Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Dimanche

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 1 – de « Agnosticisme » à « Fin du monde »p. 552-561).

DIMANCHE.
I. Sanctification du dimanche. — II. Législation moderne du dimanche.

I. — Sanctification du dimanche


Assistance à la messe.Abstention des œuvres serviles.Nature de l’obligation.Raisons d’être de ce double précepte.

La sanctification du dimanche, sous les deux formes qu’elle revêt encore de nos jours : assistance à la messe et abstention des œuvres serviles, remonte à l’origine même de l’Eglise. Elle est certainement d’origine apostolique ; non pas qu’elle résulte d’une décision proprement dite imposée par les Apôtres, mais ce qu’elle a d’essentiel dans sa pratique remonte à l’époque des Apôtres. Dès l’Apocalypse (i, 10), le dimanche est désigné comme le jour du Seigneur, kuriaké emera

Assistance à la messe

Les Apôtres n’ont pas émis un décret pour remplacer l’observance du sabbat par celle du dimanche ; nous savons au contraire qu’ils ont continué de fréquenter le temple et les synagogues les jours de sabbat. Cf. 'Act., xiii, 14, 44 ; XIV, i ; xvii, 2 ; xviii, 4. Cependant le dimanche est déjà jour sanctifié pour les chrétiens, c’est le jour où ils se réunissent « pour rompre le pain », Act., xx, 7 ; le jour où l’on prépare la quête pour les pauvres de la communauté juive de Jérusalem, I Cor., xvi, 2.

Il paraît très probable que, tout à fait à l’origine, le dimanche fut simplement juxtaposé au sabbat dont il continua l’observance en lui donnant un nouveau caractère : la journée sabbatique terminée (on sait que le sabbat juif, commencé le vendredi à la tombée de la nuit, se terminait le samedi à la même heure, Levit., xxiii, 32), les chrétiens se réunissaient pour une assemblée particulière où ils faisaient « en mémoire du Christ » le repas eucharistique. La réunion avait lieu sans doute la nuit, soit parce que c’était l’heure où l’Eucharistie avait été instituée, soit parce que les assistants, venant parfois de lieux assez éloignés, n’avaient pu se mettre en route qu’après la clôture du sabbat, soit afin d’échapper à la surveil 1089 DIMANCHE 1090

lance et aux persécutions des Juifs. Naturellement, ils ne pouvaient penser que l’assistance à la réunion chrétienne fût moins obligatoire que l’assistance à l’oflice de la synagogue.

Sans qu’il y eût loi écrite, dont aucune attestation ne nous est parvenue, il y eut une pratique tenue pour moralement obligatoire.

A partir des Apôtres, les textes se multiplient qui montrent le dimanche consacré au culte. La Didaché (fin Ier siècle) dit : « Réunissez-vous, le jour du Seigneur, rompez le pain et rendez grâces après avoir confessé vos péchés, afin que votre sacrifice soit pur. » XIV, 1. Saint Ignace d’Antioche (t vers 110) nous informe que le dimanche a pris la place du sabbat, 'Epist. ad Magnes., ix ; l’épître de Barnabé, qui répudie le sabbat, reconnaît aussi le dimanche pour jour de fête, xv, g ; de même saint Justin, Apol, I, 67, dit qu’en ce jour les fidèles se réunissent pour assistera la célébration de la messe ; Méliton de Sardes (t vers 165) compose un traité sur le dimanche ; et Denys de Corinthe (même époque) parle des réunions cultuelles du dimanche (dans Eusèbe, Hist. Eccles., IV, xxiii).

Dès le commencement du IVe siècle, nous constatons une législation proprement dite sur le dimanche. C’est le concile d’Elvire (vers 300) qui décide : « Si quelqu’un établi dans une cité reste trois dimanches sans aller à l’église, on le privera quelque temps de la communion », can. 21 ; décision renouvelée au concile de Sardique (vers 344) c. 1 1 (texte grec). — Les Constitutions apostoliques font de la sanctification du dimanche sous ses deux formes un précepte des apôtres saint Pierre et saint Paul, 1. VIII, c. xxxiii. Le dimanche, les soldats chrétiens enrôlés dans les armées de Constantin vont à l’église assister au saint sacrifice, tandis que les soldats païens se réunissent en un lieu désigné où ils récitent ensemble une prière composée par l’empereur lui-même. Vila Constant. 1. iv, c. 18 et suiv. Cf. De solemnit. paschal, c. 7 et 12. ; et les évêques, à cette époque, devant être

« lus par tout le peuple chrétien, c’est le dimanche

qui est le jour désigné pour l’élection. S. Leo Magn., ''Epist. ad. episcop. per provinc, Viennens. constitutos, c. 7. P. L., t. LIV, 630.

Jusqu’ici, nous avons appris que le dimanche est jour spécialement désigné pour le culte divin ; à partir du vie siècle, notre documentation sur ce précepte se précise et entre dans plus de détails. Avec saint CÉSAIRE, Serm. 265, inter oper. S. Augustini, P. L., t. XXXIX, 2238 ; 'Serm. 280, ib. 2274 ; 281, ib. 2278 ; Vita Cæsarii, l. i, c. 2. P. L., t. LXVII, 1010, et le concile d’Agde, c. 17, qui porte la décision suivante :

« Nous ordonnons, par une prescription toute

spéciale, que les séculiers assistent à la messe du dimanche en entier, et que nul n’ait l’audace de sortir avant la bénédiction du célébrant ; ceux qui l’oseraient faire seront publiquement réprimandés. » Bruns, Canones Apostoloruni et Concitiorum, t. II, 155, on a fait un pas notable et atteint un point ([ui Tie sera pas abandonné. Cf. concile d’Orléans de 51 i, c. 26, Concilia aevi Merovingici (Maassen), p. 8 ; concile d’Orléans, de 538, c. 32, il), p. 82 ; concile de Màcon, de 081, c. 1, ib. 165, et c. 4, p. 166. L’obligation est donc certaine, au moins pour ceux qui habitent la « cité », la ville et ses environs. Bientôt on étend le rayon d’obligation : on invite les nuiîtres à envoyer à la messe leurs serfs et serviteurs qui résident loin des églises, au fond des terres ou des bois. Concile de Rouen, de G50, c. 14. Bruns, op. cit. t. II. 271 ; des hommes choisis se feront les auxiliaires des curés, rappelleront aux insouciants leur devoir, et au besoin dénonceront ceux qui le transgressent. —

On porte ensuite l’attention sur un autre point, sur l’assistance à la messe, comprenant le sermon et l’instruction religieuse. Cf. en particulier le concile de Clovesho, en Mercie (747). c. 14. Mansi, Concilia, t. XII,

A partir du XIe siècle, on corrobora partout, à commencer par la Hongrie, de sanctions temporelles déterminées, de coups, d’amendes, l’obligation d’assister à la messe. Constitut. ecclesiast. siib S. Stephano regc Hungariae (1016), c. 7, Mansi, t. XIX, 371 ; Conc. Szabolchien. (1092), c. 11, ib., t. XX, 703 ; Conc. Apamien. (1212), c. 7, ib., t. XXII, 357 ; Statuta in coiicd. ap. Tolosam promulgat. per doni. Roman. S. Angel. cardinal, diacon. (12 19), c. 2, ib., 1235 ; Conc. Tolosan. (1229), c. 25, ib., t. XXIII, 200 ; Conc. Biterren.(12’d'5), c. 5, ib., 271. Ailleurs, la sanction n’est pas fixée d’avance, mais remise au gré de l’évêque. Synod. Exonien. (1287), c. 25, Mansi, t. XXIV, 812.

On devait assister à la messe dans son église paroissiale. Nova præcepta Domni Pétri de Colle medio (1235), ib., t. XXIII, 403 ; Conc. Treviren. (1238), c.30, ib., 482 ; Synod. Exonien. (1287), loc.cit. Il y eut sur ce point de longues luttes entre le clergé séculier et les religieux. Peu à peu, après des vicissitudes diverses, des constitutions de Léon X, bulle Intellexinius, (1517), puis de Clément VIII (1592), donnèrent gain de cause aux religieux.

