jean IIus la ressemblance et la différence de ces expressions : a Errât, quod non ponit differentiam inler absolutionem ah omnibus peccatis ri inler plenarn vel plenariam remissionem. Qaia ad solam contricionem et confessionem actii vel voto susreptam liabeturremissio omnium peccaloriim, nuantumcumque grai’ia fuerunt, sed non semper ad hoc hahetur plena etiani remissio peccatorum. Quia hoc etiam inctudit remissionem pêne pro peccato débite » (N. Paulus, Zeilsckr. f. kath. Theol., XXIII

(’899), p. 749’noie’)

D’autre part, la croisade et le jubilé sont encore à cette époque les deux grandes, les deux seules occasions qui existent de gagner une indulgence plénière. De l’une à l’autre, la similitude est réelle et voulue : la réserve des péchés en particulier y est également suspendue ou mitigée ; dans les deux cas, toute facilité est accordée pour se procurer l’absolution de la cou// ; 9, qui permettra d’obtenir la rémission totale de la peine. II n’est donc pas étrange que celle-ci soit caractérisée d’un mol qui rappelle la faveur préliminaire qui l’accompagne : /’/ « (/ « /^ence delà coulpe et de ta peine est l’indulgence totale ou plénière qui s’oblienl en même temps que se peut obtenir plus facilement la rémission de la faute proprement dite, c’est-à-dire à l’occasion de la croisade ou du jubilé.

Ainsi la trouve-t-on communément définie par les canonistes du xiv* et du xv" siècle : « Ista est illa plenissima peccatorum remissio que concediturcruce signatis pro subsidio ultramariiio…, que datur etiam in anno centenario » (Jean Andréa, cité par Paulvs dans Zeitschr. f. kath. Theol., XXV (1901), p. 3^2). a Ista plena remissio peccatorum, dit Jean d’Anagni (j- ili’j’j) en parlant de la rémission totale du jubilé, i’ulgariter dicitur a culpw et a pena » (ibid.).

Indulgence plénière et indulgence de la coulpe et de la peine sont donc deux expressions primitivement synonymes ( « Ubi fit plenissima remissio omnium peccatorum, intelligitur facta a poena et a culpa ;.., et si, quando conceditur plenissima remissio, adjicitur n a poena et a culpa », videtur adjecla in superabundanlem caulelam ». Jean u’I.mola (-J- 1436), cité par Briegeh, art. cité, p. 86, 1. 8-10). Mais leur synonymie disparut à mesure que se répandit l’usage des indulgences plénières distinctes de celle de la croisade et du jubilé. La seconde seule conserva sa signification historique. Elle continua à designer l’indulgence plénière dont la concession s’accompagnait de la faculté de se choisir un confesseur à son gré pour l’absolution préliminaire de la faute : ce qui était le cas, non plus seulement au moment de la croisade ou aux époques du jubilé, mais aussi toutes les fois que les papes ou les conciles jugeaient à propos d’accorder la même faveur. Pour permellre aux fidèles de gagner plus facilement l’indulgence proposée, on accorde à des confesseurs spéciaux ou l’on étend à un plus grand nombre de confesseurs ordinaires le pouvoir d’absoudre des cas réservés. El c’est pour ce motif que l’indulgence accordée dans ces conditions continue à porter le nom d’indulgence de la coulpe et de la peine.

Une particularité d’ailleurs contribue à justifier et à propager celle appellation. Pour la comprendre, il importe de distinguer les deux manières dont peut s’accorder une indulgence. L’une ne comporte pas d’intermédiaire entre le pape et le concessionnaire : celui-ci « gagne » l’indulgence de lui-même, par cela seul qu’il remplit en temps voulu les conditions requises. C’est la manière la i)lus commune, au moins de nos jours. L’autre exige, en plus de l’accomplisserænl des œuvres prescriles, qu’un prêtre intervienne pour « api)liquer >i l’indulgence : c’est ainsi par exemi)le qu’aujourd’hui encore les membres du tiers ordre de saint François se font « appli(]uer » par leur confesseur, après l’absolution sacramentelle, l’indulgence qui leur est accordée à certains jours de fêle ; ainsi encore que les prêtres en ayant le pouvoir appliquent une indulgence plénière aux malades en danger de mort. Dans les deux cas, l’application sefait par une formule d’absolution.

Or, telle était aussi primitivement la manière dont se gagnait l’indulgence du jubilé : l’application en était faite par le confesseur qui donnait l’absolution. La formule usitée alors réunissait, tout en les distinguant, les deux rémissions : « Auciontate apostulica mihi in hac parie concessa te ab cmnihus i-kccatis TUis, ore confessis et corde contritis, … ahsoltimus et l’i.iiNABiAM TuouuM PECCATORUM remissiouem i/idulgemus » (cité par Buiegbr, art. cité, p. 89), « AhsnWo te ab omni sententiu excommunicationis etc. ; et absolvo le ab o.mnibus bt quibuscumc^uk pbccatis, culpis et negtigenciis mortalibus et venialibus, de quibus corde contrilus es et ore confessas et de quibus confilcreris, si Ubi ad memoriam fenircnl, et

REJIITTO O.MNEJI l’ENAM l’RO EIS nUIUTAM AO II.LAM n.K NARIAM HEMissioNEM libi impercior quam Ecclesia concedere sillet omnibus liomam lempore jiibilei tel crucesignalis ad recuperacionem terre snncle lempore passagii generalis euntibus » (cité par N. Paulus.

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dans Zeitschr., etc., XXIII (1899), p.’j49 ; cf.dumême : Johann Tetzel, p. 13j-ia3). En sorte que l’expression indulgence de ta cotilpe et di ; ta peine se trouvait pleinement jusliliée, à condition de l’entendre, non pas au sens propre et rigoureux du mot indulgence, mais au sens que lui donnait l’usage courant de rémission totale du péclié obtenue à l’occasion du jubile.

Ce n’est pas tout. Le jubilé ne permettait pas seulement de gagner une fois une indulgence plénière. A partir du xv’siècle, l’usage s’introduit d’accorder en outre, à cette occasion, la faculté de s’en faire appliquer après coup d’autres encore. Moyennant certaines conditions, on délivre alors ce qu’on appelle des lettres de confession ou d’indulgence : les <i confessionalia ». Elles permettent, entre autres choses, à celui qui les obtient : i » de se choisir un confesseur à son gré qui, une fois dans la vie, pourra l’absoudre même des cas réservés et lui appliquer une indulgence plénière ; 2" de se faire appliquer la même indulgence une fois encore au moment de la mort. Or, les indulgences à gagner ainsi portent également, et pour la raison indiquée tout à l’heure, le nom d’indulgences a cutpa et a poena.

