Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Garibaldi

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 2 – de « Fin justifie les moyens » à « Loi divine »p. 143-144).

GARIBALDI. — I. Premières aventures. — II. /.e condottiere et l’unité italienne. — III. Campagne de France. Dernières années.

I. — Giuseppe Garibaldi naquit en ^807 à Nice. Il s’engagea de bonne heure dans la marine sarde. Il se disait républicain ; il était, surtout, libre-penseur et professait la haine de la religion,.ussi, ne tardat-il pas à s’aflllier aux sociétés secrètes. Compromis dans un complot (183/(), il réussit à prendre la fuite, cependant qu’on arrêtait ses complices, et se réfugia en France. Pour vivre, il donna des leçons de mathématiques à Marseille, mais cette vie étroitelui pesait, car il avait une ardente ambition. Recommandé au bey de Tunis, il obtint (1836) de ce prince un i>oste d’otlicier dans sa flotte. Il ne remplit ces fonctions que pendant une année et se rendit en Amérique, car il cherchait un plus vaste théâtre pour conquérir fortune et honneurs. Il sollicita un emploi de la république de l’Uruguay, et fut nommé commandant en chef de l’escadre qui opérait contre Buenos-Ayres. L’Angleterre et la France étant intervenues, l’escadre dut battre en retraite. Garibaldi forma alors un corps de trois mille hommes (infanterie et cavalerie) avec lequel il mena la guerre de partisans.

II. — La révolution, qui éclata en Italie en 1848, ramena Garibaldi dans sa patrie. Parti de Montevideo avec une centaine de ses compatriotes, il fréta un vaisseau, la Speranzu, sous le pa illon tricolore italien et se dirigea sur l’Europe. Au mois de juin 1848, il se présentait à Turin. Froiilenient accueilli par le gouvernement piéniontais, à qui il semblait suspect, il alla olTrirses servicesau gouvernement provisoire de Milan. Appuyé par Mazzini, il leva une légion, se rendit dans le Tyrol et ]>rit part à la guerre de Charles-Albert conlrel’Autriche. Remarqué des lors

par le parti révolutionnaire, il fut nommé par l’opposition député à la Chambre du Piémont, et mena contre le roi une violente campagne, mais il quitta bientôt le Parlement pour se rendre à Rome où la république venait d’être proclamée, et combattit le corps français commandé par le général Oudinot. Après divers combats plus ou moins heureux, il fut linalement vaincu et retourna en Amérique pour s’y livrer à l’industrie. Ses all’aires semblaient prospérer, mais il était trop ambitieux pour se contenter de cette existence qui lui procurait pourtant le confort et la tranquillité. Apprenant que le Pérou réorganisait ses troupes, il sollicita et obtint le commandement supérieur de cette armée. Il exerçait ces fonctions depuis peu de temps, lorsqu’il apprit iju’une nouvelle guerre de l’indépendance venait d’éclater en Italie. Il se hâta de retourner dans sa patrie (18Ô9) et fut nommé, par décret royal, major-général de l’armée. Sous le nom de v chasseurs des Alpes », il organisa une « légion nationale », entra sur le territoire lombard, et prenant l’offensive contre l’Autriche, il s’empara de Cùmeel rejeta l’ennemi sur Milan. La paix signée à VlUafranca par les empereurs Napoléon III et François-Joseph obligea Garibaldi à déposer les armes ; mais au [irinlemps de l’année suivante (1860) il attira de nouveau l’attention en protestant violemment contre l’annexion de Nice et de la Savoie à la France et en donnant avec éclat sa démission de député. Puis, il ouvrit une souscription pour organiser une campagne en Sicile où une nouvelle révolte venait d’éclater contre les Napolitains.

C’est ce qu’on a appelé l’expédition des Mille. Nombre de personnages plus ou moins tarés s’étaient joints à Garibaldi, parmi lesquels on remarquait le défroqué Sirlori et Si. Ulrich de Fonvielle, qui devait jouer, neuf ans plus lard, dans l’alïalre Pierre Bonaparte-Victor Noir, le triste rôle que l’on sait. La petite troupe s’embarqua sur deux navires de la Société transatlantique, le Piemonle et le l.ombardo, et aborda à Marsala. L’armée de Garibaldi combattit les troupes royales à Catalallml, et s’enq)ara de Palerme et de Messine. Son chef — qui s’était proclamé dictateur de la Sicile, en dépit de ses opinions républicaines — assiégea Nai>les. Malgré son courage et la lidélité de ses troupes, François II, lâchement abandonné par les cours d’Europe, dut capituler, mais le » triom[)he » de Garibaldi louchait à sa Un : Cavour voulait l’annexion des Deux-SIciles au royaume de Victor-Emmanuel. Le Parlement de Turin était dévoué à cette politique. Garibaldi dut céder. Le 21 octobre 1860, un plébiscite réunit les Deux-Siciles au royaume d’Italie sous le sceptre de Victor-Emmanuel II : Garibaldi déclara qu’il renonçait dès lors à tout rôle politique et se retira à Caprera.

Fausse sortie. Le « retraité » se Ot nommer bientôt président général des comités formés pour la « libération » de Rome et de Venise, écrivit à des révolutionnaires polonais nombre de lettres pour agiter ce l)ays et prononça le mot fameux que répétèrent à 1 envi tous les maçons : Rome ou la mort 1 » Il y avait quinze mois à peine que Garibaldi s’était retiré à Caprera (où il devait, prétendait-il, Unir ses jours), lorsqu’il reprit les armes, réunit un certain nombre de volontaires et entra à Catane ; mais, là, il trouva une population nettement hostile. D’autre part, les troupes royales étaient résolues à repousser l’aventurier. Celui-ci dut battre en retraite ; il s’eaibarqua avec ses hommes pour la Calabre et se dirigea sur Reggio, où le général tUaldini conduisait les opérations militaires. Repoussé dans une jiremière rencontre, il se retira à.spromonte, essuya une nouvelle défaite et dut se rendre avec toute sa troupe.