La sanctification du dimanche n’était pas estimée complète si l’on se contentait d’assister à la messe ; elle demandait, à l’origine, l’assistance aux vigiles nocturnes, plus tard d’autres œuvres de religion, des prières plus assidues et plus ferventes. Au xvie et au xviie siècle, on réclama l’assistance aux vêpres. Tout le monde affirmait qu’assister aux vêpres était une bonne œuvre. Était-ce une obligation proprement dite ? Un certain nombre de théologiens moralistes l’affirmaient, les uns imposant cette assistance aux vêpres et au sermon comme précepte, au moins sous peine de faute légère, et parfois même de faute grave, si l’on n’avait pour s’en exempter une juste cause (Noël Alexandre, Theol. dogm. et moral., 1. IV, c. 5, art. 6, reg. 10) ; d’autres réclamant comme exigée par le droit commun la sanctification de l’après-midi (Conférences d’Angers, avril 1714 ; Théol. de Montazet, t. II, c. 2, p. 235) ; d’autres, comme une obligation certainement imposée par la coutume. Billuart, Tractat, de Religio., dissert, vi, art. 3 ; Pontas, Dictionn. des cas de conscience, Dimanche, cas 2.

On est d’accord aujourd’hui qu’il n’y a pas d’obligation légale proprement dite d’assister aux vêpres, mais qu’il y a tout avantage à le faire. Marc, Institut. moral., part. II, sect. 2, tract. 3, c. i, n° 657.

On le voit, dans ses détails d’application, le précepte de l’assistance à la messe est d’origine coutumière. Cela aide à comprendre comment la coutume peut légitimement en exempter, non pas totalement, mais en partie et pour un temps plus ou moins long, diverses catégories de personnes. Dans ces cas, il sutlit de constater si la coutume est bien établie, acceptée et pratiquée par des chrétiens sérieux. On comprend aussi, que, n’étant pas de droit divin au sens propre dans ses modalités, ce précepte n’oblige pas, comme disent les moralistes, cum tanto incommodo, s’il expose à des inconvénients graves, soit quant à la santé, soit quant à d’autres biens, v. g. pour la garde des malades, des enfants, etc. Mais, tout en reconnaissant parfois officiellement la valeur des motifs d’exemption en ce qui concerne l’assistance à la messe, par exemple dans les pays de mission, l’Eglise insiste toujours sur l’obligation de sanctifier ce jour par des prières plus nombreuses et plus ferventes.

L’abstention des œuvres serviles.

Ce que l’on entend par l’abstention obligatoire des œuvres 1091

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serviles a mis plus de temps à s’imposer et à se préciser ; on peut même aflîrmer qu’en ce qui touche un certain nombre d"œuvres, c’est une question encore discutée, non pas quant au principe, mais quant à l’application. — Un fait indubitable, c’est que l’abstention du travail, très strictement imposée par la loi mosaïque les jours de sabbat, Exod., xvi, 30 ; xx, lo ; XXXV, 3 ; Niim., xv, 82 et smv. ; Jerei)i., xvii, ai, etc., et par le culte païen lui-même, Macrob., Saturnalia, 1. I, c. XVI, dut être observée, autant que le permettaient les circonstances, par les premiers chrétiens convertis soit du judaïsme soit de la gentilité : Ter-TULLiEN dit. Ad Nation., i, 13 ; Apologet., 16, que les chrétiens consacrent le dimanche « à la joie du repos ». Toutefois, ce n’était plus avec la rigueur du chômage judaïque. Les plus anciennes lois des empereurs chrétiens qui interdisent, le dimanche, tout travail mécanique et tout acte de procédure, Rescrit de Constantin à Elpidiiis (821), Coà. Jiistinian., 1. II, tit. xii, de feriis, 1. 3 ; Cf. Consiitut. de Yalentinien, Théodose et Arcadius, ib., 1. 7 », laissent permise la culture des Ciiamps, l’homme n’étant pas maître des variations de la température et y étant au contraire assujetti. Des conciles, — Laodicée (vers 380), c. 29 ; de Jésuyahbl"’(585), c. 19, Synodicon Orientale, édit. Chabot, p. ^^7 !

— montrent que l’interdiction du travail n’était pas al>solue, mais imposée autant que possible, surtout aux pauvres. Les Constitutions Apostoliques prescrivent tout particulièrement aux maîtres de laisser chômer, le dimanche, les esclaves, 1. YIII, c. xxxiii. A partir du vi’siècle, l’obligation du chômage dominical devient plus rigoureuse ; plusieurs s’efforcent de la rendre équivalente à celle du sabbat juif, et c’est en partie l’œuvre de saint Césaire d’Arles. Cf. Seim. 265, inter op. S. Augustini, P. /., t. XXXIX, 2238 ; Serm. 280, ib. ii’jlt ; on tomba même dans des excès de rigueur qui furent d’aiUeurspromptement condamnés. Conc. d’Orléans (538), c. 30. Mais en condamnant ces excès on précisa dans le détail les œuvres interdites, et on joignit à celles qui l’avaient été antérieurement la culture de la terre ; ce furent même les (vuvres les plus minutieusement énumérées : labourage, soins de la vigne, fauchaison, moisson, taille, abatage ; on donnait au prêtre mission de châtier les A’iolations de la loi. Conc. d’Orléans, loc. cit. ; Conc. deClialon (vers 650), c. 18, Maassen, p. 2 12. Le peuple iit plus attention à la condamnation que le concile avait portée contre les excès de rigueur qu’aux prescriptions positives qui accompagnaient cette condamnation. Désormais, ce sont, au contraii’e, chaque jour de nouvelles plaintes contre la profanation du dimanche par le travail. On se sent obligé de préciser les sanctions spirituelles : excommunication contre les clercs et les moines ; les châtiments temporels : perte du procès pour les avocats et les plaideurs ; les peines même corporelles : coups de bâton pour les paysans et les serfs qui travaillent spontanément. Conc. de Mùcon (585), c. i, Maassen, p. 165. L’autorité séculière intervient, Edit de Contran, Capitular., Boretius, I, 10, et, pour sa part, interdit toute action judiciaire et tout travail corporel, sauf la préparation des aliments. Cette double action parallèle se continue dans la législation soit ecclésiastique, soit séculière, imposant ici l’amende, là le châtiment corporel. Conc. de Narbonne (58y), c. /(, Bruns, op. cit., t. II, p. 60 ; décret de Childebert II, c. i^, Boretius, ! , 17 ; Lois ecclésiast. de Ina, roi des Saxons Occident, en Angleterre, c. 3, Mansi, t. XII, 57 ; Lois du clergé de Xorthumbrie, c. 55. 56, Ht., t. XIX, 69 ; Lois du roi Canut, c. 14. ib., 562 ; Constitua ecclés. deS. Etienne dellongrie (1016), c. 6, ih., 870 ; Concile de Szabolch (1092), c. 12, (fc., t, XX, 765 ; Loides Alamans, 1. 1, c. 28, Pertz, Leg., t. IIL 57 ; Loi des Bavarois, ib., 335 ; Conc. de

Berkhampsteadt (697), c. 10, 11 ; aûn d’obtenir plus sûrement l’obéissance, on donne même aux dénonciateurs une part du produit de l’amende infligée, ib., c. 12. Au vni* siècle, on met au premier rang la prohil )ition des plaids et marchés, Conc. de Mayence (81 3), c. 87, Monument. Gerinaniae, Concil., t. II, 270 ; de Reims (81 3), c. 35, ib. 256 ; Lois ecclés. d’Edouard l’Ancien (900-92^) roi d’Anglcteri’e, c. 7. Mansi, t. XVIII, 288 ; décret du pape Nicolas II, c. 10, ib., t. XIX, 876 ; puis la chasse, les travaux des femmes, tisser, tricoter, coudre, laver, carder, tondre les brebis, Capitulait, de Rodalfe de Bourges, c. 26, Mansi, t. XIV, 955 ; les charrois, hors certains cas déterminés, Réginon, De ecclés. disciplin., 1. I. c. 872./’. L., t. CXXXIl, 264 ; Conc. de Bourges (io31), c. 15, Mansi, t. XIX, 505, et encore à la condition, dans les cas exceptés, de ne pas manquer la messe. Liber leguin ecclesiasticar., c. 24, ib., 186 ; on interdit même les voyages, Conc. Coyac.(io50), c.6, ib. 788. — Au xii « siècle, l’esprit dans lequel on a compris la loi est à ce point sévère, que des malheureux à qui les récoltes ont manqué, en Norvège, demandent au Pape Alexandre III (i 159-81) la permission de pécher le dimanche, et le Pape, qui exauce leur supplique, y met certaines conditions.