Concluons : considéré avec tout ce qu’il comporte de facultés pour la rémission totale — coulpeet peine

— du péché, le jubilé s’est trouvé tout naturellement désigné par les mots « d’indulgence de la coulpe et de la peine n. Inexacte et équivoque en elle-même, cette appellation avait l’avantage d’énoncer brièvement l’ensemble des avantages attaches à cette concession pontificale, et c’est évidemment pourquoi le langage ordinaire l’a si universellement adoptée.

Restait à prévenir la fausse conception de l’Indulgence qui pourrait en résulter et que les historiens, obsédés par les formules mais étrangers aux réalités, crurent longtemps y reconnaître. Sur ce point, la lumière est faite, et force est désormais aux protestants eux-mêmes d’avouer que l’Eglise ne laissa jamais s’accréditer parmi le peuple la pensée que l’indulgence suffit par elle-même à prociu-erla rémission proprement dite du péché (cf. v. gr. Dieckhoff, J)er Ahtassstreit (Gotha, 1886) cité par N. Paulus, Johann Tetzet, p. loS-iog ; Brieger, art. cit., p. 87). Depuis le jour où cette formule à double sens fit son apparition jusqu’au moment où éclatèrent les protestations de Luther, canonistes, théologiens, prédicateurs ne se lassèrent pas de mettre les fidèles en garde contre cette erreur. Le D’Nicolas Paulus en a fourni la preuve péremptoire pour toutes les époques (cf. les articles de la Zeitsch. f. kath. Theol., cités à la bibliographie, surtout aux tomes XXIU (1899), p. 48 sqq., 428 sqq. ; ’ ; 43 sqq. ; XXlV(1900), p. 182 ; XXXVI, (1912), p. 67 sqq. et 1252 sqcj.). Pour le xvi’siècle, en |)articulier, il a montré que les bulles d’indulgence et les instructions à l’usage des prédicateurs et des confesseurs mentionnent régulièrement la contrition et la confession parmi les conditions préalables de toute indulgence à gagner par les vivants (Johann Telzel, p. 134, note 3 ; cf. p. io3, note 2). Tetzel lui-même a toujours très nettement affirmé cette doctrine (ibid., p. 97-98). Le texte seul d’une supplique qu’il proposait d’adresser au pape pour obtenir aux bienfaiteurs et aux visiteurs d’une église une indulgence a cutpa et a poena suffirait à montrer qu’il supposait la contrition et la confession comme devant nécessairement précéder la participation à cette faveur : « Supplicetur ut… plenissimarn omnium peccatorum suorum de quibus corde tere contriti et confessi fuerinl, pêne et culpe remissioucm et indul, 1 gentiam cunsequanlur « (ibid., p. 97, note 2).

Mais il nous plaît d’emprunter ici les constatations et les affirmations du protestant Brieger dans son

art. Indulgenzen. La a non sotum plena sed largior, imo plenissima omnium peccatorum venia » dont parle BoMFACK VIll(t’j//-(Jr. Comm., V, 9, i)ne doit s’entendre, dit-il, que de la rémission de la peine (p. 85, 1. 8-9). C’est ainsi du moins que l’entendait le cardinal Jean le Moine, un familier du pape, u Per islam indutgentiam, quæ vere poenitentibus et confessis conceditur, duplex injulgentia, culpæ s’ideticet et poenae, habelur » (ibid., 1. 16-18).

Puis il a toute une page (87) pour résumer les explications de la formule équivoque par les auteurs du XV’et du xvi" siècles. Ils en dénoncent le sens périlleux ; beaucoup protestent contre son emploi et nient qu’elle ait aucun caractère officiel et authentique ; mais tous surtout sont unanimes à exclure le sens d’une indulgence ayant pour objet propre et direct la coulpe même du péché. Celle-ci a dû d’abord être effacée, et c’est seulement à raison des facilités spéciales d’absolution annexées au jubilé que la remise de la peine a pu recevoir ce nom impropre :

« Valet… indutgentia ad remissionem poenae, 

non autem culpae, et ideo abusiia locutio est dicentium, quod hæc yet illa indutgentia remittit poenam et cutpam » (sermon du dominicain Pierre Jérémie de Palerme). « In forma indulgeiitiæ plenariæ communiter daiur facultas ut poenitens indulgentiam suscepturus possit etigere idoneum confessorem, qui absolvat eum ab omnibus peccatis, ita quod non oporteat eum recurrere ad curiam, si habet casum papalem… ita ut dicatur indutgentia a cutpa ratione facultatis datæ etigendo confessori absolvendi ab omnibus, etiam in casibus reservatis » (Joh. de Turrecremata, Commentaria super tractalu de poenit.^ Lyon, 1619, p. 40 A ces constatations de Brieger pourrait s’ajouter l’acte de foi aux indulgences prescrit par le concile de Constance aux disciples de Jean Hus ; il mentionne explicitement la contrition et la confession préliminaires, a Croyez-vous que le pape, pour un motif pieux et légitime, a le pouvoir d’accorder des indulgences pour la rémission des péchés aux fidèles qui se sont confessés d’un cœur contrit.^ » (Denzinger-Bannwart, 676 [670]). Mais en voilà assez sur ce point fondamental. Lea s’y est lourdement mépris, et ses pages sur l’indulgence a cutpa et a poena (54-80), si elles témoignent qu’il a beaucoup lii, attestent mieux encore qu’il a mal compris. Brieger, parce qu’il a dépassé les mots et a cherché à saisir le fonctionnement réel de l’institution, s’est rendu à 1 évidence : l’interprétation de la formule « indutgentia a cutpa et a poena « donnée par Bellarmin (De indulgentiis, I. I, p. vu) et Suarez (De pænit., Disp., r., sect. i, n. 1 et 2 ; disp. i, vi, sect. i, n. 15), n’a pas élé imaginée pour répondre aux attaques protestantes ; lEglisc n’a Jamais laissé se confondre la notion de lindulgence et la notion du sacrement de pénitence ; et c’est seulement pour s’être laissé guider par le i)arti pris de la trouver en faute quand même, au lieu de pousser jusqu’au bout l’analyse des faits, que lui-même, Brieger, a cru voir le sacrement de pénitence s’absorber dans l’indulgence (.irt. cité, -[>. 8890).

