Dictionnaire apologétique de la foi catholique//Frères de l'instruction chrétienne

Bernard LOTH
Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Table analytiquep. 42-46).

INSTRUCTION CHRÉTIENNE (FRÈRES DE L").
I. Le Fondateur, Vénérable Jean-Marie Robert de La Mennais, —
II. L QEuvie scolaire.

I. Le Fondateur (1780-1860).

Jean-Marie Robert de La Mennais, né à Saint-lsalo le 8 septembre 1780, mort à l’ioermel le 26 décembre 18(10, déclaré Vénérable le 22 mars 191 1, a tté au xixe siècle l’homme qui a le plus fait peut-être pour L'éducation populaire et l’un des prêtres qui ont jelé le plus d'éclat sur l’Eglise de France par leurs talents et leurs vertus.

A peine sous-diacre, il fonde un collège dans sa ville natale où, de 1802 à 1 8 ! 1. il enseigne la littérature, la philosophie et la théologie.

Vicaire capitulaiie du diocèse de Sain'.-Brieuc (1814-1819), il travaille à restaurer et forliller la discipline ecclésiastique par des retraites, — I chrétienne par des missions, des associations en l’honneur du Sacré-Cuur île Jésus et de la Sainte Vierge, des congrégations pieuses, des confréries, des patronages. Il pourvoit au recrutement du clergé par la création des petits séminaires de Trcguier et ÏMouguernével et une plus complète organisation du collège de Dinan ; il assure une excellente éducation aux jeunes filles de In classe aisée par le retour des Ursulines à Lamballe et Dinan. une chrétienne et solide instrudit n aux enfants de la campagne par le développement de la Congrégation des Filles du Saint-Bsprh dont il devient supérieur en 1818, la fondation des Filles de la Providence (1818) et des 1 de l’Instruction Chrétienne (1817), des asiles

au repentir et des abris à la prière par l’appui qu’il donne et les encouragements qu’il prodigue aux Filles de la Croix et aux Dames du Refuge.

Pendant les deux années (1823-1824) qu’il occupe le poste de Vicaire Général du prince de Groy, Grand Aumônier de France, il fait nommer quarante évêques « attachés de tout cœur aux doctrines du Siège apostolique » et refuse pour lui jusqu'à dixsept fois les honneurs de l'épiscopat.

Rendu à la Bretagne, par la création, en août 182^, d’un ministère des Affaires ecclésiastiques, Jean-Marie de La Mennais établit la Société des Prêtres de Saint-Méen dont il est nommé supérieur par Mgr de Lesquen, évêque de Rennes. Cette société se transformait quelques mois plus tard pour devenir la Congrégation de Saint-Pierre, qui se proposait un triple but : « l'éducation, soit laïque, soit cléricale, de la jeunesse dans les collèges et les séminaires ; — l'évangélisation du peuple par les missions et les retraites ; — la défense de la Foi par la plume, la parole et la préparation d’ouvrages apologétiques, « les doctrines romaines devant être la règle invariable de l’ordre et de ses membres en ce qui tient à la Religion ».

Ce programme eut bientôt groupé autour de Jean Marie de La Mennais et de son frère Féli une élite d’hommes et de jeunes gens qui devaient mettre au service de l’Eglise, des âmes et des lettres, une plume aussi courageuse qu’exercée : Gerbet, Rohrbacher, de Hercé, de la Provostaye, Eugène et Léon Bore, Eloi Jourdain (Sainte-Foi), Chavin de Malan, Blanc, Combalot, Xavier Quris, Houët, Jules Morel, etc.

Les erreurs et la révolte de Féli de La Mennais, les tenaces et impitoyables rancunes d’un gallicanisme aux abois, d’aveugles préventions contre Jean-Marie de La Mennais amenèrent, vers la fln de 1831, la dislocation de la Congrégation de SaintPierre : elle avait vécu dix ans, assez « pour rendre aux études ecclésiastiques l’intérêt et la vie ».

