Description du royaume Thai ou Siam/Tome 1/Chapitre 15

La mission de Siam (1p. 416-Carte).


CHAPITRE QUINZIÈME.

ANALYSE DU SYSTÈME BOUDDHISTE, TIRÉE DES LIVRES SACRÉS DE SIAM.




Les Siamois ont un ouvrage en soixante volumes qui s’appelle Trai-phum (les trois lieux) ; il embrasse tout le système des bouddhistes. Ce livre fut composé par l’ordre d’un roi de Juthia l’année de phra : khôdom 2345, par d’illustres docteurs qui le corrigèrent ensuite avec le plus grand soin et le rédigèrent d’après les livres sacrés. Ainsi l’analyse de ce livre sera l’exposition claire et naturelle du système bouddhiste chez les Siamois. Il se divise en trois parties : la première traite de l’univers en général, et de la terre en particulier ; la seconde expose le système des cieux, et la troisième décrit les enfers.

PREMIÈRE PARTIE.

DE L’UNIVERS

Il y a neuf degrés de sainteté ; quatre appelés mak (voies), quatre autres ont la dénomination de phón (fruits), le neuvième s’appelle niphan (extinction). Ces neuf degrés de sainteté pris collectivement sont appelés moyens de traverser le monde.

Les arijasong sont les talapoins disciples de Bouddha ; on les divise en huit ordres, et ils sont doués de piété, de constance et de sagesse. Ratana-trai sont les trois diamants savoir : Bouddha, les livres sacrés et les talapoins. Il y a trois manières d’adorer : l’adoration du corps, l’adoration verbale, l’adoration mentale. Le plus grand pécheur peut obtenir son salut en adorant les trois diamants, excepté celui qui a commis un des cinq crimes suivants le meurtre de sa mère, le parricide, le meurtre d’un saint, tirer une goutte de sang du corps de Bouddha, la dispersion violente des talapoins,

DE L’EXCELLENCE ET DES MÉRITES DE BOUDDHA.

Si un homme avait mille têtes, cent bouches dans chaque tête, cent langues dans chaque bouche, et par conséquent s’il avait dix millions de langues, quand il vivrait depuis la formation jusqu’à la destruction du monde, il ne pourrait pas célébrer suffisamment l’excellence de Bouddha. Cette excellence consiste surtout dans une miséricorde infinie, une science universelle. On peut avoir un léger aperçu de l’excellence de Bouddha par les noms qu’on lui donne. On l’appelle : 1o Araháng, c’est-à-dire éloigné des pécheurs, près des justes, éloigné des ennemis, c’est-à-dire des mauvais désirs, pur et chaste.

2o Samma-samphutthô, c’est-à-dire sachant par lui-même les lois de la nature et connaissant toutes les créatures d’une manière certaine, vraie, claire et distincte.

3o Vixacharana-sampanô, c’est-à-dire doué de huit arts et de quinze industries.

4o Sukhatô, marchant avec majesté, le bienvenu, s’avançant vers la perfection, ne rétrogradant pas vers la concupiscence.

5o Lôkavithu, connaissant le monde dans toutes ses parties, connaissant les mérites et les démérites, tous les animaux, la terre et le ciel.

6o Anuttarô, très-excellent, qui n’a pas de semblable, et à qui toutes les créatures sont soumises.

7o Purisa-thamma-sarathi, punissant ou domptant les grands personnages entre les anges, les hommes et les géants qui ont besoin de se convertir.

8o Sassada, maître des anges et des hommes, docteur des animaux, qui enseigne le chemin des cieux,

9o Phutthô, connaissant les quatre belles vérités, et amenant toutes les créatures à cette science, doué de la sainteté qui est la source des mérites, doué de toutes les connaissances, exterminant les mauvais désirs, exempt de la concupiscence~ vigilant.

10o Phakhava, glorieux, plein de majesté, il mérite qu’on lui offre les quatre aumônes nécessaires aux talapoins, doué de mérites immenses accumulés pendant un temps immémorial, ayant un corps et un esprit appliqués à la prière, qui parvient à la sortie du monde, c’est-à-dire à l’anéantissement.

DE L’EXCELLENCE DE LA RELIGION.

Sous un point de vue la religion se divise en trois livres appelés pidok (les trois moyensde transport), sous un autre elle se divise en neuf degrés de sainteté dont nous avons parlé ci-dessus.

DE L’EXCELLENCE DES TALAPOINS.

Les talapoins saints et véritables se divisent en huit classes selon les huit degrés de sainteté. Les talapoins sont dignes de recevoir les offrandes des fidèles. Celui qui les salue ou qui leur offre des présents acquiert des mérites infinis.

DE L’ESPACE DES MONDES.

Chaque monde ou chakravan a un soleil et une lune qui tournent autour du roi des monts situé au milieu. Par espace on entend la distance à laquelle peuvent parvenir les rayons du soleil, de la lune et aussi tout le firmament des cieux. L’espace se divise en huit lieux, savoir :

1o La terre destructible par le feu, l’eau et le vent.

2o La terre reconstituée à son premier état.

3o Les enfers grands et petits.

4o La région des monstres et des géants.

5o La région des animaux privés de raison.

6o La région des hommes.

7o Les six ordres des cieux.

8o Les cieux supérieurs qui se divisent en deux régions, celle des anges corporels et celle des anges incorporels.

La terre est supportée sur les eaux, les eaux sur l’air, à chaque point de l’horizon sont placés dix millions de millions de mondes, ou plutôt les mondes sont infinis. De là Bouddha dit dans un de ses sermons que quatre choses sont infinies 1o les animaux, 2o l’air, 3o les mondes, 4o la science de Bouddha.

DE LA DESTRUCTION DES MONDES PAR LE FEU.

Les mondes sont détruits par parties, comme ils sont réorganisés par parties, et à chaque fois les dix millions de millions de mondes sont détruit& les uns après les autres dans la direction du même point de l’horizon (mais tour à tour et graduellement). La destruction des mondes se fait tantôt par le feu, tantôt par l’eau et même par le vent, de sorte que cette destruction est successive et continuelle

L’âge de chaque monde comprend soixante-quatre âges intermédiaires ; mais qu’est-ce qu’un âge intermédiaire ? La vie des hommes la plus courte est de dix ans ; lorsque les mérites croissent, la vie des hommes augmente peu à peu jus qu’à ce qu’elle parvienne au nombre appelé asong-khái (l’unité suivie de cent soixante huit zéros). Ensuite la vie de l’homme décroît jusqu’à dix ans. Cet espace incroyable de temps, s’appelle un âge intermédiaire.

Tous les Bouddhas qui ont paru successivement jusqu’à nos jours (et ils sont en plus grand nombre que les grains de sable de la mer), comme tous ceux qui paraîtront dans la suite à l’infini, ont tous pris naissance dans notre monde c’est pourquoi notre monde a reçu le nom de monde glorieux.

Dix mille mondes autour de notre monde éprouvent un tremblement à la conception et à la naissance de Bouddha. Dix millions de millions de mondes autour du nôtre sont pénétrés de la majesté et de la sainteté de Bouddha ; mais les mondes infinis, sans en excepter un seul, sont éclairés par la science de Bouddha ; c’est là ce qu’on appelle phuthakhet ou limites de Bouddha.

Lorsque le temps de la destruction d’un monde approche, il apparaît une grande nuée illusoire à laquelle succède une sécheresse de dix mille ans ; quelques anges, prévoyant la destruction du monde, descendent tous les cent ans sur la terre pour prédire la destruction du monde aux hommes et aux animaux qui, s’étant convertis de leurs péchés et étant enlevés par la famine, transmigrent dans les cieux supérieurs. Les damnés et les impies transmigrent dans les enfers d’autres mondes qui ne seront pas encore détruits. Alors se lèvent deux soleils qui brûlent tour à tour la terre, de sorte qu’il n’y a pas de nuit, mais un jour continuel sans nuages ; toutes les rivières et tous les fleuves sont desséchés, excepté les cinq grands fleuves. Ensuite se lève un troisième soleil qui dessèche les grands fleuves. Les sept grands lacs sont desséchés par un quatrième soleil qui survient. À l’arrivée d’un cinquième soleil, la mer (dont la profondeur est de quatre-vingt mille lieues, la lieue étant composée de huit mille toises) se dessèche peu à peu. Mais quand un sixième soleil se lève, le monde répand de la fumée pendant cent dix mille ans, et lorsque le septième soleil se lève, le monde s’enflamme et brûle entièrement. Il faut remarquer que ce n’est pas seulement un monde qui est consumé par le feu ; mais qu’en même temps dix millions de millions de mondes sont brûlés par soixante-dix-millions de millions de soleil. La combustion des mondes s’augmente encore par l’huile de grands poissons de sept espèces, dont les uns ont huit cents lieues de longueur, d’autres neuf cents, d’autres mille. Le feu est si ardent qu’il consume les six cieux inférieurs, et trois degrés des cieux supérieurs. Il ne reste rien, pas même de la cendre, de cette épouvantable conflagration à laquelle succèdent des ténèbres très-épaisses pendant des siècles innombrables.