On le transporta à la Spezzia, puis à Pise, mais il put, quelques mois après, rentrer à Caprera. On l’oubliait. U c lait devenu sombre, amer. Il résolut de faire un voyage en.

gleterre (1865) pour provo quer une manifestation en sa faveur chez les révolutionnaires réfugiés — ce qui eut lieu — et, à son retour, il fut élu député de Naples et grand-maître de la franc-maçonnerie italienne. En 1866, lorsque l’alliance de l’Italie avec la Prusse amena la « délivrance » de la Vénétie, Garibaldi se lit nommer commandant des vingt bataillons de volontaires dont la formation venait d’être décrétée et attaqua les Autrichiens à Monte-Suelio. Il fut battu et légèrement blessé. L’année suivante, il prépara une tentative contre les Etats Romains. Arrêté sur l’ordre du ministère Ratlazzi, il fut reconduit à Caprera et gardé à vue. Il réussit à fuir, se rendit à Florence, où il sVlforça d’exciter l’opinion par ses harangues enflammées et se dirigea sur les Etats pontificaux après avoir lancé une proclamation aussi violente qu’odieuse contre la France. Mais à Mentana, les bandes garibaldiennes rencontrèrent les troupes pontificales renforcées par le corps expéditionnaire français, que commandait le général de Faillj’et essuyèrent une honteuse défaite. Arrêté, Garibaldi fut interné au fort de Varignano. Il y tomba malade et, avec l’autorisation de ministère Menabrea, revint une fois encore à Caprera. Pendant quelque temps, il se borna à écrire des lettres ampoulées à Victor Hugo, à Mazzini et à l’armée française, car à l’époque du plébiscite (mai 1870) il attaqua violemment le gouvernement français, adjura l’armée d’abandonner le souverain auquel elle avait prêté serment et de laisser proclamer la république.

III. — Ces manifestations, plus puériles encore que ridicules, n’émurent guère l’opinion publique en France. Survint l’insurrection du quatre septembre, (lette révolution faite en face de l’ennemi combla de joie Garibaldi qui s’empressa d’offrir ses services au gouvernement dit de la Défense nationale, et débarqua à Jlarseille ( ; octobre)oii — sur l’ordre de Gambetta

— on lui lit une réception solennelle. Le surlendemain, Garibaldi arrivait à Tours. Gambetta et les membres de la Délégation lui faisaient unchaleureux accueil, lui octroyaient le titre de général et lui donnaient le commandement des francs-tireurs sur la ligue de l’Est. Le nouveau général partait aussitôt pour Dôle.

Le rôle de Garibaldi pendant cette campagTie ayant été diversement jugé, nous avons ct)nsulté le rapport dressé par M. Ulric Perrot, député de l’Oise à l’Assemblée nationale, — et publié au Journal Officiel

— qui constate que Garibaldi « se fit surprendre à

« Autun, se laissa jouer à Dijon par une simple brii

( gade prussienne », et « commit enfin la plus grave des fautes » en « ne protégeant pas la base d’opérations de Bourbaki et en contribuant ainsi à perdre l’armée de l’Est ».

Si les admirateurs de Garibaldi contestaient l’exactitude de ce document parce qu’il a été écrit par un CI réactionnaire », on pourrait leur citer cette lettre du général Cremer, un des amis des hommes du quatre septembre : « Sur 12.000 garibaldiens, a écrit Cremer 2.000 étaient des soldats. Le reste était un ramassis de misérables qui disparurent au premier coup de feu. »

.Vjoutons que la haute paye et l’entretien des bandes garibaldienncs coûtèrent fort cher au Trésor français. Nommé député — en violation de la loi française — à l’Assemblée nationale, Garibaldi fut accueilli de telle sorte lorsqu’il vint y siéger, qu’il dut donner sa démission. Il se retira à Caprera et recommença à

écrire des lettres à tous les révolutionnaires connus. L’une de ces missives est particulièrement curieuse. Pendant l’insurrection conimunaliste qui ensanglantait Paris, Garibaldi écrivit à M. Bignonini, directeur de la Plèbe, de Lodi :

« Mon cher Bignonini, quand on a la chance de

trouverun Cincinnatus ou un Wasliington, l’honnête rfic/((< « rt’temporaire est de beaucoup préférable auhyzantinisrae des Cinq Cents. L’Espagne est dans l’abaissement pour n’avoir pas eu un homme qui la dirigeât dans sa belle révolution. La France est aujourd’hui dans le malheur pour la même raison. » — Garibaldi.

Singulier langage chez un homme qui se prétendait républicain ! Ainsi, cet ennemi de la Papauté était aussi l’ennemi de la démocratie ! Il devait plus lard, en effet, se rallier au roi Victor-Emmanuel. En 1878, Garibaldi se trouvant dans de graves embarras d’argent, ses amis ouvrirent une souscription, des municipalités décidèrent d’allouer une rente annuelle au « grand patriote ». Le ministère dut annuler ces décisions comme illégales, mais le roi accorda à Garibaldi, avec l’assentiment des Chambres, une pension viagère de 50.ooo francs et un million de capital. Le bénéficiaire écrivit au président du Conseil une lettre pliarisaïque où il disait que a le gouvernement étant rentré dans la voie de la moralité, de la liberté et du bien public », il ne vo, vait pas d’inconvénient à accepter ce don. U vécut donc ses dernières années dans l’abondance et mourut à Caprera en 1882.

J. Mantenay.