Doué d’une remarquable puissance de travail, d’un goût très sûr, d’une imagination moins fougueuse et ardente que celle de Féli ruais mieux assujelie à l’ordre et à la discipline, d’une singulière vivacité et pénétration d’esprit, Jean-Marie de La Mennais possédait la plupart des dons qui font le grand écrivain : il n’a cependant jamais ambitionné ia gloire et le titre d’auteur : c’est la seule signature de Féli que portent les « Réflexions sur l'état de l’Eglise en France pendant le xvni » siècle et sa situation actuelle », le « Guide spirituel » ou a Miroir des âmes religieuses » (1809), la « Tradition de l’Eglise sur l’insliiulion des évêques », 3 vol. (1 Si ', ), « L’Imitation de Jésus-Christ, augmentée de réflexions à lafln de chaque chapitre » (1820), Aphorismata (1825), le « Guide du Premier âge » (1816).

Si ces œuvres sont le fruit d’une intime et fraternelle collaboration, où l’apport de chacun est difjflcile à discerner, on admet toutefois généralement que les « Réflexions sur l'état de l’Eglise », la 1 Tradition t et les « Aphorisraata » appartiennent surtout à Jean. Les « Réflexions » dressent un programme de réformes à réaliser pour restituer au clergé son influence, rendre à l’Eglise la direction sprits et conlrebaltre les principes révolutionnaires : conciles provinciaux, synodes diocésains, retraites ecclésiastiques, missions dans lesparoisses, retour à la philosophie scolastique. La « Tradition de l’Eglise sur l’institution des évêques », « solide traité », « ouvrage digne des Bénédictins dei grands siècles, ('ans son ensemble très orthodoxe, très Bavant, tout à fait à propos contre les erreurs du gallicanisme » (Darras), était un acte do courage,

Tome IV.

puisqu’elle opposait à l’omnipotence de Napoléon l’universalité de la puissance spirituelle du Pape, — et aux prétentions des gallicans le dogme de l’infaillibilité pontilicale.

II. Œuvre scolaire.

« Carnotest le véritable fondateur de notre œuvre »,

aurait un jour déclaré Jean-Marie de La Mennais. Ce fut, en effet, d’un rapport de Lazare Carnot à Napoléon sur l’organisation de l’enseignement primaire que naquit l’idée première de V Institut des Frères de l’Instruction Chrétienne. Ce rapport, travail remarquable, étudié avec beaucoup d’attention par Jean-Marie de La Mennais, fut pour lui un programme d’action et l’annonce des luttes prochaines qui se livreraient, dans l'école et par l'école, autour de l'àme de l’enfant. Carnot préconisait l’emploi de la méthode lancastérienne, — et Jean-Marie de La Mennais avait jugé cette méthode et compris qu’elle était essentiellement laïque d’inspiration, qu’elle tendait à exclure l’idée surnaturelle de l'éducation et à chasser Dieu de l'école. Ses appréhensions, ' ses craintes, ses sévérités, il les résume dans une vigoureuse brochure, parue en 1819, et intitulée : « De l’enseignement mutuel ».

Les débuts des Frères de l’Instruction Chrétienne furent bien humbles : à Saint-Brieuc, trois paysans qu’en septembre 1817 Jean-Marie de La Mennais admet à partager sa table et à loger sous son toit et auxquels il enseigne, avec les éléments de la religion, la lecture, l'écriture et le calcul ; à Auray, au diocèse de Vannes, cinq jeunes gens illettrés recueillis au presbytère, bientôt transformé en noviciat, par l’abbé Deshayes et qui, à l’heure des classes, se rendent à l'école des Frères de La Salle.

Jean-Marie de La Mennais et l’abbé Deshayes avaient travaillé àl’insu l’un de l’autre, inspirés par une même idée, poursuivant un but identique. Une rencontre providentielle les rapprocha, el, le 6 juin 1819, il signèrent une convention qui décidait la fusion de leurs œuvres, en accordant aux deux fondateurs des droits égaux sur toutes les maisons et une égale autorité sur tous les sujets. « Conception extravagante » du seul point de vue humain, imaginée par deux âmes d’un absolu et surnaturel désintéressement, qui persistera vingt ans, jusqu'à la mort de l’abbé Deshayes en 18'|i, sans modification, sans provoquer ni conflit, ni heurt.