DE LA RECONSTRUCTION DES MONDES.

Lorsque l’époque de la reconstruction des mondes approche, il apparaît une grande nuée qui répand une pluie fine sur tout l’espace des mondes détruits ; les gouttes de pluie grossissent peu à peu, de sorte qu’elles deviennent bientôt d’immenses cataractes. Il y a un certain vent qui retient ces eaux comme dans un vase, pour qu’elles ne se répandent pas, jusqu’à ce que les eaux atteignent les cieux supérieurs qui n’ont pas souffert de l’incendie, et alors les pluies cessent. Par la vertu des mérites antérieurs, un vent violent souffle sur les eaux qui deviennent plus épaisses ; quand ces eaux sont aussi épaisses que l’argile d’un potier, ce vent les réduit en masses qui occupent l’espace des cieux, et ces masses forment de nouveaux cieux par étages. Mais lorsque les eaux sont diminuées jusqu’au lieu que doit occuper la terre, alors se forme la surface du globe ; mais, avant tout, le trône de Bouddha se forme à l’ombre d’un grand peuplier de l’Inde. Près de ce trône naît un nymphéa qui, s’il n’a pas de fleurs, indique qu’il n’y aura pas de Bouddha ; s’il n’a qu’une seule fleur, c’est signe qu’il n’y aura qu’un Bouddha, et en général il y aura autant de Bouddha que de fleurs.

Ensuite plusieurs des anges supérieurs, leurs mérites étant anéantis, ont pris naissance sur la terre, dans un âge et une forme parfaite comme des anges, sans distinction de sexe, brillants, glorieux, revêtus d’ornements et d’habits précieux, doués de vertus et de courage, pouvant se transporter à leur gré dans les airs, vivant de joie au lieu de nourriture, et ils ont passé ainsi longtemps une vie fortunée.

Après cela, il y en eut un d’entre eux qui, poussé par la gourmandise, voulut goûter la saveur de la terre. Cette saveur se répandit de suite dans tout son corps. D’autres, le voyant, l’imitèrent, et ils furent bientôt en proie à la concupiscence, ils perdirent leur éclat, leur gloire et leur ancienne vertu et demeurèrent dans les ténèbres, jusqu’à ce qu’enfin un soleil de cinquante lieues de diamètre se leva et les éclaira.

Quand le soleil se coucha, le globe de la lune, ayant quarante-neuf lieues de diamètre, parut ; ensuite parurent ensemble toutes les autres constellations. Après cela se formèrent le Meru, roi des montagnes, les montagnes qui entourent la terre et qui en sont comme les murailles, les autres montagnes, la mer, les lacs et les fleuves, les arbres et les plantes.

La saveur de la terre disparut peu à peu, parce que les premiers habitants de la terre avaient du mépris les uns pour les autres. Alors, on vit paraître une espèce de champignons agréables, odoriférants et savoureux, que les hommes mangèrent jusqu’à ce que cette nourriture disparut peu à peu, cause de leur orgueil. Ensuite on vit croître des plantes rampantes, belles et savoureuses, qui servirent de nourriture aux hommes, jusqu’à ce que orgueil les fit disparaître entièrement. Après cela on vit croître une espèce de froment appelé sáli, avec de grands épis, des grains blancs et sans écorces, que l’on moissonnait aujourd’hui et qui, le lendemain, repoussaient et parvenaient à maturité, et ainsi continuellement. Ce froment avait tous les goûts selon la volonté de celui qui le mangeait, néanmoins il contenait un résidu grossier ; de là vinrent les voies excrétoires et la différence des sexes, puis les mariages et les enfantements. À cause de la paresse des hommes, le froment sáli fut changé en riz, que l’on voit encore aujourd’hui ; on fut obligé de labourer et de cultiver les champs. C’est dans ce temps que prirent naissance les vols, les calomnies, les mensonges, les disputes et les combats. Les vieillards, ayant tenu conseil, se créèrent un roi à qui ils payèrent la dîme des récoltes.

Quelques hommes, pleurant sur les péchés des autres, se retirèrent dans les forêts et les déserts, errant et mendiant, ou bien habitant des cellules au milieu des bois ; de là l’origine des brames.

L’espace de temps depuis la construction des mondes jusqu’à leur embrasementforme une première époque. Après la conflagration, l’espace de temps pendant lequel des ténèbres très-épaisses occupent la place des mondes jusqu’à l’apparition de la grande nuée, compose la seconde époque. De l’apparition de la nuée jusqu’à l’apparition du soleil, c’est la troisième époque. Le temps qui s’écoule depuis l’apparition du soleil jusqu’à l’apparition de la nuée illusoire qui annonce la fin du monde, forme la quatrième époque. Chacune de ces quatre époques comprend soixante-quatre âges intermédiaires, et ces quatre époques prises collectivement s’appellent mahá kab, c’est-à-dire le grand âge.

L’âge dans lequel paraîtra un seul Bouddha s’appelle sarakab ; celui qui en verra fleurir deux prend le nom de manthakab ; s’il y en a trois, varakab ; s’il y en a quatre, saramanthakab, et l’âge dans lequel on verra fleurir cinq Bouddhas (comme dans le nôtre) se nomme phatthakab, âge heureux.

DE LA DESTRUCTION DES MONDES PAR L’EAU.

La destruction des mondes par l’eau ne diffère de celle par le feu qu’en ce qu’après la longue sécheresse paraît un nuage immense qui laisse tomber une eau corrosive. Cette pluie tombe continuellement et augmente jusqu’à ce qu’elle remplisse les dix millions de millions de mondes et atteigne le quatrième degré des cieux supérieurs appelés phrom. Aucune substance ne peut résister à la force corrosive de cette eau aussitôt tout est dissous. Les eaux corrosives s’évanouissent avec les éléments dissous, l’air et des ténèbres très-épaisses occupent leur place. Mais les mondes sont reconstruits comme on l’a dit après la conflagration.

DE LA DESTRUCTION DES MONDES TAR LE VENT.

Quand les mondes doivent être détruits par le vent, après une très-longue sécheresse s’élève un vent d’abord doux, ensuite peu à peu il devient plus violent, et enfin si furieux qu’il soulève mêmee les collines et les montagnes, les brise les unes contre les autres et les réduit en poudre impalpable. Enfin le vent soulève les mondes eux-mêmes, les secoue, les brise les uns contre les autres jusqu’à ce qu’ils soient réduits en poudre ; il brise pareillement les neufs ordres inférieurs des cieux et les détruit de telle sorte qu’il n’en reste plus rien, pas même la poussière. Alors le vent s’apaise et s’arrête. Le reste arrive comme nous l’avons dit après la conflagration.

On demande quelle est donc la cause de la destruction et de la reconstruction des mondes ? On répond que le démérite général de tous les animaux est la véritable cause de la destruction des mondes, comme le mérite général de tous les animaux est la véritable cause de leur reconstruction.

La concupiscence de la chair est la cause des maladies et de la conflagration des mondes la colère est la cause des guerres et de la destruction des mondes par l’eau ; l’aveuglement de l’esprit est la cause de la destruction des mondes par le vent. La destruction des mondes se fait sept fois par le feu et la huitième fois par l’eau ; et il en est ainsi sept fois de suite. Après soixante-trois mahá kab ou grands âges, c’est-à-dire toutes les soixante-quatrième fois, les mondes sont détruits par le vent.

La vie des hommes augmente à cause du mérite ou diminue à cause du démérite, et ordinairement elle augmente ou diminue d’une année tous les cent ans. La religion du Bouddha actuel doitt durer cinq mille ans.