Les lettres d’indulgence ne sont pas une exception. Il est très exact que l’état de grâce n’était pas requis pour se les faire délivrer, et c’est en ce sens qu’on peut parler d’indulgence accordée pour tes péchés futurs ; mais la possession de la lettre d indulgence n’était pas l’indulgence elle-même ; elle donnait seulement le droit de se la faire appliquer le jour où l’on aurait d’abord obtenu l’absolution de ses fautes. Le texte même de la lettre le portait en propres termes : « Potestatem habet, lit-on dans relie dont Lea donne le fac-similé en appendice à la p. 70, potestatem habet eligendi sibi confessorem presbilerum 743

LNDULGENCES

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ydoneum, religiosum vel secularem, qui, audita dili-GENTER Kjus coNFESsiONR, absolvere eiim possil aiiclorilale predicta[pape]ABOiiyiBif. peccatis… ac semel in vita et in mortis articulo plknariam omnium pec CATORUSt SUORUM INDILGENTIAM ET REMISSIONEM IM-PENDERB. B

Après cela, que des confusions se soient produites dans l’esprit des fidèles ignorants ; que plusieurs aient vu dans l’indulgence « a culpa et a poena p un moyen commode et matériellement sûr de se décharger de toutes leurs dettes envers Dieu ; que certains prédicateurs d’indulgences aient trop négligé de prévenir cette illusion déplorable et que leur préoccupation de faire rechercher et accepter l’indulgence ait même contribué à la répandre, c’est possible, personne ne songe à le contester, encore qu’on n’en ait aucune preuve (cf. Pai’lus, Johann Tetzel, p. 98-100 et Zeitschr. f. kalh. Theol., XXXVI (1912), p. 268 et 277-279). C’est là une conséquence inévitable de la manière dont, pendant plusieurs siècles, les indulgences ont été présentées au peuple, et nous arrivons ainsi à la pratique dont nous avons dit que les apparences au moins justifiaient l’expression odieuse de K vente des indulgences ». Mais ce qu’on ne saurait admettre, c’est le principe posé par Lra (p. 65) que les formules, Ihe tangiiage, suffisent à renseigner sur la foi du peuple. En matière d’histoire, d’histoire des institutions en particulier, il n’en est pas de plus faux et de plus dangereux. C’est oublier que les formules, les formules populaires surtout, ont d’abord une signification historique ; le sens logique n’en est presque jamais adéquat au sens réel, et ci l’indulgence de la peine et de la coulpe > en est une preuve de plus ajoutée à beaucoup d’autres.

2° La VENTE DBS INDILGE.NXES.

A) /.es faits. — Les faits qui semblent justifier le mot de « vente des indulgences », résultent de l’extension démesurée prise par ce cpie nous avons appelé les indulgences-aumônes. Le principe, avons-nous dit, n’a rien que de très spécifiquement chrétien : l’aumône, qu’elle soit en faveur d’une indigence ou d’une bonne œuvre quelconque, a une valeur morale très réelle, et l’Eglise, en y attachant des indulgences, se borne à la reconnaître ; la concession de cette faveur n’a rien d’un trafic.

Cependant, même contenue dans de justes limites, l’application du principe revêt aisément les apparences de la spéculation. L’indulgence semble avoir pour but de solliciter la générosité. Voilà pourquoi le concile de Latran en ia15 (canon 62) restreignit à un an l’indulgence qu’il est permis aux évcques d’accorder au jour de la dédicace ou de la consécration d’une église. Les papes eux-mêmes évitèrent longtemps d’accorder aux bienfaiteurs des églises ou des œuvres pies autre chose que des indulgences partielles (cf. Paulus, Die àltesten AbUisse fur Almoten und Kirchenhesuch, dans /Ceitschr. f, hath. Theol., XXXIII (1909), p. 25-20).

a) Point de départ : les jubilés. — Mais la faveur dont jouit parmi les fidèles l’indulgence plénière du jubilé les Ut ensuite se relâcher de cette réserve. Le premier jubilé, accordé par Bonifacb VIII en 1300, ne comportait aucun versement d aumône : la visite pendant 15 ou 30 jours consécutifs des églises de saint Pierre et de saint Paul à Rome sullisait à mériter, après confession, la remise totale des peines dues à ses péchés. Mais les dépenses mêmes et les offrandes spontanées que tirent à Rome les multitudes de pèlerins accourus à cette occasion en firent désirer le retour. -Sur les instances des Romains (cf. v. gr. la bulle l’nigenilus du pape Cléme ; VT VI en 1349 : Exlray. comm., V, 9, 2), les papes fixèrent le renou vellement du jubilé d’abord à tous les 100 ans, puis à tous les 50, à tous les 33, finalement à tous les 26. A ces jubilés ordinaires ou périodiques s’en ajoutèrent d’ailleurs d’autres encore : l’usage s’introduisit d’en accorder d’extraordinaires, non seulement à l’avènement des Souverains Pontifes, mais aussi à l’occasion des besoins, des dangers, des situations particulièrement graves où se trouvaient la chrétienté ou certaines parties delà chrétienté. En même temps, la multiplication de ces faveurs faisait ajouter aux conditions requises pour y avoir part : les aumônes, qui y étaient offertes, furent sollicitées en faveur des intérêts qui motivaient l’indiction du jubilé, et l’indulgence devint ainsi un moyen de se procurer, en cas de besoins exceptionnels, des ressources exceptionnelles.