En mai 1821, l’abbé Deshayes, qui venait d'être élu supérieur général des Pères de la Compagnie do Marie et dos Filles de la Sagesse, quittait la Bretagne. Avant de se séparer, les deux fondateurs avaient présidé la retraite des Frères, choisi Dieu .seul pour devise du nouvel institut et procédé à une répartition de leurs sujets : l’abbé Deshayes emmenait avec lui dix des quinze jeunes gens du noviciat d’Auray.

Désormais, les Frères places en Bretagne seront, en fait, sous la seule obédience de 'Jean-Marie de La Mennais : ils l’appelleront leur a Père », et on les nommera, eux, indistinctement ; Frères de l’Instruction Chrétienne, Frères de La Mennais, Frères de Ploérmel.

Le programme de Carnot avait convaincu JeanMarie de La Mennais de l’urgence d’agir, sur tous les points de la Bretagne : il créera donc, sans retard, quelques écoles urbaines qui seront d< s centres de ralliement pour les maîtres, — et il multipliera les écoles rurales : de là, l’idée, aussi neuve que hardie, du Frère placé seul, commensal du cur< ;, travaillant sous ses ordres et reconnaissant en lui son supérieur local.

La nature, le but et l’esprit propre du nouvel in 65

titut sont déjà nettement définis dans 1 excmpla re des statuts que Jean Marie de, La Mennais remit à eTacnu des Frères en, 8.8. Il reprendra ce premier essai le complétera jusqu'à la veille de sa mor l’enrichira de tous les apports de son expérience et de ses épreuves, pour en faire ce code de perfection , , ue l’Eglise approuvera en 189O, - cette magni..pic discipline de de qui réclame de celui qui l adopte „ un delacl.i-ui.-iit absolu des choses de la terre, l’esprit d’humilité et d’obéissance, l’intention de pratiquer dams un degré éminent les vertus chrétiennes, du zèle pour l'éducation des enfants ».

Pour aider le Frère à honorer des engagements aussi solennels que formidables à la nature, chaque jour à des moments déterminés par un règlement particulier, trois heures au moins seront consacrées à la prière, au recueillement et à l'étude de la vie et des enseignements de Noire-Seigneur ; —chaque année., les exercices de la retraite, — et, dam les circonstances critiques, la visite du « Père », - car, pendant près d’un demi-siècle, Jean-Marie de La Mennais s’en ira, sur les chemins de Bretagne, par tous les temps, vers ceux de ses (ils dont le eonrage fléchit ou que menace la haine du sectaire.

Ouand.en 182.', , le siège de l’institut fut transfère à Ploërmel, les Frères dirigeaient 30 écoles ; trois ans plus tard, au nombre de 160, ils en dirigeaient L iVé montées par 6.000 élèves, - vraies « petites ehartreusea distinguées par la pauvreté et 1 esprit

de prière »., AtJt

Sous la Restauration, les autorités avaient ele, dans l’ensemble, bienveillantes aux initiatives de Jean-Marie de La Mennais. Au lendemain de la révolution de Juillet, les jacobins de Bretagne crurent l’heure propice pour satisfaire de vieilles Haines. AGuingamp, Lannion, Ploermel, Vitre ils n’hésitèrent pas à recourir aux mesures les plu » arbitraires et aux calomnies les plus odieuses et les .dus dénuées de fondement. Jean-Marie de La Mennais défend ses droits et ses (ils, tantôt par des soupa d’au lace, tantôtpar de souples et ingénieuses négociations, - et ses adversaires éprouvent a ses victoires une stupéfaction qui va jusque se nuancer de respect. « Quel homme que cet abbe de La Mennais ! dira l’un d’eux, celui qui, à Guingamp a ete le plus violent contre les Frères. Il a le diable au corps : on le chasse de la cave et il remonte au gre’lier 1)i

Les ennemis des œuvres de Jean-Marie de La nnais résolurent de porter un grand coup, ht le , 3 février 183' (, l’Institut des Frères eut les honneurs dune séance à la Chambre des Députés. On 1 accusa l'être « affilié aux Jésuites, d’abrutir les enfants, l’arrêter les progrès de la civilisation et de s opposer malignement au succès des écoles mutuelles ».

