Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Clergé (Criminalité du)

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 1 – de « Agnosticisme » à « Fin du monde »p. 280-291).

CLERGÉ (CRIMINALITÉ DU). — Les ennemis de la religion attaquent volontiers la moralité du clergé catholique et exploitent contre la loi du célibat ecclésiastique des défaillances individuelles vraies ou prétendues. La question de droit sera traitée au mot Sacerdoce chrétien. Quant à la question de fait, voici, à titre de document, les résultats d’une enquête faite en France dans les premières années du xx^ siècle.

I. Utilité de la criminalité comparée. — II. Za criminalité dans les professions libérales : ï* Observations préliminaires ; 2° La criminalité comparée, de 1864 à 1 8g3 : a) Statistique sur le nombre des propriétaires ; b) sur le nombre des professeurs et instituteurs laïques ; c) sur le nombre des congréganistes et des ecclésiastiques séculiers ; d) tableau des condamnations ; 30 La criminalité de 180 i à 1897 ; 4" de 1898 à 1901 : a)Discussion du recensement professionnel de 1896 ; h) tableau des condamnations. — III. La criminalité dans le personnel laïque de l’enseignement : i" Tableaux statistiques ; 2’^ L’invraisemblance du changement et ses motifs ; ’5° Conversion simultanée des fonctionnaires ; 4" Ce qu’on doit conclure. —

IV. Les crimes contre les mœurs chez les maîtres laïques et dans le clergé et les congrégations. —

V. Za criminalité dans les professions non libérales : 1" Comparaison sommaire et générale ; 2" Statistique criminelle dans les diverses professions non libérales. — VI. Statistiques mensongères. — VU. Conclusiotis.

X. B. — Le mol criminalité sera pris ici dans son sens propre : il ne sera question que des faits qualifiés crimes par la loi, ceux qui conduisent les accusés devant les com*s d’assises. Nous laisserons de côté les simples délits, justiciables des tribunaux correctionnels. Ceux-ci, étant moins graves, appellent moins l’attention ; et d’ailleurs les statistiques par professions, que le gouvernement a fait dresser jusqu’au début du vingtième siècle, ne s’applif{uent pas aux actes délictueux : elles ne concernent que les actes criminels. Il faut donc se borner nécessairement à ces derniers, si l’on veut étudier, d’après les documents officiels, la moralité comparée des diverses professions, en France, depuis un demi-siècle, y compris le clergé séculier et régulier’.

I. Utilité de la criminalité comparée

On sait combien les ennemis de l’Eglise ont abusé et al)usent des défaillances isolées que l’on observe de temps en temps chez les ecclésiastiques et les membres congréganistes de l’enseignement libre ! Us les relèvent avec zèle, les signalent avec des cris de joie, et en tirent les conséquences les plus opposées, on va le voir, à la justice et à la vérité. Et en même temps ils se taisent sur les crimes des autres professions. Il n’y a pas de méthode plus inique.

Si l’on veut parler des actions coupables d’un groupe et indiquer son niveau moral, la seule manière de ne pas jeter le public dans l’erreur, et dans une erreur grave, nuisible à toute une catégorie de citoyens, c’est de donner aussi la proportion des crimes, qu’on rcnuirque dans les groupes voisins ; c’est d’établir la criminalité comparée entre les professions. Il faut publier les statistiques criminelles des principales classes de la société française, — ou n’en publier aucune. C’est le seul moyen de placer chacun à son rang et de mettre l’opinion publique en état de juger d’une manière équitable.

1. La comparaison pour les délits serait plus avantageusf encore au clergé que ne l’est celle des crimes, qui l’es’beaucoup cependant, comme on le verra.

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CLERGÉ (CRIMINALITE DU)

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II. Criminalité comparée d’après les statistiques officielles dans les professions libérales

1* Observations préliminaires.

a) Il est évident d’abord que, pour ol)tenir des résultats qui ne puissent êti-e attribués au basard de circonstances fortuites aussi bien que passagères, on est tenu d’étudier des périodes comprenant un certain nombre d’années.

Nous ferons donc remonter cette étude une quarantaine d’années plus haut que le xx^ siècle, jusque vers l’époque où le Ministère de la Justice commença à séparer, dans ses statistiques criminelles, l’enseignement laïque et l’enseignement congréganiste. D’autre part, il n’est pas possible de pousser l’enquête plus bas que l’année 1901. Car les résultats des années suivantes ne peuvent donner lieu à l’établissement de moyennes comparées. On sait, en effet, que, pour obtenir ces moyennes, il faut prendre un nombre de personnes déterminé, par exemple celui de 1 00.000. comme unité de comparaison entre les groupes divers. Mais pour ramener les résultats d’un groupe à ce nombre, il est évidemment indispensable de connaître exactement l’importance numérique du groupe. Or, dans les premières années du xx’siècle, les congrégations ayant été dispersées, il est devenu impossible de savoir combien il reste encore en France de congréganistes. Un des éléments nécessaires du calcul manque donc pour eux désormais, et on ne saurait cependant les cxchire d’une comparaison, où les adversaires de l’Eglise les font sans cesse entrer.

Mais comme les tableaux qu’on va voir s’étendent sur un espace de près de quarante ans, l’expérience est assez longue pour être concluante et pouvoir servir de. base à un jugement autorisé sur les années suivantes. Car la nature humaine reste toujours semblable à elle-même : les mobiles qui l’entraînent vers le mal et les principes qui la retiennent dans le ])ien agissent sTir elle d’une manière identique, ou du moins analogue, tant qu’ils ne changent pas en eux-mêmes, — et les premiers sont éternels. En pareil (as, on sait ce qui est par ce qui a été.

I>) Notons, en outre, qu’il convient de diviser en plusieurs parties cette période de près d’un demisiècle. Deux raisons justiûent une telle division et l’appellent. La première, c’est la partialité passionnée que le gouvernement, maitre souverain de ses statistiques, a montrée pour les instituteurs laïques, et qui s"est fait sentir violemment, on le verra, dans la criminalité de ce groupe. Les résultats ont été faussés depuis lors sur ce point ; il est donc intéressant et instructif de voir ce qu’ils étaient avant cette intervention déloyale, et ce qu’ils sont devenus ensuite.

La seconde raison, c’est le nouveau recensement quia été fait, en 1896, au point de vue professionnel. Ce recensement, sur lequel nous reviendrons, a changé tous les chiffres admis jusqu’alors, en ce qui regarde le nombre respectif des membres de chaque profession. Il n’est pas possible de ne pas tenir compte d’un pareil changement, appelé, si on l’accepte, à modiŒr toutes les moyennes. On est donc obligé de dresser des tableaux à part, depuis l’époque où ont paru les chiffres du nouveau dénombrement.

c) Disons enfin que c’est avec les professions libérales surtout qu’il convient de comparer le clergé, les congrégations et le personnel enseignant chrétien, qui appartiennent eux-mêmes à ces professions. Car la comparaison est plus naturelle, et aussi plus caractéristique, entre des hommes rapprochés par l’instruction, par l’éducation et souvent par la société où ils vivent. Mais, d’autre part, s’il est juste de s’occuper principalement de la criminalité dans les profes sions libérales, on ne saurait négliger absolument de l’étudier chez les autres. Nous parlerons donc aussi, bien que sans y insister autant, des crimes commis par les professions non libérales.

2" La criminalité dans les professions libérales, de 1861 à 1893- — Dans le tableau qui va suivre, le nombre des crimes pour chaque profession est emjirunté à un document ofTiciel, les Comptes généraux de Vadministration de la justice criminelle. Ce document, qui forme un volume annuel, est publié par le Ministère de la Justice.

Quant à la population des divers groupes, élément indispensable pour ramener les résultats à une moyenne qui permette la comparaison, elle est facile à connaître pour la plupart, difficile pour quelques-uns, impossible pour certains autres. Expliquons-nous.

a) Il faut mettre d’abord, parmi les groupes dont la population ne peut pas être connue exactement, les fonctionnaires, les rentiers et propriétaires.

Nous retrouverons plus tard les fonctionnaires, dont l’étal numérique a varié, dans les documents officiels, de 66.goo à 350.ooo, dix ans après, lors du recensement de 1891.

Quant aux propriétaires et rentiers, le même recensement porte leur nombre à 2.281. 513. Evidemment ce chiffre énorme s’étend à bien des individus qui ne vivent pas uniquement de leurs propriétés ou de leurs valeurs mobilières ; beaucoup ont une profession, et le Ministère de la Justice les y rattache quand ils sont envoyés devant une coiir d’assises. Il s’ensuit que. si l’on divisait le total des crimes commis par les véritables rentiers et propriétaires, les seuls dont l’administration de la Justice s’occupe, par le nombre qu’on a vu et qui comprend, avec eux, bien d’autres personnes pourvues d’une profession libérale ou d’un métier, la moyenne obtenue ne pourrait qu’être erronée : elle descendrait très au-dessous de la réalité et ce groupe occuperait, dans l’échelle de la moralité publique, une place qui ne lui revient pas.