Quand les hommes se pervertissent, les anges mêmes se pervertissent de proche en proche jusqu’aux ordres des cieux supérieurs de là découlent toutes les calamités.

Il y a dans le corps de l’homme quatre-vingtss espèces de vers. Les aliments que l’on prend s’en vont en cinq parties ; la chaleur de l’estomac en absorbe une, la seconde s’écoule en urine, la troisième en excréments, la quatrième nourrit les vers/la cinquième alimente la chair et le sang.

D’UN CHAKRAVAN OU D’UN MONDE.

Un monde a au milieu le Meru, roi des monts, qui est entouré de sept rangées de montagnes il S quatre grandes îles ou thavib, situées aux quatre points cardinaux ; il y a deux mille petites îles qui entourent les grandes, et il est lui-même entouré de hautes montagnes qui sont comme ses murailles, et la circonférence de ce monde s’appelle un élément de l’univers.

Chaque monde est composé des régions des cieux, de la région des géants il a un soleil et une lune, huit grands enfers entourés de leurs enfers plus petits, et au-delà un enfer d’eau corrosive que l’on nomme Lokan. Un monde a trois cent soixante-dix mille trois cent cinquante lieues de circonférence. (Il faut remarquer que les lieues dont il s’agit ici sont quatre fois plus grandes que les lieues de nos jours, qui sont évaluées huit mille toises.) Or, la terre du monde a deux cent quarante mille lieues d’épaisseur ; l’eau qui supporte la terre en a quatre cent quatre-vingt mille, et le vent qui supporte l’eau a neuf cent soixante mille lieues d’épaisseur. Sous le vent il n’y a que l’air simple qui est infini.

Le mont Meru est enfoncé de moitié dans la grande mer nommée Sithandon, à une profondeur de quatre-vingt-quatre mille lieues, et il s’élève de quatre-vingt-quatre mille lieues au-dessus du niveau de la mer ; il a deux cent cinquante-deux mille lieues de circonférence.

La première chaîne de montagnes qui entouree le Meru, s’appelle Jukhunthon ; elle a la forme de muraille et s’élève de quarante-deux mille lieues au dessus de la mer. Elle est à quatre-vingt-quatre mille lieues de distance de Meru. La seconde, appelée Isinthon, a vingt mille lieues de hauteur au dessus de la mer, elle entoure la chaîne Jukhunthon, à la distance de quarante-deux mille lieues. La troisième chaîne, appelée Karavik, s’élève de dix mille cent lieues au dessus de la mer, et entoure les monts Isinthon, à une distance de deux mille cent lieues. La quatrième, appelée Suthat, a cinq mille deux cent cinquante lieues de hauteur, elle entoure les monts Karavik, à une distance de dix mille cinq cents lieues. La cinquième, appelée Neminthon, a deux mille six cent vingt-cinq lieues de hauteur, elle entoure les monts Suthat, à la distance de quatre mille deux cent cinquante lieues. La sixième, nommée Vinatok, a mille trois cent douze lieues de hauteur, elle entoure les monts Neminthon, à une distance de deux mille six cent vingt-cinq lieues. La septième, appelée Assakan, a six cent cinquante-six lieues de hauteur, elle entoure les monts Vinatok, à une distance de mille trois cent douze lieues. Ces sept chaînes de montagnes sont la demeure des Jak, des Kumphan et des Suban.

La grande mer Sithandon, qui occupe les intervalles des sept chaînes de montagnes, a autant de profondeur que les montagnes ont d’élévation ; ainsi la profondeur de la mer diminue graduellement jusqu’aux lieux où sont situées les îles ; là, elle a environ cent toises de profondeur. Mais, depuis les îles, en s’avançant vers les montagnes qui sont les murailles du monde, la profondeur de la mer augmente graduellement, de sorte qu’au pied des montagnes qui forment la circonférence du monde, elle a quatre-vingt-deux mille lieues de profondeur.

Les montagnes qui sont les murailles du monde ne font qu’un avec l’immense rocher qui sert de fondement à la terre. À partir de la septième chaîne de montagnes qui entoure Phra-Meru, jusqu’à la terre où nous sommes, il y a une étendue de mer de soixante-six mille cinq cent trois lieues.

Notre terre, qui s’appelle Xom-Phu-Thavib, est placée au midi de Phra-Meru ; Amarakô-Jana-Thavib est située à l’occident ; Udorakarô-Thavib, au nord ; Buphavithe-Thavib, à l’orient.

Un vent violent soufflant des montagnes du monde occasionne le flux et le reflux de la mer lorsque le vent souffle, le flux a lieu, si le vent s’apaise, c’est le reflux.

L’eau de la mer qui occupe l’intervalle des sept montagnes qui entourent Phra-Meru, est si légère et si subtile que même une plume de paon descend au fond des eaux elle n’est agitée ni par le vent ni par la tempête, mais elle est toujours très-unie.

Dans la grande mer, outre les petits poissons, il y a sept espèces de poissons énormes le poisson timi, qui a deux cents lieues de long ; le timing-khon, long de trois cents lieues ; le timiraming-khon, qui a cinq cents lieues ; les poissons ânon, timinthon, axanahán, mahátimi, ont jusqu’à mille lieues de long.

La base de notre terre est une pierre immense sans aucune fissure ; c’est pourquoi elle est portée par les eaux comme une marmite, parce qu’elle ne forme qu’un seul corps avec les montagnes qui entourentle monde, et ces montagnes sont comme les rebords de la marmite. Le pied de Phare-Meru repose sur une autre montagne qui a la forme d’un trident ou d’un trépied. Entre les trois pieds de la montagne est un espace de dix milles lieues ; là est la demeure des géants, et ce lieu s’appelle Asuraphiphob, région des géants.

DES THAVIB OU ÎLES.

La partie de la mer qui regarde le côté oriental du mont Meru se nomme mer de Lait, parce qu’elle reçoit un reflet blanc de ce côté qui est d’argent. La partie qui regarde le midi du mont Meru s’appelle la mer Verte, parce qu’elle reçoit un reflet vert de ce côté qui est d’émeraudes. Celle qui regarde le côté occidental de Phra-Meru, reçoit le nom de mer de Cristal, à cause de l’éclat du cristal qui forme ce côté de la montagne ; mais la partie qui regarde le côté du nord de Phra-Meru s’appelle mer d’Or, à cause de la couleur provenant du côté septentrional formé d’or.

Xomphuthavib, qui est notre terre, est située au milieu de la mer Verte, au midi du mont Meru, cinq cents petites îles l’entourent.

Amarakhô-Jana est située au milieu de la mer>r de Cristal, elle est entourée de cinq cents petites îles.

Udarakharô est située au milieu de la mer d’Or, cinq cents îles plus petites l’entourent pareillement.

Buphavithe est située au milieu de la mer de Lait, elle est aussi entourée de cinq cents îles.

DU XOMPHUTHAVIB OU ÎLE DES JAMBOUS.

Cette île reçoit son nom du jambou, arbre élevé de cent lieues de hauteur, portant des fruits agréables, qui se changent en or lorsqu’ils tombent de l’arbre. Cet arbre prodigieux durera jusqu’à la destruction du monde. Notre terre a la forme d’un chariot, elle a mille lieues de circuit. Trois mille sont habitées par les hommes les forêts en occupent trois mille, et la mer occupe quatre mille lieues.

DES MONTAGNES HIMAPHAN.

Les montagnes de l’Himaphan sont au nombre de quatre-vingt-quatre mille. Le sommet de la plus haute atteint environ cinq cents lieues de hauteur. Himaphan signifie région de la neige et de la rosée. De ces montagnes sortent cinq grands fleuves, savoir Khongka ou Gange, le Jamuna, l’Achiravadi, le Saraphum et le Mahi. Il y a en outre des fleuves et des rivières innombrables qui coulent de ces mêmes montagnes. Là aussi sont de grands lacs très-agréables, ayant cent cinquante lieues de tour. Parmi ces lacs, le premier, qui s’appelle Anôdatasa, a quatre embouchures 1o la bouche du Lion, d’où découlent les eaux qui arrosent la partie orientale d’Himaphan et ensuite coulent dans la mer 2o la bouche de l’Éléphant, d’où sortent les eaux qui arrosent la partie occidentale jusqu’à la mer ; 3o la bouche du Cheval, qui fournit les eaux qui arrosent la partie septentrionale et ensuite se jettent dans la mer ; 4o la bouche du Bœuf. Les eaux qui coulent de cette bouche se précipitent vers une montagne divisée comme les doigts de la main, d’où elles forment les cinq grands fleuves qui arrosent la partie méridionale de notre terre et se jettent pareillementdans la mer.

