Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Fermes (passage de l’Hôtel-des-)


Fermes (passage de l’Hôtel-des-).

Commence à la rue de Grenelle-Saint-Honoré, no  51 ; finit à la rue du Bouloi, no  24. — 4e arrondissement, quartier de la Banque.

Ce passage a été construit sur l’emplacement de l’ancien hôtel des Fermes. On lit dans Sauval, qu’Isabelle Gaillard, femme du président Baillet, vendit deux maisons rue de Grenelle, à Françoise d’Orléans, veuve de Louis de Bourbon, premier prince de Condé. Cette vente fut faite en 1573. Cet hôtel passa ensuite à Charles de Soissons. L’amoureux gentilhomme se plaisait à répandre de tous côtés, sur les vitres, les plafonds et les lambris, d’ingénieux emblèmes, de galantes devises et ses chiffres enlacés avec ceux de Catherine de Navarre, sœur de Henri IV. En 1605 cette propriété fut vendue à Henri de Bourbon, duc de Montpensier. Henriette de Joyeuse, sa veuve, s’étant remariée au duc de Guise, la revendit en 1612 à Roger de Saint-Larri, duc de Bellegarde, grand écuyer de France, ce courtisan si aimable, si poli, cet amant chéri de Gabrielle d’Estrées, de mademoiselle de Guise et de tant d’autres. Le chancelier Séguier fit, en 1633, l’acquisition de cette superbe demeure qui devint, après la mort du Cardinal de Richelieu, l’asile des muses. Là, s’assemblèrent, les Racan, les Sarrazin et tous les beaux-esprits de l’époque. Le duc de Bellegarde avait fait agrandir cette résidence par le célèbre architecte Androuet du Cerceau ; Séguier l’embellit encore. Ce magistrat eut plusieurs fois l’honneur d’y recevoir Louis XIV et la famille royale. Cet hôtel fut ensuite occupé par la ferme générale. « Je ne passe jamais devant l’hôtel des Fermes, disait Mercier, l’auteur du Tableau de Paris, sans pousser un profond soupir. Je me dis : Là, s’engouffre l’argent arraché avec violence de toutes les parties du royaume pour qu’après ce long et pénible voyage, il rentre altéré dans les coffres du roi. Quel marché ruineux ! quel contrat funeste et illusoire a signé le souverain ! Il a consenti à la misère publique, pour être moins riche lui-même. Je voudrais pouvoir renverser cette immense et infernale machine qui saisit à la gorge chaque citoyen, pompe son sang, sans qu’il puisse résister, et le dispense à deux ou trois cents particuliers qui possèdent la masse entière des richesses. Chaque plume de commis est un tube meurtrier qui écrase le commerce, l’activité, l’industrie. La Ferme est l’épouvantail qui comprime tous les desseins hardis et généreux. On ne songe plus dans cette anarchie qu’à se jeter dans le parti des voleurs ; et l’horrible finance se soutient par ses déprédations mêmes !… Là, enfin on tient école de pillages raffinés ! Là, on offre des plans plus oppressifs les uns que les autres. La finance est le ver solitaire qui énerve le corps politique. Ce ver absorbe les principaux sucs, fait naître de fausses faims et tue enfin le sein qui le renferme ! » — L’hôtel des Fermes devint propriété nationale et fut vendu le 19 fructidor an IV. Il est occupé maintenant par des messageries, par une imprimerie, et les bureaux du journal le Courrier Français.