Determination de la vitesse avec laquelle est entrainée une onde lumineuse traversant un milieu en mouvement

Determination de la vitesse avec laquelle est entrainée une onde lumineuse traversant un milieu en mouvement
DÉTERMINATION

DE LA

VITESSE AVEC LAQUELLE EST ENTRAINÉE

UNE

ONDE LUMINEUSE TRAVERSANT UN MILIEU EN MOUVEMENT.

PAR

M. HOEK.




Déjà depuis quelques années je désirais vivement connaître exactement la vitesse avec laquelle est entraînée une onde lumineuse, qui se propage dans un milieu doué d’un mouvement de translation. Dans mes études ayant pour objet l’influence des mouvements de la terre sur les phénomènes fondamentaux de l’optique dont se sert l’astronomie[1], j’avais admis avec fresnel que cette vitesse est donnée par la formule est la vitesse du milieu, son indice de réfraction absolu. J’ai alors reconnu que cette relation était nécessaire non-seulement pour expliquer la célèbre expérience d’arago, qui l’a fait introduire dans la science, mais encore pour rendre compte de la circonstance qu’en astronomie, on ne rencontre pas des perturbations particulières, liées à l’emploi d’un prisme dans les lunettes brisées.

Déjà M. fizeau, en chassant une colonne d’eau par le double tube d’arago, avait démontré que la relation mentionnée devait être exacte à un près. C’était un premier essai de mesurer cette quantité qui paraît destinée à jouer un grand rôle dans la théorie de l’optique, et dont la connaissance exacte est d’un grand intérêt pour l’astronomie.

En modifiant l’expérience faite par M. fizeau, j’ai réussi à y faire intervenir la vitesse de révolution de la terre, ce qui donne l’avantage de simplifier l’instrument et l’occasion de déterminer avec plus de précision le coëfficient d’entraînement.

Fig. 1

Voici de quelle manière mon appareil était construit. La source de lumière est une lampe ordinaire, qui éclaire la fente F (fig. 1). La lumière provenant de cette fente, après avoir traversé la glace GG, est rendue parallèle par l’objectif O. Les rayons qui ont passé par la partie E de cet objectif, rencontrent sur leur chemin le tube TT rempli d’eau et fermé par des glaces, qu’on a réussi à placer exactement parallèles. Ensuite ils entrent dans l’objectif O1 qui les fait converger vers le point F1. Dans ce point, ils rencontrent le miroir en métal MM, qu’on a placé dans le plan focal principal de l’objectif O1, de sorte que ces rayons retournent vers F en suivant le chemin F1 B A F. Tous les rayons appartenant au faisceau en considération se croisent donc de nouveau en F.

Un autre faisceau suit le chemin inverse. De A jusqu’en B il se propage par l’air, et ce n’est qu’au retour qu’il rencontre le tube T T.

Mais avant de se croiser en F, toute la lumière qui a parcouru l’appareil rencontre la glace G G, qui en réfléchit une partie vers . Cette portion entre par la fente dans le collimateur C, elle est de nouveau rendue parallèle, analysée par un prisme P et étudiée au moyen de la lunette .

Il est évident que dans un tel appareil, tant qu’il est en repos, il y a équivalence optique des chemins. Mais le phénomène est plus compliqué dès que cet appareil jouit d’un mouvement de translation.

Admettons que ce mouvement ait lieu dans la direction A B, comme l’indique la flèche dans la figure ; chacun des deux faisceaux est alors continuellement entraîné par les milieux dans lesquels il se propage. Cependant on aura peu de peine à reconnaître que, tout étant symétrique dans l’appareil, il y a anéantissement de ces effets pour autant qu’ils dépendent des objectifs. En effet, les deux rayons éprouvent des perturbations égales dans les parties A et E de, l’objectif O, et de même dans les parties B et D de l’objectif O1. Il n’y a donc là aucune cause de retard; il ne nous reste en conséquence, qu’à considérer l’influence du tube T T.

Dans cette partie de l’appareil, l’un des faisceaux se propage dans la direction du mouvement de la terre, l’autre dans une direction opposée à ce mouvement. Pour l’un d’eux il y a gain, pour l’autre perte. L’équivalence des chemins F E D F1 B A F et F A B F1 D E F a disparu, il y a un retard, le spectre doit donc montrer des bandes noires pour toute espèce de lumière dont la demi-longueur d’onde est comprise dans ce retard un nombre de fois impair.

Voilà mon premier projet.