Dans les environs du lac appelé Xathan est un antre d’or où demeure le roi des éléphants avec son cortége nombreux de huit mille éléphants. Tout son corps est très-blanc, excepté ses pieds qui sont rouges il a une taille prodigieuse, car ses défenses sont longues de sept toises.

Dans les forêts Himaphan il y a des animaux et des arbres de toute espèce ; là habitent les râsi, les jak, les naghas, les A-MKm et enfin le roi des lions qui habite dans des autres d’or, d’argent ou de cristal son rugissement inspire de la terreur à tous les animaux.

Il s’y trouve aussi un oiseau prodigieux appelé karavek, qui par son chant charme et fascine tous les animaux.

Les jaksi y apparaissent sous la forme de belles femmes avec des parfums agréables et des charmes décevants pour attirer l’homme qu’elles veulent dévorer.

On compte quatre éléments, savoir : la terre, l’eau, le feu, l’air. On les nomme les grandes formes diaboliques, parce qu’elles trompent les hommes à l’instar des démons.

DE L’INDE OU CONTRÉE DU MILIEU.

Matxima prathèt, ou contrée du milieu, a neuf cents lieues de circonférence ; elle est située au milieu de notre terre. Un peuplier prodigieux, à l’ombre duquel est le trône de Bouddha, s’élève au milieu de cette contrée. C’est le roi de tous les arbres, il est le plus élevé et son tronc à soixante-quinze toises de circonférence. Tous les Bouddhas naissent successivement dans Matxima prathèt ; tous arrivent au faîte de la sainteté et prêchent sous son ombre ; c’est pourquoi les anges et les hommes ont un grand respect pour cet arbre.

Matxima prathèt (le pays du milieu, aujourd’hui l’Inde) contenait autrefois seize royaumes et seize capitales qu’on appelle pour cela sôlotsa na Khon (les seize cités).

Dans notre âge il a déjà paru quatre Bouddhas, savoir : Phra-Kukuson, Para-Kônakhom, Para-Kasop, Phra-Khôdom qui est né à Kabillaphat. Sa religion durera cinq mille ans. Ensuite paraîtra le cinquième Bouddha sous le nom de Phra-Metrai.

Alors règnera l’âge d’or ; il n’y aura ni guerres, ni maladies, ni pauvreté, il n’y aura plus de voleurs, tout le monde sera riche, il n’y aura ni polygamie ni adultère. La terre produira sans culture des fleurs, des fruits et des moissons en abondance. Il n’y aura ni chaleur ni froid excessifs. À chaque angle des remparts des villes naîtront les arbres appelés Kamaphrûk, qui produiront continuellement de l’or, de l’argent, des habits précieux, des pierres précieuses et tous les biens selon la volonté et le désir des citoyens. Il s’élèvera quatre-vingt-quatre mille cités opulentes ; les bêtes féroces oublieront leur férocité. Un seul grain de blé tombant sur la terre produira seul et de soi-même deux mille cent vingt chars de grains.

Phra-Metrai parviendra à l’âge de quatre-vingt mille ans, il aura une taille extraordinaire, il aura quatre-vingt-huit coudées de hauteur.

DE L’ÎLE SEPTENTRIONALE APPELÉE UDORAKARO.

Udorakarô a la forme d’un carré les habitants de cette île surpassent les hommes et même les anges, parce qu’ils jouissent de trois avantages précieux : 1o ils n’ont ni désirs ni concupiscence ; 2o} ils atteignent toujours un âge fixe de mille ans ; 3o après leur mort ils reprennent nécessairement naissance dans les cieux ; ils trouvent leur nourriture dans un froment qui croît sans culture ils récoltent les habits et les autres biens sur un arbre merveilleux ; ils sont exempts de maladie, ils ont une taille d’environ trois toises, la figure carrée, etc.

DE L’ÎLE OCCIDENTALE.

Amarakhôjana a la forme d’une demi-lune, comme la lune paraît le huitième jour. La figure des habitants est aussi semblable à une demi-lune. Les uns sont blancs, d’autres noirs, d’autres jaunes, quelques-uns de diverseses couleurs. Pour le reste ils diffèrent peu des habitants de notre contrée.

DE L’ÎLE ORIENTALE.

Bupphavithe a la forme tout à fait ronde ; cette forme a passé dans la figure des habitants qui diffèrent peu des habitants d’Amarakhôjana et de ceux de notre contrée.

DEUXIÈME PARTIE.


DE LA RÉGION DES ANGES OU DES CIEUX INFÉRIEURS.

Les anges qui habitent sur les arbres et les montagnes sont appelés anges de la terre ceux qui traversent les airs dans des palais mobiles se nomment anges de l’air ; ceux qui ont leur demeure sur le sommet de Jukhuthon ou dans la partie supérieure de l’air égale à la hauteur de cette montagne, sont appelés les quatre grands rois et anges en même temps (c’est le premier ordre des cieux proprement dits). Ceux qui habitent sur le sommet du mont Meru sont appelés anges davadûng (second ordre des cieux) ; les anges jama (troisième ordre des cieux) ; les anges dusit (quatrième ordre des cieux) ; les anges nimmanaradi (cinquième ordre des cieux) ; les anges paranimit (sixième ordre des cieux).

DE LA RÉGION DES PHROM OU CIEUX INFÉRIEURS.

Au dessus des six cieux inférieurs sont seize ordres de phrom corporels, et par conséquent seize ordres de cieux supérieurs, au dessus desquels il y a encore quatre ordres de Phnom incorporels. Nous allons parler de chacun de ces ordres d’anges.

DES ANGES DE LA TERRE.

Les anges de la terre naissent de quatre manières 1o dans le sein d’une mère comme les hommes ; 2o des œufs comme les oiseaux ; 3o des fleurs comme du nymphéa ; 4o quelques-uns naissent d’eux-mêmes dans un état parfait. Ceux qui font leur demeure sur les arbres sont aussi appelés anges des arbres. Quelques-uns sont doux, et ne causent aucun dommage aux hommes qui coupent les arbres sur lesquels ils habitent, et vont s’établir ailleurs ; d’autres au contraire sont irascibles, et en tirent vengeance. Le plus puissant d’entre les anges de la terre et leur roi est appelé communément Phra-in-suen (c’est le dieu Siva des Indiens). II monte un bison à longue crinière et d’une force extraordinaire qui a la faculté d’être porté dans les airs. Mais Vet-sú-van. est le gouverneur général des anges de cette espèce.

DES ANGES DE L’AIR.

Ces anges sont portés dans les airs avec le palais qu’ils habitent. Quelques-uns de ces palais sont de cristal, d’autres d’argent ou d’or et de pierreries très-brillantes. Ils sont abondamment pourvus de fleurs célestes, de musique et de délices de tout genre. Le soleil, la lune et toutes les étoiles sont autant d’anges aériens.

Le palais de la lune a quarante-neuf lieues de diamètre, mais celui du soleil en a cinquante. L’intérieur du palais de la lune est formé d’une pierre transparente, l’extérieur est formé d’argent ; mais le palais du soleil est formé à l’intérieur d’or, et à l’extérieur de cristal. Tous deux parcourent la circonférence du mont Meru dans une situation horizontale. Dans l’espace d’un jour et d’une nuit le soleil parcourt toute la circonférence mais la lune est en retard : ainsi, pendant trente jours, elle ne fait que vingt-neuf fois le tour de la montagne. En outre, le soleil dans son cours s’éloigne chaque jour un peu du mont Meru pendant l’espace de six mois, et ensuite pendant six autres mois il revientt à son point de départ, et cela se fait naturellement. L’espace du vent qui souffle autour du mont Meru est appelé chakrarasi, c’est le zodiaque. On le divise en douze parties, et chaque partie porte le nom d’un des douze signes du zodiaque. Les constellations, au nombre de vingt-sept, dao-nak-khatarôk, autrement appelées dao-phrûk, sontt disposées dans cet espace de vent, et achèvent naturellement avec lui leur révolution.

