Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Confirmation

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 1 – de « Agnosticisme » à « Fin du monde »p. 334-336).

CONFIRMATION. —
I. Données dogmatiques. — II. Données historiques. — III. Problèmes et Solutions. — IV. Bibliographie.

I. Données dogmatiques. — Le concile de Trente déilnit que la Gonlirmation est vraiment un sacrement au sens propre du mot, institué donc par JésusChrist. Sess. vii, de Conf. can. i, et rfc Sacrum, can. 7. Denzinger-Bannwart 871 (762) et 844 (726) ; il nie qu’elle ait jadis été simplement une catéchèse et une profession de foi des enfants arrivant à l’adolescence ibid.). Le décret Lamentabili, n. 44 (Denz. 2404) condamne en outre ceux d’après qui « rien ne prouverait » qu’elle ait été en usage chez les apôtres et pour qui « la distinction formelle des deux sacrements, savoir le baptême et la confirmation, n’appartient pas à l’histoire du christianisme primitif ». Touchant le ministre, il est défini que l'évêque seul est ministre ordinaire de la confirmation. Gonc. de Trente, s. vii, de conf. can. 3, Denz. 878 (764), et que le pouvoir qu’il a de confirmer ne lui est pas commun avec les simples prêtres. Ibid. xiii, can. 7, n. 967 (844). Enfin il est défini que ce sacrement imprime dans l'âme un caractère spirituel et indélébile, et que par suite il ne peut être réitéré. Trente, s. vu de Sacram. can. 9, Denz. 852 (734)- La validité de la confirmation conférée par un ministre non catholique n’a pas été définie comme celle du baptême ; mais elle est aujourd’hui universellement admise et sanctionnée par la pratique de l’Eglise, qui ne la réitère pas. Rien n’est défini sur les constituants essentiels, matière et forme, du rite sacramentel : néanmoins, des déclarations et de la pratique de l’Eglise (Denz. n. 571 [Clkment VI], n. 697 (692) [EuGf ; >'E IV, Ad Ar/ne « os], n. ig86 [Clément VIII]) il ressort, comme un enseignement de la doctrine catholique, que, actuellement, l’onction faite sa ?- le front avec du chrême béni par l'évêque est partie essentielle du rite. Que le mélange du baume avec l’huile pour former le chrême soit essentiel à la Aalidité, c’est l’opinion plus commune des théologiens, mais elle n’est pas hors de conteste.

II. Données historiques. — Dans les temps apostoliqties, apparaît à côté du baptême un rite spécial conférant le Saint-Esprit par l’imposition des mains : il est accompli par les apôtres seuls et accompagné, au moins quelquefois, de manifestations charismatiques (certainement pour les disciples d’Ephèse, Act. XIX, 1-16, peut-être aussi pour les chrétiens de Samarie baptisés parle diacre Philippe, Act. viii, 1418) ; aucune mention n’est faite d’une onction accompagnant l’imposition des mains, et rien ne prouve que dans II Cor. i, 21 et I Jo. 11, 27 le mot d’onction n’ait pas simplement son sens symbolique habituel, de consécration à Dieu, d’effusion des dons du ciel. — L’onction rituelle est attestée par Tertullikn comme venant, après le baptême et à côté de l’imposition des mains, compléter l’initiation chrétienne par une effusion spéciale du S. Esprit (spécialement De resurrect. carnis, n. 8, P. /., II, 806) : mais elle est plus ancienne et on en trouve des indices dès le II' siècle. Les deux rites sont attestés encore dans la suite par S. Cyrille de Jérusalem et plusieurs textes liturgiques orientaux (Testament de J.-C, Constit. ecclés. d’Egypte, Canons d’IIippolyte, cf. Doelger,

p. 77-83) : mieux encore par les sources occidentales (Doelger, p. 58 suiv.) ; mais rapidement l’onction faite sur le front prend la première place, au point qu’en Orient l’imposition des mains disparaît complètement et qu’en Occident elle n’est conservée que sous forme d’imposition générale. Et quand, au moyen âge, se précise la doctrine sacramentaire, c’est l’onction qui apparaît comme constitutif essentiel du sacrement : seule elle est mentionnée par Eugène IV, J^/ ^/-mewos, Denz. 697 (592), et mentionnée comme ayant pris la place de l’imposition des mains employée par les Apôtres.