Le ridicule même du résultat en serait, à lui seul, une preuve éclatante, irrésistible ; car dans la période trentenaire dont on verra tout à l’heure l’ensemble, les propriétaires et rentiers comptant environ 2^ condamnations par an, si l’on adoptait comme véritable l’évaluation donnée en 1891 pour leiu* population, ils n’encourraient à peu près qu’ « 7 ;e condamnation, chaque année, par 100.000 individus. Ils seraient ainsi infiniment plus moraux que les plus moraux de ceux qui travaillent, soit des mains, soit de l’esprit Au lieu d’être la mère de tous les vices, comme on l’en accuse, l’oisiveté dcvrait passer, au contraire, pour 1* mère de foutes les vertus, et une mère miraculeusement féconde.

Il est donc impossible de faire iigxirer ce groupe dans un tableau comparé de la criminalité des professions : on manque de l’un des deux éléments essentiels du calcul : le chiffre exact, ou seulement approximatif, des individus qui le composent.

b) Un autre groupe mérite aussi de fixer l’attention, i)our le nombre de ses membres. C’est celui des professeurs et instituteurs laïques.

Sa population, qui était de 62.180 en 1866, s’éleva à 60.420 en 18’ ; 2. Une vingtaine d’années après, en 1891, par conséquent dans la dernière partie de la période dont nous allons nous occuper, l’Annuaire statistique de la France l’estimait à 98. 626, total que la mênu" publication a porté plus récemment à 101. 01 3. Mais dans ce total il n’est question que des maîtres et maîticsses de l’enseignement primaire. Ceux de l’enseignement secondaire étaient en 1 891, d’après le budget. 8.277.’b’i"^ reuscigiicnicnl public (lycées et

18 54 :

CLERGE (CRIMINALITÉ DU)

548

collèges). Quant aux maîtres laïques de l’enseignement secondaire privé, si l’on n’y rattache pas ceux que les directeurs des écoles appellent pour faire des cours mais qui ont ailleurs leui" emploi principal — et on ne saurait les y rattacher sans les compter deux fois — ils forment un contingent assez modeste. Que l’on considère, en effet, les élèves de cet enseignement ! Ils sont sept ou huit fois inférieurs en nombre à ceux de l’enseignement secondaire public. Or l’Etat, qui ne regarde pas à la dépense, multiplie bien plus les professeurs et les surveillants que les directeurs des écoles privées. Donc les maîtres, particuliers à ces dernières écoles, sont au moins sept ou huit fois moins nombreux que ceux des écoles publiques similaires. Par conséquent, si l’on suppose qu’ils constituent, avec les professeurs de l’enseignement supérieur, dont nous n’avons pas encore parlé, un ensemble de treize à quatorze cents membres, on est certainement au-dessus de la réalité plutôt qu’audessous.

En ajoutant ce nombre aux 8.2’j’j professeurs de l’enseignement secondaire public et aux lOi.oiS de l’enseignement primaire à tous les degrés, on obtient le total de 1 10.669, lequel représente ainsi l’ensemble du personnel enseignant laïque, en France.

c) Enfin la population formée par les congrégations et le clergé appelle aussi quelques observations. Pour les congrégations, il faut se délier des recensements : ils donnent des eliiffres trop bas, beaucoup de membres du clergé régulier ne jugeant pas à propos de s’inscrire comme congréganistes.

Mais nous avons un autre document ofTiciel. Dans les dernières années du xix® siècle, sur la demande de la Chambre des Députés, le gouvernement a fait une statistique particulière des congrégations. Il a trouvé qu’elles comptaient (en dehors du clergé séculier naturellement) 160.000 membres, soit 30. 000 religieux dont 24.000 autorisés, et 130.ooo religieuses, dont ii’j.ooo autorisées.

Admettons cette évaluation, faute d’autres renseignements.

En ce qui regarde le clergé séculier, je ne pense pas qu’aucun document, officiel ou non, en indique exactement l’état numérique. Le dénombrement de 1866 le portait à 51.ooo. D’après V Annuaire statistique de la France, le « personnel du clergé catholique au i"^"" janvier 1890 (France et Algérie) » s’élevait à 55.389. Mais dans l’état détaillé qu’il donne, V Annuaire oublie et les professeurs des collèges libres (il mentionne ceux des séminaires) et les vicaires et aumôniers non rétribués par l’Etat. On lit, d’autre part, dans les Résultats statistiques du dénombrement de 1891 (Ministère du Commerce, Paris 189^, page 306) :

« Le nombre des membres du clergé catholique est

de 45. 1 1 5 pour le clergé séculier. » Mais, en rapportant ce nombre, le rédacteur croit devoir faire remarquer que l’administration des cultes aune statistique différente et qu’elle « compte en nombre rond 55.000 membres du clergé, y compris les directeurs et professeurs de séminaires ».

Et voilà comment les divers ministères s’entendent chez nous, sur le même point ! Ce qu’il y a de piquant, c’est qu’aucun d’eux, on va le voir, n’est dans la vérité.

Mais le meilleur moyen de se tromper assurément, c’est de s’en rapporter, comme font quelques écrivains, au Ministère des Finances, c’est-à-dire de juger par le budget. Puisque nous parlions tout à l’heure de l’état du personnel ecclésiastique en 1890, ouvrons le budget de 1891. Il compte l’j archevêques, 67 évêques, 187 vicaires généraux, 695 chanoines, 3.450 curés, 31.001 desservants, 6.932 vicaires, soit au total, 42.347 ecclésiastiques. Ce nombre est loin du nombre

total des prêtres en France. Nous pensons que le clergé rétribué ne représentait pas tout à fait les trois cinquièmes du clergé français, et, voici les chiffi"es que nous donnerions :

Clergé rétribué à la fin du xix’siècle,.. 42.347

Prêtres habitués 4. 38 1

Aumôniers 2. 737

Directeurs et professeurs des séminaires. 4. 376

Ces chiffres sont de l’administration des cultes. II faut y ajouter, en nombres ronds, pour l’époque à laquelle les chiffres précédents se rapportent :

Professem-s (non congréganistes) des collèges libres 3. 000

Professeurs des Facultés catholiques…. 100

Vicaires et aumôniers non rétribués par

l’Etat, prêtres en retraite 15.ooo

Précepteurs, prêtres libres (approximativement ) 500

Total 72.441

</)Donc le tableau des condamnations qui va suivre ne s’occupera ni des propriétaires et rentiers ni des fonctionnaires, et, pour le groupe des maîtres laïques et celui du clergé et des congrégations, il donnera les évaluations numériques qui résultent des observations précédentes.

Avant ces évaluations, on trouvera, dans nos colonnes, le nombre des condamnations annuelles de chaque catégorie, tel qu’il fig.re dans les Comptes généraux du Ministère de la Justice.

Nous indiquons ensuite le total qu’elles forment dans la période trentenaire qu’embrasse le tableau.

Vient enfin, calculée d’après ces bases, la moyenne annuelle des condamnations pour un nombre hypothétique de 100.000 personnes par groupe, pris comme unité de comparaison.

Le tableau s’étend de 1 864 à 1 893 inclusivement.

(Lire ici le premier t(ibleau de la page suivante.)

Donc la classe qui renferme le Clergé et les Congrégations, rassemblés en un seul groupe, pour ne parler que des professions où la moyenne est sûre, a subi six fois moins de condamnations que les médecins, chirurgiens, pharmaciens ; huit fois moins que les peintres, sculpteurs, tous les artistes en général, et plus de vingt fois moins que les gens du Palais ; elle est enfin, hardiment et de beaucoup, la première, au point de vue moral, parmi toutes les classes de la société française.

Tels sont les résultats pour la période trentenaire de 1864 à 1893 !

Quels sont-ils pour les années qui ont suivi, Jusqu’et y compris 1901 ?

Le recensement professionnel, qui a eu lieu en 1896 et dont les chiffres ont été publiés un peu plus tard, va nous obliger, nous l’avons dit, à partager cette seconde série en deux séries de quatre ans chacune.

3° La criminalité dans les professions libérales de 1891 à 1897 inclusivement.

La statistique qu’on va voir offre un intérêt particulier : elle concerne des années pour lesquelles les journaux ennemis avaient publié, avant l’apparition des documents officiels, nous le montrerons plus loin, de longues listes de condamnations, destinées à donner l’impression et, par leiu- précision apparente, capables de faire croire que les membres du clergé 549

CLERGÉ (CRIMINALITE DU)

550

TABLEAU DES CONDAMNATIONS CRIMINELLES

Pronoacées contre les membres des principales professions libérales dans la période trentenaire de 1864 à 1893

l’ROFKSSlOxNS

.VXNÉES

TOTAL

DES

COND.VMNATIONS

PENDANT

LA PÉUIODE

NOMDHE I>E PERSONNFS

COMPOSANT I. E IV II P E

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ï : ^ £ « 

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Notaires, avocats, avoués,

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100, 32

Médecins, chirurgiens.sa ges-femmes, phar.iiac..