Aussi la faveur accordée aux basiliques romaines excita-t-elle d’autres convoitises. A l’occasion du grand schisme d’Occident, les papes en consentirent l’extension, n Pour pouvoir se soutenir en face de la Papauté française, Bonifack IX, qui ne fut pas toiijours très délicat sur les moyens de remplir la caisse de la Chambre apostolique, étendit, le premier, aux villes italiennes et particulièrement aux villes allemandes le jubilé de 1390, réservé à Rome » (cf. Pastor. Histoire des papex (tr. fr.), t. VII, p. 266). Ses successeurs allèrent encore plus loin (cf. Bhringkr-Mazoyeb, /.es indulgences, p. 6^3). Le concile de Bàle lit de même : en 1^36, à l’occasion des négociations avec les Grecs, il accorda à tous les fidèles de l’univers l’indulgence plénière du jubilé à la seule condition de contribuer par des prières, des jeûnes et une aumône à l’œuvre du rapprochement des Eglises (Mansi, XXIX, 131). Successivement, au cours du xv siècle, en vue d’entreprises ou d’intérêts d’ordre plus ou moins religieux et ecclésiastique, tels que la croisade contre les Turcs, le refoulement des Moscovites, etc., les concessions semblables furent multipliées (cf. Pastor, Hist. des papes, lac. cit.. p. 267 sqq.). En 1500 par exemple, Alexandre VI étendit le jubilé ordinaire à tous les chrétiens éloignés de Rome, qui, en plus des bonnes œuvres ordinaires, contribueraient pour une somme déterminée aux frais de la guerre contre les Turcs. Même faveur du pape Jules II, en 1506, àceux qui contribueraient à la construction de la basilique de Saint-Pierre.

b) La publication des indulgences. — Cependant les aumônes ainsi sollicitées et obtenues, lesévêques, les princes, les villes calculent les revenus qu’elles représentent. A leurs yeux, les indulgences accordées par Rome ressemblent surtout à une taxe de plus prélevée sur leurs sujets,.ussi toutes ces autorités prétendent-elles mettre des conditions à la promulgation, dans leurs Eglises ou sur leurs territoires, des bulles de concession. Leur concours y est nécessaire ; elles entendent se le faire payer. Il n’est pas juste d’ailleurs que toutes les aumônes de la chrétienté allluent à Rome : une part au moins de leur produit doit être affecté aux besoins et aux intérêts des populations qui les fournissent. De là, au sujet de la concession et de la promulgation des indulgences ou jubilés, des négociations et des marchandages odieux. Exemple : Alliert de Brandebourg, archev. de Magdebourg, aduiinistrateur d’IIalberstadt, archev. élu de Mayence, veut obtenir le cumul de ces trois sièges. Les taxes de chancellerie ordinaire sont déjà versées. La curie lui demande en outre 10.000 ducats à valoir sur les produits de l’indulgence pour la construction de Saint-Pierre, dont la publication se fera sur ses terres et celles de son Irère l’électeur, la moitié des aumônes devant d’ailleurs revenir au pape, la moitié à l’archevêque. Engagement à cet effet est pris par Léon X pour 745

INDULGENCES

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buit ans de ne pas révoquer cette indulgence et de ne pas lui en substituer une nouvelle. Sur quoi l’empereur Maximilien, mis au courant, intervient. Lui aussi veut une part du profit. Il autorise pour trois ans l’indulgence que le pape a accordée pour buit, à la condition que le cbancelier de Mayence s’engage à payer, cbacune de ces trois années, i.ooo florins rhénans à la chambre impériale, pour être employés à la construction, à Innsbriick, de l’église Saint-Jacques, aliénant à la Hofburg (voir les détails, d’après l’ouvrage du D Schultk, Die Fu^ger in Rom (Leipzig, igo4), dans Scmrôus, Léo X, die Maynzer Erzhiacliofsuahl und der deiilsche Ahlass fiir S’Peter im lahre 151 i : art. de la /.eitschr. f. hath. Theol., XXXI (icjon), p. 267 sqq. ; soit dans Grisah, Luther, t. I, ji. 283 sqq., ou dans Pastor, Hist. des papes, Ir. fr., t. VU, pp. 260-271) Le besoin d’argent qui les fait concéderparfois par les papes les fait donc solliciter aussi par les autorites locales. A la veille même du protestantisme, des villes qui seront des plus empressées à lui ouvrir leurs portes, Nurenberg par exemple, Berne, Strasbourg, font instance à Kome pour en obtenir des bulles d’indulgence (N.Paulus, yo/ian « Tet : el, p. 1161 17). « Si les indulgences nous étaient tellement à charge, pourra dire Jean Cochlke en 1524. pourquoi les demandions-nous ? (Si graves nobis erarit indutgrntiae, cur inipetraiimus P Ibid., p. 117, note I.) L’affectation religieuse des sommes ainsi recueillies n’est d’ailleurs pas plus garantie d’un côté que de l’autre : dans le trésor des papes et dans celui des princes, elles se confondent avec les autres revenus et sont employées aux mêmes œuvres. On peut lirdans Pastor (op. cit., p. 258-270), comment la pénurie financière dont souffrait Léon X le faisait passer outre à toutes les plaintes que provoquait depuis longtemps la multiplication des indulgences. Par contre, Charles-Quint obtenait, de 1515 à 1518, la prédication dans les Pays-Bas d’indulgences spéciales dont le produit était destiné à réparer et entretenir les digues maritimes : « l’indulgence de la digue » (H. DE JoNGH, d’après l’ouvrage du U’ScnuLTE(1904) : Jlie Fugger in Rom, dans la Rev. d’hist. ecclés., de L(mvain, igog, p. 5y/i).

() La prédication des indulgences. — Mais c’est le reeourrerænt surtout et la perception de ces aumônes qui revêtait le caractère d’une opération commerciale.

La publication de l’indulgence une fois autorisée, un commissaire général était désigné pour y présider. Lui-même s’adjoignait un certain nombre de sous-commissaires, tel Jean Tetzkl. Les agents immédiats de l’entreprise étaient des prédicateurs doublés de collecteurs. Les premiers, par des sermonsel des instructions appropriés, disposaient les âmes à s’assurer le fruit de l’indulgence. Des pouvoirs spéciaux, nous le savons, leur permettaient d’absoudre des cas réservés, de relever des censures et desvreux (cf. Pastor, op. cit., p. 365, et Grisar, I utiier, t. I, p. 280-288). C’était, pour les localités où ils se transportaient successivement, l’occasion d’un véritable renouvellement religieux, l’équivalent de ce quenous appelons aujourd’hui" une mission » ; et il serait souverainement injuste, en parlant de la prédication des indulgences, de laisser dans l’ombre cet aspect essentiel. De même faut-il tenir compte de la mise en scène inséparable de cette forme d’évangélisation populaire, pour apprécier les procédés et le langage des prédicateurs d’indulgences.