Toiites ces lois sont des lois diocésaines, régionales, témoignent de la coutume du peuple chrétien ; elles ne sont pas une loi universelle. Au xiii<^ siècle, saint Thomas d’Aquin en fît l’exégèse. Il constata, en premier lieu, que l’abstention des œuvres serviles était d’origine coutumière confirmée par l’Eglise, que la coutume n’interdisait pas tout travail, mais celui-là seulement où le corps a plus de part que l’esprit, et par lequel l’homme se fait le serviteur d’autres hommes ou du démon. Sumnia Tlieolog., ll^ 11^^, q. 122, , art. 4- Depuis cette époque, rien n’a été modifié ni objet de nouvelles décisions quant au principe, sinon quant aux applications. Les moralistes ont longuement discuté si tel ou tel travail est œuvre servile ou non, et l’accord sur quelques points se fait malaisément. Somme toute, les tendances rigoristes qui s’étaient encore manifestées au xvi’et au xvn’siècles ont perdu de plus en plus leur empire, et le cardinal Gousset, avec son esprit si pondéré, en est revenu au vrai principe de solution, à la coutume, acceptant ce que la coutume — entendue au sens canonique — admet, rejetant ce qu’elle interdit, laissant ainsi dans son état coutumier l’application d’une loi d’origine coutumière, ne la rendant ni plus stricte ni plus large quelle n’est dans son principe. On comprend aisément, par là, que, la loi étant d’origine humaine, les Congrégations romaines, interrogées maintes fois par les missionnaires, laissent, à l’occasion, une place assez large au travail des mains, à l’œuvre servile, le dimanche, pour les populations pauvres des missions. Des essais nouveaux ont été ébauchés par certains moralistes contemporains, comme Berardi, Praxis Confessar.{2’édit.), t. II, n° 870 et suiv., touchant la théorie de l’œuvre servile ; ils n’ont pas pour but de modifier le principe de la loi, mais d’en mettre les applications en rapport avec ce que réclame, pensent-ils, l’esprit public d’aujourd’hui.

8° Nature de l’obligation. — De cet exposé historique, nous pouvons tirer diverses conclusions touchant la nature de l’obligation que le précepte impose. 1° L’obligation n’ayant pas été introduite, dans le Nouveau Testament, par une loi dÎAine positive, on en peut dispenser au moins dans le détail des applications. 2" Comme elle est, quant au principe général, garantie par des lois positives, d’origine locale il est vrai, mais précisées, reprises, étendues, au point d’atteindre toutes les régions territoriales de l’Eglise, 1093

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elle oblige la généralité, c’est-à-dire toute l’Eglise. 3’Dans ce sens, il ressort de tont ce que nous avons vu, des dispositions des conciles, de l’enseignement des évêques et des moralistes, des sanctions de toute nature, qui atteignaient les violateurs du précepte, que l’on considérait l’obligation comme grave de sa nature, et sa violation comme une faute grave. I" Loi coutumière dans son principe et surtout dans ses applications de détail, elle subit les variations de la coutume (au vrai sens canonique), et les personnes que cette coutume en tient pour exemptes, sont réellement exemptes, a) Si les personnes qui se trouvent dans les conditions normales de liberté et de travail sont coupables de faute grave en manquant au double précepte, les personnes que la coutume exempte de l’assistance à la messe en certaines circonstances : les jeunes mères avant les relevailles, les tiancées à la messe paroissiale où se fait la publication de leurs bans, les personnes nécessaires à la garde de la maison ou des malades, celles qui n’ont pas le minimum de vêtements estimés convenables vu leur position sociale, etc., ne sont coupables d’aucune faute si, dans les limites de cette coutume, elles manquent à la messe, b) Cette loi coutumière n’a jamais été considérée comme strictement obligatoire dans chaque cas particulier où son observance imposerait de notables incommodités : une loi expresse et précise n’oblige pas citm tanto incommodo, à plus forte raison le peut-on affirmer d’une loi comme celle-ci, qui ne doit son existence pour le détail qu’à la pratique des hommes. Sans doute il sera mieux et préférable d’observer la loi, même au prix de notables inconvénients, mais il ne s’agit pas ici de ce qu’il est préférable de faire, il s’agit de ce qui est obligatoire. C’est en vertu de ce principe que l’on considère comme exempts ceux qui ne peuvent venir à l’église sans désagrément sérieux, pour cause de maladie, de fatigue, ou autre semblable.

Ce que l’on vient de dire toiichant l’assistance à la messe, on le dira avec plus de droit touchant le chômage ; car il faut l)ien noter que c’est ici une autre obligation, distincte de la première : Texemption de l’une n’entraîne pas l’exemption de l’autre. i° Les travaux que la coutume permet le dimanche : les œuvres quotidiennes d’alimentation ou de bonne tenue d’une maison, peuvent se faire sans péché ; cette coutume sera plus ou moins séAère selon les temps et les lieux, il sera parfois malaisé de bien constater jusqu’où elle s’étend, mais cette dilTiculté n’al)roge pas le principe général. L’Eglise ne nous condamne point aux minuties et aux étroitesses du judaïsme. Appuyés sur ce principe, les moralistes ont donné nombre de solutions à la fois larges et parfaitement légitimes. Il est ( ?ertain que le motif de nécessité rend légitime le travail du dimanclie ; on en fait l’application quand il s’agit, à la campagne, de rentrer une récolte niise en danger ])ar les sautes de température, on en fera tout aussi légitimement l’application à l’ouvrier des villes, réduit à vivre de son modeste salaire, qui, à l’éiioque douloureuse de la morte-saison, trouve, le dimanclie, un travail urgent à faire ; à celui qui, en tojite saison, ne peut nourrir les siens sans rap|)oint que lui procure le salaire de ce jour. A côté de la nécessité on uu-ttra, pour l’ouvrier commun, l’aubaine inespérée, qu’il trouve en ce jour, d’un gain notable. Sans doule encore, ici, dans l’application pialifjuc il faudra tenir compte d’une foule de considérations : nous n’envisagerons ici que le princi] » - strict du précepte dominical, a » On a toujours admis connue permis, le dimanche, les travaux manuels qui ont pour but et pour objet le culte divin, de même que ceux qui ont pour but de rendre au prochain un service qu’on ne peut

lui rendre un autre jour, ou qui préservent ses biens, par exemple en cas d’incendie, d’inondation, ou d’autres semblables.

L’Eglise se montre plus large pour dispenser du précepte quant au chômage qu’en ce qui concerne l’assistance à la messe, ce qui est une indication intéressante de la valeur obligatoire diverse qu’elle estime attachée aux deux préceptes.