Jean-Marie de La Mennais se contenta de répondre : * Mes Frères ne cherchent à triompher quen enseignant mieux que leurs rivaux, ave ; lesquels ils vivent dans une paix profonde. Sa vente, je m'étonne d’entendre crier au monopole parce que esuil parvenu à f m 1er l30 écoles dans un pays ou Il en faudrait 1.200. Il en reste 1070 à la disposa. on le mes accusateurs : leur part n’est-elle pas asseï

be le ? »

L’incideat eut, d’ailleurs, un épi Ogue assez

Imprévu" dans la demande officielle et instante de

Frères.pie, quelques jours plus tard, le Ministre de

lu Marine adressa a Jean-Marie de La Mennais, en

de préparer l'émancipation des esclaves aux

' La démarche du Ministre de la Marine s’accordait trop avec les apostoliques ambitions de Jean-Marie

.le La Mennais pour qu’il la repoussât. Bienlol,

9 50 Frères s’emploieront à la Guadeloupe (1M7), a la Martinique (183yl, à la Guyane (1842), à l’evanfrélisatioa des noirs elles achemineront v. rs un usage judicieux de leur liberté qu’un crime uiable leur a conlisquée, - el que le gouvernement de Louis-Philippe s’e., t engagé à leur rendre pleine et entière. Dur apostolat, —qui le j » ur,

sur les « habitations », sons le regard niellant, parfois mauvais et jaloux, du planteur, - et le so ; r en ville, à l'école. Apostolat fructueux : on vit. une seule paroisse, un seul frère cateeb adultes à la campagne, — el 27', le soir a 1 école. — Apostolat qui confère, sur des âmes que la tyrannie a pu asservir sans les dompter, un ascend fort pour calmer et contenir leurs emportements es plus déterminés. A plusieurs reprise*, les Frères catéchistes préserveront la Guadeloupe et la M rliniqne du pillage, de l’incendie et du massacre. Ho , 848, par exemple, les noirs révoltés auraient détruit Forl-de France et exterminé la population blanche tout entière sans l’intervention du Frère

Vrtliur

Vu mois de septembre 1841, deux Frères part :, pour le Sénégal, et, en ma. iatre F.eres se

rendaient à Saint-Pierre etMlquelon. A [ arrivée des Frères au Sénégal, l'école primaire, pratiquement n’existait pas Ils l’organisèrent avec un succès tel qu’on n’a pas craint d’affirmer qu’ils avaient été.es

« premiers agents de la conquête qui devait aboutir

à un vaste empire africain ». La masse de leurs élèves éta.t musulmane : ils exercèrent auprès deux un zèle discret qui décida quelques «  « versions, éveilla chez tous de vives sympathies pour le catholicisme et détruisit le fai-ati-ine religieux. Ouand.en, o.03, - après soixante années d un labeur ininterrompu et d’un dévouement que le Gouvernement de la Métropole avait reconnu par les plu enviables distinctions et que les autorités locales avaient de tous temps mis en relief, — les Frères abandonnèrent leurs écoles, un pasteur protestant, dans un rapport officiel, pouvait écrire : « A Dakar, à Gorée, à Rufisque, à Thiès, sur la cote, a SaintLouis partout, il y a des écoles dirigées par un ou plusieurs Frères. Et ces écoles sont nombreuses, et les succès obtenus disent les efforts méthodiques el consciencieux. Sur 20 noirs parlant, non pis un charabia français nègre, mais le français, de 11 a u répondent, si on leur demande : 1 Où as-tu appris le français ? —Chez les Frères. »

A Saint-Pierre et Miquelon. 1 apostolat des Frères eut des débuts pénibles : installation matérielle misérable, indifférence et même hostilité..es autorités locales, élèves rebelles à toute discipline. Leur savoir-faire, leur abnégation, les énergiques interventions de Jean-Marie de La Mennais auprès du Ministre de la Marine eurent bientôt triomphe de tous les obstacles. L’ordre et le travail régu dans b-s elasses. Quarante ans plus tard, des Frères avaient permis l’organisation lions très florissantes : Apostolat de la Ir.eie Société des Marins, Ligue du Særé-Co-ur Bt qn en 1003, la loi les expulsa des deux Iles, après soixante ans de dévouement, toute la population escorta les proscrits, le navire anglais uni Bocueilllt à son bord Qi tirer des salves en honneur et, dans leurs barques de pêoha, les lerrcNeuvas pleuraient.