Mais ces constatations faites — et il faut avouer qu’on les omet souvent — il est incontestable d’autre part que l’appareil fiscal dont s’accompagne cetapostolat religieux, lui donne un singulier air de foire. I

Les collecteurs d’offrandes en effet suivent les prédicateurs. Leurs biu-eaux s’établissent à côté de la chaire et du confessionnal, et les sermons, qui provoquent à la conversion des vivants ou au soulagement des défunts, invitent aussi à s’adresser aux comptables : c’est à leurs guichets, contre le versemenld’une certaine somme et d’après un tarif soigneusement élaboré, que s’obtient, en forme de reçu, la cédule donnant droit à une part correspondante des faveurs du jubilé.

Car, à l’indulgence plénière primitive, d’autres, nous le savons déjà, sont venues se joindre ; et les instructions rédigées par les commissaires à l’usage des prédicateurs recommandent, pour les faire valoir, de les présenter non seulement en gros, mais aussi en détail. Quatre grâces principales y sont communément distinguées : i" l’indulgence plénière proprement dite pour les vivants ; 2" la lettre de confession ou d’indulgence dont nous avons déjà parlé (ci-dessus p.74 I et 7^2) ; 3° la participation à perpétuité aux biens spirituels de l’Eglise, liée d’ordinaire à l’acquisition de la lettre de confession ; 4* l’indulgence pour les morts (N. Paulus, 70vfln « Tetzel, p. 87 et 150). Or chacune de ces faveurs peut être acquise séparément. Les fidèles doivent en être avertis et on aura soin de leur signaler les avantages spéciaux qu’elles présentent. La quatrième, en particulier, attirera l’attention : c’est la plus recherchée et la plus fructueuse : n Circa istam gratiam efficacissime declarandam, porte l’instruction rédigée par Albertde Brandebourg, prædicatores ditigentissimi esse dehent, eoquod animabtts defunctis per liane certtssinte subfeniliir et negotio fobrice S. l’etri fructuosissime accumutatissimeque consulilur » (ibid., p. 150, note i). Aussi, pour qui connaît la grossièreté et la vulgarité du langage de la chaire aux xiv<-xvi* siècles, les hyperboles de certains prédicateurs n’ont rien qui étonne. On ne s’étonne pas non plus que leurs comparaisons violentes, leurs aflirmations outrées, voisinant avec l’erreur, aient pu produire ou entretenir des erreurs dans l’esprit d’auditeurs ignorants et crédules. Où il eût fallu rectifier et préciser, on passait outre et l’on déclamait. Le travers, trop commun aux orateurs populaires, de prendre parti pour les opinions extrêmes, faisait insister là surtout où la réserve des doctes aurait dû commander la discrétion. Tranchant d’eux-mêmes ce que l’enseignement des théologiens et les bulles des papes laissaient indécis, les commissaires, dans leurs instructions, affirmaient l’infaillible eflicacité del’indulgence pour les morts, prenaient parti contre la nécessité de l’état de grâce pour en obtenir soi-même l’application à un défunt (N. Paulus, Johann Tetzel, p. 149. 150, 155 sqq. ; cf. Der Ablass fur die Verstorbenen am Ausgange des Mittelalters, dans Zeitschr. f. iath. Theol., XXIV (1900), p. 253-206). L’offrande seule est requise pour délivrer du purgatoire : « iVec opus est quod contribuentes pro animabus in capsam sint corde contriti et ore confessi, cum talis gratia charitnti in i/ua defiinctus deressil et contribiitioni viventis dunta.rat innitatur n {"S. Paulus, Johann Tetzel, p. 150, note i et cf. ibid., p. 1 ig, note 2 et 3). Quel que soit l’état de conscience du donateur, l’àme secourue par lui s’élance hors des flammes avant même que l’écu n’ait sonné au fond de la caisse du comptable. (C’est la doctrine dénoncée, par Luther, thèse 27 : « Slatim ut jactus nummiis in cistam tinnierit, evolare dicunt animant », traduite dans le dicton allemand :

« Sobald das Geld im Kasten klingt

Die Seele aus dem Fegfeuer springt »

et à laquelle Tetzbl opposa la 57* de ses thèses de 747

INDULGENCES

; 'iS

Francfort : « Quisquis dicit non citiiis passe animam et’ulare qiiam in fundû ciste denarius passif tinnire, errât. » U n’est pas douteux en effet que Tetzel n’ait prêclié cette doctrine, commune dès lors à un bon nombre de tliéologiens : cf. N. Padlus, Johann Tetzel, p. 138-149 et 156 sqq. ; Pastor, Ilisl. des papes (tr. fr.), t. VU, p. a^^). Le nombre des délivrances se chiffre d’ailleurs par celui des offrandes. De même pour les lettres de confession. On peut les acquérir à la fois pour soi et pour les parents ovi amis que l’on veut obliger. Ici non plus d’ailleurs, pas n’est besoin de se mettre d’abord en état de grâce : la lettre de confession n’est qu’un bon à valoir ; l’acquéreur pourra attendre, pour en faire usage, qu’il juge à propos de recourir à un confesseur de son choix. C’est alors, après l’absolution, qu’application lui sera faite de l’indulgence proprement dite et qu’il obtiendra la rémission de peine ainsi escomptée d’avance.

Les apparences de vente, on le voit, étaient poussées très loin, et quelque traditionnel que fût ce mélange de sacré et de profane, pour en être choqué et scandalisé pas n’était besoin de s’être fait une conscience pharisaïque. Depuis longtemps, les hommes les plus dévoués à l’Eglise, en Espagne, en Allemagne, en Italie même, dénonçaient cet avilissement et cette profanation (Pastob, op. cit., p. 268-270). On comprend donc sans peine que Luther ait pris prétexte de cette collaboration des missionnaires et des banquiers pour crier à l’exploitation des fidèles et à l’encouragement au péché.

D’autant plus que les fidèles qui donnaient ainsi l’aumône, v. gr. pour la construction de la basilique de Saint-Pierre, étaient laissés dans l’ignorance sur les arrangements pris au sujet de l’emploi réel de leur argent (cf. Grisar, Luther, t. I, p. 286, note 2).