({" Raison d’être du double précepte. — La raison d’être commune se montre avec des nuances différentes quanta chaque partie du précepte. — i. Concernant l’assistance à la messe. Voici les motifs généralement indiqués comme étant ceux qui ont fait établir ce précepte. Ils prennent racine dans l’obligation que nous avons de rendre à Dieu un culte, un culte public. Cf. S. Thom., II^ Ilae, q. J22, art. 4. in corp. art. Nous devons à Dieu un culte parce qu’il l’exige, et parce qu’il est notre Créateur. Ce culte doit être spirituel, et provenir de la partie intelligente et spirituelle de l’homme, parce que seule elle peut rendre à Dieu un culte vrai, dirigé parla raison. Mais en l’homme, Dieu n’a pas créé que l’àme, il a créé le corps ; l’homme tout entier, dans ce qui le fait homme, dans son corps et dans son àme, doit à Dieu un culte extérieur. Il lui doit de plus un culte public et social, soit parce que la société, créée par Dieu, lui doit à ce titre ses hommages, soit parce que, créé pour vi^-re en société, n’atteignant tout son développement normal que dans et par la société, l’homme reçoit du culte rendu en commun une impression religieuse plus profonde, et ne rend à Dieu le culte qu’il lui doit qu’avec le concours de ses semblables et sous l’impulsion qu’exerce sur lui le spectacle du culte rendu en même temps par ses semblables. Or l’acte le plus parfait et le plus élevé du culte divin, c’est le saint sacrifice de la messe ; l’homme et la société doivent donc ensemble à Dieu le culte rendu par ce sacrifice, l’assistance commune à ce sacrifice. Il y a en outre obligation pour tous les fidèles de s’instruire des vérités de la religion, et nul temps n’est plus apte à ce que cette instruction soit fructueuse que celui où l’homme, dans le recueillement et la prière, reçoit plus abondamment les grâces divines. Aussi ce fut toujours la coutume de l’Eglise de joindre à la lectiire des Livres saints l’homélie, qui en donnait le commentaire moral et théologique. Il n’est pas douteux, d’autre part, que l’immense majorité des hommes sont incapables de s’instruire par eux-mêmes ; il faut donc consacrera cet enseignement un jour qui soit le même pour tous, celui où l’àme est le plus détachée des préoccupations hiunaines. — a. Concernant l’abstention des œiisres servîtes. Les économistes et les physiologistes insistent sur cette vérité admise par tous, que l’homme ne peut travailler constamment, que son corps a besoin de repos, sous peine de s’étioler, de conqirometlre prématurément sa santé, la possibilité de gagner chaqiu » jour sa vie, et l’avenir de sa race. Ce sont les considérations qui inspirent aujourd’hui les lois civiles sur le cliôuiage. L’Eglise est inspirée encore par d’autres motifs : elle tient au chômage du dimanche parce que c’est le jour auquel fut reportée l’obligation divine fixée primitivement au sabbat, parce qu’il faut que, le jour consacré au culte iliviii, l’esjjrit se dépouille de toute autre préoccupation immédiate, pom- s’attacher vraiment à Dieu, qu’il faut éviter ce jour-là les occasions de péché, si nombreuses dans l’acharnement quc l’on met aux soucis de sa profession, parce qu’enlin le chômage du dimanche est le seul moyen ellicace qui permette de s’adonner tout ce jour aux œuvres de religion. On voit donc, par la valeur diverse de ces divers motifs, pourquoi l’Eglise, ou même la coutume, 1095

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sans dispenser jamais du devoir essentiel que nous avons de rendre à Dieu un culte d’adoration, dispense avec plus ou moins d’étendue des modalités suivant lesquelles nous rendons ce culte. Siu- sa discipline spéciale pour les Missions dans les pays infidèles, voir les Collectanea de la Propagande (2’édit.). passim, en particulier, n » 627, ô^a, 914, et surtout le n° 473.

Bibliographie. — On ne citera que quelques noms d’une bibliographie qui pourrait être très nombreuse. Dimanche, dans Dictionnaire de la Bible. t. II, 1430 ; D. H. Arnoldt, De antiqnitate diei dominici Skizzen ; E. E. L. Franke, De diei dominici apiid veteres christianos celebratione, Hal. Sax., 1826 ; Zahn, Geschichte des Sonntags, dans Skizzen ans dem Leben der alten Kirche, Erlangen, 1898 ; A. Villien, Histoire des commandements de l’Eglise, Paris, 1909, ch. 2 et 3 ; tous les théologiens moralistes à l’occasion du troisième précepte du Décalogue.

A. Villien.

II. LÉGISLATION MODERNE DU DIMANCHE

Législation française ; loi du 13 juillet 1906 ; action catholique. — Législation étrangère

Législation française. — Dès les temps les plus reculés de la monarchie française, les rois se sont occupés de faire respecter le repos des dimanches et des têtes. Sous l’ancienne monarchie, de nombreux décrets et ordonnances, fondés sur le sentiment religieux et la prédominance du culte catholique, avaient consacré le principe de l’intervention de lEtat. Le repos des dimanches et des fêtes avait été prescrit par Childebert en 552, Pépin en 744 » Charlemagne en 789 et 808, François I*"" en 1520, Charles IX en 1560, Henri III en 1579. — Sous Louis XIV, une ordonnance de police, en date du 12 décembre 1644 » interdisait tout travail et tout débit de marchandises les dimanches et jours de fêtes commandées par l’Eglise, à peine de 100 livres parisis d’amende et de prison. — Une ordonnance conçue dans le même sens avait été rendue par Louis XVI, le 30 avril 1778.

— Citons encore, pour être complet, l’ordonnance de 1695, la déclaration de 1698, les ordonnances de 1 701 et de 1712, et les arrêts du parlement de Paris de 1777 et 1786. — L’institution des fêtes chômées avait été d’abord un bienfait pour le peuple et surtout pour l’habitant des campagnes. Mais quand le vassal eut été affranchi, quand il cultiva la terre pour son propre compte, l’homme de la glèbe se plaignait du nombre toujours croissant des fêtes chômées. L’ordonnance d’avril 1695 défendit d’en établir de nouvelles sans l’autorisation royale ; mais l’Eglise alla plus loin, dans cette voie de libération qui fut toujours la sienne : l’archevêque de Paris et celui de Toulouse en supprimèrent un grand nombre. Le Pape Benoit XIV en supprima aussi plusieurs, dont il renvoya la solennisation au dimanche suivant.

Décadis. — Ces ordonnances furent abrogées par la Constitution du 3 septembre 1791 et par la Déclaration des Droits de l’homme. La Révolution ne s’en tint pas là : le calendrier grégorien fut supprimé et remplacé par le calendrier républicain, qui divisa les mois en décades ou périodes de dix jours ; le dixième jour, qui reçut le nom de décadi, remplaça le dimanche. Un décret du 18 floréal an II institua les fêtes décadaires, et im autre décret du 3 brumaire an IV établit sept fêtes nationales et annuelles, que l’on appelait alors fêtes civiques : celle de la fondalion de la République, celle de la Jeunesse, celle des

Epoux, de la Reconnaissance, de l’Agriculture, de la Liberté et des Vieillards ; ces fêtes consistaient en chants patriotiques, en discours sur la morale des citoyens, en banquets fraternels, en divers jeux publics propres à chaque localité et en distribution de récompenses. Toutefois, l’observation de ces jours de repos n’était pas exigée avec rigueur ; le décret du 7 vendémiaire an IV proclame même à cet égard une tolérance complète. — Mais ce calendrier nouveau, ces fêtes nouvelles heurtaient des traditions séculaires ; la masse du peuple s’habituait difficilement à la célébration des décadis, tandis que le dimanche conservait toujours une apparence de fête. Le gouvernement, touché de la crainte de voir les institutions républicaines tomber dans le mépris, se laissa entraîner dans la voie de fatale intolérance bien contraire au principe même de ces institutions. D’abord, un arrêté du 14 germinal an VI prescrivit des mesures pour la stricte exécution du calendrier républicain ; ensuite, un arrêté du 17 germ. même année défendit de donner des bals et d’ouvrir les salles de spectacle les jours de dimanche ou autres fêtes de l’ancien calendrier. Enfin, la loi du 7 thermidor an VI, plus rigoureuse par des motifs politiques que ne l’avait jamais été aucune loi par des motifs religieux, porta d’abord des prohibitions très sévères poiu- l’observation des décadis et des fêtes nationales. Elle ordonnait, pour ces jours de repos, la fermeture des boutiques, magasins et ateliers, la suspension des travaux dans les lieux publics, sous peine d’amende, et, en cas de récidive, d’emprisonnement, et prohibait de faire des significations, saisies, ventes, etc., à peine de nullité ; et pour faire entrer plus profondément le calendrier républicain dans les mœurs, un arrêté du 18 thermidor an VI ordonna que la loi sur la célébration des décadis serait proclamée solennellement dans toutes les communes de la République, et une loi du 13 fructidor an VI, relative à la célébration des décadis, prescrit aux administrations de donner chaque décadi lecture des actes de l’autorité publique ; les mariages ne pouvaient être célébrés que ce jour-là. Le Directoire devait prendre des mesures pour établir des jeux et exercices gymniques le jour de la réunion décadaire des citoyens.