Au début, l'évêque accomplissait lui-même le rite de l’initiation : plus tard, des prêtres l’aident, le remplacent pour une partie de la cérémonie, auprès des mourants ou dans les églises rurales : ils accomplissent une onction sur les épaules, ou même sur tout le corps du baptisé : mais, sauf rares exceptions, l’onction du front reste réservée en Occident, à l'évêque. En Orient, dès avant Photius (Doelger, p. 123) elle est accomplie d’une façon habituelle par de simples prêtres, l'évêque se réservant seulement la bénédiction du chrême (/xùpov).

Enfin, soit en Orient, soit en Occident, on constate une grande ressemblance entre le rite coUateur de l’Esprit-Saint et celui de la réconciliation des hérétiques, même dans le cas où on admet la valeur du baptême conféré hors de l’Eglise [Etienne P au me siècle impose les mains. Cypr., E^/sLlxxiv, i (Hartel, p. 799) ; Marutas de Maipherkat vers 400, fait à certains hérétiques, qu’il ne rebaptise pas, une triple onction (Doelger, p. 187)]. Aujourd’hui l’Eglise grecque orthodoxe reconfirme les hérétiques et les apostats (voir Jugie, La reconfirmation des apostats dans l’Eglise gréco-russe, Echos d’Orient, 1906, p. 65).

III. Problèmes. Solutions. — Le rapprochement de ces deux séries de données soulève un certain nombre de problèmes, facilement tournés en objections contre la valeur des premières.

a) Peut-on attribuer au Christ l’institution de la Confirmation ? Les faits semblent indiquer qu’il y avait au début un rite d’initiation dont le baptême formait le centre, mais comprenant aussi des cérémonies complémentaires (onctions, imposition des mains…) qui se sont peu à peu développées et ont fini, les circonstances aidant, par s’en détacher pour former un sacrement indépendant : ainsi s’explique bien que les mêmes rites aient été emploj es dans la réconciliation des hérétiques, qui était une sorte de complément à l’initiation reçue en dehors de l’Eglise ; quant à l’imposition des mains par les Apôtres, c'était une collation de charisme, n’ayant rien de commun avec la confirmation (voir par exemple Caspari, art. Konflrmation dans RE de Hauck, t. X, 1901, 676). Telle est l’objection. Alexandre de Halès (Summa, iv, q. 9, n. i) a soutenu l’opinion étrange que la confirmation aurait été instituée au concile de Meaux en 845 : bien que le concile de Trente ne semble pas avoir aouIu la condamner expressément, cette opinion d’une institution simplement médiate de la Confirmation par le Christ, rejetée par la masse des scolastiques au moyen âge, a été complètement abandonnée depuis, et paraît difficilement conciliable avec le sens général de la tradition (voir DE Bæts, Quelle question le Concile de Trente a-t-il entendu trancher touchant l’institution des Sacrements par le Christ ? Revue Thomiste, mars 1906). M. FovnRr(La théologie sacramentaire, 1907, p. 278, 295) parle d’une institution immédiate, mais implicite par le Christ. Mal interprétée, cette formule risquerait de se concilier difficilement avec la condamnation 44 du décret Lamentabili citée plus haut. Mais 653

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Tauteur admettant (jii’on a toujoTirs enseigné « la distinction au moins virtuelle des deux rites », sa solution se rapproche de la suivante.