D’autant plus encore que, à côté de ce « débit » régulier et organisé des indulgences, existait aussi ce qu’on pourrait en appeler le « c(dportage ». Les ordres religieux, les confréries, les associations pieuses ont obtenu pour leurs bienfaiteurs des faveurs considérables. Leurs quêteurs distribuent donc, eux aussi, en échange des aumônes reçues, des lettres d’indulgence et de participation aux suffrages et bonnes œuvres. Or ici l’escroquerie trouve plus facilement encore à s’introduire. Les garanties d’authenticité sontpresque impossiblesà obtenir. Enfait, bien des fausses indulgences ont dû entrer en circulation par cette voie. Les pseudo-quêteurs sont du moins les premiers et les plus directement visés par les décrets des conciles sur ces matières (Clément, , 1. V, tit. IX, a ; Trident, conc, sess. xxi, de reform. 9). Leurs agissements, en effet, joints à ceux des prédicateurs-collecteurs, achevaient de faire croire à un réel commerce des indulgences,

B) Condamnation et suppression par le concile de Trente. — Aussi le concile de Trente stigmatise-t-il à la fois toutes ces pratiques abusives (sess. xxi, de reform, , g ; et sess. xxv, décret, de indulgentiis). Plus heureux même que les conciles de Latran et de Vienne, il parvient à les supprimer. Le mal, cette fois, est coupé à la racine. Plus de quêtes (/jraios quæstus) ni de quêteurs d’indulgence. La publication en sera réservée aux évcques et les deux membres de son chapitre, chargés par lui de recevoir les offrandes spontanées des fidèles, ne pourront rien en prélever pour eux.

C’est l’abolition, en fait, des indulgences-aumônes, et il ne tiendra pas aux papes réformateurs qui suivront, à saint Pie V en particulier, que l’usage n’en disparaisse couiplètement. Seuls les rois d’Espagne, à force d’instances et de menaces, en obtiendront le maintien pour eux et leurs sujets : on sait qu’il existe

encore dans ce pays, sous la forme de la « bulle pour la croisade », dégagé toutefois depuis longtemps des procédés de publication et de recouvrement qui en avaient fait ordonner la suppression au xvi’siècle. Le vœu du concile s’est donc réalisé, qui était d’arriver à faire comprendre que le trésor spirituel de l’Eglise doit servir, non point à procurer des revenus, mais à alimenter la piété ( « ( tandem cætestes hos £cclesiae lliesauros non ad qiiæsturn, sed ad pietaieni exerceii omnes cere intelligant..’iess. xxi, de reform., 9).

C) La doctrine toujours saufe. — Mais là s’arrête son œuvre réformatrice. Sur le fondement, sur la nature, sur le mode d’action des indulgences, il n’a pas eu de doctrines à définir ou à redresser. L’essentiel était acquis depuis longtemps et les abus n’avaient jamais atteint le principe même de l’institution. A l’heure où les apparences justifiaient le plus les protestations de Luther, elle conservait le caractère d’une faveur gratuite accordée à des œuvres essentiellement bonnes.

L’aumône, en effet, n’était pas la seule des conditions requises pour l’indulgence plénière offerte aux vivants. En plus de la contri : ion et de la confession, il devait s’y joindre des prières, des jeûnes, la sainte communion. L’offrande n’était d’ailleurs pas si indispensable qu’il n’en pût être accordé remise ou commutation. Les instructions aux confesseurs et aux prédicateurs étaient au contraire fort explicites sur ce point. Celles, par exemple, qu’avait rédigées Tetzel pour l’indulgence de Saint-Pierre à prêcher dans l’arcliidiocèse de Mayence, prévoyaient, après le tableau des sommes à verser pour ceux qui en avaient le moyen, la conduite à tenir à l’égard des pauvres : « Personne, y était-il dit, ne doit être renvoyé sans avoir eu part aux grâces concédées par la bulle jiontiUcale, car il ne s’agit pas moins du bien des fidèles que de la construction de la basilique de Saint-Pierre. Ceux donc qui n’ont pas d’argent doivent, à la place, offrir des prières et des jeûnes : le royaume des cieux en effet ne doit jias ouvrir ses portes aux riches plus qu’aux pauvres » — et par pauvres on entend « non seulement les mendiants, mais aussi les ouvriers vivant du fruit de leur travail et incapables de faire des économies ». — Même faculté de commuer, en faveur des femmes mariées et des enfants qui ne possèdent point par eux-mêmes ou ne peuvent pas se procurer les moyens de faire l’aumône prescrite (N. Paulus, Johann Tetzel, p. 1 15).

Celle-ci, on le voit, n’est donc pas à considérer comme l’équivalent réel et direct de l’indulgence. Elle reste une des conditions mises à l’exercice du pouvoir des clefs. Et la question dès lors de ses stipulations variées ou de l’affectation de ses produits n’a plus qu’une portée secondaire. On peut regretter sans doute — et pas un catholique qui ne regrette — que la cour de Rome se soit trop souvent, aux xv° et xvi » siècles, laissé guider par des considérations pécuniaires dans la concession des indulgences. Mais le motif des faveurs obtenues ne change rien à leur nature, et les rémissions de peine accordées pour le seul versement d’une offrande, en vue de pourvoir aux besoins généraux du gouvernement ecclésiastique, n’ont donc rien que de très avouable et de très haulement religieux. S’il faut un pouvoir suprême à l’Eglise, il faut aussi des ressources à ce pouvoir, et c’est à l’Eglise de les lui procurer. Que si une conipénétration excessive des deux sociétés, civile et religieuse, engage celle-ci dans des entreprises moins directement ordonnées à sa fin première, le caractère sacré de son administration n’est pas altéré pour cela, et de subvenir à ses besoins demeure une (cuvre essentiellement évangéliquc. Tant jiis pour qui 749

INDULGENCES

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profane et jiaspille les produits de l’aumône ; mais donner à l’Eglise, c’est donner avi Clirist, et l’indul{ccnce aeqnise au bienfaiteur ne saurait donc être désavouée par Celui qui a promis de ne pas laisser sans récompense le verre d’eau donné en son nom.