Législation du XIX’siècle. — Mais, sous le Consulat, la réaction des sentiments religieux se fit bientôt jour. Un arrêté des consuls, du 7 thermidor an VIII, édicta que l’observation des jours fériés ne fût d’obligation que pour les autorités constituées, les fonctionnaires publics et les salariés du gouvernement (art. 2), et que les simples citoyens eussent

« le droit de pourvoir à leurs besoins et de vaquer

à leurs affaires tous les jours, en prenant du repos suivant leur volonté, la nature et l’objet de leur travail

«. Ce système fut adopté par le Concordat et par

la loi organique du 18 germ. an X, qui porte : « Le repos des fonctionnaires publics est fixé au dimanche » (art. 57). — Sous l’empire de cette législation, il a été jugé que l’observation des dimanches et fêtes n’était obligatoire que pour les fonctionnaires publics et non pour les simples particuliers (Crim. cass., 3 août 1809). La Cour s’appuie, pour le décider ainsi, sur la liberté des cultes et sur l’arrêté de thermidor an VIII qui en est la conséquence, et auquel n’est pas contraire l’art. 57 delà loi organique.

L’observation du décadi était tombée de plus en plus dans le discrédit. Les publications de mariage étaient encore faites pendant cette journée, suivant l’arrêté du 7 thermidor an VIII ; mais un autre arrêté, du 13 floréal an X, rapporta celui dii 7 therm., et ordonna que les publications de mariage eussent lieu le dimanche, conformément à la loi du 20 septem1097

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bre 1792, sect. 2, art. 3. — Lors de la discussion du code Napoléon, on proposa de revenir au décadi poulies publications de mariage, mais on fit observer qu’il avait déjà beaucoup déchu, tandis que le dimanche avait repris toute son ancienne faveur, et qu’il n’était pas convenable de contrarier les idées religieuses. Le calendrier républicain n’existait plus que de nom ; il fut définitivement supprimé par le sénatus-consulte du 22 fruct. an XIII. et le calendrier grégorien fut remis en usage au i" janvier 1806. Ainsi les dimanches et les jours de fête déterminés par l’arrêté du 29 germ. an X devinrent les seuls jours de repos officiel. Un décret du ig février 1806 fixa au 15 août de chaque année la fête de saint Napoléon et celle du rétablissement de la religion catholique en France ; mais ce n’était pas là créer un nouveau jour férié, puisque le 15 août était déjà le jour de la fête de l’Assomption.

Cet état de choses fut expressément modifié par la loi du 18 novembre)814, dont on peut dire d’une manière générale qu’elle remit en vigueur les anciens édits et, reproduisant presque textuellement les dispositions de l’ordonnance de Louis XIV, prescrivit l’interruption du travail extérieur et la fermeture des boutiques ou ateliers, les dimanches et jours de fête reconnus par la loi de l’Etat. Des exceptions nombreuses furent faites à la prohibition portée par la loi (art. 7 et 8), avec faculté pour l’autorité administrative de les étendre encore. Les contraventions aux dispositions de cette loi furent constatées par procès-verbaux des maires et adjoints ou des commissaires de police (art. 4), jugées par les tribunaux de simple police, et punies d’une amende qui, pour la première fois, ne pouvait excéder 5 francs (art. 5).

— Cette loi, qui a emprunté à celle du 17 therm. an VI beaucoup de ses dispositions, abrogeait, par son article final, les lois et règlements de police antérieurs, relatifs à l’observation des dimanches et fêtes. Mais cette disposition, restreinte aux lois spéciales dont elle indique le caractère, laissait subsister les dispositions des autres lois ou des divers codes qui ont prescrit ou prohibé certains actes les jours fériés. — Le décret du 19 février 1806, qui avait institué la fête de Napoléon, fut abrogé par l’ordonnance des 16-31 juillet 1814, et la loi du 19 janvier 1816 ajouta au nombre des jours fériés le 21 janvier, jour anniversaire de la mort de Louis XVI.

Dispositions des Codes de procédure, de commerce et pénal. — Mentionnons quelques règles de procédure sur notre sujet. — Aucun exploit ne sera donné un jour de fête légale, si ce n’est en Aerlu de permission du président du tribunal (art. 63). — Le dél>iteur ne pourra être arrêté les jours de fêle légale (art. 781, 2"). — Aucune signification ni exécution ne poui-ra être faite les jours de fête légale, si ce n’est en vertu de permission du juge, dans le cas où il y aurait péril en la demeure (art. 1037). — Si le cas requiert célérité, l’assignation ne pourra être donnée, les jours de fête, qu’en vertu de l’ordonnance du juge, qui commettra un huissier à cet elfet (art. 808). — Le juge pourra permettre la saisie-revendication, même les jours de fête légale (art. 828). — Le refus de paiement doit être constaté, le lendemain du jour de l’échéance, par un acte que l’on nomme protêt faute de paiement. Si ce jour est un jour férié légal, le protêt est fait le jour suivant. (Cod. comm.. art. 162.)

— Aucune condamnation ne pourra être exécutée les jours de fêles nationales ou religieuses, ni les dimanches (G. Pénal, art. 25).

Il faut signaler quelques lois spéciales sur le travail des enfants, sur le travail des femmes et des enfants. — La loi du 22 mars 1841 sur le travail des enfants, la première sur la matière depuis 1800 : Les

enfants au-dessous de seize ans ne pourront être employés les dimanches et jours de fêtes reconnuspar la loi (art.4). — Laloi du 22 février 1851 surl’apprentissage : Les dimanches et jours de fêtes reconnus ou légales, les apprentis, dans aucun cas, ne peuvent être tenus vis-à-vis de leurs maîtres à aucun travail de la profession (art. 9). — La loi du 2 novembre 1894 sur le travail des femmes et enfants modifie les deux lois précédentes : Les enfants de moins de dix-huit ans et les femmes de tout âge ne peuvent être employés dans les établissements énumérés à l’art, i" (ceux auxquels la loi s’applique sont les chantiers et ateliers de toute nature, publics ou privés, laïques ou religieux), plus de six jours par semaine, ni les joui-s de fêtes reconnus par la loi, même poui* rangement d’atelier. Une affiche apposée dans les ateliers, disposait ladite loi, annonçait les jours indiqués pour le repos hebdomadaire. — Cette loi remplaçait le repos du dimanche par celuid’un jour quelconque au choix du patron.

La fête du 1 5 août, supprimée à la chute de l’empire, n’a été remplacée par aucune autre pendant les dix premières années du régime actuel. La loi du 6 juillet 1880 a eu pour objet défaire cesser cet état de choses : elle porte que la République adopte le 14 juillet comme jour de fête nationale annuelle. Le choix de cette date avait été combattu au Sénat : deux membres de la commission avaient proposé deux autres dates, prises dans l’histoire de la Révolution, et qui, suivant les auteurs de ces propositions, avaient l’avantage de ne rappeler ni luttes intestines, ni sang versé : celle du 5 mai, anniversaire de l’ouverture des Etats généraux en 1789, et celle du 4 août, dont la nuit fameuse est restée dans toutes les mémoires (Rapport de M. Henri Martin au Sénat). Le rapporteur a exposé les motifs qui ont fait préférer la date du 14 juillet. On a reproché à la date du 5 mai d’être peu connue dvi grand nombre et de n’indiquer que

« la préface de l’ère nouvelle » ; à la date du 4 août

de ne marquer « qu’ne des phases de la Révolution, la fondation de l’égalité civile ». On a cru devoir préférer l’anniversaire du 1 4 juillet, qui rappelle à In fois « la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, et la grandefêtede la Fédération, qui fut célébrée le > 4 juillet 1790 » (Rapport à la Chambre des députés).

Une loi rendue quelques jours après celle dont il vient d’être question, la loi du 12 juillet 1880, a abrogé celle du 18 novembre 1814, relative au repos du dimanche et des fêtes religieuses, — loi d’ailleurs tombée en désuétude depuis bien des années, — ainsi que toutes les lois et ordonnances rendues antérieurement sur la même matière. Le rapporteur de la loi à la Chambre des députés, M. Maigne, a soutenu, pour justifier l’abrogation fju’elle prononce, que les prcscrii)tions de la loi de j814 portaient atteinte à la liberté de conscience et à la liberté du travail, en obligeant des Israélites, des nuisulmans ou des libres-penseurs à suspendre leurs travaux et à arrêter leur commerce les dimanches et les jours de fêtes instituées par les lois chrétiennes. La plujjarl des membres du Parlement, qui prirent part à la discussion, invofpièrent le respect de la liberté du travail.

