Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/France (collége de)


France (collége de).

Situé dans la place Cambrai, no  1. — 12e arrondissement, quartier Saint-Jacques.

À François Ier, justement honoré du titre de Père des lettres, appartient l’honneur d’avoir fondé ce grand établissement. Il en conçut l’idée dès le commencement de son règne. Son dessein était de placer ce collége à l’hôtel de Nesle et d’y faire bâtir une chapelle qui devait étre desservie par quatre chanoines et quatre chapelains. Guillaume Petit, confesseur du roi, Guillaume Budé et plusieurs autres, appuyèrent fortement ce noble projet. François Ier faisait demander, en 1517, au célèbre Érasme de venir enseigner à Paris. Érasme refusa en proposant Henri Glareau dont il fit l’éloge. Mais la conquête de l’Italie qu’ambitionnait le rival de Charles-Quint, suspendit l’exécution de ce projet dont le roi ne put s’occuper qu’après le traité de Cambrai. Nos historiens varient sur l’époque de la fondation de ce collége : les uns la fixent à l’année 1529, les autres pensent qu’elle eut lieu seulement en 1530. Jaillot concilie ces deux opinions en disant que François Ier manifesta son dessein et sa volonté par ses lettres-patentes du 24 mars 1529, et par la commission du 19 décembre suivant pour le paiement des sommes nécessaires à la construction de ce collége, et qu’il fixa en 1530 le nombre et les honoraires des professeurs qu’il nomma et qu’il institua l’année suivante. Le plan de François Ier pour la formation de cet établissement était empreint d’un caractère grandiose et magnifique. Les sciences et les langues devaient être gratuitement enseignées. Il voulait que la dotation de ce collége fut fixée à 50,000 écus de revenu annuel pour la nourriture de 600 écoliers. Les professeurs, au nombre de douze, devaient avoir par année un traitement de 200 écus d’or, avec un logement dans le collége. François Ier ne put donner à ce projet qu’un commencement d’exécution. La commission suivante fut expédiée le 19 décembre 1539 pour le paiement des sommes nécessaires à la construction du collége royal. « Voulant donner toutes les commodités nécessaires aux lecteurs et aux professeurs pour vaquer à leurs lectures, avons résolu de leur construire en notre logis et place de Nesle à Paris, et autres places qui sont à l’entour, un beau et grand collége de trois langues (hébraïque, grecque et latine) accompagné d’une belle et somptueuse église avec autres édifices dont les dessins ont été faits. Avons commis Audebert Catin pour tenir le compte et faire les paiements de la dépense nécessaire pour les susdits bâtiments, voulant que les dits paiements soient passés et alloués par nos amés et féaux les gens tenant nos comptes. » Le cardinal Duprat fit, dit-on, avorter en partie ce grand dessein, et les professeurs royaux créés par François Ier furent longtemps obligés d’enseigner dans les salles du collége de Cambrai et dans d’autres établissements. Les premiers professeurs furent Pierre Danes, Parisien ; Jacques Tussan ou Toussain, né à Troyes, qui enseignait le grec ; Paul Paradis, dit le Canosse, né à Venise ; Agathio Guidacerio, Espagnol ; François Valable ou Vateblé, de Picardie, ce dernier enseignait la langue hébraïque ; Martin Problation, Espagnol, et Oronce Finé, Dauphinois, qui professaient les mathématiques ; Barthélemy Masson, Allemand, qui donnait des leçons d’éloquence ou de langue latine ; il eut pour adjoint Léger Duchesne, de Rouen ; la médecine fut d’abord enseignée par Vidius, Florentin, auquel succéda Jacques Dubois d’Amiens, ou Silvius. François Ier accorda une distinction honorable aux professeurs qu’il avait institués. Il leur donna, par ses lettres-patentes du mois de mars 1545, la qualité de conseillers du roi et le droit de committimus. Il les fit mettre en outre sur l’État, comme commensaux de sa maison. C’est à ce titre qu’ils prêtaient serment de fidélité entre les mains du grand aumônier. Après la mort du cardinal Barberini, qui remplissait cette place, Louis XIV donna la direction de ce collége au secrétaire d’État qui avait le département de la maison du roi. Les successeurs de François Ier s’imposèrent la glorieuse obligation d’augmenter l’importance du collége royal. Henri II créa une chaire de philosophie qui fut occupée par l’italien François Vicomercat, professeur du célèbre et malheureux Ramus. Henri III, en 1587, en créa une pour la langue arabe, qui fut donnée à Arnaud de Lile ou de Lisse, Allemand, et après lui à Étienne Hubert d’Orléans. Henri IV institua un professeur d’anatomie et de botanique. Louis XIII créa une deuxième chaire pour la langue arabe, et une pour le droit canon ; Louis XIV, une pour la langue syriaque, une deuxième pour le droit canon et une de droit français. Son successeur apporta dans l’enseignement de ce collége d’importantes modifications. Il ordonna par arrêt du conseil en date du 20 juin 1773, que les fonds de la chaire de langue syriaque seraient appliqués à l’établissement d’une chaire de mécanique ; ceux de la chaire de philosophie grecque et latine, aux frais d’une chaire de littérature française ; que la deuxième chaire de langue arabe serait convertie en une chaire de langue turque et persane. L’une des deux chaires de médecine pratique devint une chaire d’histoire naturelle, et l’une des deux chaires de droit canon fut changée en une chaire de droit de la nature et des gens. Il y eut donc dix-huit chaires de fondation royale. On comptait en outre une chaire de mathématiques, fondée en 1568 par Ramus. Elle ne rapportait que 500 livres au titulaire qui sortait victorieux de l’épreuve d’un concours. Une chaire de philosophie et une de médecine étant devenues vacantes, Louis XIV ordonna de les mettre au concours. On commença par celle de philosophie. Treize juges furent choisis parmi des savants et des professeurs ; et sa majesté donna la chaire à celui qui montra aux yeux de tous le plus de capacité pour la remplir. Cette amélioration ne subsista pas longtemps, et le roi nomma à ces chaires, sur la présentation du gentilhomme qui dirigeait ce collége ; il n’y eut plus alors, ajoute un écrivain, de concours que pour la brigue, la protection et la bassesse. Dans l’origine, les professeurs et lecteurs royaux dépendaient de l’Université, ils en furent ensuite séparés. En 1626, le recteur, en vertu d’un arrêt du parlement, enjoignit aux professeurs du collége de France de rentrer dans le sein de l’Université. Le grand aumônier, qui dirigeait alors ce collége, fit casser cet arrêt par le conseil du roi, et l’Université ne renouvela plus ses prétentions. On comptait sous Louis XVI, au collége de France, vingt-un professeurs. Nous avons aujourd’hui vingt-quatre cours, savoir : d’astronomie, de mathématiques, de physique expérimentale, de médecine, d’anatomie, de chimie, d’histoire naturelle, du droit de la nature et des gens, d’histoire et de philosophie morale, de langues hébraïque, chaldaïque et syriaque, de langue arabe, de langue turque, de langue persane, de langue et de littérature chinoises et tartare-mantchou, de langue et de littérature sanscrites, de langue et de littérature grecques, d’éloquence latine, de poésie latine et de littérature française, d’économie politique, d’archéologie, d’histoire des législations comparées et de droit constitutionnel. Les professeurs sont nommés par le roi, sur la présentation du ministre de l’instruction publique. Leur traitement inamovible est fixé à 6,000 fr.