12

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1

5

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13

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I I

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12

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15

II

7

10

15

12

8

30f.

42.570

25, 64

9 22

6 22

1 I

23

21


3

10 16’4

18

9

18

9 26

10

23

14 26

9 22

9

5 16

8’9

4

4

6

20

9

10 10

9

16

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6 12

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10 9

235

("1438 Cl

23.630 I 10.669

35, 32 10, 21 ( ?i

Professeurs ^, ^..q^^^ ^

5

instituteurs ^’"S^é&^°-^(

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I

4

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8

4

3

6

3

3

5

5

I

131

60.620

7.70

Clergé et Congrégations

(personu.enseig. compris)

3

5

1 1

3

^

3

10

12’10

4

16

4

8

23

"

16

12

9

12

13

1 1

9


9

10


8

2 ; 8

232.441

4, 26

I. Les exercices iS ; o et 18^1 n’ont pas été publiés avec les détails ordinaires sA- les professions. Aussi, pour obtenir la

movenne

annuelle, le total des condamnations portées à ce tableau a ete divisé par 28 et non par 30.

2. Pour ces trois premières années, la statislique ne distingue pas entre congreganistes et laïques. Nous avons suppléé au

défaut de

renseignements qui vient de cette confusion en prenant deux fois, dans le calcul des totaux des condamnations, pour chacun

des deux

groupes, les résultats qui sont particuliers à chacun d’eux dans les trois années suivantes.

3. quant aux maîtres laïques, les résultats sont douteux, et pour le nombre des condamnations, à cause de la déliance qu

inspirent

les chiffres des 9 dernières années, et par conséquent pour la moyenne (oir plus loin). — La moyenne donnée dans le tableau a été 1

obtenue en prenant pour nombre moven des maîtres laïques, pendant la période trentenaire, la somme de 81.4a4. laquelle représente le 1

nombre intermédiaire entre le chiffre le plus élevé de la période, 110.669. et le chiffre le plus bas, qui est de 52. 180.

C’était nécessaire pour un groupe dont l’état numérique a subi dans cet intervalle de si graves modifications.

OU de l’enseignement chrétien formaient la plus dépravée de toutes les classes sociales, dans notre pays. Or voici les chiffres, d’après les Comptes généraux du Ministère delà Justice, publiés pour ces années-là.

COND.VMNATIONS CRIMINELLES

PRONONCÉES CONTRE LES MEMBRES DES PRINCIP.LES

PROFESSIONS LIBÉRALES, DE 1894 à 1897

PROFESSIONS

Notaires, avocats, avoués, huissiers, etc

Médecins, chirurg., sagesfemmes, pharmac

Artistes

Professeurs l,..

g^ laïques…

instituteurs ^ongrégan.

Clergé et Congrégations

réunis

00

a.

35

18

8

la

13

7

9

13

2


6

4

27.09I

42.579 23.636

I 10.669 60.625

232.44’80, 76

30, 53 33, 80

9.93 ; 3, 71

3, 11

En ce qui regarde le groupe que des esprits injustes et violents se plaisaient à décrier, les résultats sont plus favorables encore, on le voit, que ceux mêmes de la précédente période : 3, Il au lieu de 4, 26, par 100.000 personnes !

Voilà la réfutation triomphante que les statistiques du Ministère de la Justice opposent à des assertions calomnieuses, sans bonne foi et sans pudeur !

Poursuivons notre enquête.

4° La criminalité dans les professions libérales de 1898 a 1901 inclusivement.

a) U liecensement de 1896. — Entre le dernier tableau et celui qui va suivre, le Ministère du Commerce a fait paraître, nous l’avons indiqué, les lié sultafs statistiques du recensement des industries et professions, fait dans le dénombrement de 1896. Cette publication comprend quatre gros volumes, tout gonflés de chiffres.

Il en résulterait, si on y ajoutait foi absolument, que le nombre des membres de chaque groupe social a considérablement augmenté. Pour nous en tenir ici aux professions libérales, de 1866 à 1896 leur population se serait élevée de i’j2.624 à 338. 006, c’est-à-dire qu’elle aurait doublé.

Et ce n’est pas que les autres professions leur eussent abandonné beaucoup de leurs membres, puisque les agriculteurs, par exemple, auraient passé en même temps de 6.195.329, en 1866, et de 6.535.699, en’891, à 8.392.128, en 1896.

Ce n’est pas non plus que la population totale de la France soit en notable accroissement. Car on a compté, en 1896, 38.269.0Il Français contre 38. 1 33.385 en 1891, et même, d’après le directeur du recensement, M. Lucien Mardi, « la population masculine parait avoir diminué » (Résultats statistiques du recensement des industries et professions. 1896 ; Paris, 1899-1901, t. IV, p. cxxiv).

Les chiffres de ce recensement présentent donc quelque chose d’anormal, et, au premier abord, d’inexplicable.

L’explication, c’est que la manière de recenser a été modiliée d’un recensement à l’autre. La modification porte sur trois points.

En premier lieu, la direction a voulu que les femmes mariées fussent rattachées à la profession du mari, quand elles s’occupent d’aider leur mari plus qu’elles ne travaillent à leur ménage. Ce principe, mal api)lif[ué par les agents d’exécution, a amené d’incoiilcstal)les erreurs. Qu’il sullise d’en donner une preuve ! Les cultivatrices, de 1891 à 1896, en cinq ans, ont augmenté d’un million — plus de la moitié de ce qu’étail leur nombre — : elles sont 2.743.351 contre 1.8^0.885.

Aussi M. Lucien Mardi reconnaît-il lui-même, en plusieurs endroits, que le classement des femmes

« est ar])itraire » (par exemple, t. IV, p. cxxiii). Telle 551

CLERGE (CRIMINALITE DU)

552

est la première cause, qui a produit l’augmentation de la population professionnelle : l’incorporation, fantaisiste bien souvent, de la femme mariée dans la profession du mari.

Voici la seconde. On a décidé que l’on compterait, parmi les membres de la profession, des personnes que l’usage n’y a jamais placées : spécialement les employés et les domestiques, quand ces derniers ne sont pas attachés exclusivement à la personne.

D’après ce principe, on est arrivé à faire figurer dans la « profession médicale > ceux qui tiennent

« une infirmerie d’animaux » ou un « refuge pour les

chiens abandonnés », et tout le personnel des hôpitaux : infirmiers, surveillants, et, comme dit le texte,

« employés de tout ordre », et aussi « les plieuses et

ensevelisseuses >, et même « les filles de salle, garçons de salle, garde-salle, filles de parloir ». Toute cette troupe est embrigadée, bon gré, mal gré, dans la « profession médicale », et par conséquent dans les professions libérales, qui ne s’y attendaient guère.

A son tour, et conformément à la même pensée, la profession de l’enseignement s’enrichit d’une manière étrange : on y fait entrer les concierges des établissements scolaires, les garçons qui balaient les salles et les cours, comme ceux qui font les dortoirs ou qui servent dans les réfectoires !

Quant au clergé, il comprend désormais tous les bedeaux, tous les sacristains et tous les suisses des églises. Que dis-je ! Il est divisé en clergé masculin et clergé féminin. Je parle du clergé catholique. Il y a, pour lui, la colonne des femmes. Et cette colonne n’est pas vide ! Ces ecclésiastiques d’im nouveau genre atteignent même un total de 5.554 (t. IV. p. xvi).

Il s’agit évidemment des femmes qui s’occupent des linges d’autel ou des chaises. Comme une église est placée sous la direction d’un ecclésiastique, tous les employés de cette église deviennent, en vertu du principe, ecclésiastiques comme lui, et on écrit avec gravité :

« Clergé… sexe féminin, 5.554- » 

La troisième cause d’accroissement dans les groupes professionnels, c’est qu’en dehors des femmes et des employés et domestiques on a introduit, dans plusieurs, des sous-groupes qui n’y avaient jamais figuré. C’est ainsi que la profession des <> artistes » s’enfle de celle des « journalistes ». Ce qui est flatteur pour la presse. Ainsi encore la section « Enseignement, études » embrasse dorénavant 1’» Armée du Salut » et aussi les « employés des loges maçonniques ». Ainsi enfin tous les étudiants, aspirant à ime profession, sont classés dans la profession même. Ils sont réputés arrivés au but, si loin qu’ils en soient encore.

Que l’on essaie ou non de justifier un pareil classement par le dessein qui l’a inspiré et qui était de fournir des renseignements pour la préparation des lois sur les assurances et les retraites ouvrières, il va contre le sens des mots communément reçu, il déroute l’esprit au lieu de Téclaircr.

Et au point de ue de la criminalité, qui nous occupe ici, le plus souvent on ne saurait s’y référer sans commettre une erreur manifeste ; car le changement des chifl"res. depuis les derniers dénombrements, ne provient pas d’une modification réelle dans la population des groupes, mais seulement, on vient de le voir, d’une modification dans la manière de la recenser ; M. L. March le reconnaît plusieurs fois, notamment t. I" ; p. XX ; t. IV, p. cxxiv. etc.