Voici les noms des ving-sept constellations, le cheval, le trépied, le poussin, le poisson taphien, la tête du cerf, la tortue, le navire, le cancer, l’oiseau, le singe, le taureau, la vache, la-tête d’éléphant, le tigre, le serpent boa, la tête de buffle, le paon, la chèvre, le chat, le roi des lions, la reine des lions, l’ermite, le riche, le géant, le rhinocéros mâle, le rhinocéros femelle, le grenier. Lorsque le soleil se lève dans notre terre, il est midi dans la terre orientale ; c’est le coucher du soleil pour la terre septentrionale, et c’est minuit dans la terre occidentale.

L’âge du soleil et de la lune atteint quatre-vingt-dix millions d’années. Para-athit (le soleil) et Phra-chan (la lune) sont deux frères qui ont un frère cadet appelé Rahú. Dans sa génération passée Phra-athit donnait l’aumône aux talapoins dans un vase d’or, Phra-chan dans un vase d’argent, et Rahú dans un vase de bois noir ; c’est pourquoi Rahú prit naissance dans la région des géants au dessous du mont Meru ; il est d’une taille de quatre mille huit cents lieues ; sa bouche énorme a une profondeur de trois cents lieues. Ayant été un jour frappé par ses frères, il en conserve encore un esprit de vengeance, et de temps en temps il sort de la région des géants, et ouvre sa bouche énorme, attendant le soleil ou la lune pour dévorer leurs palais lorsqu’ils passeront ; mais lorsqu’il asaisi le soleil ou la lune, il ne peut pas les retenir longtemps à cause de la rapidité de leur course ; et s’il ne les lâchait pas, les palais briseraient la tête du monstre. C’est ainsi qu’on explique les éclipses.

Le vent, la pluie, les nuages, les brouillards, la chaleur et le froid sont produits par certains anges nommés phalahok. Sita-Phalahok est l’ange du froid ; Una-Phalahok est l’ange de la chaleur ; Apha-Phalahok l’ange des brouillards ; Vata-Phalahok, l’ange du vent ; Vassa-Phalahok, l’ange de la pluie. Quand cet ange veut que la pluie tombe, il lève la main, chante une certaine chanson, et aussitôt il pleut.

Il y a une ange femelle nommée Mekhala, qui, jouant entre les nuages, tourne de côté et d’autre un cristal éblouissant qu’elle tient à la main de là proviennent les éclairs ; mais il y a un jak ou géant qui, voyant ce miroir dans la main de cette ange, veut le lui ravir ; alors, il l’attaque avec une flèche ou une pierre qui tombentsur la terre les hommes les appellent la hache du ciel, la foudre.

DES QUATRE ROIS ANGES.

Ces quatre rois anges sont appelés Thatarot, Virulahok, Virupak, Vètsuvan. Le roi Tharatot est établi sur le sommet de la montagne Jukhunthhon du côté oriental de Phra-Meru. Son palais est entouré de murs d’or, d’une lieue de hauteur. Les anges qui sont sous sa domination sont appelés thèphakhon-than, anges des parfums, parce qu’ils sont nés dans des lieux odoriférants. Sa domination s’étend jusqu’aux murailles du monde du côté de l’orient. Le roi Virulahok règne sur le sommet de la montagne Jukhunthon, du côté méridional de Phra-Meru, jusqu’aux murailles du monde. Les anges, ses sujets, sont appelés thèpha-kumphan, anges ventrus.

Le roi Virupak règne sur le sommet de la montagne Jukhunthon, du côté occidental, et sa domination s’étend également jusqu’aux murailles du monde. Tous les naghas (serpents fabuleux qui peuvent prendre à leur gré la forme humaine ou une autre forme) qui sont dans les eaux ou sur la terre, sont soumis à son empire.

Le roi Vetsuvan habite aussi le sommet de la montagne Jukhunthon, mais du côté septentrional. Son empire s’étend, de ce côté-là, jusqu’aux extrémités du monde, sur tous les anges qui ne sont pas soumis aux trois premiers rois et sur tous les géants à tête de cheval, sur les démons des eaux et sur ceux de la terre. L’âge de ces quatre roisanges est de cinq cents années célestes, qui font neuf cent mille années terrestres. On les appelle quelquefois les quatre rois administrateurs du monde.

DES ANGES DAVADÛNG.

Le ciel davadûng a dix mille lieues de largeur ; il est placé survie sommet du mont Meru ; il a mille portes. Le palais du roi Indra ou Phra-In est placé au milieu, haut de sept cents lieues et construit de sept espèces différentes de pierres précieuses. Phra-In, a vingt-cinq millions d’anges femelles pour le servir.

Dans le davadûng, sont des fleurs célestes du parfum le plus agréable ; si quelqu’un en désire, il n’a pas besoin d’aller les cueillir, car elles viennent elles-mêmes entre les mains de celui qui les désire. Autour de la ville céleste sont des arbres merveilleux qui, au lieu de fruits, portent toujours des habits précieux et des ornements de toute espèce.

Quand l’heure de la mort des anges est arrivée, ils tombent dans la tristesse ; Phra-In (le roi des anges) les conduit dans un jardin très-agréable où ils se divertissent, et leur corps s’évanouit tout à coup comme la lumière d’un flambeau que le vent éteint.

Les anges s’assemblent de temps en temps dans une salle immense. Là, Phra-In ordonne aux quatre rois-anges d’envoyer çà et là les anges qui sont sous leurs Ordres, pour veiller au salut des talapoins dans tel ou tel temple ; là ils entendent un sermon, ils jouissent des parfums et de la saveur des fleurs célestes ; c’est, la aussi qu’on lit le catalogue des péchés et des mérites des hommes. Après avoir entendu les péchés, les anges perdent courage et adressent à l’envi des reproches aux pécheurs ; mais après avoir entendu les mérites, ils félicitent les hommes de bien et leur donnent de grandes louanges. Les mérites, écrits sur des tablettes d’or, sont gatdés dans le ciel ; mais Phra-In envoie au roi des enfers le catalogue des péchés écrits sur des peaux de chien.

Phra-In a un éléphant monstrueux de quinze lieues de hauteur, nommé Eravan, sur lequel il monte pour se promener. Mais, quand il va combattre les anges rebelles, il monte un autre éléphant, nommé Samithi, muni d’armes de toute espèce et doué d’un courage extraordinaire. Mais voici quelle est la cause de la guerre que les anges rebelles déclarent très-souvent à Phra-In. Dans le commencementils habitaient dans le Davadûng avec les autres anges ; mais un jour qu’ils étaient ivres de vin, Phra-In ayant tenu conseil avec ses autres anges, les précipita du sommet de la montagne Para-Meru ; dans le même moment, fut créée la région appelée. Assura-Phiphob, sous le Meru, où ils habitèrent dans la suite. Ces anges rebelles sont appelés Assura, parce que lorsqu’ils furent précipitésdu ciel ils criaient : Nous ne boirons plus de vin ! Nous ne boirons plus de vin ! Se rappelant les délices de leur ancienne demeure, souvent ils essaient d’escaler le mont Meru ; mais, ne pouvant résister au pouvoir de Para-In, ils sont toujours repoussés, et vaincus ils se réfugient dans leur demeure souterraine.

Phra-In a construit une pyramide de pierres précieuses, haute d’une lieue, dans laquelle il a renfermé la chevelure et une dent du Bouddha Phra-Khôdom, c’est pourquoi on l’appelle la pyramide de Verre de la Chevelure. C’est dans ce lieu que tous les huitièmes et quinzièmes jours de la lune, tous les anges s’assemblent, même ceux des cieux supérieurs, pour adorer les reliques de Phra-Khôdom et pour entendre un sermon.

DES ANGES JAMA.

Les anges jama sont ainsi appelés, parce qu’ils jouissent de la félicité sans crainte d’aucun ennemi. Leur ciel est une surface de cristal qui s’étend jusqu’aux murailles du monde et qui est supportée par le vent. Sur cette surface sont placés en ordre des palais innombrables de pierres précieuses ; ils n’ont pas besoin de soleil ni de lune, parce qu’il s’échappe une vive lumière des pierres précieuses, des ornements, et même du corps de ces anges qui surpassent de beaucoup en beauté les anges inférieurs. Leur vie dure deux mille années célestes, ou quarante-quatre millions d’années terrestres. Ce ciel est placé au dessus du Davadûng, à une hauteur de trois cent trente-quatre mille lieues.