L’expérience avant été exécutée, aucune bande ne se montrait. J’ai d’abord étudié mon appareil pour m’assurer que ce n’étaient pas ses imperfections qui cachaient le phénomène. Je l’ai modifié de plusieurs manières. J’en ai successivement remplacé toutes les diverses parties par d’autres plus parfaites et corrigées avec soin, jusqu’à employer des lunettes de 1.3 et de 2 mètres de distance focale. Enfin, j’ai cherché une combinaison qui me permettait de rejeter la glace GG, attendu que la lumière provenant d’un seul point, après avoir traversé une telle glace, a l’air d’être partie de plusieurs points appartenant à un ellipsoïde de révolution. La figure 2 représente une telle combinaison.

Fig. 2

La lumière provenant de la fente F est rendue parallèle par l’objectif , et réfléchie en partie vers par un prisme équilatère , dont la face est noircie. Après s’être croisée dans le point , elle est de nouveau rendue parallèle par O, et parcourt le reste de l’appareil comme dans la figure 1. Sur son retour, après avoir passé le point et l’objectif , la lumière rencontre le prisme. Une partie y entre par réfraction, et quoique faible, cette portion donne un spectre assez perceptible pour être examinée au moyen de la lunette .

Je n’aurai pas besoin d’ajouter que la position de l’instrument, aussi bien que les heures et les dates des expériences, ont été choisies de manière que l’influence du mouvement de la terre aurait dû se faire sentir.

Toujours le même résultat, aucune bande n’était visible. Ce résultat négatif ayant été mis hors de doute pour moi, je me suis occupé de ses conséquences théoriques, et j’ai reconnu qu’il confirme complètement le coëfficient d’entraînement de fresnel.

Voici de quelle manière.

Fig. 3

On peut faire abstraction de la présence des objectifs et se demander tout simplement combien de temps il faut à un rayon de lumière pour parcourir d’abord le tube AB (fig. 3) rempli d’eau, pour aller ensuite se réfléchir sur un miroir C, enfin pour revenir au point A, si l’on suppose que le tube a été vidé, tandis que la lumière parcourait l’espace BCB.

Admettons que tout l’appareil ABC ait un mouvement dont la vitesse soit , et dont la direction soit BC, c’est-à dire celle de la flèche. Nommons les distances AB = L et BC = , les vitesses de la lumière dans l’eau, dans l’air. Nous aurons :

1.o Vitesse de la lumière entraînée =
’’Vitessedu tube =

Vitesse relative de la lumière =
temps que la lumière met à parcourir le tube =
2.o Vitesse de la lumière dans l’air =
’’Vitessedu miroir =

Vitesse relative =
temps que le rayon met à parcourir la distance BC =
3.o Vitesse de la lumière dans l’air =
’’Vitessedu point A =

Vitesse relative =
temps nécessaire pour regagner le point =

On a donc :

(1)

En second lieu, on peut se demander quel est le temps nécessaire pour que la lumière se propage dans l’air de A vers C, qu’elle revienne sur ses pas pour rencontrer en B le tube rempli d’eau, puis qu’elle traverse ce tube et atteigne le point A. En opérant de la même manière, et en admettant le même mouvement de translation, on trouvera :

(2)

Pour qu’il n’y ait pas de retard il faut donc que , relation qui permet de calculer .

Il vient :

(3)

ou

(4)

ou

,

enfin, en négligeant les quantités du second ordre, c’est-à-dire par rapport à et par rapport à ,

(5)

Le résultat négatif de cette expérience fournit donc une nouvelle démonstration du facteur connu.

Mais il y a plus. On peut dire d’après cette expérience que ce facteur doit être très-exact. Pour démontrer ce point on peut raisonner de la manière suivante.

Si avait eu la valeur zéro on aurait trouvé d’après la formule (3) un retard

ou, en négligeant encore les quantités du second ordre,

ou enfin, en exprimant ce retard en mesure de longueur,
.

Dans mon expérience j’avais :

d’où il suit , ou un spectre à dix bandes noires.

Il n’y avait pas même un retard d’une demi-longueur d’onde de la raie G, c’est-à-dire de 0.00022 m.m

L’expérience indique donc que la fonction est exacte à un près.

On aura remarqué que la longueur du tube entre dans ces dernières formules. Ceci nous fournit un moyen de déterminer notre fonction avec beaucoup plus de précision. Je me propose de répéter l’expérience avec un tube de deux mêtres de longueur, ce qui conduira à une détermination 20 fois plus exacte, ou bien à la connaissance des perturbations auxquelles la fonction est sujette.


  1. Recherches astronomiques de l’observatoire d’Utrecht, livraison I.