Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Opéra-Comique (théâtre de l’)


Opéra-Comique (théâtre de l’).

Situé place des Italiens. — 2e arrondissement, quartier Feydeau.

« Versailles, le 31 mars 1780. — Louis, etc… La nécessité des spectacles dans les grandes villes de notre royaume, et principalement dans notre bonne ville de Paris, est un objet qui a de tous temps attiré l’attention des rois nos prédécesseurs, parce qu’ils ont regardé le théâtre comme l’occupation la plus tranquille pour les gens oisifs et le délassement le plus honnête pour les personnes occupées ; c’est dans cette vue qu’indépendamment de ses comédiens ordinaires, le feu roi notre très honoré seigneur et ayeul, avait permis, en 1716, l’établissement d’une troupe de comédiens Italiens ; mais malgré les talents et le zèle des acteurs qui la composaient, ils n’eurent qu’une faible réussite, et ce spectacle ne s’est jamais soutenu que par des moyens étrangers, et toujours insuffisans jusqu’au moment où, en 1762, on y a réuni l’Opéra-Comique. Si depuis cette époque, ce théâtre a été fréquenté toutes les fois qu’on y donnait des opéras bouffons et autres pièces de chant, d’un autre côté le public montrait si peu d’empressement pour voir les comédies en langue Italienne, que quand on les représentait, le produit de la recette ne suffisait pas même pour payer la moitié des frais journaliers ; d’ailleurs comme les tentatives réitérées qu’on a faites pour faire venir à grands frais des acteurs d’Italie, n’ont produit aucun effet, et qu’il ne reste plus aucun espoir de remplacer les bons acteurs morts et ceux que leurs longs services mettent dans le cas de se retirer, nous nous sommes vus forcés de supprimer entièrement le genre italien, et nous avons pourvu au traitement des acteurs et actrices qui le représentaient en leur accordant des pensions de retraite et des gratifications convenables ; mais désirant conserver dans notre bonne ville de Paris un spectacle qui puisse contribuer à l’amusement du public, nous avons établi une nouvelle troupe qui, sous le titre ancien de Comédiens Italiens, représentera des comédies françaises, des opéras bouffons, pièces de chant, soit à vaudevilles, soit à ariettes et parodies, et en conséquence nous avons permis aux administrateurs de notre Académie de Musique de faire à la dite nouvelle troupe un bail pour trente années de privilège de l’Opéra-Comique ; nous nous sommes déterminés à cet arrangement d’autant plus volontiers que, par le compte que nous nous sommes fait rendre de l’état de ce spectacle depuis 1762, nous avons remarqué que le genre des pièces de chant y avait fait des progrès aussi rapides qu’étonnans. La musique française qui jadis était l’objet du mépris ou de l’indifférence des étrangers, est répandue aujourd’hui dans toute l’Europe, puisqu’on exécute les opéras bouffons et français dans toutes les Cours du nord et même en Italie, où les plus grands musiciens de Rome et de Naples applaudissent aux talens de nos compositeurs français. Ce sont les ouvrages de ce genre qui ont formé le goût en France, qui ont accoutumé les oreilles à une musique plus savante et plus expressive, et qui ont enfin préparé la révolution arrivée sur le théâtre même de notre Académie de Musique, où l’on voit applaudir aujourd’hui des chefs-d’œuvres dont on n’aurait ni connu ni goûté le mérite si on les y avait joués vingt ans plus tôt ; on ne peut donc pas douter que cette révolution ne soit le fruit des opéras bouffons composés pour la Comédie Italienne, et des efforts continuels des acteurs qui les ont exécutés ; parce que consultant sans cesse le goût du public et cherchant à le perfectionner comme à le satisfaire, ils sont parvenus à rendre leur spectacle infiniment agréable à la nation et même aux étrangers ; dans ce genre, on doit les attendre des mêmes compositeurs et des mêmes acteurs qui, encouragés par de premiers succès, mettront leur gloire et leur intérêt à porter cet art aussi loin qu’il peut aller ; d’après cela nous avons pensé que nous ne pouvions mieux témoigner à ces même acteurs la satisfaction que nous avons de leur service qu’en leur donnant une consistance solide et légale à l’instar de celle de nos comédiens français ordinaires ; par là nous contribuerons à augmenter le goût et les progrès de la musique, à entretenir l’émulation parmi les auteurs et les gens de lettres, et à assurer par la même voie non seulement l’état et les fonds des acteurs et actrices, mais aussi les pensions de retraite ; mais en accordant ces faveurs à nos comédiens italiens, nous sommes bien éloignés de vouloir donner la moindre atteinte aux privilèges que nos augustes prédécesseurs ont daigné accorder à nos comédiens ordinaires, et singulièrement aux droits de pouvoir seuls représenter des tragédies ; nous espérons même que ces deux théâtres, loin de se nuire, pourront se prêter un mutuel secours et qu’ils ne disputeront entre eux que d’efforts et de zèle pour mériter de plus en plus nos bontés et contribuer à l’amusement du public. À ces causes et autres, nous avons dit, déclaré et ordonné, disons, déclarons et ordonnons ce qui suit : Article 1er. Nous avons créé et établi, créons et établissons une troupe de comédiens qui demeureront attachés à notre service sous le titre de nos Comédiens Italiens ordinaires, avec faculté de se qualifier nos pensionnaires. — Art. 2e. Permettons à nos d. comédiens italiens, à compter du 3 avril de la présente année, de représenter à Paris, sur le théâtre de l’hôtel de Bourgogne, sis rue Française, ou sur tel autre théâtre qui sera par nous construit par la suite, toutes les comédies françaises, pièces de chant, soit à ariettes, soit à vaudevilles, composant le fonds de la comédie italienne et de l’opéra comique, ainsi que toutes les pièces du même genre qui pourraient leur être présentées par la suite. — Art. 3e. Et désirant maintenir et augmenter la gloire du Théâtre Français, que nous regardons comme le premier spectacle de la capitale et le théâtre de la Nation, proprement dit, nous avons interdit et interdisons expressément à nos d. comédiens italiens la faculté de jouer aucunes tragédies, maintenons et gardons nos d. comédiens français dans le droit et privilège de jouer seuls ces pièces de théâtre etc… — Art. 11e. Voulons et entendons que les d. comédiens italiens soient tenus de représenter chaque jour sans que, sous aucun prétexte, ils puissent s’en dispenser. — Art. 12e. Et renouvellant en tant que de besoin les dispositions de la déclaration donnée par Louis XIII, notre honoré seigneur et trisayeul, en faveur des comédiens, le 16 avril 1641, nous enjoignons très expressément à nos d. comédiens italiens, de régler tellement les représentations théâtrales, que la religion, les bonnes mœurs et l’honnêteté publique n’en puissent souffrir la moindre atteinte, et, en ce faisant, nous voulons et entendons que l’exercice de leur profession ne puisse leur être imputé à blâme, ni préjudicier à leur réputation dans le commerce public, etc. » — On songea bientôt à faire construire une nouvelle salle.