DES ANGES DUSIT.

Les anges dusit sont ainsi appelés parce qu’ils obtiennent tous les biens selon leurs désirs ; là naissent les phôthisat qui dans la suite deviendront Bouddhas, leurs pères, leurs mères et tous les hommes excellents. La vie des anges dusit parvient à quatre mille années célestes ou cinq cent soixante-seize millions d’années terrestres. Ce ciel est semblable au ciel jama, mais plus magnifique et abondant en plus grandes délices. Les anges qui sont dans le dusit quand la fin de leur vie est arrivée, ferment les yeux, et aussitôt ils meurent et disparaissent. Le Dusit est placé à sept cent quatre-vingt-quatre mille lieues au dessus du Jama.

DES ANGES NIMMANARADI.

Les anges nimmanaradi sont ainsi nommés parce qu’ils jouissent d’un pouvoir illimité de créer tous les biens dont ils désirent jouir, et cela par le seul acte de leur volonté. Leur félicité est beaucoup plus grande que dans les cieux inférieurs, et leur vie plus longue. Ce ciel est placé à dix millions trois cent cinquante-deux mille lieues au-dessus du Dusit.

DES ANGES PARANIMIT.

Les anges paranimit sont ainsi appelés parce qu’ils ne créent pas par eux-mêmes les biens dont ils veulent jouir, mais ce sont d’autres anges qui les servent, qui prévoient leurs désirs et aussitôt créent et leur offrent tous les biens désirés. Ils jouissent par les sens, c’est-à-dire par la forme, la voix, l’odeur agréable, le goût et le toucher. Leur vie parvient à seize mille années célestes ou neuf milliards deux cent seize millions d’années terrestres. Chaque ange de ce ciel a plusieurs centaines de milliers d’anges femelles d’une beauté extraordinaire et différente pour le servir. Paranimit est placé à une hauteur de quatre cent quatre-vingt-cinq mille six cents lieues au dessus de Nimmanaradi. Phajaman, qui envoya ses trois filles pour tenter Phra-Khôdom et ensuite alla l’attaquer avec une armée innombrable, était un des anges paranimit.

Les six ordres des cieux dont on a parlé s’appellent les six régions de la volupté des anges. Dès que la nourriture des anges est mise dans leur bouche, elle se répand par tout le corps de là vient qu’il n’y a point de matière grossière ni d’excréments. Dans ces six ordres des cieux seulement il y a des anges femelles, il n’y en a point dans les cieux supérieurs. Quand elles enfantent, leurs fils ou leurs filles naissent dans un âge parfait.

DE LA RÉGION DES PHROM OU DES ANGES SUPÉRIEURS.

Il y a seize ordres de phrom corporels et quatre ordres de phrom incorporels. Quelques-uns ne comptent que neuf ordres de phrom, parce que plusieurs ordres se touchent et habitent dans le même ciel. Ceux-là seulement peuvent monter à la région des phrom qui se sont adonnés à la contemplation, et, parce qu’il y a plusieurs degrés de contemplation, ils naissent dans différents degrés des cieux des phrom. La beauté et la splendeur de ces anges sont telles que l’éclat lancé seulement par un de leurs doigts peut éclairer tout un monde. Tous sont hommes ; les femmes contemplatives, lorsqu’elles prennent naissance dans la région des phrom, deviennent hommes, Les phrom n’ont ni sexes, ni intestins, ni voies excrétoires ; ils ne mangent rien et sont rassasiés d’une félicité continuelle. Ils n’ont pas le sens de l’odorat du goût, ni du toucher. Dans un palais il n’y a qu’un seul phrom avec un lit, des tapis, des habits et des ornements brillants et rien autre chose. Les cieux des phrom sont élevés au dessus de Parnimit de un million huit cent trente-six mille lieues, et les différents ordres de phrom sont plus élevés les uns que les autres de plusieurs millions de lieues. L’âge des anges phrom varie selon les différents ordres ceux qui habitent l’ordre inférieur ont une vie d’un kab (l’âge de la terre) mais ceux qui sont dans l’âge supérieur vivent jusqu’à vingt-six mille mahá-kab.

Les anges phrom ont six facultés spirituelles savoir : 1o vitok, de même que les ailes de l’oiseau l’élèvent dans les airs, ainsi le vitok élève l’esprit des anges phrom à la contemplation. 2o Vichan, c’est la contemplation elle-même, et elle est comparée à un oiseau qui plane dans les airs. 3o Piti, est la joie qui remplit et rassasie le corps et l’âme, comme cela arrive par exemple dans les extases des saints. 4o Suk, félicité qui provient du piti ; cette félicité bien établie engendre sámathi ou le dégagement absolu des sens. 5o Ekhata, fixité de l’esprit dans un seul et même objet. 6o Ubekhá, l’absence totale d’affection pour toute chose. Dans le dixième ordre des anges phrom, on en trouve qui ont une forme ciselée ou moulée sans esprit et sans vie ; après cinq cents mahá-kab ils s’évanouissent et vont renaître ailleurs.

Il y a quatre ordres de phrom incorporels. Les arupaphrom n’ont point de corps, ils ont seulement une âme avec les esprits vitaux des yeux, des oreilles, des narines, de la langue, du cœur et des autres membres sans aucune forme ni couleur. Cependant ils habitent dans des palais, mais ils sont tout-à-fait invisibles.

DU NIPHAN OU EXTINCTION.

Le niphan est l’extinction de la forme du corps, du goût et des autres sens, de l’expérience des choses, de notre constitution selon le mérite ou le démérite de l’âme ou de l’esprit. Toutes ces choses sont entièrement anéanties ; et il n’y aura pas de nouvelle naissance ; la fin de l’existence, la fin des maladies et de toute tristesse, cet anéantissement, selon les bouddhistes, est la souveraine et parfaite béatitude.

TROISIÈME PARTIE.


DE LA RÉGION DES ENFERS.

Ceux qui pendant leur vie ont fait de bonnes actions par le corps, par les paroles, par l’esprit renaîtront après leur mort parmi les hommes nobles et riches ou dans quelque ordre des cieux. Mais ceux qui, pendant leur vie, ont commis de mauvaises actions par le corps, les paroles et l’esprit, iront, après leur mort, dans le lieu de douleur, ou dans l’enfer, ou dans la région des monstres, ou deviendront animaux privés de raison, ou bien fantômes. Ceux qui ont commis beaucoup de péchés descendront aussitôt dans les enfers ; mais ceux qui ont des péchés mêlés de bonnes actions naîtront dans la région du roi des enfers. Alors les satellites des enfers les prendront par les bras et les traîneront au palais du roi des enfers, qui leur demandera s’ils n’ont jamais vu les députés des anges, c’est-à-dire un petit enfant dans l’ordure, un vieillard décrépit, un malade, un prisonnier chargé de chaînes, un condamné flagellé et un mort. Si vous en avez vu, pourquoi n’avez-vous donc pas pensé à la mort et à faire des actes méritoires ? Alors il leur rappellera les bonnes actions de leur vie passée, et s’ils peuvent se les rappeler, ils sont délivrés des enfers ; s’ils en ont perdu le souvenir, les satellites les attachent et les conduisent dans quelqu’un des enfers, selon qu’ils le méritent.

Il y a huit grands enfers, savoir 1o sanxipanarok ; 2o kala-suta-narok ; 3o sáng-khata-narok ; 4o rôruva-narok ; 5o maha-rôruva-narok ; 6o Dawha-narok ; 7o mahá-dapha-narok ; 8o avachi-narok. Chacun des grands enfers est entouré de seize autres enfers qui eux-mêmes sont entourés de quarante enfers plus petits. Les huit grands enfers ont la forme d’un coffre de fer carré, de cent lieues de longueur, autant de hauteur, de largeur et d’épaisseur. À chacun des côtés est une porte, à l’entrée de laquelle Phaja-jom, les rois des enfers, ont placé leur tribunal.

DU PREMIER ENFER.