feun-Marie de La Mennais appelait de se ; vœux une réglementation qui contint le despotisme démlque et les prétentions de certaines an Boolafeea, quand parut la loi du 38 juin.833. Bit » était due à 1 initiative de Guisot qui professait la plus haute estime pour le fondateur des Frères, € cet

honnête et ferme Breton, absolument enfermé dans son état et dans son œuvre ». (Mémoires.) Cette charte de l’enseignement primaire, conçue par un homme qui entendait que « l'éducation populaire fût donnée et reçue dans une atmosphère religieuse », par des maîtres qui se regardent comme des auxiliaires du prêtre, — et non comme des rivaux indépendants (Mémoires), Jean-Marie de La Mennais la considéra comme un bienfait pour les régions dépourvues d'écoles. Non pas qu’il l’estimât parfaite : il lui reprochait en particulier : la surcharge et l’uniformité des programmes et l’obligation qu’elle imposait à tous les maîtres de justifier leur compétence par un mè : ue et unique diplôme.

« Pourquoi, disait-il, vouloir élever et instruire le

petit pâtre de Squilliec comme le tils d’un commerçant, d’un industriel de Rennes ? De même que le tiis de l’ouvrier doit apprendre les notions qui lui sont indispensables pendant son apprentissage, de même le lils de l’agriculteur doit être initié de bonne heure à la culture du sol. » Et pour que ses écoles ne préparent pas des déracinés ou dés inadaptés, il établit des cours d’hydrographie dans les écoles du littoral, — de dessin, de mathématiques et de comptabilité dans les écoles urbaines les plus importantes, — et, à l'école primaire rurale, il introduit des notions d’agriculture qu’illustrent les essais pratiqués dans le champ d’expérience, — et à la MaisonMère de Ploërmel, il ouvre des ateliers d où sortiront quelques-uns des plus habiles artisans de la région.

Les deux successeurs de Guizot, de Salvandy et Villemain, commencèrent par créer de graves embarras à Jean-Marie de La Mennais, — le premier, par une application trop rigoureuse des dispositions de la loi de 1833, — le second, par l’accueil très portial fait aux plaintes et dénonciations de certains universitaires de l’académie de Rennes.

Pourtant, qn'étaient ces tracasseries administratives, — qu’il appelait plaisamment son « casuel », auprès des méliances — quelques-unes outrageantes — que continuait d'éveiller chez des personnages ecclésiastiques le nom de La Mennais ? 11 les endurait sans une plainte, sans une parole amère. Et lorsque le 16 octobre 1 838, — sur un bruit calomnieux contre lequel tout son passé protestait, sans enquête, sans l’avoir entendu, — Mgr de la Romagère le déclara, dans une ordonnance épiscop&le, interdit a divinis, condamné par conséquent à ne jamais dire la messe pendant la visite de ses 70 maisons du diocèse de Saint-Brieuc, et déchu du pouvoir de confesser ses frères, — Jean-Marie de La Mennais se contenta de souffrir en silence et en paix, et de pratiquer une soumission entière et sans réserve. Et à l’un de ses lils qui lui avait exprimé son élonnement et sa douleur, il répondait : « Il est vrai, j’ai bien des peines ; mais le bon Dieu me fait la grâce de les supporter sans murmure et sans trouble. Jésus-Christ, Notre Seigneur et notre modèle, depuis l’heure de sa naissance jusqu'à sa mort sur la croix, n’a jamais été sans douleur ; pour parr sa gloire, il faut quc nous partagions ses souffrances. »

L’action de Jean-Marie de La Mennais déborda ' miment l’Institut des Frères et des Filles de la Providence pour s'étendre bien au delà de la Bretagne et même de l.i France. On la retrouve dans toutes les initiatives des catholiques pour Le maintien, par L'école et par le collège, des traditions et souvenirs locaux, la revendication du droit des parents à contrôler et diriger l'éducation de leurs enfants, la lutte contre le monopole universitaire. Sur les instantes démarches de M. Cochin. il rédige,

au moment de la préparation de la loi de 1850, un mémoire détaillé dont toutes les suggestions furent adoptées par la commission extra-parlementaire constituée par M. de Falloux.

