Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Catherine (rue Culture-Sainte-)


Catherine (rue Culture-Sainte-).

Commence à la rue Saint-Antoine, nos 99 et 101 ; finit à la rue du Parc-Royal, no  1. Le dernier impair est 29 ; le dernier pair, 54. Sa longueur est de 386 m. — Les impairs, de 1 à 23 inclusivement, sont du 7e arrondissement, quartier du Marché-Saint-Jean ; de 25 à la fin et tous les pairs, 8e arrondissement, quartier du Marais.

Dans les actes du XIIIe siècle, elle est nommée Culture et Couture-Saincte-Katherine. De la rue des Francs-Bourgeois à celle du Parc-Royal, elle est indiquée sur quelques plans sous le nom de rue du Val. Sa dénomination lui vient des chanoines réguliers de Sainte-Catherine-du-Val-des-Écoliers (voyez l’article Catherine, marché Sainte-). — Une décision ministérielle, du 13 fructidor an VII, signée Quinette, a fixé la moindre largeur de cette voie publique à 10 m. Les maisons nos 1, 3, 5, 7, 9, 21, 21 bis, 23 ; 8, 10, 12, 38, 40, 42, 44, 46, 48, 50, 52 et 54 sont alignées. — Portion d’égout du côté de la rue Neuve-Sainte-Catherine. — Conduite d’eau entre cette voie publique et la rue Saint-Antoine. — Éclairage au gaz (compes Parisienne et Lacarrière).

Cette rue fut en 1391 le théâtre d’un assassinat ; en voici la cause. Le duc d’Orléans, frère de Charles VI, était amoureux d’une juive qu’il allait souvent visiter secrètement. Pierre de Craon, seigneur de Sablé et de la Ferté-Bernard, son chambellan et son favori, eut l’indiscrétion d’avertir la duchesse de l’infidélité de son mari. Ce seigneur raconta non-seulement toute cette intrigue à la duchesse, mais encore il en amusa tous les courtisans. Le connétable de Clisson qui se trouvait parmi les auditeurs, rapporta de point en point toute la conversation de Craon au duc d’Orléans qui, irrité contre son favori, le chassa honteusement de sa maison. Pierre de Craon résolut de tirer vengeance du tort que le connétable lui avait fait dans l’esprit du duc son maître. La nuit du 13 au 14 juin 1391, Craon attendit le connétable dans la rue Culture-Sainte-Catherine ; le voyant passer suivi de deux domestiques, il fondit sur lui à la tête d’une vingtaine d’assassins. Clisson, qui n’avait pour toute arme qu’un simple coutelas, se défendit néanmoins avec vigueur, mais attaqué de tous côtés, et percé de trois coups d’épée, il tomba de cheval et donna de la tête dans une porte qui s’ouvrit. « La besogne est faite, dit alors Craon, allons-nous en, le connétable a été frappé de bon bras. » — Le bruit de cet assassinat parvint aussitôt aux oreilles du roi, qui allait se mettre au lit. Il se revêtit d’une houppelande ; on lui bouta ses souliers ès-pieds, et il courut à l’endroit où on disait que son connétable venait d’être occis. Charles VI le trouva baigné dans son sang, dans la boutique d’un boulanger. Le roi fit visiter les blessures qui heureusement se trouvèrent peu dangereuses. — « Connétable, lui dit-il, oncques chose ne fut telle, ni ne sera si fort amendée. » Trois des meurtriers furent pris et exécutés ; mais le plus coupable, Pierre de Craon, parvint à se réfugier auprès du duc de Bretagne. Son hôtel fut démoli et l’emplacement donné pour servir de cimetière à la paroisse Saint-Jean. Ce cimetière a été changé depuis en marché. À la prière du roi d’Angleterre, cet assassin obtint sa grâce en 1395.

Au no  23 on remarque l’hôtel de Carnavalet. Commencé par Bullant, continué par Du Cerceau, cet hôtel fut achevé par François Mansart. Madame de Sévigné et sa fille l’habitèrent quelques temps. On y admire les statues de la Force et de la Vigilance, dues au ciseau du célèbre Jean Goujon.

Les maisons portant les nos 25 et 27 ont été bâties sur l’emplacement du couvent des Annonciades célestes, dites Filles-Bleues. Ce couvent fut fondé par la marquise de Verneuil. Le roi autorisa cet établissement par lettres-patentes, enregistrées le 31 août 1623. Ces nouvelles religieuses achetèrent en 1626 l’hôtel de Dainville, moyennant 96,000 livres. Elles portaient un habit blanc, un manteau et un scapulaire bleus, ce qui leur avait fait donner le nom d’Annonciades célestes, et vulgairement celui de Filles-Bleues. On allait à l’église des Annonciades pour admirer le tableau du maître-autel, représentant une Annonciation peinte par le Poussin. Ce couvent, supprimé en 1790, devint propriété nationale et fut vendu le 29 fructidor an IV.