Or, tandis que la méthode de compter les individus qui composent chaque catégorie changeait ainsi dans le dénombrement, la méthode de les classer, quand il s’agit de leurs crimes, ne changeait pas : le Ministère de la Justice est resté fidèle à ses traditions.

Il s’ensuit que ce serait obtenir nécessairement une

moyenne inexacte, trop favorable, que de donner pour diviseur au total des crimes, attribués à une classe, un nombre représentant cette classe, non pas telle que les parquets l’entendent, mais telle cpie les recenseurs, s’inspirant de principes nouveaux, l’on entendue et élargie : en somme, on comprendrait des choses différentes sous des mots identiques. Nous devons donc nous en tenir, en général, pour les populations des professions diverses, aux évaluations de nos tableaux antérieurs.

D’ailleurs le nouveau recensement lui-même conduit à des chiffres analogues, si, au lieu de prendre les résultats d’ensemble dans les tableaux récapitulatifs où figurent tant d’éléments disparates, on additionne les nombres donnés pour chacun des sous-groupes professionnels, en négligeant ceux de ces sous-groupes qui ne rentrent pas vraiment dans la profession, comme les carillonneurs pour les artistes et les doucheurs poiu* les médecins, et si l’on retranche ensuite du total les « gens de service » et les auxiliaires qui ne sont pas des professionnels, c’est-à-dire un quart au moins de l’ensemble.

Il y a une exception toutefois : elle concerne les gens du Palais. Ici le total de 1 896, interprété comme il vient d’être dit, diffère encore sensiblement de celui qu’on donnait autrefois, puisqu’il atteint 38. 000 au lieu de 2^.691. Nous sommes convaincu que cette évaluation est excessive. Mais on n’a pas le moyen de la contrôler avec exactitude, et l’évaluation précédente lui est trop inférieure pour pouvoir être maintenue dans ces conditions. Admettons donc que ce groupe forme maintenant 38.000 personnes et non 27.691 comme jadis. Il s’ensuivra désormais un notable abaissement, mais un abaissement douteux, de sa moyenne criminelle comparée, qui toutefois reste toujoiu’s considérable.

Mais rien n’est à modifier touchant la population des autres professions libérales. On vient de voir pourquoi.

Il faut ajouter qu’en ce qui concerne spécialement les groupes qui nous intéressent le plus, le recensement de 1896 est muet ou très nettement erroné.

Voyez d’abord les congrégations. Il laisse la plupart de leurs memljres confondus dans les divers services où ils s’emploient ; aussi n’en compte-t-il, à part, que le nombre dérisoire de 52. 000, alors qu’une enquête officielle en a trouvé 160.000 !

Il se trompe aussi avec évidence sur le clergé séculier, dont il s’occupe très peu, du reste.

Quant à l’enseignement, il ignore la distinction entre le personnel laïque et le personnel congréganiste. que font les statistiques criminelles.

Il n’apporte donc, de ce côté, aucun renseignement nouveau, et les chiffres antérieurs demeurent acquis.

De toutes ces observations il faut conclure que nous sommes autorisés à conserver, dans le tableau qui va suivre, la valeur numérique indiquée, dans les tableaux précédents, pour les différents groupes, excepté les gens du Palais.

h) Voici, d’après ces bases, le tableau de la criminalité pour la période 1898- 1901, les chiffres qui concernent les crimes étant empruntés toujours aux Comptes généraux de l’administration de la justice criminelle.

{Lire ici le premier tableau de la page suivante.)

Le groupe clergé et congrégations, dont les ennemis de l’Eglise se plaisent souvent à décrier la conduite, reste donc, il faut le répéter, de beaucoup le premier de tous au point de vue moral.

Il convient même de remarquer que, dans cette dernière période quadriennale, la moyenne criminelle est descendue, pour lui, plus bas qu’elle n’avait jamais été. 553

CLERGÉ (CRIMINALITÉ DU)

554

CONDAMNATIONS CRIMINELLES

PRONONCÉES DE 1898 à 1901

CONTRE LES PRINCIPALES PROFESSIONS LIBÉRALES

PROFESSIONS

Notaires, avocats, avoués, huisiiers. etc

Médecins, chirurg., sagesfemmes, pharmar

Artistes

Professeurs i,..

gj I laïques….

instituteurs’6 6 Clergé et Congrégations (personn. enseig. compris)

38. 000

43.620 23.636

I I o. 669 Go. 625

a32.44’48, 68

15, 85 27, 9a

6, 33 5, 36

3, 01

Et ce sont ses adversaires déterminés qui sont au pouvoir et dans toutes les administrations. Voilà ceux qui mettent la justice en mouvement, qui accusent, qui nomment ensuite et trient sur le volet les jurys appelés à juger ceux qu’ils ont accusés, qui dressent enfin la statistique des condamnés et les classent par catégories !

Si les résultats restent favorables, dans ces conditions, à la classe sociale qu’ils détestent le plus, c’est évidemment qu’il n’est pas possible de les mettre en doute.

III. La criminalité dans le personnel laïque de l’enseignement

Les professeurs et instituteurs laïques font partie des professions libérales dont nous venons de nous occuper. Mais ce qui les concerne doit être mis particulièrement en relief pour deux motifs : d’abord à cause des polémiques ardentes que la question a soulevées, et puis à cause du changement extraordinaire que leur moyenne criminelle a présenté tout à coup.

1° Tableaux statistiques. — Dans les tableaux que le lecteur vient de voir et auxquels on peut se repor CONDAMNATIONS CRI.MINELLES’CONTRE LES MAITRES laïques ET LES MAITRES DITS CONGRÉGAMSTES

PERIODES

De 1873

De.864à18 ; 4*r’"""^’^ I Congr…

, ^ Laïques.

"* I Congr…

De1885à1894*l ; ’"' « "^^-’I Congr..

Période entière Laïques.

186’, -1894 (Congr…

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I. Ce nombre est la moyenne entre le chiffre le plus bas de la période, 52 180 (186G), et "le chiffre If plus haut, 60.420 ^18721.

a. CVst le chiffre de 1901. Il ne doit pas élre trop clevé pour une période ou les instituteurs et les institutrices congréganistes occupaient un si grand nombre d’écoles publiques, d’où ils ont ete chassés depuis sans pouvoir ouvrir à côte partout — il s’en faut bieu ! — des écoles libres.

3. Ce nombre est la moyenne entre le chiffre le plus bas de la période, 52.180 (1866), et le chiffre le plus haut qui est le chiffre le plus récent, 1 10.669.

ter, les deux dernières périodes sont de quatre années chacune, tandis que la première est de trente ans. C’est dans le cours de ces trente années que le changement de la moyenne a eu lieu en faveur du personnel enseignant laïque. Pour qu’on puisse s’en rendre compte plus aisément, partageons, en ce qui regarde ce personnel, la série trentenaire en trois séries décennales. Nous ajouterons les résultats qui concernent les maîtres congréganistes, afin qu’on puisse toujours comparer. {Voir le second tableau de la colonne précédente.)

Ainsi, au lieu de 30 condamnations annuelles que le groupe des maîtres laïques présentait de 1876 à 1884, il n’en présente plus que 9 (en chiffres ronds) de 1885 à 1894 !

La moyenne se maintient à 9, on l’a vu plus haut, de 1894 à 1898, et de 1898 a 1902 (exclusivement), elle descend à 6 (exactement 6, 315) !

2* L’invraisemblance du changement et ses motifs. — C’est une conversion subite et définitive, telle qu’il ne s’en était encore jamais vu pour un vaste ensemble d’hommes, vivant séparément et loin les uns des autres.

De quelque côté qu’on étudie le phénomène, il apparaît comme prodigieux. Voyez, pai" exemple, non plus les condamnations, mais les accusations criminelles.

Sans remonter jusqu’au delà des deux exercices iS^o-iS’ ;  ! , dont la statistique n’a pas été publiée, en commençant à 18’ ; 2 pour s’arrêter à 1884, on voit que, dans cet espace de treize ans, les maîtres laïques ont essuyé 253 accusations pour crimes. Ils deviennent deux fois plus nombreux, et l’administration de la justice ne trouve plus à en accuser, en dix-sept ans, de 1885 à 1901, que 201 !

201 accusations, en dix-sept ans, quand, dans les treize années précédentes, le même groupe en avait fourni 253, pour un personnel moitié moins considérable .’Ce qu’il faut bien noter.

Bref, le personnel laïque présentait alors, en moyenne, 19 accusations par an (négligeons les fractions ) ; depuis 1885, il n’en présente pas tout à fait 12, et. encore une fois, // a doublé ; c’est-à-dire qu’il devrait compter 38 accusés, si la proportion s’était maintenue ; eh bien, il est descendu brusquement à 12, et il tend à descendre plus bas encore !