Il guida l’abbé Mazelier dans l'élaboration des constitutions et l’installation des premières écoles des Frères de Saint-Paul-Trois-Chàteau.x (183^), l’abbé Delamare dans la fondation des Frères de Montebourg, l’abbé de Brabant dans la fondation de l’institut de la Sainte Union, l’abbé Basile Moreau dans la réorganisation de l’Institut des Frères de Saint-Joseph. Il seconda le D 1 ' Wiseman, — le futur cardinal et archevêque de Westminster, — dans ses efforts pour créer une branche anglaise des Frères de l’Instruction Chrétienne. Il inspire et soutient la Mère de Kertanguy dans la restauration de l’Institut des Filles de la Sainte Vierge.

A deux reprises seulement, — et sans qu’il l’ait cherché, — te don de lui-même à tout le bien qui s’offre et à tous les dévouements qui voudraient se modeler sur le sien, favorisa l’extension de son institut de Frères : en 18.^1, lorsqu’il accepta de former à la vie religieuse les sujets que Mgr de la Croix d’Azoleite lui enverrait du Midi, — et en 1850, lorsqu’il conclut avec M. Duguey un accord qui fut l’origine des Frères de Tinchebray.

Le iG décembre 18/17, J ean Marie de La Mennais fut frappé d’une congestion qui mil ses jours en danger. Revenu péniblement de la crise, il lixa, dans son acte de dernière volonté, le mode de gouvernement de l’Institut après sa mort, — et adressa à Pie IX une supplique où il priait Sa Sainteté de

« bénir l’Institut des Frères de l’Instruction Chrétienne, en approuvant de la manière qu’elle jugerait la plus convenable ses règles et ses constitutions ». La Congrégation des Evèques et Réguliers

répondit à cette démarche par un décret de louange, — et le Pape prodigua au Fondateur les encouragements les plus affectueux dans le Bref qu’il lui a tressait le I er février 1851. Ce fut uue immense joie pour le « Père » et ses enfants.

Malgré la vieillesse, la paralysie et ses membres déformés par des rhumatismes, il continuera de lutter neuf années encore pour l’Eglise et l'éducation chrétienne des enfants.

L’Institut des Frères comptait 937 membres, dirigeait 34°> établissements et instruisait 50. 000 enfants lorsque, le 26 décembre 1860, Jean-Marie de La Mennais, s’endormit dans le Seigneur, chargé d’ans et de mérites, serrant dans ses mains son chapelet et son bréviaire.

Depuis [853, le Frère Cyprien avait vécu dans L’intimité du Fondateur ; il avait été le 1 émoi n immédiat et assidu de son héroïque résignation dans l'épreuve, l’interprète judicieux et fidèle de sa pensée dans les rapports avec les autorités civiles et religieuses, — et c’est à lui qu’avait été adressée la .suprême consigne :.< Mon lils, achève mon œuvre ! »

Le Frère Cyprien aura trente-sept ans pour réaliser le viril du Père. Quand il mourut, le i/| juillet 1897, les F’rères émettaient publiquement les

trois v<i ux de religion, — (on n'émit d’abord dans l’Institut publiquement que Le voeu d’obéissance), — L’Institut était définitivement approuvé par l’Eglise, yoo jeunes gens se préparaient dans neuf maisons de probalion à leur mission de religieux éducateurs. En Fiance, depuis 1886, h s Frères n'étaient plus înBlituleUVS publics, mais sur tous les points de la

Bretagne L'école chrétienne s'étaii dressée et leur avaii ouvert ses portes. La Guadeloupe et la Martinique, obéissant aux Injonctions de la Métropole, leur avaient, — bien à n^ni, — substitué des maîtres laïques, — mais ils s'étaient rend'

Tahiti (.86..), à Haïti (1864), et, en 1886, 0° avaient fondé 1. province du Canada qui quarante

ans, » lns lard, aura quatre maisons.le format on, Sô Wès, quarante établissement » d’instruction

fréquentés par près de ao. ooo élevés.

jï Révérend Frère Abel qui succéda au 11, - rend Frère Cyprien avait voué au Fondateur un culte passionne II ambitionnait pour lui les bon, Z rs des autels - et, le 7 octobre 1899, il eut La foie dWster, à la Maison ?Mère de Ploérmel à l’ou^rlù.u procès de l’Ordinaire pour L’introduction de la causée, voulait une biographie du Jonàs^ complet, , bien informée, - et il « ^ « *££ les documents qui ont permis a Mgr Lave le d'écrire son « Jean-Marie de La Mennais ». Le Fondateur avait jadis réclamé pour le petit campagnard une instruction qui le rattache au sol, - et il sera organisateur le plus actif et le plus avise de 1 enseignement de L’agriculture à l'école primaire, dan, les départements de l’Ouest.

