Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Paul (rue Saint-)


Paul (rue Saint-).

Commence aux quais Saint-Paul, no  2, et des Célestins, no  30 ; finit à la rue Saint-Antoine, nos 140 et 142. Le dernier impair est 57 ; le dernier pair, 46. Sa longueur est de 281 m. — 9e arrondissement, quartier de l’Arsenal.

Cette rue doit son nom à l’église Saint-Paul, qu’on y voyait encore avant la révolution. — Une décision ministérielle du 8 prairial an VII, signée François de Neufchâteau, avait fixé la moindre largeur de cette voie publique à 12 m. — Une ordonnance royale du 10 mars 1836 a porté sa largeur à 13 m. Les maisons nos 20, 22, 24 et 26 sont alignées ; celles nos 1 et 3 ne devront subir qu’un léger redressement. — Égout. — Conduite d’eau. — Éclairage au gaz (compe Parisienne).

Les propriétés particulières portant les nos 30, 32 et 34 occupent aujourd’hui une partie de l’emplacement de l’ancienne église Saint-Paul. Ce n’était d’abord qu’une simple chapelle sous le titre de Saint-Paul. Saint Éloi la fit bâtir vers l’an 633, au milieu d’un emplacement destiné à servir de sépulture aux religieuses du monastère qu’il avait fondé dans la Cité. En raison de sa situation hors des murs de la ville, elle prit le nom de chapelle de Saint-Paul-des-Champs. Cet oratoire fut plusieurs fois détruit par les Normands. Une bulle d’Innocent II, de l’année 1136, fait mention pour la première fois de l’église Saint-Paul qu’elle qualifie d’Ecclesia Sancti-Pauli extra civitatem. Le quartier au centre duquel s’élevait cette église s’augmenta considérablement sous Charles V. Le prince habitait l’hôtel Saint-Paul ; les courtisans vinrent alors se loger près de la demeure royale et y attirèrent une foule de marchands et d’ouvriers. L’ancienne église Saint-Paul, devenue trop petite, fut rebâtie par les libéralités de Charles V. La dédicace eut lieu en 1431, par Jacques du Chastellier, évêque de Paris. On y admirait les peintures des vitraux de la nef faites par Désaugives. Parmi les tombeaux élevés dans cet édifice, on remarquait celui de François Rabelais, mort le 9 avril 1553. Trois mignons de la cour de Henri III, Quélus, Maugiron, tués en duel le 27 avril 1578, et Saint-Mégrin, assassiné par ordre du duc de Guise, le 21 juillet de la même année, avaient été inhumés près du grand autel. Le roi leur fit construire de magnifiques tombeaux et l’on grava au pied de leurs statues, extrêmement ressemblantes, et qu’on devait au ciseau de Germain Pillon, plusieurs épitaphes très louangeuses. Nous transcrivions celle qui fut placée sur la tombe de Maugiron. Le poète y fait intervenir les divinités du paganisme :

« La déesse Cyprine avoit conçu des cieux,
En ce siècle dernier, un enfant dont la vue
De flammes et d’éclairs étoit si bien pourvue
Qu’Amour, son fils ainé, en devint envieux.
Chagrin contre son frère et jaloux de ses yeux,
Le gauche lui creva, mais sa main fut déçue ;
Car l’autre qui étoit d’une lumière aiguë,
Blessoit plus que devant les hommes et les dieux,
Il vient en soupirant s’en complaindre à sa mère :
Sa mère s’en moqua ; lui, tout plein de colère,
La Parque supplia de lui donner confort.
La Parque, comme Amour, en devint amoureuse ;
Aussi Maugiron gît sous cette tombe ombreuse,
Et vaincu par l’Amour et vaincu par la Mort.

Lorsqu’on apprit à Paris la mort des Guise, assassinés à Blois le 27 décembre 1588, par ordre de Henri III, le peuple, que les prédications des moines avaient rendu furieux, courut à Saint-Paul et détruisit les tombeaux de Quélus, Maugiron et Saint-Mégrin, disant : « qu’il n’appartenait pas à ces méchants, morts en reniant Dieu, sangsues du peuple et mignons du tyran, d’avoir si braves monuments et si superbes en l’église de Dieu, et que leurs corps n’étoient pas dignes d’autre parement que d’un gibet. »

L’homme au masque de fer fut également enterré à Saint-Paul, le 20 novembre 1703, à quatre heures après midi, sous le nom de Marchiali. Son enterrement coûta 40 livres.

Au mois de juin 1790, on déposa dans le cimetière de cette église les ossements de quatre individus trouvés enchaînés dans les cachots de la Bastille, et on leur éleva un monument sur lequel fut gravée cette inscription : « Sous les pierres mêmes des cachots où elles gémissaient vivantes, reposent en paix quatre victimes du despotisme ; leurs os découverts et recueillis par leurs frères libres, ne se lèveront plus qu’au jour des justices pour confondre leurs tyrans. » — L’église Saint-Paul fut supprimée en 1790.

« Séance du primidi, 21 brumaire an II. Les comités révolutionnaires de la section de l’Arsenal, des Droits de l’Homme et de l’Indivisibilité, viennent annoncer au conseil qu’ils se proposent de conduire à la Convention tous les ornements et l’argenterie de l’église Saint-Paul, ainsi que l’arche. Nous porterons aussi, dit l’orateur, les clefs de Saint-Pierre ; le paradis est ouvert, nous pouvons tous y entrer. Le conseil applaudit à cette opération philosophique et en arrête mention au procès verbal. » (Registre de la Commune, tome 22, page 13,304.) — Devenue propriété nationale, l’église Saint-Paul fut vendue le 6 nivôse an V, et démolie deux années après. Le culte a été transféré dans l’ancienne église des Jésuites.

À côté de l’église Saint-Paul, on voyait un vieux bâtiment appelé la Grange-Saint-Éloi qui servait de prison publique. Lors des débats sanglants des Bourguignons et des Armagnacs, cette prison, comme toutes celles de Paris à cette époque, fut le théâtre des plus horribles assassinats. Le 12 juin 1418, les égorgeurs, qui s’étaient organisés en confrérie à Saint-Eustache sous le nom de confrérie de Saint-André, assaillirent la prison de Saint-Éloi et massacrèrent les prisonniers. Un seul, Philippe de Vilette, abbé de Saint-Denis, parvint à se soustraire à leur fureur. Il se revêtit de ses habits sacerdotaux, se mit à genoux devant l’autel, tenant en ses mains une hostie consacrée. Les assassins s’arrêtèrent et n’osèrent le frapper ; il fut sauvé. — Cette prison depuis destinée aux femmes, a été supprimée au commencement de la révolution. Ses bâtiments, devenus propriétés nationales, ont été vendus le 25 vendémiaire an V (voir l’article du passage Saint-Pierre).