Quant aux condamnations, au lieu de considérer les moyennes annuelles, comme tout à l’heure, considérons les nombres absolus. Depuis l’année 186’y, la première où la statistique ait distingué entre les deux personnels rivaux, sauf les deux exercices troublés par la guerre franco-allemande, 1809-1870. le nombre annuel des condamnations, dans l’enseignement laïque, oscille autour de 20, jusqu’en 1884, oii il est encore de : ^5. A partir d’alors il oscille autour de 10 (1885, 9 ; 1886, 10 ; 1887, 16 ; 1888, 7 ; 1889, 7 ; 1890. 10 ; 1891, ii> ; 1892, 11 ; 1893, 9 ; 1894. 12 ; 1895, 9 ; 1896. 13 ; 1897, 10 ; 1898, 3 ; 1899, 11 ; 1900, 10 ; 1901, 4)- Si donc l’on devait s’en rapporter aveuglément aux statistiques du gouvernement, quand il s’agit d’une classe sociale pour laquelle il a montré, en toute chose, ime partialité passionnée, il se serait produit, en faveur de cette classe, un événement qui n’est jamais arrivé pour aucune autre : C’est qu’en mihne temps que l’ensemble numérique du groupe devenait deux fois plus grand, le total des crimes devenait deux fois plus petit.

Et ce qui ajoute à la grandeur du prodige, c’est sa merveilleuse opportunité. Il a eu lieu juste au moment où ceux qui en ont profité se trouvaient en avoir grand besoin et l’appelaient de tous leurs vœux, eux et plus encore leurs patrons, maîtres du pouvoir et 555

CLERGÉ (CHIMIXALITE DU)

556

de la justice. On venait de voter les lois sur la laïcisation des écoles et on commençait à les appliquer. Les amis de l’enseignement libre, cherchant des armes contre l’enseignement laïque, dont lEtat prenait ardemment le patronage, tirent bientôt remarquer qu’entre les maîtres de l’un et de l’autre, il fallait bien reconnaître, au profit des instituteurs congréganistes. une supériorité morale incontestable, dont les statistiques officielles elles-mêmes apportaient chaque année le témoignage.

Considérez seulement, disaient-ils, les résultats de cette année même (1884) : ’2Î> des vôtres viennent d’être condamnés aux travaux forcés ou à d’autres peines infamantes, et on n’a pu frapper, en même temps, que 3 congréganistes !

C’est alors, c’est dans cet instant critique, que se produisit le changement instantané, la révolution soudaine de chiffres, qui combla les désirs de l’administration, déconcerta à demi ses adversaires, et lui rendit la lutte plus facile en ruinant à moitié un argument importun.

Dès l’année suivante, en 1885. le nombre des condamnations tomba à 9, pour les maîtres laïques, ce qui n’était encore jamais arrivé depuis l’existence des statistiques, et il monta à 8 pour leurs adversaires, total qu’ils n’ont jamais atteint depuis. Et ce qui achève de caractériser le miracle, c’est qu’une fois cette modification accomplie en faveur des membres laïques de l’enseignement, elle fut constante : ils ne revirent jamais les résultats des années malheureuses, qui avaient précédé pour eux l’intervention de la Fortune.

Que dis-je ? A mesure que la lutte contre Dieu et ceux qui le représentent augmenta de violence, les instituteurs laïques augmentèrent de vertu. C’est un fait admirable et qui fait beaucoup penser ! De 1894 à 189’j, ils avaient encouru encore 44 condamnations, et leur moyenne criminelle annuelle par 100.000 personnes s’était élevée à près de 10, ce qui était déjà miraculeusement loin de la moyenne des années antérieures à 1885.

Dans la période quadriennale qui a suivi, pendant le même espace de temps, de 1898 à 1 901, les condamnations pour crimes, du personnel enseignant laïque, ne sont plus que de 28 et la moyenne annuelle, pour 100.000 personnes, n’est plus que d’un peu plus de 6, au lieu de 9 à 10 pendant les neuf années précédentes, de 30 dans la période de 1876 à iS84, et de 28 dans celle de 1864 à 18’j4 Que l’Etat apporte encore un peu plus d’ardeur dans la bataille, en faveur du groupe qui lui est cher, et, le mouvement continuant toujours, on verra peut-être la moyenne criminelle annuelle de ce groupe tomber à trois, à deux, puis enfin à zéro.

Car il ne faut pas oublier que le gouvernement est tout-puissant sur ces chiffres. C’est lui seul qui accuse et il n’accuse que s’il le veut, c’est lui qui choisit et forme les jurjs qui doivent juger, c’est lui enfin qui fait figurer ou non la condamnation prononcée dans les statistiques qu’il publie, et sous la rubrique qui lui plaît. Un instituteur laïque est-il condamné, ses agents peuvent le placer hors de sa colonne naturelle, soit parmi les propriétaires, s’il est en même temps propriétaire, soit avec les gens sans profession, si l’on a pris soin de le révocjuer à temps, soit enfin dans les « services de l’Etat, des départements et des communes », auxcpiels il appartient, en réalité, et où la polémique adverse sera incapable de le découvrir. S’il fallait une preuve nouvelle, on n’aurait qu’à méditer ce qui est arrivé pour les fonctionnaires de l’Etat en même temps que pour ses instituteurs.

3° Conversion simultanée des fonctionnaires. — Les

fonctionnaires n’occupaient pas jadis une place choisie sur l’échelle de la moralité publique. Considéronspour nous en convaincre, une période triennale anté, rieure à l’époque où le Gouvernement, devenant laïcisateur passionné, s’est jeté violemment dans la bataille des partis, par exemple la période de 18jb à 1877. Ces trois années donnent pour les fonctionnaires un total de 162 condamnations criminelles. Comme le groupe conqjtait alors 66.900 membres, la moyenne annuelle de ses condamnations était de 80 pour 100.000 individus : chiffre très élevé, supérieur à celui de presque toutes les professions libérales.

Afin d’établir la comparaison, prenons une série d’égale étendue, dans les années qui ont suivi cette fameuse date de 1885, où ont commencé, pour le personnel laïque de l’enseignement, les moyennes nouvelles si nettement opposées aux lois de la nature. Soit par exemple la série 1888-1890 : l’ensemble des condamnations criminelles qu’elle présente, chez les fonctionnaires, est de 63. — 63 contre 162 !

Voici du reste ces deux séries avec tous leurs résultats :

CONDAMNATIONS CRIMINELLES CHEZ LES FONCTIONNAIRES

1" série (avant 1885) 2* série (après 1885)

1875…. 43 1888 27

18’j6. … 65 1889. … 21

18’j7…, 54 1890…. 15

total 162 total 63

La moyenne annuelle par 100.000 individus, dans la deuxième période, serait inférieure à celle de la première, d’une manière invraisemblable, si nous acceptions les chiffres que le recensement le plus voisin de cette période, celui de 1891, a donnés officiellement pour la population des fonctionnaires ; car il en compte 350.ooo. Avec un tel nombre, la moyenne annuelle, par 100.000 personnes, tomberait à 6, au lieu de 80 !

On a beau supposer que des hommes nouveaux étant arrivés à la direction des affaires, et y faisant régner avec eux toutes les passions de leur parti, ont cru devoir désormais dérober autant que possible leurs fonctionnaires aux sévérités de la justice, l’écart est si grave qu’ils ne peuvent vraiment l’avoir provoqué par le seul effet de leurs manœuvres : ce ne serait plus de la partialité mensongère, ce serait de la folie é’idente. Il y a certainement une autre explication : c’est que le dénombrement de 1891 a classé, parmi les fonctionnaires publics, des personnes qu’on avait placées jusque-là dans une autre catégorie, où, d’îiilleiu’s, le Ministère de la Justice et, par conséquent les statistiques criminelles, les ont encore maintenues.

Mais, d’autre part, il est indiscutable que l’effectif de ce groupe s’est beaucoup accru depuis 1880 : le doute n’existe que sur l’importance précise de cet accroissement.

On a vu donc apparaître, pour les fonctionnaires de l’Etat, le même phénomène que pour les instituteurs laïques : le nombre des crimes a diminué chez eux, et de beaucoup, alors que la population du groupe augmentait considerablement.il était de 162, en trois ans, quand le groupe comptait 66.900 membres. II n’est plus que de 63 en trois ans aussi, alors que le groupe est devenu, sinon quintuple comme le prétend le recensement de 1891, du moins un certain nombre de fois plus nombreux.

Et ce phénomène extraordinaire s’est manifesté justement à l’époque même qui le vit se produire chez les instituteurs ! 557

CLERGÉ (CRIMINALITÉ DU)

558

4° Ce qu’on doit conclure. — La conclusion s’impose : c’est l’Administration qui a opéré le changement ; elle a faussé les résultats, de propos délibéré. Il ne faut donc pas ajouter foi aux chiffres otTiciels qui concernent les instituteurs laïques, dans les statistiques qui ont suivi l’année 1884.

Mais dùt-on y croire, fallùt-il même accepter ceux de la série 1 898-1 go i, qui sont de beaucoup les plus favorables, le groupe qui comprend le clergé et les congrégations tiendrait toujours le premier rang en moralité, parmi tous les autres. Car la moyenne annuelle, par 100.000 personnes, des condamnations de ce groupe n’atteint pas, même dans cette série, la moitié de celle du groupe voisin, le groupe favori, celui des instituteurs laïques (3, 01 contre 6, 33).

