Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Motte-Picquet (avenue de la)


Motte-Picquet (avenue de la).

Commence à la rue de Grenelle, no 151 ; finit au chemin de ronde de la barrière de l’École-Militaire. Le dernier impair est 29 ; le dernier pair, 34. Sa longueur et de 1 358 m. — 10e arrondissement, quartier des Invalides.

La partie comprise entre la rue de Grenelle et les avenues de la Bourdonnaye et de Tourville, fut tracée vers 1680 ; le surplus n’a été formé qu’en 1775. Cette avenue appartient à la ville de Paris en vertu d’une loi du 19 mars 1838. — Conduite d’eau dans une partie. (Voyez avenue de La Bourdonnaye.)

Toussaint-Guillaume Picquet de la Motte, connu sous le nom de La Motte-Picquet, né à Rennes (Ille et Vilaine) vers 1720, entra au service à l’âge de quinze ans. Il avait déjà fait neuf campagnes, lorsqu’il s’embarqua, en 1745, sur la Renommée, commandée par le capitaine Kersaint. L’année suivante, cette frégate qui avait livré aux Anglais plusieurs combats glorieux, revenait pour la troisième fois du Canada en Europe, lorsqu’elle tomba pendant la huit au milieu de l’escadre de l’amiral Anson. Le commandant anglais détache aussitôt contre elle une frégate de 36 canons. La Renommée la démâte et l’oblige de se retirer. Une deuxième frégate entre aussitôt en lice, elle éprouve le même sort ; l’amiral Anson envoie alors un vaisseau de 70, qui couvre la Renommée de mitraille. Le capitaine Kersaint tombe grièvement blessé. Croyant avoir assez combattu pour l’honneur de son pavillon, il fait appeler ses officiers et leur propose de se rendre. « Est-ce pour cela que vous m’avez fait venir ? demande La Motte-Picquet ; en ce cas je retourne à mon poste. » Il prend le commandement de la frégate et l’action recommence plus terrible encore. La mitraille lui déchire la joue, un boulet de canon lui enlève son chapeau ; l’intrépide marin conserve son sang-froid au milieu de l’ouragan de fer, et manœuvre avec tant de précision et d’habileté qu’il parvient à gagner le Fort-Louis en tenant tête à l’ennemi.

Au commencement de la guerre d’Amérique, nous retrouvons La Motte-Picquet chef d’escadre. Au combat d’Ouessant, en 1778, il montait le Saint-Esprit, et combattit sans désavantage contre des forces supérieures. Ensuite il alla croiser sur les côtes d’Angleterre avec dix vaisseaux ; un mois après l’intrépide marin rentrait à Brest conduisant treize prises faites sur l’ennemi. En 1779, La Motte-Picquet rejoignit le comte d’Estaing et contribua par sa valeur à la prise de la Grenade, ainsi qu’à la victoire remportée à la fin de juin sur le vice-amiral Byron. L’Annibal serre-file de la ligne Française eut beaucoup à souffrir dans ce combat.

La Motte-Picquet fut ensuite chargé d’effectuer avec une escadre de sept vaisseaux le débarquement des troupes qui attaquèrent Savannah. Le siège ayant été levé, il fit voile avec trois vaisseaux seulement pour la Martinique. La Motte-Picquet y faisait réparer ses bâtiments, lorsque le 18 décembre les signaux de la côte annoncèrent qu’un convoi de vingt-six voiles françaises, escorté par une frégate, était poursuivi par une flotte anglaise de quinze vaisseaux. L’officier que La Motte avait envoyé au marquis de Bouillé, gouverneur de la Martinique, pour lui en donner avis, n’eut que le temps de revenir pour s’embarquer. Déjà les voiles de l’Annibal était enverguées, les câbles coupés ; La Motte se porta seul en avant pour attaquer la tête de l’escadre ennemie. Le Vengeur et le Réfléchi ayant embarqué avec une promptitude inespérée les munitions dont ils étaient dépourvus, vinrent joindre l’Annibal qui se défendait comme un lion. La lutte dura quatre heures ; enfin l’amiral anglais fit signe de ralliement à ses vaisseaux, et La Motte-Picquet rentra au Fort-Royal avec la plus grande partie du convoi. Le lendemain l’amiral anglais Parker écrivit à La Motte-Picquet pour le complimenter sur sa brillante valeur. La Motte-Picquet fut fait cordon rouge en 1780, à l’occasion de ce brillant combat du Fort-Royal, et lieutenant général en 1782. Nommé grand’croix en 1784, il mourut à Brest le 11 juin 1791.