Le premier enfer s’appelle sanxip à cause d’un certain vent qui ressuscite les morts pour être tourmentés de nouveau. Ceux qui ont tué les animaux, les voleurs, les ravisseurs, les rois qui entreprennent des guerres injustes, les oppresseurs des pauvres iront dans le sánxip Là, les satellites de l’enfer, armés de couteaux et de haches, les coupent par morceaux, de sorte qu’il ne reste que les os. Alors il souffle un vent par la vertu duquel ils reprennent la vie, et leurs corps redeviennent entiers comme auparavant en se rencontrant les uns les autres, ils sont transportés de fureur, leurs ongles se changent en lances et en épées ; ils se percent et se tuent mutuellement. Ils renaissent de nouveau par la vertu du vent et sont de nouveau coupés en morceaux par les satellites ou les démons, et ils périssent et renaissent successivement jusqu’à ce qu’ils reprennent une nouvelle vie dans la région des monstres ; ensuite ils deviennent animaux, puis hommes lépreux, fous, pauvres ou difformes. Un jour dans cet enfer équivaut à neuf cent mille années terrestres.

DU DEUXIÈME ENFER.

Le second enfer s’appelle cala-sut à cause d’une lame de fer élastique qui frappe les corps des damnés. Il est situé au dessous de sanxipa-narok. Les démons de cet enfer attachent les damnés avec des chaînes de fer et les étendent sur un pavé de fer rouge ; alors ils font vibrer une lame de fer qui les coupe et les dissèque par morceaux. Mais les morts ressuscitent et cherchent à fuir ; bientôt repris par les satellites, ils sont soumis à des supplices nouveauxet variés et en même temps ils sontt brûlés par le feu. Un jour dans cet enfer équivaut à trente-six millions d’annés parmi les hommes.

Quand les damnés sortent de cet enfer, ils sont encore tourmentés dans l’enfer supérieur, et ensuite passent par tous les ordres mentionnés plus haut. Tous ceux qui, excités par la colère, ont chargé de liens d’autres hommes ou des animaux, les faux talapoins, les menteurs, les brouillons, ceux qui ont étouffé par le feu dans leur retraite les rats ou les serpents vont dans le kalasuta-narok.

DU TROISIÈME ENFER.

Le troisième enfer tire son nom d’une montagne qui écrase les damnés ; il est situé au dessous du précédent. Ceux qui sont condamnés à cet enfer ont un corps de bœuf, de buffle, de cheval, d’élephant, de cerf, avec une tête d’homme, ou un corps d’homme avec une tête de bœuf, de cheval, etc. Les démons les chassent comme des troupeaux, les frappent fréquemment avec des barres de fer rouge. Ils fuient entre deux montagnes qui bientôt se heurtent l’une contre l’autre, et les damnés sont tous broyés. Là aussi, aux quatre points cardinaux, sont des montagnes rondes qui roulent tour à tour et écrasent les animaux de cet enfer. Après la mort, la résurrection et de nouveaux tourments. Sont condamnés au sangkha-tanarok tous ceux qui traitent durement les troupeaux et les bêtes de somme ; les pécheurs et surtout les chasseurs. Ceux qui sortent de cet enfer doivent passer par tous les enfers supérieurs et par tous les autres degrés déjà cités.

DU QUATRIÈME ENFER.

Le quatrième enfer rôruva tire son nom des pleurs et des gémissements des damnés ; il est situé au dessous du précédent. Il est rempli de fleurs de nymphéa, de fer rouge, très-serrées, épineuses, au milieu desquelles les damnés sont plongés et brûlent aussi bien intérieurement qu’à l’extérieur, en poussant des hurlements et des gémissements épouvantables. Sont condamnés à cet enfer pour quatre mille ans surtout les adultères de l’un et l’autre sexe, les faux témoins, les calomniateurs. Un jour dans rôruva-narok équivaut à cinq cent soixante-seizemillions d’annéesterrestres. Lorsque leur temps est expiré, les damnés passent dans tous les petits enfers qui l’environnent, ensuite ils montent aux enfers supérieurs avec leurs adjacents, et ensuite par tous les autres degrés de peines déjà cités.

DU CINQUIÈME ENFER.

Le mahá-rôruva, situé au dessous du précédent, est ausi planté de fleurs de nymphéa armées de pointes de fer rouge sur lesquelles sont placés et brûlent les damnés qui poussent des hurlements horribles ; mais toutes les fois qu’ils sautent en bas, les démons les broient aussitôt avec un maillet de fer. Nouvelle résurrection, nouveaux supplices. À cet enfer sont condamnés surtout ceux qui ont brisé les têtes des animaux, etc., et ils sont tourmentés pendant huit mille ans.

DU SIXIÈME ENFER.

Le nom de cet enfer désigne la chaleur intense des charbons ardents et des Gammes. Les damnés y sont mis à de grandes broches de fer ; alors s’allume un grand feu qui les cuit. Quand ils sont tout à fait rôtis, les portes de l’enfer s’ouvrent d’elles-mêmes, et des chiens énormes armés de dents de fer se précipitent aussitôt et dévorent les chairs rôties des damnés, qui bientôt ressuscitent, sont de nouveau mis à la broche et de nouveau dévorés. Les incendiaires surtout et tous ceux qui ont fait cuire des animaux sont condamnés à Dawha-narok. Leur supplice dure seize mille ans.

DU SEPTIÈME ENFER.

Dans le mahá-dapha-narok le feu est beaucoup plus intense que dans le précédent. Il y a une montagne très-élevée et escarpée que les damnés s’efforcent d’escalader pour échapper aux démons qui les poursuivent. Dès qu’ils sont arrivés au sommet de la montagne, un tourbillon de vent très-violent les saisit, les précipite en bas, et ils tombent sur des pieux de fer rouge qui les percent et les brûlent. Leur supplice dure un âge anta-rakab. Sont condamnés à cet enfer les rois cruels qui ont fait empaler des hommes.

DU HUITIÈME ENFER.

Avichi-narok est ainsi nommé parce que le feu y brûle sans cesse et que d’ailleurs cet enfer est absolument plein de damnés, de sorte qu’il n’y a pas de place vide. C’est le dernier et le plus profond des enfers, il est plein d’un feu continuel au milieu duquel les damnés percés de toutes parts de broches brûlantes sont tourmentés par des flammes dévorantes depuis l’apparition du soleil et de la lune jusqu’à l’apparition du nuage qui annonce la destruction du monde. On met dans ce lieu tous ceux qui ont commis des péchés continuels, les rois avides de guerres, les persécuteurs des saints, les parricides, ceux qui ont tué leur mère ou un saint, les infidèles, c’est-à-dire, ceux qui sont hors de la religion, et ceux qui trompent les hommes par des comédies, des danses et des bouffonneries.

DES SEIZE ENFERS QUI ENTOURENT CHACUN DES GRANDS ENFERS.

Nous avons dit que chacun des huit grands enfers a pour cortége seize enfers plus petits dont le nombre s’élève donc à cent vingt-huit. Ils ont aussi la forme d’un coffre de fer de trente lieues de longueur, de largeur et de hauteur. Ils sont placés par quatre, aux quatre angles de chacun des grands enfers. Ces quatre petits enfers sont appelés le premier chuta-narok, à cause des excréments dont il est rempli là fourmillent de grands vers qui percent et tourmentent les damnés. Le second se nomme kukula-narok, il est plein de cendre brûlante dans laquelle les damnés sont plongés et se roulent jusqu’à ce qu’ils soient réduits en cendre. Le troisième porte le nom de : alipata-vana-narok ; il est planté d’arbres dont les feuilles sont des glaives à deux tranchants. Lorsqu’un vent violent souffle, les feuilles tombent de toutes parts sur les damnés et coupent leurs membres par morceaux. En outre, des corbeaux et des vautours aux becs de fer se jettent sur eux, les déchirent, les dissèquent et dévorent toute leur chair avec les entrailles. Le quatrième s’appelle vetarani-natthi, fleuve salé, il est plein d’eau extrêmement salée. Les damnés font tous leurs efforts pour arriver près de ce fleuve afin d’apaiser leur soif ; mais il faut marcher sur de grandes épines de fer qui leur déchirent tout le corps ; et aussitôt qu’ils sont descendus dans l’eau, les démons les percent à coups de traits ou de trident, ou les pêchent avec des hameçons comme on pêche des poissons, et lorsqu’ils les ont tirés à terre, ils les broient, leur arrachent les entrailles et les coupent en morceaux. Quelquefois même, pour étancher leur soif, ils leur versent du fer fondu dans la bouche.