Le clergé reste donc ce qu’il était, au point de vue moral : l’honneur du pays.

IV. Les crimes contre les mœurs chez les instituteurs laïques et dans le clergé

C’est principalement sur les crimes contre les mœurs que les journaux antireligieux aiment à revenir dans leurs attaques. Ils ont même écrit parfois que nous n’oserions pas établir, devant le public, à ce point de vvie spécial, la criminalité comparée des gens d’Eglise et des autres professions, notamment des maîtres de l’enseignement laïque.

Il faut relever le défi.

Notons d’abord que, lorsqu’il s’agit de la nature des crimes, le Ministère de la Justice ne publie que les accusations ; il ne publie pas les condamnations. La comparaison n’en reste pas moins, d’ailleurs, aussi caractéristique.

Il s’agit donc ici des accusations criminelles. Le Ministère de la Justice les partage en deux catégories ; celles qui concernent les crimes contre les personnes, et celles qui concernent les crimes contre les propriétés. Négligeons maintenant ces dernières ; ne parlons ni des vols qualifiés, ni des abus de confiance, ni des faux, etc.

Il reste les accusations pour crimes contre les personnes. Or, si l’on excepte ceux qui privent de la vie, assassinats, coups et blessures suivies de mort, infanticides cl avortements, les crimes contre les personnes comprennent surtout les grandes fautes contre la morale proprement dite : les viols et les attentats à la pudeur.

Evidemment, les brutalités criminelles qui enlèvent la vie sont une quantité négligeable dans l’ensemble des accusations qui pèsent sur les membres de l’enseignement, aussi bien du côté des laïques que du côté des congréganistes ; parmi eux, le nombre des assassins est insignifiant.

Les crimes contre les personnes se confondent donc sensiblement, pour le personnel qui enseigne, avec les crimes contre la morale ; d’autant que ses membres sont constamment en rapport avec des enfants au-dessous de treize ans ; or, à l’égard de ces enfants, tels actes qui, accomplis envers des adultes, passeraient souvent inaperçus ou seraient punis d’une peine légère, sont qualifiés de crimes et envoient leurs auteurs devant le jury, qui i)eut à son tour les envoyer aux travaux forcés ; car le Code a des sévérités spéciales pour les instituteurs et les ministres du culte, à raison même de leurs fonctions. Ce n’est ([ue justice assurément, mais, dans les jugenu-ntsque Voinnion porte parfois, elle a tort pourtant de roul)licr.

Comparons donc, puisqu’on nous en défie, le nombre de ces accusations pour innuoralité. chez les maîtres laïques et chez les maîtres congréganistes, ainsi que dans le clergé.

C’est en 1867, on l’a vii, que les statisticiens du

Ministère de la Justice ont commencé à distinguer ce qui regarde le personnel laïque de l’enseignement et le personnel congréganiste et ecclésiastique, car ils comprennent les séculiers aussi bien que les réguliers sous la rubrique : instituteurs et professeurs congréganistes. Remontons donc jusqu’au début de cette statistique, pour descendre jusqu’à l’année 1901, après laquelle la comparaison devient impossible, nous avons dit pourquoi. Nous connaîtrons ainsi tous les résultats qui ont été publiés, sans en excepter un seul. Notre jugement et celui de nos adversaires pourront être dès lors pleinement édifiés. Car toutes les pièces du procès, absolument toutes, seront sous nos yeux et sous leurs yeux.

CRIMES CONTRE LES PERSONNES

DANS LE PERSOiWEL ENSEIGNAiNT ET LE CLERGÉ

ACCUSATIONS INTENTÉES DE 1867 A 1901

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MOYENNE ANNUELLE REELLE..’7-9’5, 66

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POPULATION DU GROUPE

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MOVENNK ANNUELLE COMPAREE

PAR 100.000 PERSONNES…

31, 99

9, 33

5, 59

I. Cette coloune comprend le chilTre de la colonæ i

récedente

(instltuleiirs congréganistes) augmenté de celui qui c

jncerne le

clergé et les congréganistes non enseignants. Pour avo

r celui-ci,

il n’y a qu’à retrancher le précédent du total ; ainsi, « 

sn 1867, le

clergé et les congréganistes non enseignants ont encou

ru a accu siitions C, — 4).

a. Les exercices de ces deux années n’ont pas clé j

ubliés en

détail par professions.

3. Ce no.iihre est la moyenne enire le chifTre de la p

opulation

le plus élevé de la période, qui est le chilTre de 1901, i

10.669, et

le chiirre K » plus bas,.^a.iSo. Il est nécessaire de pre

ndre une

moyenne pour la population d’un groupe, qui a varie

Je plus de

100 /. dans le cours de la période. ^=^_ 559

CLERGÉ (CRIMINALITE DU)

560

On voit par ce tableau que les maîtres laïques ont encouru 691 accusations de crimes contre les personnes, ou, ce qui est équivalent, contre la morale, tandis que les maîtres des écoles rivales n’en encouraient que 187 ; c’est-à-dire qu’ils s’en sont vu intenter annuellement tout près de 18, tandis que les autres n’en subissaient qu’un peu plus de 5 1/2.

Donc, pour une accusation contre les instituteiu’s congréganistes, il y a eu, en moyenne, trois accusations, et plus, contre les instituteurs laïques : plus de trois pour une !

Il est vrai que les maîtres laïques sont plus nombreux. En tenant compte de ce fait, c’est-à-dire en prenant la moyenne par 100.000 individus, on trouve que les membres de l’enseig-nement laïque ont subi annuellement 22 accusations (en chillres ronds) contre les bonnes mœurs, tandis que les membres de l’enseignement congréganiste n’en subissaient que 9, 33. et le groupe clergé et congi’égations, 5, 09.

Que si l’on veut restreindre l’enquête à l’époque où le gouvernement s’est dépai’ti de l’impartialité, en faveur du groupe qui lui est particulièrement cher, on n’a qu’à prendre les résultats des huit dernières années, étudiées déjà plus haut, mais au point de vue de la criminalité générale, dans im double tableau quadriennal.

Ces résultats, les voici :

CRIMES CONTRE LES PERSONNES

DANS LE PERSONNEL ENSE16N.NT ET LE CLERGÉ ACCUSATIONS PORTEES DE 1894 A 1901

PROFESSIONS

Personnel laïq.

Personn. congr.

Cierge et Congr. (personnel enseig. compris).

ANNEES

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10, 95 4, 45 ;

Ainsi, dans ces huit années, pendant que les maîtres laïques étaient accusés de crimes contre la morale 97 fois, le personnel de l’enseignement chrétien était accusé 28 fois, c’est-à-dire que les uns encouraient en moyenne, chaque année, 12 accusations en chiffres ronds, et les autres seulement 3.

Si les journaux sectaires avaient recueilli également et publié, avec les mêmes détails, les accusations officielles contre la morale, encourues par le personnel de l’un et l’autre enseignement, même dans ces années où le gouvernement a fait preuve d’une évidente partialité, il leur aurait fallu quatre fois plus de place pour les scandales des laïques que pour ceux des autres, à propos desquels ils font cependant tant de bruit, comme s’ils étaient les seuls : en réalité, ils forment le quart de ceux qui concernent les maîtres des écoles rivales.

Quant à la moyenne annuelle, pour 100.000 individus, on a vu aussi le résultat. Mettons-le en relief.

Dans cette période, où ceux qui accusent étaient les ennemis déclarés du clergé et des congrégations et les protecteurs passionnés des instituteurs laïques, combien relève-t-on d’accusations contre les mœurs, par 100.000 membres de ces groupes ? Contre les instituteurs laïques ? — Près de 1 1. Contre les instituteurs congréganistes ? — Moins de 6. Contre le clergé et les congrégations réunis ? — Moins de 4 12.

Bref, même dans cette période, les instituteurs laïques ont subi environ, à nombre égal, près de deux fois plus d’accusations immorales que les instituteurs congréganistes. et deux fois et demie plus que le clergé et les congrégations réunis.

Et ce serait bien pis pour eux, si l’on considérait les résultats d’avant 1885. Mais, même si on étend l’enquête à tout le temps écoulé de 1867 à 1901, où sont comprises seize années f|ui vicient la comparaison, comme on l’a vii, que dis-je ? même en la limitant aux huit dernières années de la période, qui toutes ont vu les chiffres dénaturés par la partialité gouvernementale, on trouve toujours le même résultat : précisément au sujet du point spécial de la morale, où les adversaires de l’Eglise la détient d’oser faire la lumière, les congréganistes et le clergé l’emportent nettement sur la classe sociale, la meilleure en France après eux, d’après les chiffres de l’administration qui la protège passionnément.

Lui sont-ils deux fois, trois fois ou quatre fois supérieurs ? La réponse dépend des périodes que l’on considère. Mais ils le sont deux fois et plus quand ils le sont le moins.