Aussi bien les protestants sont-ils oldi{ : i : és de se rendre à ces considérations élémentaires et d’avouer ipie les alius auxquels a donné lieu la ])rédication des indulgencesneprouventrien contre leur légitimité ou leur utilité. « C’est faire la partie belle aux catholiques, dit UiiîcnnoFK (Der Ahlassslreit, Golba, 1886, <ité par N. Pai’lus dans Johann Telzel, p. io5-iog), que de concentrer la discussion sur la prétendue vente des indulgences ou sur la confusion produite cl entretenue dans le peuple entre la remise de la f.iute et la remise de la peine. Sans parler de la facilité qu’ils auront à montrer la fausseté ou l’exagération <i<> ces accusations, c’est aller au-devant de leur distinction entre les abus et les principes, c’est reconnaître avec eux que, si la réforme du concile de Trente fut justifiée, la révolte de Luther du moins manqua de fondement. Car la doctrine romaine, dans ce cas, demeure hors de cause et l’on renonce à soutenir les attaques dirigées contre elle par les promoteurs du protestantisme. F-a pratique en elTet, telle que la promouvait Telzel, est en correspondance parfaite avec celle doctrine, les adversaires de Luther en ont fourni la preuve évidente, et rien n’est plus facile aujourd’hui aux champions de l’Eglise romaine que de le démontrer encore » (loc. cil., p. 108-109). Et il conclut à la nécessite de reporter la discussion sur le terrain niome du principe fondamental : l’Eglise a-t-elle le pouvoir de remettre elle-même le péché ?

C’est où nous avons pris nous-même le point de départ de notre justilication de la doctrine catholique (ei-dessus, II) : dans cette coïncidence des points de vue, nous aimons à trouver l’assurance que nos arguments n’auront point porté à faux.

IV. Conclusion : Utilité des indulgences

Le concile de Trente a qualilié de « salutaire » l’usage des indulgences. Mais il a en même temps émis le vœu que l’on revint à l’ancienne coutume de l’Eglise de ne les accorder qu’avec modération :

« indulgentiuruni usum cliristiuno populo maxime

salutarem… ducet ; … in lus lamen concedendis moderationeni, juxta veierem et probatam in Ecclesia cun.iueliidinem, adhiberi cupit » (Sess. xxv, décret, de indulg.).

Leur utilité, qui ne saurait être méconnue, ne doit donc pas être exagérée non plus. Pour l’apprécier exactement, il importe de se rappeler quelle est leur vraie nature et quelle place elles occupent dans la vie religieuse des lidèles catholiques.

D’abord elles procurent la rémission, la diminution, la suppression des peines du purgatoire. C’est leur elTel premier et direct, mais le seul aussi directement produit. Elles ne produisent par elles-mêmes aucune amélioration morale et ne dispensent donc pas de la pénitence qui guérit et qui fortitie. La vertu médicinale, l’inlluence psychologique des expiations volontaires ne se remplace pas, et ceux-là seraient dans l’illusion qui croiraient s’éloigner du péché et travailler à leur perfection par cela seul qu’ils gagnent beaucoup d’indulgences. Aussi saint Thomas veut-il qu’on les exhortée s’appliquer le remède des œuvres de pénitence (in IV, dist. 20, q. i, a. 3, sol. 1, ad 4"°. reproduit dans Suppl., q. a5, a. 1, ad 4"). Il rappelle surtout que les satisfactions personnelles sont d’une bien aulre valeur que les indulgences : celles-ci ne proeurent que la rémission de la |)eine temporelle ; celles-là, au contraire, sont méritoires de la gloire

essentielle et ceci, ajoute-t-il, est infiniment meilleur (ibid., sol. 2, ad 2° et cf. a. 5, sol. 2, ad 2’° reproduits dans SiippL, q. 25, a. 2 ad 2"’et q. 28, a. 2 ad a" »).

Mais peut-être les effets indirects des indulgences sont-ils les plus importants.

D’une part, elles développent dans les fidèles le sens social ; elles leur font prendre conscience dulien de solidarité qui, par delà le temps et lespace, les unit au Christ et à l’élite de l’humanité chrétienne. Leur atlachement à l’Eglise s’en accroît d’autant, et à qui sait l’action bienfaisante et les conséquences multiples de cette confiance en l’Eglise, l’importance de ce résultat ne saurait échapper.

D’autre part, elles servent à promouvoir la pratique des bonnes œuvres ; l’Eglise s’en sert comme d’une [irime pour y engager les fidèles. Saint Thomas insiste sur ce point de vue. Il montre les indulgences se changeant ainsi en remèdes préventifs. Celui qui veut gagner l’indulgence, dit-il, s’afTectionneà l’œuvre pour laquelle elle est accordée et par là il se dispose lui-même à la grâce : ce qui est le meilleur 11103 en de se prémunir contre le péché (in IV, dist. 20, q. 1, a. 3, sol. I, ad 4™> reproduit dans Suppl., q. 26, a. 1, ad 4"’)- Et de fait, c’est, en général, à des a-uvres, à des prières, à des dévolions déjà excellentes en elles-mêmes et éminemment sanctifiantes que les indulgences sont attachées : parmilesplus favorisées, qu’il sullise de signaler la fréquentation des sacrements de pénitence et d’eucharistie, l’exercice du chemin de la croix, la dévotion à la Sainte Vierge et au Sacré Cœur.

Il faut être ignorant de toute psychologie religieuse pour méconnaître la vertu jiuriiicatrice et élevante de toutes ces formes de la piété catholique. Pourvu donc qu’on n’en mesure pas la valeur et la portée à la seule matérialité des actes où elles se manifestent

— ce qui est l’erreur où s’obstinent les auteurs étrangers ou hostiles à l’Eglise — ; pourvu cju’on tienne compte de l’esprit qui y pousse, on ne trouvera plus rien d’étrange dans l’accumulation en leur faveur des indulgences les plus étendues : quelle que soit ici la valeur propre et directe de la « prime », elle reste au-dessous du fruit à retirer des dévotions « primées », et il y a lieu de répéter la parole de saint Thomas : ceci vaut infiniment plus que cela.

Peu importe d’ailleurs que tous les chrétiens n’aillent pas jusqu’au bout des intentions et de l’enseignement de l’Eglise ; que beaucoup s’arrêtent à l’effet direct et immédiat de l’indulgence et négligent de recueillir en même temps le fruit propre de l’a’uvre indulgenciée ; il reste d’abord qu’ils ne sauraient obtenir le premieren faisant totalement abstraction du second : ce n’est pas à des gestes machinaux ou à des formules sans âme que l’indulgence est attachée, et force est donc bien à qui veut la gagner d’animer d’une intention religieuse la visite d’un sanctuaire, l’aumône en faveur d’une bonne œuvre, le port du scapulaire, la récitation de son rosaire, de ses [irières vocales ou de ses oraisons jaculatoires : or c’est bien là déjà, suivant une autre expression de saint Thomas, disposer son âme à la grâce.

