Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Observatoire (carrefour de l’)


Observatoire (carrefour de l’).

Situé au débouché des rues de l’Est, de l’Ouest et Notre-Dame-des-Champs. Pas de numéro impair ; les numéros pairs sont 32, 34 et 36. — 11e arrondissement, quartier du Luxembourg.

Ce carrefour a été formé en vertu d’une loi du 27 germinal an VI, et d’un décret du 20 juin 1807. (Voyez l’article précédent.) — Une décision ministérielle en date du 4 octobre 1817, fixa la moindre largeur de cette voie publique à 95 m. — En vertu d’une autre décision du 17 août 1824, signée Corbière, elle a reçu le nom de carrefour de l’Observatoire. Une ordonnance royale du 9 décembre 1838 a maintenu la largeur de 95 m. Les constructions riveraines sont alignées, à l’exception de la propriété située sur le côté droit, entre la rue Notre-Dame-des-Champs et le boulevart du Mont-Parnasse, qui devra reculer de 24 m.

Le carrefour de l’Observatoire rappelle de tristes souvenirs.

Le 7 décembre 1815, par un temps froid et sombre, un groupe de soldats, au milieu duquel on apercevait une voiture, traversait la grande avenue du Luxembourg. Arrivé au carrefour de l’Observatoire, devant le mur sur lequel on voit écrit aujourd’hui : Jardin de la Grande-Chartreuse, le groupe s’élargit, le fiacre s’arrêta ! Un capitaine de gendarmerie courut à la portière, abattit lui-même le marche-pied, et prévint la personne qui était dans la voiture qu’on était arrivé ! En ce moment, les cris le voilà ! le voilà ! se firent entendre. Il y eut un moment de trouble parmi les spectateurs. — « Retirez-vous, dirent alors quelques officiers, c’est à la plaine de Grenelle que l’exécution doit avoir lieu. — Serrez vos rangs, et empêchez qu’on approche, cria un officier-général aux soldats. » La personne descendit alors de la voiture ! C’était Michel Ney, prince de la Moskowa ! L’expression du visage du maréchal était d’un calme admirable. Il regarda autour de lui, et, apercevant le peloton qui devait faire feu : « Ah ! dit-il, c’est là ! » Au même moment, on entendit le galop précipité d’un cheval. « C’est sa grâce ! crièrent les uns ; c’est un sursis, dirent les autres. » C’était l’ordre expédié du château de hâter l’exécution !… Alors le maréchal fit ses adieux au vénérable ecclésiastique, M. de Pierre, curé de Saint-Sulpice, qui l’avait accompagné. Le guerrier lui donna une boîte d’or en le priant de la remettre à la maréchale, puis il tira de sa poche une poignée d’argent pour être distribué aux pauvres de la paroisse Saint-Sulpice ; alors s’avançant d’un pas assuré, Michel Ney se plaça devant le peloton. Le commandant vint, un mouchoir à la main, pour lui bander les yeux. Le guerrier le repoussa doucement : « Ignorez-vous, monsieur, que depuis vingt-cinq ans j’ai l’habitude de regarder la mort en face ! » Il posa la main droite sur son cœur, et de la gauche, élevant son chapeau au-dessus de sa tête, il reprit d’une voix calme et solennelle : « Je proteste devant Dieu et devant les hommes contre le jugement qui me condamne ; j’en appelle à la patrie et à la postérité !… Vive la France ! » Il continuait lorsque la voix de l’officier-général couvrit la sienne par ce brusque commandement adressé aux soldats : « Apprêtez armes !… » — « Camarades, reprit alors le maréchal d’une voix plus éclatante faites votre devoir et tirez-là !… là ajouta-t-il, en montrant son cœur ! — Joue ! Feu ! » dit le même officier-général, et le maréchal Ney tomba !… Vive le roi ! vive le roi ! hurlèrent les officiers en brandissant leurs épées ; comme si le roi avait besoin du sang d’un maréchal de France pour vivre ! Aucune voix du peuple ne répondit au moins à ces acclamations sacrilèges ! Dès que le petit nuage de fumée fut éparpillé dans l’air, on vit les traces de ce noble sang, qui glissait sur le mur devant lequel s’était adossé le maréchal. Alors une femme, une sœur de l’hospice de la Maternité, qui priait, solitaire, depuis l’arrivée du maréchal, perça le triple rang de soldats pour recueillir quelques traces de ce sang. Cette femme était la sœur Sainte-Thérèse, dont le frère, qui servait en 1814 dans le corps d’armée du maréchal, avait été tué sous ses yeux. Le cadavre du prince de la Moskowa resta vingt minutes, gisant au pied de ce mur. Des hommes de peine, attachés à l’hospice de la Maternité, vinrent l’envelopper dans une couverture, et le transportèrent sur un brancard, dans une salle basse de leur hospice. Agenouillée devant les restes du héros, la sœur Thérèse pria Dieu toute la nuit ; et le lendemain, la famille du maréchal les fit pieusement inhumer au cimetière du Père-Lachaise.