V. La criminalité dans les professions non libérales

Si nous n’avons parlé jusqu’ici que des défaillances des professions libérales, c’est que nous avions pour but de marquer la place du clergé dans la moralité publique ; or, pour que la comparaison fût plus significative, nous l’avons dit, il fallait surtout comparer le clergé aux professions dont il fait partie. Indiquons maintenant, mais sans insister, la moralité des autres groupes professionnels.

Une distinction est nécessaire, au point de vue de la siireté des conclusions.

i" Comparaison sommaire et générale. — Pour être brefs, donnons d’abord un aperçu sommaire sur les deux dernières années de la période (i 900-1 901) ; les résultats sont d’ailleiu’s analogues à ceux des années précédentes..

Voici donc comment se répartissent, entre les diverses classes de la société groupées dans de larges catégories, les accusations criminelles pour 1900 et 1901.

1900 190 I

Agriculteurs 763 701

Industriels i.016 997

Commerçants 919 794

Domestiques 117 116

Gens sans aveu 289 268

Professions libérales. 176 140

Ce qui montre que, sur 100 accusations pour crimes : 23 en 1900 et 1901, concernent les agriculteurs ; 31 en 1900, 33 en 1901, les industriels ; 28 en 1900, 26 en 1901, les commerçants ;

4 en 1900 et 1901, les domestiques ;

9 en 1900 et 1901, les gens sans aveu ;

5 en 1900 et 1901, les professions libérales. Donc, parce que nous n’avons parlé dans cette

élude que des crimes commis par les professions libérales, il ne faudrait pas croire que les cours d’assises ne fonctionnent que pour les membres de ces professions. En réalité, elles jugent 5 de leurs membres contre 96 des autres : 5 sur 100 !

Faut-il aller plus loin ? Peut-on essayer d’indiquer la moralité des classes non libérales, en donnant la 561

CLERGÉ (CRIMINALITÉ DU)

562

moyenne de leurs condamnations par loo.ooo personnes, nombre qui serait pris, comme plus haut, pour unité de comparaison ?

C’est quelque peu aventureux. La difficulté dans les recherches et l’incertitude dans les résultats proviennent de ce que la population de chaque corps de métier n’est connue que par les dénombrements, où chacun s’inscrit un peu à sa guise ; le dénombrement de 1896, en particulier, paraît avoir gonflé les chiffres considérablement, on l’a vii, et, en tout cas, il n’y a pas identité d’apijréciation, sur les éléments des groupes divers, entre les recenseurs et les statisticiens du Ministère de la Justice. Sous cette réserve, voici quelle a été la criminalité dans ces diverses professions, pour la dernière période quadriennale, terminée en 1901.

2" Statistique criminelle dans les diverses professions non libérales. — Touchant la population, nous donnons à la fois celle du dénombrement de 1896,

CONDAM.N’ATIONS CRIMINELLES PRONONCÉES CONTRE LES MEMBRES DES PRINCIPALES

PROFESSIONS NON LIBEFIALES » DE 1898 A 1901

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Ajjriculture, culture, élevage… Industries de l’alimentation…

Industries indéterminées

Industries du livre…

Industries textiles

Trav. des paill., plumes, crins

Cuirs et peau.

Industries du bois

Métaux ordinaires

Terrassements et construction.

Manutention, distribution

Transports

Coinmorces divers

Coinini-rccs forains, spectacles

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qui est généralement excessive, et celle du dénombrement de 1866, que les recenseurs de 1896 rappellent élogieusement, et avec les chiffres duquel ils ont comparé leurs propres chiffres.

Le lecteur trouvera donc, dans le tableau ci-joint, deux moyennes criminelles, entre lesquelles il aura la faculté de choisir. (Lire ici le tableau.)

Dans ces résultats, il faut mettre à part le monde agricole avec sa moyenne de 5, ’j6 à 7, 84, les industries textiles avec leur moj’enne de 3, 85 à ^, 5-j, et, à l’opposé, « les industries indéterminées « (moyenne 16’ ; à 440 6t aussi les industries de manutention et distribution, du moins pour la moyenne obtenue avec la population du recensement de 1866 (jSS.Sg).

Ces chiflVes paraissent, en effet, devoir être attribués moins à la réalité des choses qu’aux procédés de classement. Cela semble probable pour les agriculteurs : c’est à peu près certain pour les autres.

Quant avix autres résultats, comparons-les avec ceux que présentent les professions libérales, dans la même période quadriennale.

Nous verrons d’abord que, dans les professions libérales, aucun groupe n’atteint la moyenne de 51 condamnations par an sur 100.000 personnes, alors que, dans les autres professions, cette moyenne est dépassée par deux groupes : celui de la manutention et celui des commerces forains, etc., dans lesquels elle est même huit fois supérieure.

De plus, un seul groupe, dans les professions libérales, celui des notaires, etc., présente une moyenne entre 31 et 50, tandis que cette moyenne est atteinte par quatre groupes dans les professions non libérales (outre les deux qui la dépassent) : ceux des terrassements, etc., des métaux, des industries du livre et des pailles, etc.

Faisons maintenant l’expérience inverse : au lieu de fixer notre attention sur les nioyennes les plus hautes, qui sont les pires, portons-la sur les moins élevées, qui sont les meilleures.

De I à 10, c’est-à-dire au plus bas degré de l’échelle criminelle, figure la moitié des groupes des professions libérales portés sur notre taljleau (3 sur 6), tandis qu’on n’en trouve aucun appartenant aux autres professions. J’entends parmi celles dont la statistique offre quelque garantie. Mais si l’on voulait tenir compte même des autres, il faudrait encore avouer, d’abord, qu’elles sont très rares, et, de plus, que nulle n’a une moyenne aussi basse, et par conséquent aussi favorable, que le premier des groupes des professions libérales au point de vue de la moralité, le groupe clergé et congrégations, qui reste ainsi à la tête de tous.

VI. Statistiques mensongères Les chiffres qu’on a lus dans ce qui précède sont en contradiction formelle avec les statistiques que les journaux seclairos ont l’habitude de publier. Il ne faut pas chercher bien loin l’explication. Ces dernières statistiques moiitcnl elfrontément.En voici la preuve. Elle est prise (hms trois années consécutives, parmi celles dont nous avons donné les résultats officiels. Dans lin article intitulé Leur Morale, les journaux antireligieux dénoncèrent, en 1902, les « abominables » forfaits des maîtres de l’enseignement congréganiste, et, pour prouver qu’ils «. détiennent le record », selon leur expression, des condamnations criminelles, ils donnèrent celles qu’ils avaient encourues, en 1897. avec les détails les plus circonstanciés’. Il y en avait dix.

l. Cette liste a paru diins plusieurs feuilles antireligieuses, iiotHiiinient dans Le Progrès de VEurv (n" du 2 novembre 1902), que nous citons parce qu’il nous est tombé par liasard sous la main. 563

CLERGE (CRIMINALITE DU)

564

Comment le public aurait-il pu mettre en doute l’authenticité de cette liste déshonorante ? On lui nommait les villes où avaient été, disait-on, rendus les jugements, on indiquait les peines prononcées et les noms mêmes des condamnés, et le motif de la condamnation.

Eh bien, cette liste est menteuse ; et le mensong-e est d’autant plus malhonnête et impudent qu’on a fourni plus de détails pour tromper la bonne foi publique.

Ouvrez, en effet, le volume des Comptes généraux, qui donne officiellement les résultats de l’administration de la justice pour cette année 189^ et qui fut publié peu après : vous y verrez que les maîtres congréganistes n’ont pas subi dix condamnations, mais cinq, la moitié seulement’.

Les auteurs de la liste trompeuse auraient-ils par hasard commis une distraction ? Auraient-ils pris de simples accusés pour des condamnés ?

Cette excuse serait mauvaise, mais ils ne peuvent même pas l’invoquer. Car dans la même page du même Compte général, on voit que, en 189^, cinq congréganistes seulement ont été accusés.

Dix condamnés, quand il n’y a eu que cinq accusés : deux fois plus de condamnés que d’accusés !

Voilà les assertions auxquelles la haine antireligieuse peut conduire certains hommes !

Considérons maintenant ce qui regarde l’année suivante, 1898. Les mêmes journaux ou des journaux du même parti ont publié une liste des condamnations criminelles subies cette année-là, assurent-ils, par les instituteurs congréganistes, et toujours avec les noms des condamnés, le lieu de la condamnation, la peine prononcée et la nature du crime commis 2. Cette liste comprend onze condamnations, dont dix en cour d’assises.

Or le mensonge est plus insolent encore qu’au sujet de 1897 ; ^^^ ^^ Compte général pour 1898, paru un peu plus tard, porte :

Instituteurs congréganistes :

Accusés : 4 j condamnés : 3. Vous avez bien lu : 3 — et non i o ou 11.

N’oublions pas que ce nombre 3 est le nombre officiel, fourni pai- le Ministère de la Justice.