« chacun, disait le rapportevir au Sénat, étant maître

de son temps, à ses risques et périls », et proclamèrent ([ue l’Etat n’avait pas à intervenir en cette nuiliêre..u lendemain du jour où cette doctrine avait été consacrée par le pouvoir législatif, il devenait (lifiicile de faire admettre les revendications ([ui. au fur et à uu’sure de l’élaboration des lois ouvrières, se manifestaient en faveur du repos du dimanche. Aussi les différentes propositions de loi. soumises quelques années plus tard à la Chambre des députés, restèrent-elles sans discussion. 1099

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Loi du 13 juillet 1906, établissant le repos hebdomadaire en fas’eur des employés et ouvriers. — Nous en préciserons successivement la genèse, le caractère et la portée, les conséquences pratiques.

Le 6 avril 1900, M. Zévaès et plusieurs de ses collègues, reprenant une proposition précédemment déposée, demandèrent à la Chambre des députés de décider que les employés de commerce auraient droit à un jour de repos par semaine. La commission chargée d’examiner cette question, trouvant trop restreinte la proposition de M. Zévaès, étendit le bénéfice du repos hebdomadaire aux ouvriers et employés, sans distinction d’âge ni de sexe, de presque toutes les entreprises. Le texte de la commission fut adopté par la Chambre le 2^ mars 1902, mais subit d’importantes modilications devant le sénat, où la proposition fut discutée pendant plusieurs séances, en 1906 et 1906. Au cours des travaux préparatoires, la commission du sénat avait consulté de nombreuses délégations d’ouvriers et d’employés, qui avaient été unanimes pour réclamer le repos hebdomadaire, et reçut un grand nombre d’avis favorables, émanant d’importantes associations, telles que la Fédération des employés de France, la Fédération nationale des travailleurs de l’alimentation, la Fédération culinaire de France et des colonies ; de Syndicats ou groupes d’employés de villes de province ; de Chambres syndicales de différentes corporations ouvrières. — Les délégations patronales avaient également été entendues. La délégation des patrons, faisant partie du Conseil supérieur du travail, était d’accord avec la délégation ouvrière pour admettre l’intervention du législateur en cette matière. Les syndicats patronaux s’étaient partagés : ainsi s’étaient montrés nettement hostiles le sj’ndicat de la boulangerie de Paris, le syndicat général de la pâtisserie, le syndicat de la boucherie de Paris et du département de la Seine, la Chambre syndicale de la marine, etc. Il en avait été de même de certaines Cliambres de commerce, notamment de celle de Paris.

La loi nouvelle n’impose, en réalité, l’obligation du repos à personne : elle consacre le principe de la possibilité du repos hebdomadaire pour les employés et ouvriers, en interdisant aux chefs d’établissements de les occuper plus de six jours par semaine. Ce repos, elle le fixe au dimanche. — D’où une double conséquence. D’une part, le patron peut, sans être exposé aux sanctions de la loi, tenir son établissementouvert, au jour fixé pour le repos hebdomadaire, et en continuer l’exploilalion soit seul, soit avec l’aide des membres de sa famille non salaries. D’autre part, l’ouvrier pourra disposer du jour du repos, comme il l’entendra ; il aura même la possibilité de travailler dans un établissement similaire à celui où il travaille habituellement, si le repos y est organisé par roulement.

Voilà le principe. Suit toute une série d’exceptions autorisées, que l’on peut ramener à trois groupes. — i" catégorie d’exceptions. Lorsqu’il est établi que le repos simultané serait préjudiciable au public, ou compromettrait le fonctionnement normal de l’établissement, ce repos pourra être suspendu et remplacé, soit par un roulement, soit par un repos compensateur, soit par une demi-journée du dimanche, complétée par une demi-journée un autre jour de la semaine. — 2 « catégorie d’exceptions. Celle qui accorde de droit le système du roulement. Il y a toute une catégorie de commerces et d’industries qui rentrent dans cette catégorie d’exceptions : toute l’alimentation, le commerce des denrées périssables — l’exception qui se justifie le mieux, — la vente des fleurs naturelles, les transports, — on ne remue jamais tant que le dimanche, — les industries qui

se rattachent à l’hygiène, les cabinets de lecture. Puis une formule générale, comme conclusion : sont comprises dans l’exception toutes les industries dans lesquelles une interruption du travail entraînerait la perte ou la dépréciation du produit en cours de fabrication. — 3’catégorie d’exceptions. Les industries au grand air, celles dont le fonctionnement est arrêté d’une façon presque constante par le cours des saisons, et puis celles où un surcroît d’activité est réclamé à certaines périodes de l’année. Dans ces commerces, le chef d’établissement est autorisé de plein droit par la loi à supprimer quinze repos hebdomadaires par an, quitte à les redonner dans la période de morte-saison.

Au point de Aue de la fixation du salaire, si la loi du 1 3 juillet 1906 interdit à tout chef d’établissement d’occuper plus de six jours par semaine un même ouvrier, elle ne lui impose pas l’obligation de payer à l’ouvrier le jour de repos. Mais cette règle, applicable au salair^p.aj’able « à la journée », ne l’est pas lorsqu’il existe un contrat de louage d’ouvrage, pour une durée déterminée ou non, avec stipulation de paiement du salaire à la semaine, au mois ou à l’année. Dans ce cas, le salaire reste fixé d’après la convention, tant qu’elle n’a pas été dénoncée. — Au point de vue de la ruptm*e du contrat de travail, lorsque aucune durée n’a été déterminée pour le louage de services, la résiliation ne saurait évidemment pas donner lieu à des dommages-intérêts, le refus par le patron de payer, dans l’avenir, le salaire du jour de repos hebdomadaire ne pouvant être considéré comme l’exercice abusif et préjudiciable du droit de résiliation. La même solution paraît devoir être adoptée en matière de louage de services avec détermination de durée.

En résimié. cette loi, qui ne vise que les employés et ouvriers, laisse de côté les patrons, et multiplie les dérogations, porte, dans son application pratique, de telles défectuosités qu’elle a suscité de nombreuses difficultés et bien des révoltes. Le Pouvoir lui-même estimait, dès 1907, qu’elle appelle des modifications. Le pays les attend toujours.

Action catholique. — Le rôle des catholiques au regard du dimanche a été surtout un rôle de propagande et de persuasion : ne disposant ni du pouvoir, ni de la force publique, ils ne pouvaient jouer qu’un rôle moral ; ce rôle, ils l’ont tenu avec efficacité. L’action incessante de la presse et de la parole, depuis une vingtaine d’années surtout, a secoué l’opinion. Des Ligues se sont formées ; les plus anciennes sont catholiques et ont montré la voie.

Née en 18b3, l’Association pour le repos et la sanctification du Dimanche compte parmi ses premiers fondateurs le R. P. Picard, MM. d’Olivier, de Roy s, Coppinger, Baudon, Bailloud, Mgr de Ségur. Honorée d’un Bref de Pie IX, du 21 décembre 1854, elle publiait, à partir de 1854, un bulletin mensuel, sous le nom d’Observateur du Dimanche, qui devient, en 1890, le Bulletin pour le repos et la sanctification du Dimanche, dirigé par M. Hubert-Valleroux. Elle reçoit, à cette occasion, les encouragements de Mgr Richard, archevêque de Paris (lettre du 5 mai 1890 à MM. Chesnelong et Keller). S. S. Léon XIII lui renouvcla, par bref du 15 avril 1890, les privilèges accordés par Pie IX à l’œuvre naissante. Sa fusion avec le Comité d’économie sociale et charitable, fondé et présidé longtemps par M. le vicomte de Melun, et devenu, en 1886, une section du Comité catholique présidée par M. Keller (1889), puis avec l’Association pour le repos du Dimanche dans l’industrie et le bâtiment. lui assura le concours d’hommes d’oeuvres et d’hommes du métier, aussi habiles que bons catholiques. llOi