Pom" M. DoELGER, malgré l’habitude, courante dans les premiers siècles, de considérer comme un tout unique la cérémonie de l’initiation, de la désigner souvent sous le nom général de baptême, il y a toujours eu dans cet ensemble un rite spécial en corrélation avec la promesse du S. Esprit faite par le Christ ; l’individualité de ce rite est manifestée par les effets distincts qu’on lui attribue, par le chois du jninistre qui l’accomplit, par sa séparation effective d’avec le baptême dans quelques cas particuliers, séparation qui devient la règle, au moins en Occident, quand la multiplication des paroisses fait confier aux prêtres la collation habituelle du baptême. Ce rite existe dès l’âge apostolique : si les charismes accompagnent l’imposition des mains faite par les apôtres, ils sont simplement une suite, une manifestation du tlon reçu, le don intérieur de l’Esprit, et non l’effet principal, unique du rite (voir Ruch, Confirmation dans la Sainte Ecriture, D. Th. Cath., II, surtout c. 986, suiv.). Si donc l’histoire seule risque de ne pas mettre hors de doute l’institution divine de la confirmation, du moins elle ne contredit pas les données dogmatiques, tout au contraire.

Quant à l’imposition des mains aux hérétiques convertis, on a cru souvent y reconnaître la confirmation. Mais de nombreux théologiens s’y refusent (TouRNELY. Frank, Schavane, Schell, Schanz, Pesch…). Cf. ci-dessus, art. Baptîîme, col. /114 Il semble qu’on ait toujours bien vu que la confirmation validement conférée ne se réitérait pas ; mais de même que pour le baptême et l’ordre, et plus longtemps que pour le baptême, il y a eu des hésitations doctrinales sur les conditions de cette validité quand le ministre n’est pas catholique ; et des traces de ces hésitations sont restées dans la liturgie, à des époques où le sens de cette réconciliation ne faisait plus de doute. Il faut aussi noter que, dans bien des cas, les expressions d’imposer les mains pour donner le Saint-Esprit aux hérétiques convertis, viennent de ce que l’initiation reçue hors de l’Eglise, tout en étant valide, n’a pas donné la grâce, le Saint-Esprit, n’a pas été fructueuse, selon l’expression actuelle (voir DoELGER, p. 145, et Saltet, Les Réordinations, Paris, 1907, p. 22-28 et 402-406).

h) Si Jésus-Christ a institué La Confirmation, comment expliquer les variations que l’on constate dans la manière de l’administrer, par imposition des mains ou par chrismation, en employant des formules très diverses ?

La réponse à cette question est conditionnée par la conception qu’on a de l’institution divine des sacrements.

Si J.-C. a déterminé expressément, in specie, tous les éléments essentiels à la validité du rite sacramentel, il faut choisir entre trois hypothèses : i) seule l’imposition des mains est essentielle, et elle se retrouve é(iuivalemment dans la chrismation du front : mais le relief donné à l’onction et la pratique de l’Eglise ne permettent pas de n’y voir ([u’une cérémonie accessoire ; défendue par Habert, Sirmond, ii’lte position est aujourd’hui abandonnée ; 2) seule 1 onction est essentielle au sacrement : mais rien n’autorise à alHrnu-r qu’elle ait été en usage aux tinips ajjosloliqucs ; 3) imposition des mains et iinclion sont essentielles et se trouvent réunies dans le L ; (ste de l’évêque imposant le chrême au front du baptisé ; mais pour l’onction reparait la même dillicullé

: iu sujet des temps apostoliques : bien que souvent

défendue aujourd’lmi, cette dernière solution ne rend (lune compte que dillicilement des données histori ques. Pour la forme du sacrement, les mêmes auteurs disent que seul le sens fondamental, qui subsiste sous les diverses formules, a été indiqué par le Christ, mais divergent en partie quand ils veulent préciser ce sens.