Le grand dessein formé par François Ier pour la reconstruction d’un édifice destiné au collége royal, ne fut exécuté ni par lui ni par ses successeurs. Les professeurs royaux enseignèrent longtemps dans les classes des différents colléges. Vateblé professait au collége du cardinal Lemoine. Henri II ordonna qu’ils feraient successivement leurs leçons dans les colléges de Tréguier et de Cambrai. Mais en 1609, Henri IV, à la sollicitation du cardinal du Perron, du duc de Sully et du président de Thon, résolut de faire démolir le collége de Tréguier qui menaçait ruine et de faire construire sur son emplacement un bâtiment de 59 m. de longueur sur 39 de largeur. La mort de Henri IV retarda l’exécution de ce projet ; mais sa veuve, Marie de Médicis, fit acheter au nom du roi le collége de Tréguier, le 28 juin 1610, et Louis XIII, alors âgé de neuf ans, posa la première pierre du nouveau bâtiment le 28 août de la même année. Une des ailes de l’édifice fut seule bâtie, et les travaux ne furent poursuivis avec célérité qu’en 1774. Le 22 mars de cette année, le duc de Lavrillière posa la première pierre du nouveau bâtiment qui fut construit sur l’emplacement des colléges de Tréguier, de Cambrai, dé Kérambert ou de Léon, d’après les dessins de l’architecte Chalgrin. On avait distrait au commencement de la révolution le petit hôtel de Cambrai, qu’on avait rangé dans la classe des domaines à aliéner. — « Au Pont-de-Brique, le 11 thermidor an XII. Napoléon, etc… Sur le rapport de notre ministre de l’intérieur, décrète : — Article 1er. Le petit hôtel Cambrai qui avait été rangé dans la classe des domaines aliénables, sera mis à la disposition du ministre de l’intérieur, pour être réuni au collége de France dont il faisait anciennement partie, etc… Signé Napoléon. Par l’empereur, le secrétaire d’État, signé H. B. Maret. » Le 30 avril 1831, le ministre du commerce et des travaux publics approuva un plan pour l’agrandissement du collége de France ; une maison située place Cambrai et trois autres dans la rue Saint-Jacques furent acquises en 1834 par l’État, et après leur démolition, M. Letarouilly, architecte, construisit les nouveaux bâtiments qui font aujourd’hui du collége de France un des monuments les plus remarquables de la capitale.

Colléges dont les emplacements ont servi à la formation du collége de France.

Collége de Tréguier. Il fut fondé le 20 avril 1325, par le testament de Guillaume de Coatmohan, grand chancelier de l’église de Tréguier, pour huit écoliers de la famille du fondateur ou du diocèse de Tréguier. À cet établissement fut réuni en 1575 le collége de Kéramber ou de Léon, dont on ignore l’époque précise de la fondation. En 1610, on commença à jeter sur l’emplacement du collége de Tréguier, les fondements du collége de France.

Collége de Cambrai. Hugues de Pomare, évêque de Langres, Hugues d’Arci, évêque de Laon, et Guy d’Aussone, évêque de Cambrai, furent les fondateurs de cet établissement, qui porta d’abord le nom de collége des Trois-Êvêques. Il prit ensuite celui de Cambrai, parce qu’il fut bâti en 1348 sur l’emplacement de la maison de l’évêque de Cambrai, l’un des trois fondateurs. Ce collége était composé d’un maître, d’un chapelain qui faisait l’office de procureur, et de sept boursiers à la nomination du chancelier de l’église de Paris. Le maître ou principal était choisi lui-même par les boursiers. En 1612, le roi fit l’acquisition de ce collége et l’on commença à le démolir, mais ce ne fut qu’en 1776 qu’il fut entièrement abattu pour faire place aux bâtiments du collége de France.