Quelque temps après, comme les nôtres objectaient les statistiques authentiques, publiées par celui qui écrit ces lignes, d’après les chiffres de l’administration, les organes de la secte qxii tyrannise et trompe le pays prétendirent « donner aux feuilles de sacristie un démenti formel », et dire la vérité sur « les satyres cléricaux inscrits au bilan noir ». C’est la langue de ces messieurs. Mais, au lieu de parler de ce que l’on pouvait savoir, au lieu de nous démentir sur ce que nous avions dit et d’entreprendre la tâche, d’ailleurs impossible, en effet, de réfuter nos chiffres à l’aide de documents, ils objectèrent les résultats de la criminalité pour l’année 1899, dont nous n’avions rien dit encore, et qui n’étaient connus authentiquement de personne ; et voici ce que quelques-uns osèrent écrire, d’après les données qui couraient parmi les leiu-s ^ :

1. Compte général de l’administration de la justice criminelle pendant iannt’e 1891 (Paris, Imprimerie nationale,

2. Citons en particulier, comme ayant donné cette liste, parmi beaucoup d’autres journaux, L’Ecole laïque (5 mars 1899).

3. Ce que nous allons citer est donné textuellement ])ar plusieurs journaux, particulièrement par ceux que nous avons nommés ; Le Progrès de l’Eure (2 novembre 1900) et L’Ecole laïque (14 janvier 1909, l"page, 3* colonne).

« Lorsque l’enseignement laïque voit deux de ses

membres comparaître devant les tribunaux (année 1899), l’enseignement congréganiste arrive avec Aingt et un chers Frères ou abbés.

« Si l’on compare le nombre de crimes commis par

les membres de l’enseignement laïque et ceux commis par le personnel congréganiste, on trouve que, dans le même laps de temps (pendant l’année 1 899), il a été commis dix fois et demie plus de crimes dans les écoles avec Dieu que dans les écoles sans Dieu. »

Si habitué que l’on soit à l’impudence, celle-ci paraît étonnante, car elle dépasse tout.

Relisez bien : « Alors que l’enseignement laïque voit deux de ses membres comparaître devant les tribunaux (année 1899), l’enseignement congréganiste arrive avec s’ingt et un chers Frères ou abbés. » Ce sont les rédacteiu’s eux-mêmes qui soulignent.

Malheureusement pour eux, le Compte général de l’administration de la justice, relatif àl’année 189g, a paru depuis, et l’on va voir la réponse :

, , , , ( Congrégan. : accusés, 5 : condamnés, 4.

Instituteurs 5 r’^r j -An

( J.aïques : accuses, 15 ; condamnes, lu.

Ce n’est pas nous qui le disons, ce sont les Pai*quets eux-mêmes par l’organe du Ministre de la Justice de la République française : durant l’année 1899, il a comparu devant les cours d’assises, non pas vingt et un congréganistes mais cinq, non pas deux instituteurs mais quinze.

Ces écrivains, adversaires violents de l’enseignement religieux et défenseurs acharnés de l’enseignement laïque, trompent donc le public avec une effronterie invraisemblable.

Quant aux résultats d’ensemble et aux moyennes criminelles comparées, on a vu ce qu’ils sont d’après la statistique officielle,

Dans les huit dernières années de la période étudiée plus haut, malgré la partialité scandaleuse de l’administration, le personnel laïque de l’enseignement a encouru’ja condamnations criminelles, tandis que le clergé et les congréganistes réunis en encouraient 5’j ; dans la période trentenaire précédente, de 1864 à 1898, le personnel laïque de l’enseignement en a encouru 438, tandis que le clergé et les congréganistes réunis en encouraient 2’j8. Au total, dans les deux périodes réunies, de 1864 à 1 901, ce dernier groupe a subi 335 condamnations, alors que le groupe laïque en subissait 5 10. C’est-à-dire que, malgré l’injustice du gouvernement durant les 16 dernières années, les congTéganistes et les ecclésiastiques, rassemblés en un seul groupe, présentent, en chiffres ronds, 9 condamnations par an, contre 14 qui frappent les maîtres laïques, quoiqu’ils soient plus de deux fois plus nombreux que ces derniers.

Eh bien, l’Ecole laïque ose écrire (13 mars 1901) :

« Pour un délinquant que vous pouvez citer parmi

nos instituteurs, nous en trouverons cent parmi les Autres. » Un contre cent, quand c’est en réalité trois contre rfeji.r.’De telles assertions sont d’une mauvaise foi A-éritablement folle.

Du reste, ce journal ne tient pas au chiffre précédent ; il en a d’autres, et tout aussi ridicules. Voici, par exemple, ce qu’il écrit le 10 octobre 189’^ :

(c Pour 5 ou 6 instituteurs laïques, qui prennent bon an, mal an, connaissance a^ec les tribunaux savez-vous combien il y a de congréganistes ou curés, qui échouent sur les bancs des prisons ? »

Voilà la question nettement posée ! Combien y at-il d’ecclésiastiques et de congréganistes condamnés annuellement par le jury ? Remarquons bien la réponse ! Elle est écrite, en très gros caractères, pour appeler l’attention des lecteurs.

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CŒUR DE JESUS (CULTE DU)

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Il y en a « la bagatelle de deux cent quarante en moyenne ».

Le journal ami des francs-maçons continue avec audace : « Tout commentaire enlèverait sa saveur à ce relevé de condamnations prononcées, dans l’espace d’une année (c’est le journal qui recourt aux caractères italiques), contre moines, frocards, Révérends Pères, curés et autres Jésuites. »

Or. qu’on relise nos tableaux : on verra que ce groupe a encouru durant les huit dernières années, 5^ condamnations, c’est-à-dire environ 7 par an.

Et, de plus, il est affirmé qu’en regard de ces prétendues 2^0 condamnations annuelles des gens d’Eglise, on ne trouve que 6 condamnations de maîtres laïques, quand, en réalité, contre 6 condamnations de maîtres laïques, le lecteur l’a vii, il n’y a qu’un instant, on ne relève que 4 condamnations chez les gens d’Eglise, pourtant deux fois plus nombreux.

Je dis 4 et non 2^0.

240 est un mensonge, dont on ne sait comment qualilier dignement l’énormité.

Vraiment il faut croire la cause que l’on soutient bien mauvaise pour s’abaisser à la défendre par des moyens si scandaleusement déloyaux.

VII. Conclusions

Quelles conclusions faut-il tirer de tout ce qu’on vient de lire ?

D’abord, c’est qu’on ne doit pas ajouter la moindre foi aux racontars des journaux sectaires, quelle que soit la précision des détails dont ils cherchent à les autoriser.

Et puis, c’est que la classe de ceux qui représentent l’Eglise ou la servent occupe, dans l’ordre de la moralité, d’après les renseignements mêmes empruntés à ses ennemis, une place éminente, qui la met l>ien haut au-dessus de toutes les autres. C’est ce qui permet de juger à sa valeur le reproche que ses adversaires opposent au célibat religieux, de provoquer l’inconduite chez ceux qui l’observent. Les faits répondent, et leur réponse est éloquente.

Ce qu’il faut reconnaître encore, si l’on est de bonne foi, c’est que, dans l’éternelle lutte contre les mauvais penchants de la nature, le sentiment religieux est poiu" Ihomme un auxiliaire sans égal. On ne dit certes pas qu’il supprime les inclinations perverses, ni qu’il les maîtrise toujours. De ces deux forces en présence, soit que, chez certains, la première ne se trouve pas assez déveh)ppée, soit que la seconde le soit trop, ou qu’enfln, toutes deux étant capables de se résister l’une à l’autre, la séduction de l’occasion <ju je ne sais quelle surprise fasse pencher malheureusement la balance, il peut arriver et il arrive que celle-là succoml)e, qui aurait dû triompher. Mais que de fois aussi elle l’emporte ! On vient de le voir.

Ce qui ressort entin, en plein relief, pour quiconque étudie loyalement les résultats comparés, dont on a observé ici l’ensemble, c’est l’iniquité ou l’ignorance de ceux qui attaf|uent le clergé et les congrégations, au nom justement de la morale, dont ils sont l’honneur.

Dans son livre Du Pape (1. III, ch. m), Joseph de Maistre écrivait, après Voltaire : x La vie séculière a toujours été plus vicieuse que celle des prêtres ; mais les désordres de ceux-ci ont toujours été plus remarquables par leur contraste avec la règle. »

Ce qu’il y a de certain, c’est que, depuis que la comparaison peut être faite avec sûreté, c’est-à-dire depuis qu’il existe des statistiques criminelles dans notre pays, le clergé et les congrégations forment ouvertement, ofTuiellement, et sans qu’aucune contradiction soit possible, l’élite morale de la France.

Bibliographie. — G. Bertrin : De la criminalité en France dans les congrégations, le clergé, et les principales professions, d’après les documents olTlciels. (Un vol. in- 16, Paris, Maison de la Bonne Presse, 1904.) Id. Enseignement chrétien, 14 octobre et i"^"" novembre 18g8.

Georges Bertrix.