L’Institut comptait 2.220 P^fx 1 ^™^™ enfants et adolescents, dirigeait /, 60 écoles, orsque, le 18 mars l 9 03, le Parlement français rejeta les demandes en autorisation des instituts anae’gnanls Le 7 février, 904, le Révérend Frère Abel Ijrenait la route de L’exil. Cinq jours plus **V'ï.l, .i « a ? mes de troupes, aux ordres du « ^Ï^JS investissaient la Maison-Mere pour y "'l u ^ lre 50 vieillards et infirmes et donnaient 1 assaut au pensionnat La Mennais pour jeter sur la rue, 0 en /a LÏgal’ement, l’Institut de Ploérmel avait vécu en France. Sécularisés ou proscrits, les vrais fils de Jean-Marie de La Mennais n’ont cependant renie aucun des serments faits au Dieu de leur jeunesse e aux heures sombres, ils ont retrempe leurs énergies et leurs espoirs dans cette prière de leur

Pèie » : « Mon Dieu, peut-être nos crimes forcerontUs votre justice à permettre que es méchants

triomphent et nous empêchent de faire le bien ce soir : mais, mon Dieu, votre miséricorde nous laisse encore la liberté de faire le bien ce matin Ah. mon Dieu, nous ferons le bien ce matin en bénissaut votre miséricorde ! »

La tourmente avait emporté bien des œuvres quand, le, 3 août, 909, le Chapitre General cou lia le gouvernement de l’Institut au Révérend Fiere JeanJoseph. Mais Dieu n’efface que pour mieux écrire Jusqu’en.goS. l’Institut avait conservé un caractère surtout régionahste et breton. Aujourd hui, U a jeté de solides et durables assises en Espagne au Canada, aux États-Unis, en Angleterre en Itahe. H a des missions prospères en Egypte, à lanni, dans L’Ouganda et en Haïti, l’ancienne Sain^Domingue. Dans tons ces pays, il s’est organisé en élargissant ses cadres primitifs : le collège olassiaue le High School, le cours professionnel et, parfois connue en Haïti et dans L’Ouganda, l école normale pour la' préparation des instituteurs indigenés, 1 continuent L’action de l'école primaire élé "iîesWles de la Providence de SainUBrleue, L’autre famille religieuse de Jean Marie de La Mennais, seetnsacentau-oin des malades et a i’eduea ion des jeunes filles. Biles attendirent la loi du 1' Juillet 100. pour émigrerdela Bretagne et s établi en Angleterre et au Canada où elles dirigent des œuvres importantes et très appréciées , ,, . „ (., s, (, , i de L’Ordinaire, dans La eause d<

béatification et de canoniaatlon de Jean-Marie de La

Mennais, était terminé le ag août 1901 ; » 9 se P^ m ;

bre suivant, le cardinal Vincent VannuteUl était

gné comme l’or.ent par un décret de la B. C. K,

le.0 octobre 1907, la S. C. R. prononçait le nih l Obstai relativement aux écrits ; le 39 mars 1 S s Le Pape Pie X signait l’Introduction de la 1

et mettait Jean-Marie de La Mennais au rang des Vénérables ; le sg mars.9.6, la S. C. H. a porte un décret de non ctiltu. ….

Les deux familles religieuses du Vénérable a dent cet autre jour où, le faisant monter. dans les splendeurs des saints., L’Eglise les agenouillera devant celui qu’alors elles pourront Invoquer La même joie filiale et dune même ame qui s est disciplinée à la vertu et au sacrilice par la soumission aux Règles et Constitutions de leur commun Fondateur.

Bibliographe. - Mgr La veille, Jean-Marie à Mennais, Paris, « 903, av. in-8°. - Joseph Ce

leau. Les idées pédagogique - ' " ruble h

Marie-Robert de La Mennais, Pans, l

FntiiB Aucuangb.