Il reste, en second lieu, que beaucoup de fidèles, — et ce sont en général les plus assidus aux œuvres indulgenciées — font beaucoup plus et beaucoup mieux. La rémission de peine n’est à leurs yeux qu’un surcroit : vrais dévots de la Vierge, du Sacré-Cœur, de la Passion, etc., ilsrecherchent et ils acceptent avec reconnaissance cette faveur de l’Eglise ; la charité surtout pour leurs frères défunts les rend attentifs à ne rien laisser se perdre de ces largesses de leur mère. Mais ce n’est point là-dessus qu’ils comptent pour le [lerfectionnement et le progrès de leur vie morale et religieuse. Et ceux-là comprennent bien la doctrine 751

INERRANCE BIBLIQUE

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et la pratique des indulgences. C’est d’après eux, et non point d’après ceux qui la déCjïurcnt ou en abusent, qu’il en faut apprécier les effets.

Bibliographie. — i’Pour l’exposé de la doctrine. — Tous les traités de tUéologie catholique ont un appendice sur les Indulgences à la On du traité sur le sacrement de Pénitence : v. gr. Billot, De sacrameniis, t. II, p. 22 1-227 ; *-’"' Pescli., Præleciiones dogmaticae, t. VII, n* 461-507. — Parmi les grands théologiens de la période scolastique ou moderne, sont à signaler en particulier : Alexandre de Halès, Summa theolug’ca, p. IV, q. a3 ; Albert le Grand, in IV Senl., dist. 20, a. iG-22 ; saint Thomas d’Aquin, in IV Sent., dist. 20, q. 1, a.3-5 et dist. 45, q. 2, a. 3, sol. 2 ; saint Bonavenlure, in IV Sent., dist. 20, p. a, q. 3-6 ; Cajetan, Opuscula, Tract. vTii, De indulgentiis ; Bellarmin, De indulgentiis libri duo ; Suarez, De poenitentia, disp. xlix-lvii ; Lugo, De sacramento poenitenliae, dispiit. xxvii ; Collet (Pierre), Traité historique, dogmatique cl pratique des indulgences et du jubilé ; Theodorus a Spiritu Sancto, Tractatus dogmatico-moralis de indulgentiis (Rome I743) ; Beringer-Marozer, Les Indulgences : leur nature et leur usage (trad. de l’allem.), t. I, i* partie est le meilleur exposé français de la doctrine commune.

i<> Pour le développement historique. — Parmi les protestants, il j- a surtout à consulter : H. C. Lea, A history of auricular confession and indulgences (Londres, 1896) : tout le tome III est consacré aux indulgences ; "Th. Brieger : art. Indulgenzen dans la Realencyklopiidie fiir prot. Théologie, t. IX. L’un et l’autre, le premier surtout, accumulent les faits et les documents, mais les interprètent avec un parti pris évident d’hostilité contre l’Eglise catholique. — Du côté catholique, les meilleurs travaux furent longtemps ceux de Morin, Commentarius historicus de disciplina in administralione sacramenti pænitentiae, I. X, et de Euscbe Amort, De origine, progressu, valore ac fructu indulgentiaruni (Venise, 1738). On peut citer aussi une série d’articles de A. Faucieux (A. Chollet), Les indulgences devant l histoire elle droit canon dans la Be^ue des sciences ecclésiastiques de 188 ; et 1888 ; l’article Jblass dans le Kirchenlexicon ; un article de M. Boudinhon : Sur l’histoire des indulgences à propos d’un livre récent (celui de H. Lea), dans la Kevue d’hist. et de litt. relig., III (18y8) Mais l’histoire la plus complète et la plus rigoureusement scientifique est désormais à chercher dans les nombreux articles publiés depuis 189g par le D Xicolas Paulus dans diverses revues allemandes et en particulier dans la Zciischrift fur kalhol. Théologie. Voici les titres des principaux, dont nous nous sommes constamment inspirés au cours de notre travail : Joh. v. Paltz iiber Ablass und Reue (XXIII (1898), p. 48 sqq.) ; Ablassschrifl Albrechts von JVeissenstcin (ibid., p. 423 sqq.) : i’icolaus H’eigel und Heinrich v. Langenstein iiber den Ablass von Schuld und Strafe (ibid., p. "jli’i) ; der Ablass fiir die Versiorbenen ini Mitlelalter (XXIV (1900) p. 1) ; Der Ablass fiir die Versiorbenen amvusgange des Mittelalters (ibid.. p. 249) ; Johann v. ff’esel iiber Busssacramenl und Ablais (ibid., p. 644) ; ’^w Geschichte des Jubilâums vom Jahre lôÛO (ibid., p. 1^3) ; Geuss und yider iiber das Juhiliium als Èrlass vom Schuld und Strafe (ibid., p. 182) ; Die Eriiffnung der heil. Pforte (ibid., 768) ; Bonifacins L und der Ablass von Schuld ur.d Strafe (XXV (1901), p. 338) ; Die iilteslen Ablàsse fiir Almosen und Kirchenbesuch (XXXIU (1909), p. i) ; Die Anfànge des Ablasses

(ibid., p. 281) ; Petrus Marlinez von Osma und der Ablass (ibid., p. 099) : Die Ablassiehre der Fruhscholastik (XXXIV (1910), p. 433) ; Die Anfiinge des sogenannlen Ablasses von Schuld und Strafe (XXXVI (1912), p. 6" et 262). De plus, son ouvrage spécial : Johann Tetzel. d-jr Ablassprediger (.Mayence, 1899), complété depuis par Schulte, Die Fugger in Boni, 1495-1529 (Leipzig, 1904), et les critiques de ce dernier, Schrôrs, par exemple : Léo X, die Marnzer Erzbischofsuahl und der deutsche Ablass fiir S. Peter im Jahre 1511 (Zeitschr. f. kalh. Theol., XXXI (1907). p. 267 sqq.). a complètement renouvelé l’histoire de la querelle des indulgences en Allemagne au temps de Luther. Voir aussi : Pastor, Histoire des papes (tr. f.), t. VII, ch. vu ; Grisar, Luther, t. I, ch. ix, i-a.

P. Galtieh, s. J.