Par là on se rapproche du second principe de solution proposé, savoir que le Christ a seulement déterminé la grâce à conférer, le sens général du rite, laissant à l’Eglise le pouvoir d’en préciser les éléments, même nécessaires â la validité : les uns étendent ce pouvoir jusqu’à la substitution pure et simple de l’onction à l’imposition des mains ; d’autres (ScHMiD, par exemple, Die Gewalt der Kirche heziiglich der Sakramente, Zeitsch. f. Kath. Théologie, 1908, p. 43 sqq.) disent que le Christ a institué le rite fondamental de l’imposition des mains, rite que l’Eglise a précisé en déterminant que cette imposition se ferait sous forme de chrismation du front : on ne peut nier que cette vue soit ancienne, on retrouve cette assimilation de la chrismation et de l’imposition des mains dans le Testament de X.-S. et la Constitution ecclés. d’Egypte (Doelger, p. 82), et il semble que cette dernière solution explique suffisamment les faits, tout en conservant bien les données dogmatiques.

c) A quoi correspond historiquement la notion dogmatique de ministre ordinaire ? Comment la concilier avec le fait qu’en Orient ce sont les prêtres qui administrent habituellement la Confirmation ? — En d’autres termes : en vertu de quel pouvoir un prêtre peut-il extraordinairement conférer la Confirmation ? Si c’est le pouvoir d’ordre, pourquoi ne peut-il pas la conférer validement, bien qvCillicitement, sans aucune délégation ?

De nombreux systèmes ont été proposés pour résoudre la difficulté (voir Doelger, p. 206 sqq.) : on a recouru à la nécessité d’un pouvoir de juridiction nécessaire pour la confirmation comme pour la pénitence, pouvoir que le prêtre recevrait dans la permission que lui donne le pape de confirmer ; on a vu dans cette permission un complément venant élever le caractère sacerdotal. Il semble qu’il faille dire plutôt que l’ordination donne bien au prêtre le pouvoir d’ordre pour confirmer, mais que l’exercice valide de ce pouvoir n’est pas chez lui soustrait à l’action de l’Eglise : ce pouvoir peut être possédé ou bien â titre de ministre ordinaire, pleinement indépendant, et s’exerce alors toujoms validement ; ou à titre de ministre extraordinaire, d’une façon inférieure, plus dépendante, par le simple prêtre qui ne l’exerce validement que dans les limites prescrites par l’Eglise pour les divers temps et les diverses régions (voir Schmid, loc. cit., p. 50). Ainsi l’on explique les faits, tout en maintenant avec le Concile de Trente la différence des deux pouvoirs touchant la confirmation.

IV. Bibliographie. — Bellarmin, XU^ Controversia generalis, lib. 11, de Confirmât. ; Sainte-Beuve, De Confirmatione et Extrema l’nctione (1686) ; Morin, De Sacramcnto Confirmationis (Opéra Posthuma, l’joS) ; Witasse, De Confirmatione (1738) (dans Migne, Cursus TheoL, t. XXI) ; Chardon, Histoire des Sacrements (174^) (dans Migne, ibid., t. XX, 159-214) ; Nepefny, Die Firmung, Passau, 1869 ; Janssens, La Confirmation, Lille, 1888 ; Heiinbucher. Die hl. Firmung, Awgshuvg, 1889 ; Schanz, Die Lehre von der hl. Sakramenten, Freiburg, 1898 ; Wirgman. The doctrine of Confirmation, cunsidered in relation to Hoir Baptism., London, 1902 ; Dôlger, Das Sakrameni der Firmung, Wien, 1906 ; C. Huch, Bareille, Bernard, etc., art. Confirmation dans Dict. Theul. Cath., II, 975-1103 (1907). Les 655

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deux derniers donnent une bibliographie fort complète ; on pourra consulter en outre le traité De confivmatione des principaux cours de théologie ; les textes liturgiques dans les recueils de Martène (nombreuses formules du haut moyen âge), Goar et Denzinger pour les orientaux, von Maltzew pour les Russes.

J. DE GUIBERT, s. J.