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Le nombre des membres de cette Association dépasse plusieurs milliers. Le désir du Comité central est de les grouper en comités paroissiaux, rattachés ordinairement à quelqu’une des confréries ou œuvres de piété existant déjà sur la paroisse. Un certain nombre de ces comités existent déjà. En attendant leur formation, partout où l’Œuvre s’établit, un comité local est institué. Les membres de l’Œuvre estiment que leur but principal doit être de procurer non seuleuient le repos, mais aussi la sanctification du dimanche. Il faut avoir d’abord le repos du dimanche : c’est donc le but le plus immédiat, le plus prochain. L’Association travaille à l’obtenir, en faisant appel au sentiment religieux qu’elle estime seul assez fort pour décider l’homme à sacrifier ses habitudes et à les assujettir à la loi de Dieu. — Comme action intérieure, elle demande à ses membres l’engagement de ne pas travailler ni faire travailler le dimanche. Elle leur demande, s’ils ont à faire construire, de stipuler dans leurs cahiers des charges (ou verbalement, s’il s’agit de travaux minimes) que nul travail ne sera fait le dimanche ; s’ils ont des métairies, que les travaux non urgents seront remis aux autres jours. Ils doivent s’abstenir de faire des commandes qui seraient exécutées le dimanche, exiger que les livraisons d’objets achetés ne soient pas faites le dimanche, et les refuser au besoin. Us doivent s’abstenir d’acheter le dimanche, et favoriser de leur clientèle les magasins fermant ce jour-là. — Comme action extérieure, l’Association s’applique d’abord à faire connaître la question du repos dominical, à la vulgariser, soit par des conférences faites chaque année sur divers points par les membres les plus autorisés, soit par ses publications. Outre son bulletin, diA’ers fascicules et des iuiages toutes spéciales, elle publie des brochures de propagande, illustrées et non illustrées, ainsi que des tracts. Toujours représentée dans les congrès, elle sait bien que c’est à force de répéter les choses et de stimuler l’attention qu’on arrive à intéresser le public et à saisir les esprits. Comme résultats immédiatement pratiques, elle provoque la formation de listes de conmierçants s’engageant à fermer le dimanche ; son Bulletin a publié plusieurs de ces listes, concernant soit des quartiers de Paris, soit des villes de province : Nancy, Rennes, Versailles, Lunéville, etc. Depuis plus de vingt ans, dans les assemblées annuelles des actionnaires des Compagnies de chemins de fer, des propriétaires d’actions ou des mandataires recherchés par l’Association prennent la parole afin de demander à l’administration ce qu’elle fait pour le repos du dimanche de ses employés non occupés au service des voyageurs, et des ouvriers de ses nond)reux ateliers. Ces questions, accueillies avec étonnement au début, sont aujourd’luii acceptées, et quelques Compagnies insèrent même dans leur rapport annuel un passage sur le repos du dimanche

L Œuvre rappelle aux actionnaires des diverses Compagnies de chemins de fer ou autres, qu’ils sont, en conscience, obligés de s’occuper de ceux qu’ils emploient, et de leur procurer, dans la mesure de leur pouvoir, le repos dominical. Elle demande à ceux qui sont membres de quelque assemblée délibérante : conseil municipal, Chamltrede commerce, etc., de s’efforcer d’obtenir, par voie de pétition, la fermeture totale des gares de petite vitesse le dimanche, et directement l’insertion, dans les cahiers des cliarges de travaux à exécuter, de l’obligation du repos dominical, clause qui existait jadis pour tous les travaux publics. Sans solliciter l’intervention du législateur — la loi du 13 juillet 1906 a démontré son peu d’elhcacité, — lvssociation demande aux pouvoirs yniblics d’observer eux-mêmes le repos du dimanche

pour leurs nombreux travaux, d’accorder ce jour-là un roulement au personnel de la Poste — roulement qui commence à fonctionner à la satisfaction des catholiques, — et de ne pas empêcher les Compagnies, qui en auraient le désir, de fermer, le dimanche, levu-s gares de petite vitesscv

L’observation du dimanche est, avant tout, affaire de l’initiative privée ; elle est, par-dessus tout, une question de bonne volonté. C’est en ce sens qu’il importe d’agir, en concert déplus en plus actif avec les œuvres similaires, Y OKuvre dominicale de France, fondée à Lyon, en 1853 par l’infatigable apôtre que fut M.deCissey : siège social à Lyon, rue Alphonse Fochier ; organe mensuel, le Z’// «  « 7U’/ « eca</(o//<^ « e, — La Ligue populaire pour le repos du dimanche, non confessionnelle, qui admet toutes les opinions et revendique le seul repos du dimanche. Fondée en 1889 par M. de Nordling, et présidée en dernier lieu par M. Cheysson, elle a surtout exercé une action sur les pouvoirs administratifs, et elle a organisé divers groupes en province, notamment à Lille ; ^ L’Association des propriétaires chrétiens, fondée il y a un quart de siècle par le comte Yvert, persuadée que son premier devoir consiste à protéger le travail chrétien, que les catholiques doivent se soutenir intimement, et qu’il appartient aux plus fortunés, aux plus aisés d’entre eux de donner l’exemple : à cet effet, elle organise des Comités à Blois, à Pau, etc. ; — les L’nio71s fédérales, formées deV L’nion fraternelle, d’où quelques années plus tard sortirent les six Syndicats fraternels du bâtiment, qui comptent près de trente-cinq ans d’apostolat social et corporatif en faveur du repos du dimanche. L’action des Unions fédérales, dans ces deux dernières années, s’est manifestée, au regard du dimanche, par la fondation de la Commission d action sur les acheteuses, réunissant à sou siège social, 368, rue Saint-Honoré, les divers représentants des groupes féminins d’action sociale catholique, des grandes Associations et Ligues ayant pour but le repos du dimanche. Et lorsqu’on 1908 le Comité diocésain de Paris commença à siéger, sa Commission dés œui’rés sociales, présidée par le comte Albert de Mun, mit en tête de son ordre du jour le repos du dimanche : la réunion plénicre du Comité diocésain adopta les principales résolutions pratiques de la Commission d’action sur les acheteuses. Il s’ensuit et il s’ensuivra un mouvement paroissial déjà brillamment inauguré à Saint-Sulpice, grâce au zèle de son pasteur. Voilà un des heureux exemples de ce que peut produire l’action individuelle, prônée par l’Associationpour le repos et la sanctification du dimanche ! Cette association, présidée par le colonel Keller qui a succédé à son vaillant et si regretté père, fortifie présentement son Comité par l’adjonction de membres pris dans le grand connuerce, et compte développer énergiquement son action sur le terrain, forcément laissé jusqu’ici au second plan, de la sanctilication du dimanche.

Cette tâche s’impose d’autantplus impérieusement aux catholiques, qu’ils sont en état d’apprécier pleinement la loi votée en 1906. Par une sorte de conju ration universelle, la loi du repos hebdomadaire qui, dans son texte et dans son esprit, visait le repos dominical, est défigurée à l’envi par des modifications qui la dénaturent ; elle n’empêche pas qu’il y ait quantité de bouti(]ues ouvertes. Le Gouvernement est le premier à trahir la loi du 13 juillet 1906, qu’il était chargé d’appliquer et de défendre. L’initiative privée, l’action individuelle, inspirée par le sentiment religieux, obtiendront bien davantage que l’intervention du législateur. Le grand danger, tant de la loi elle-même que de la manière dont l’appliquent les pouvoirs publics, est d’installer en France le 1103

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repos hebdomadaire tout matériel et tout païen, au lieu du repos dominical, et de transformer systématiquement le jour du Seigneur en un jour de pures distractions et de plaisirs. A quoi bon le dimanche, s’il ne doit servir qu’à permettre aux ouvriers de fréquenter les cabarets ? Telle est la plainte que répètent, non sans raison, beaucoup d’hommes pratiques. Cette critique est malheureusement fondée, partout où l’on fait du dimanche un jour de jouissances matérielles exclusives, et il ne sera évidemment pas autre chose si, sous prétexte de neutralité, l’on écarte toute intervention du sentiment religieux. C’est contre ce suprême danger que les catholiques doivent s’élever et se coaliser, parce qu’ils sont les seuls qui songent à la sanctification du dimanche.

Législation étrangère

Allemagne. — La loi allemande du ij juillet 18-8 porte que les patrons ne poiu-ront astreindre les ouvriers au travail les dimanches et fêtes ; sont exceptés de l’application de cette prescription les travaux qui. à raison de la nature de l’industrie, ne comportent ni ajournement, ni interruption.

