Deux documents sur Nellie Bly

Anonyme
(p. 3-4).

AUTOUR DU MONDE

Paris, 13 janvier,

Le New-York World a reçu la dépéche suivante de Mlle Nellie Bly qu’il a envoyée, comme on sait, faire le tour du monde en 75 jours :

« Hong-Kong, 23 décembre.

» Je suis arrivée ici ce matin par le steamer « Oriental » en avance de deux jours, et, après une agréable traversée depuis Singapore, le retard que j’ai éprouvé à Colombo a été causé par ce fait que le steamer « Victoria », à bord duquel je me trouvais, est arrivé un jour à l’avance et que « l’Oriental » n’est parti que le lendemain du jour fixé. Je suis en bonne santé et je m’embarquerai samedi à bord de « l’Océanie » pour San Francisco où je compte arriver le 21 janvier. — Nellie Bly. »

D’après l’itinéraire qui lui a été tracé avant son départ, Mlle Bly ne devait arriver à San-Francisco que le 22 janvier. Il se pourrait donc, si elle arrive le 21 comme elle l’espère, qu’elle gagne un jour et qu’elle accomplisse le tour du monde en 74 jours au lieu de 75. Mais d’un autre côté, son voyage de San-Francisco à New-York peut aussi être retardé par le mauvais temps et la neige.

Le World offre en prime une excursion gratuite en Europe pour l’été prochain à celui de ses lecteurs qui devinera le premier le temps exact que mettra Mlle Bly pour faire le tour du monde.


Vous connaissez miss Nellie Bly ? Qui ne connaît miss Bly, de New-York ? C’est une jeune personne qui vient de faire le tour du monde en soixante-douze jours. Enfoncé Philéas Fogg : quel retardataire que ce Jules Verne !

Miss Bly est rentrée à New-York dans les premiers jours de ce mois, et ses compatriotes enthousiasmés lui ont fait un accueil dont pâlira d’envie Stanley, si fort entiché d’honneurs publics. Le New-York World nous rend compte de cette réception épique : un dessin représente une foule immense, délirante, réunie à la gare de Jersey-City pour recevoir l’héroïne. Les chapeaux volent, les mouchoirs s’agitent, des bouquets s’épanouissent de tous côtés ; les impériales des wagons sont envahies par les curieux. Thousands cheer themselves hoarse on Nelly Bly’s arrival, dit la légende.

Suit le récit de ce voyage circulaire par la voyageuse elle-même. Il est de fait que jamais colis humain n’avait encore été transporté avec cette rapidité autour de la « machine ronde » ; mais le mérite nous en paraît revenir au progrès des applications de la vapeur beaucoup plus qu’aux qualités physiques ou intellectuelles de la jeune et sans doute jolie voyageuse.

Miss Nellie Bly a pérégriné si rapidement qu’elle n’a guère eu le temps de retenir le nom des villes qu’elle a traversées. Elle désigne sous le nom de « Bologne » la plage sur laquelle elle a débarqué en France. Par contre, elle nous fournit d’innombrables détails sur les sleeping-cars. Stanley et Trivier ont moins bien dormi qu’elle, sans doute, et avant eux les Drake, les Cook, les Livingstone n’ont pas eu toutes leurs aises. Peut être les puffistes américains voudront-ils bien admettre que, si la réclame est à bon droit le lot de leur touriste, la gloire appartient à d’autres.