« Marly, le 14e octobre 1780. — Louis, etc… Ordonnons ce qui suit : Article 1er. Nous agréons et approuvons le plan de la nouvelle salle que les sieurs Reboul de Villeneuve et compagnie se proposent de construire pour y placer le spectacle dit de la Comédie Italienne ; en conséquence leur permettons de faire faire la d. construction sur l’emplacement désigné au dit plan, faisant partie des terrains dépendants de l’hôtel de Choiseul, duquel emplacement désigné pour la d. salle de comédie, ainsi que de celui de la place qui sera au-devant de la d. salle, et des rues dites de Marivaux, Favart et de Grétry, qui seront ouvertes sur le d. terrain, les d. sieur et dame de Choiseul entendent faire l’abandon en faveur du d. établissement. — Art. 2e. La d. salle sera construite aux frais du d. sieur Reboul de Villeneuve, lequel sera tenu de se conformer en tout pour l’élévation de l’édifice et de ses accessoires aux plans, coupes et élévations qui seront donnés par le sieur Heurtier, notre architecte, après toutefois que les dits plans auront été par nous approuvés. Sera également tenu le d. sieur Reboul de Villeneuve, de rendre la d. salle achevée pour ce qui le concerne dans l’espace de deux ans, à compter du 1er avril 1781, etc. » — La construction de cette salle fut terminée en 1783, et l’inauguration eut lieu le 28 avril de la même année. Les acteurs de la Comédie Italienne, ou plutôt de l’Opéra-Comique y jouèrent jusqu’en 1797, époque à laquelle ils s’installèrent dans la salle Feydeau. De nombreux succès dus au talent des compositeurs et des chanteurs rendirent ce spectacle l’un des plus florissants de la capitale. La salle Feydeau, construite avec peu de solidité, sur un emplacement étouffé par des constructions particulières, faisait naître des craintes qui déterminèrent à choisir une autre localité. — Une ordonnance royale du 8 octobre 1826 prescrivit la construction d’une nouvelle salle vis-à-vis de la rue Ventadour. Les travaux ayant été terminés, les acteurs de l’Opéra-Comique abandonnèrent la salle Feydeau. La fortune ne les suivit pas dans le nouveau théâtre qui fut fermé en 1832 (voyez théâtre des Italiens). Au mois de septembre de la même année les artistes de l’Opéra-Comique vinrent s’installer dans la salle de la place de la Bourse (voyez théâtre du Vaudeville), qu’ils quittèrent en 1840. À cette époque ils inaugurèrent la salle de la place des Italiens, où ils paraissent être fixés d’une manière définitive. — Cette ancienne salle avait été, comme nous l’avons dit plus haut, abandonnée en 1797 par les acteurs de l’Opéra-Comique. Des troupes nomades y donnèrent alternativement des représentations. Elle était occupée au mois de janvier 1838, par les chanteurs italiens, lorsqu’un effroyable incendie la détruisit presqu’entièrement.

« Loi du 7 août 1839. — Article 1er. Le ministre de l’intérieur est autorisé à mettre en adjudication, avec publicité et concurrence, la reconstruction de la salle Favart pour y établir l’Opéra-Comique, sous les conditions et clauses du cahier des charges, annexé à la présente loi. Le rabais portera sur la durée de la jouissance à concéder à l’adjudicataire. — Art. 2e. À l’expiration du terme fixé par l’adjudicataire, la salle reconstruite et ses dépendances feront retour à l’État, etc. » — Au mois de septembre suivant, M. Charpentier, architecte, commença les travaux de reconstruction. Cette salle contient 1500 places, dont les prix sont ainsi fixés en 1844. Loges de la galerie avec salon, 1res loges de face avec salon, avant-scène de la galerie et des loges de la galerie, 7 fr. 50 c. ; fauteuils et stalles de balcon, loges de la galerie sans salon, 1res loges de face sans salon, 6 fr. ; fauteuils de la galerie, fauteuils d’orchestre, stalles de baignoires, avant-scène des 1res loges, baignoires de face et de côté, 5 fr ; 1res loges de côté, avant-scène des loges de la 2me galerie, 4 fr. ; 2me galerie, 3 fr. ; parterre, loges de la 2me galerie de face, avant-scène des 3mes loges, 2 fr. 50 c. ; loges de la 2me galerie de côté, 3mes loges, 2 fr. ; amphithéâtre, 1 fr.