Angleterre. — Une loi de 1781 punit de peines très rigoureuses toute violation du repos dominical ; cette loi n’a jamais été abrogée, mais un flc^ du 13 août 1876 (Ann. de législ. étr., 1876, p. 9) a donné à la couronne le pouvoir de remettre toute peine encourue en vertu de ladite loi. Mact de 1872, qui réglemente la ventedesliqueursenivrantes(^7 ?7 ;.rfe législ. étr., 1878, p. 45)> pi’escrit la fermeture des locaux dans lesquels sont vendues ces liqueurs, les dimanches, le jour de Noël, et le vendredi saint pendant une partie de la journée. Une motion de lord Dunraven tendant à autoriser l’ouverture des collections nationales le dimanche, souvent présentée, a été constamment repoussée par la Chambre des lords.

Autriche-Hongrie. — L’art. 13 delaloi du 25 mai 1868 (Ann. de législ. étr., 1876, p. 2^1, note), après avoir établi en principe que nul ne peut être tenu de s’abstenir de travail les jours déclarés fériés par une Eglise à laquelle il n’appartient pas, interdit cependant le dimanche pendant les offices tout travail exécuté ]iubliquement. — La loi du 21 juin 188^ (Ann. de législ. étr., 1885, p. 288) interdit le travail le dimanche dans les mines.

Danemark. — La loi du 7 avril 1876 sur le repos jmblic pendant les jours de fête (Ann. de législ. étr., 1877 p. 603) interdit, les jours de fête de l’Eglise nationale, de neuf heures du matin à quatre heures du soir, tous les travaux dans les maisons ou en dehors qii pourraient, par le bruit qu’ils causent ou par la manière dont on les exécute, troubler le repos des jours fériés. La même loi interdit, aux mêmes jours et pendant les mêmes heures, les ventes et achats dans les lieux publics, ainsi que les transports de marchandises, à Copenhague et autres villes marchandes.

Etats-Unis. — Les lois de plusieurs Etats contiennent des prescriptions relatives à l’observation du repos dominical. Nous citerons parmi les plus récentes la loi rendue dans la Louisiane le 21 juin 1886 (Ann. de législ. étr., 1887, p. 786), qui prescrit la fermeture des magasins et débits, sous les seules exceptions qu’elle détermine, sous peine d’une amende de ^5 à 250 dollars et emprisonnement de dix à trente jours (Ann. de législ. étr., 1879, p. lo/J).

Me.rique. — La loi organique du 14 décend)re 1874 sur les réformes constitutionnelles (Ann. de législ. étr., 1875, p. 712) porte, dans son art. 3, que tous les jours qui n’ont pas pour objet exclusif la célébration d’événements purement civils, cessent d’être jours fériés.

Suisse. — La loi fédérale du 23 décembre 1872 (Ann^ de législ. étr., 187^, p. 882) dispose que les employés de chemins de fer devront avoir au moins un dimanche libre sur trois. Mais une loi du 14 février 1878 (ibid., 1879, p. 555) permet de remplacer le dimanche par un jour ouvrable, quand les nécessités du service l’exigent. Les lois de plusieurs cantons astreignent les citoyens à une observation rigoureuse du repos dominical. Dans le canton de Friljourg, un arrêté du conseil d’Etat du 22 octobre 1880 (ibid., 1881, p. 460) interdit de vacpier aux travaux ordinaires des champs, des ateliers, des usines et des fabriques, d’exercer un métier d’une manière ostensible et bru jante, d’ouvrir des magasins, d’étaler, de colporter et transporter des marchandises, les dimanches et fêtes religieuses.

La danse publique et la danse dans les auberges ou leur voisinage immédiat sont également interdites les jours fériés par une loi du 1 1 déceuibre 1882 (z7>/<^., 1 833, p. 785). Une loi du 2Il avril 1 887 (//-’/"rf., 1 888, p. 702) renferme des dispositions analogues pour le canton d’Unterwald. Dans le canton de Saint-Gall, une loi du a5 novembre 188D(ibid., 1886, p. ^74) interdit, les dimanches et jours fériés, tous travaux d’exploitation industrielle, commerciale et agricole. Une ordonnance du 12 janvier 1884 (ibid., 1885, p. 384) interdit, dans le canton de Schwitz, les dimanches et jours fériés, tous les travaux manuels et mécaniques en plein air ou dans des lieux clos, ainsi que la circulation des voitures, l’ouverture des boutiques et magasins, la chasse, la pêche, et les divertissements publics.

Bibliographie. — P. Antonini, Le dimanche, célébration et repos, Paris, 1880 ; Champagny (comte de), Bu d imanche, Paris. 1887 ; MgDupanloup.Z> » f//mflncve, Paris, 1878 ; E.Gauneron, Le repos du dimanche envisagé au point de -ue du bien-être de tous les travailleurs et de la prospérité de Vindustrie, Paris, 1882 ; Mg"" Gaume, Lm profanation du dimanche, considérée an point de vue de la religion, de la société, de la famille, de la liberté, du bien-être, de la dignité humaine et de la santé, Paris, 1870 ; A- Gibon, L.e repos du dimanche et l’industrie, Paris, 1891 ; F. Gibon, La Croisade du dimanche, Paris, 1889 ; Za nécessité sociale du dimanche, Paris, 1891 ; Le dimanche de Vhomme des champs, Paris, 1899 ; /e dimanche de l’ouvrier, Paris, 1910 ; E. Hello, Le jour du Seigneur, Paris, 1871 ; le P. Hyacinthe, Discours : Le dimanche et les classes laborieuses, Paris, 1871 ; A. Jordan, Du repos hebdomadaire, Paris, 1870 ; R. Lavollée, L.e dimanche et les chemins de fer. Paris, 1889 ; Mi ?"" Le Courtier, Le dimanche, Paris, 1850 ; J. Lefort, Etudes sur la moralisation et le bien-être des classes oin’rières, Paris. 1874 ; F. Lescujer, Becherches sur le dimanche, Paris, S. d. ; A. Lombard, L’institution du dimanche dans ses rapports avec la société, Paris, 1869 ; Montalembert (de). De l’observation des dimanches et jours fériés. Rapport sur la proposition de M. d’Olivier, Paris, 1851 (Œuvres, t. III) ; Abbé MuUois, Le dimanche au peuple, Paris, S. d. ; W. de Nordling, L.e repos du dimanche et le service des chemins de fer, Paris, 1890 ; A. d’Olivier, De l’observation du dimanche^ Paris, 1852 ; Me Parisis, L.a sanctification du dimanche, Paris, 1866 ; F. Pérennès, De l’observation du dimanche considérée sous les rapports de l’hygiène publique, ^^ de la morale, des relations de famille et de cité, Paris, 1840 ; De l’institution du dimanche considérée principalement dans ses harmonies avec les besoins de notre époque, Paris, 1844 ! Me^Perraud, La sanctification du dimanche, Paris, 1891 ; P. J. Prou1105

DIME ECCLÉSIASTIQUE

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Consulter aussi ; Congrès international du repos hebdomadaire, de 1889, au point de’ue hygiénique et social, Paris et Genève, 18yo ; Répertoire méthodique et alphabétique de législation, de doctrine et de jurisprudence, de Dalloz, t. XIV et XXIX, et supplément au Répertoire, t. IX.

Revues exclusivement consacrées à la question dominicale : Bulletin de la Ligue populaire pour le repos du dimanche, Paris ; Bulletin dominical, publié par la section suisse de la Fédération internationale pour l’observation du dimanche, Genève ; Dimanche catholique, Annales de l’œuvre dominicale de France, Lyon ; Le repos et la sanctification du dimanche, Paris.

Sur la loi du 13 juillet 190IJ : Arnibruster, Le j repos hebdomadaire, Paris, 1907 ; Bonnefoy, Le repos hebdomadaire, étude de la loi avec la juris- 1 prudence, Paris, 1907 ; Bulletin commentaire des 1 lois nouvelles et décrets, art. de L. Guibourg ; Bruneau, ie repos hebdomadaire, Paris, 1907 ; Mesnard. Le repos hebdomadaire, Paris, 1907.

Fénelon Gibon.