DES PETITS ENFERS.

En dehors des enfers secondaires il y a dix autres petits enfers qui les entourent de chaque côté, ce qui fait quarante pour chaque grand enfer on les appelle jmalôkika, régions du roi des enfers, et ils sont au nombre de trois cent vingt ; mais il suffira de parler de dix, parce qu’ils sont disposés dix par dix et que chaque dixaine est semblable. Le premier de ces petits enfers s’appelle donc : lôha-kumphi-narok, à cause d’une grande marmite de fer dont l’ouverture a soixante lieues de diamètre ; elle est pleine de fer fondu et bouillant, dans lequel on fait cuire les damnés comme des grains de rix dans un chaudron. Le second porte le nom de simphaliva-narok à cause des arbres épineux dont il est rempli. Les damnés, serrés de près par les satellites, essaient de monter sur les arbres dont les épines déchirent leurs corps ; les corbeaux et les vautours se jettent sur eux et avec leurs becs de fer ils les déchirent, leur arrachent les entrailles et dévorent leur chair. Le troisième est appelé ajôthaka-narok, à cause du fer fondu et bouillant dans lequel les satellites plongent les damnés après les avoir enchaînés. Le quatrième se nomme phusa-narok, enfer de balles de riz, parce qu’il y a un fleuve auprès duquel accourent les damnés pour étancher leur soif ; mais dès qu’ils ont mis de l’eau dans leur bouche, elle se change en balle de riz ardente qui brûle leurs entrailles. On appelle le cinquième sunakha-narok, à cause des chiens monstrueux armés de dents de fer qui se précipitent sur les damnés et dévorent leur chair. Mais le sixième porte le nom de misaka-banphata-narok ; là sont des montagnes ardentes qui par une rotation rapide écrasent les damnés et les réduisent en poudre. Le septième est : tamphôthaka-narok ou mer d’airain fondu dans laquelle nagent les damnés qui sont pris à l’hameçon par les satellites, traînés au rivage, et alors on leur fait avaler de l’airain fondu. Le huitième s’appelle ojôhkula-narok ; il est plein de boulettes de fer rouge que les satellites font avaler aux damnés. Le neuvième s’appelle asiavutha-narok ; dans cet enfer les damnés ont aux pieds et aux mains des lances au lieu d’ongles, et ils se déchirent eux-mêmes. Les satellites munis de différentes armes les percent et les coupent de toute manière. Le dixième porte le nom de jantapha-sana-narok, enfer des pierres qui écrasent. Là les damnés sont exposés à une pluie continuelle de pierres brûlantes qui les écrasent et les réduisent en poudre.

DU LÔKANTA-NAROK.

On appelle ainsi autant d’enfers qui occupent l’espace entre les mondes joints les uns aux autres, et là où il y a trois mondes qui se touchent, là au milieu se trouve un lôkanta-narok. Dans cet enfer régnent des ténèbres éternelles et très-épaisses ; c’est la demeure des infidèles et des impies qui assurent qu’il n’y a ni péchés ni vertus. Ils naissent dans cet enfer avec une figure horrible et un corps énorme ; ils sont accrochés par leurs ongles aux montagnes qui sont les murailles du monde, comme les chauves-souris se suspendent aux arbres ; si quelquefois ils se rencontrent, ils se mordent et se luttent jusqu’à ce qu’ils roulent en bas dans l’eau qui supporte le monde. Cette eau devient aussitôt corrosive et dissout tout leur corps. Ensuite ils ressuscitent et s’efforcent de remonter avec leurs ongles sur les murailles du monde ; ils se rencontrent de nouveau, se luttent, sont précipités dans les eaux corrosives où ils sont dissous, et leur supplice recommence sans interruption.

DES PRET OU MONSTRES.

Au dessus des enfers et dans les forêts Himaphan est la région des monstres. Ces pret ont une forme hideuse et tout à fait horrible. Ils souffrent une soif continuelle ; mais il ne leur plaît pas de boire de l’eau ; ils vont errant de côté et d’autre pour boire l’humeur qui découle des narines, la sueur, la salive, les flegmes, le pus, l’urine, les excréments et toutes les ordures de cette espèce qui font leurs délices. Quelques-uns d’eux mangent les charognes. D’autres, dont le corps est très-gros, ont une bouche aussi petite que le trou d’une aiguille et souffrent une faim continuelle. D’autres, très-maigres, ressemblent à des squelettes, et leur corps répand au loin une puanteur insupportable. Quelques-uns ont la forme de serpents, de cerfs, de chiens, de aigres, etc. Il y a des prêt qui n’ont qu’un pied, un œil, une main ; il y en a qui vomissent des flammes par la bouche, dont le corps est enflammé, et qui ont des cheveux hérissés et brûlants ; il y a des pret blancs, noirs, jaunes, gigantesques, couverts de tumeurs qui répandent du sang et du pus, demi-pourris, avec une tête énorme, des ongles de fer rouge ; qui ont un corps humain avec une tête de bête ou un corps de bête avec une tête humaine. Les peines des damnés peuvent être abrégées et même supprimées par les suffrages et les aumônes des vivants.

DES ANIMAUX PRIVÉS DE RAISON.

Les animaux sont incapables de sainteté même dans le premier degré. On les divise en quatre classes : 1o les animaux sans pieds, 2o les bipèdes, 3o les quadrupèdes, 4o les multipèdes. Parmi les animaux on compte les aghas ou serpents, qui ont la faculté de prendre la forme des hommes et même des anges. Ils ont sous terre un royaume de cinq cents lieues de largeur et une ville magnifique resplendissante d’or et de pierres précieuses nommée Hiranjavadi, où habite leur roi. Le royaume des naghas est appelé Badan. Les naghas sont doués d’une force admirable ; ils soufflent un poison mortel, et même ils peuvent tuer les hommes par leur seul regard ou par le contact.

Les khrut ou garuda sont des oiseaux monstrueux, avec le corps d’un homme et le bec d’un aigle ; ils habitent le bas du mont Meru ; ils peuvent saisir et dévorer les naghas de la petite espèce, mais ils ne peuvent pas enlever les gros.

DE L’HOMME.

L’homme est appelé manut, parce qu’il est doué de raison et d’intelligence plus que les autres animaux. Les hommes se divisent en deux classes les hommes méchants, les hommes sages.

Il y a quatre espèces de mauvais discours le mensonge, la langue méchante et perverse, les médisances, les bouffonneries.

Il y a cinq commandements qui défendent : 1o de tuer les animaux, 2o de voler et tromper, 3o de commettre la fornication et l’adultère, 4o de mentir, 5o de boire toute espèce de liqueurs enivrantes.

Il y a huit commandements qui sont observés par les hommes pieux ; ils comprennent les cinq commandementsci-dessus avec les trois suivants s’abstenir de nourriture pendant le temps défendu, c’est-à-dire depuis midi jusqu’à l’aurore ; s’abstenir des comédies, de la danse, des chansons, des fleurs et des parfums ; ne pas dormir ni s’asseoir sur un lit précieux ou élevé de plus d’une coudée, ni sur des coussins.

Il y a trois prières fort en honneur parmi les bouddhistes ; ceux qui les récitent pensent s’acquérir un grand mérite.

La première est intitulée akan-sám-sib-song et commence ainsi : Kesá-lôma-nakhá-thanta, etc. Ce n’est pas autre chose que la récitation des trente-deuxparties du corps humain, par laquelle on se rappelle l’instabilité des choses humaines et la mort. Voici, selon les bouddhistes, l’énumération des trente-deux parties du corps : les cheveux, les poils, les ongles, les dents, la peau, la chair, les nerfs, les os, la moelle, la rate, le cœur, le foie, les poumons, l’estomac, le péritoine, les gros boyaux, les petits boyaux, le chile, le suc gastrique, le fiel, les flegmes, le pus, le sang, la sueur, la graisse, les larmes, la graisse liquide, la salive, la morve, les tendons, l’urine, la cervelle.

La seconde prière commence ainsi : Itipisò phakhava arahang sámma sámphutthô vixa charana sámpanô, etc. C’est rénumération des qualités divines de Bouddha.

La troisième prière s’appelle phra-trai-sara-nakhom c’est une invocation à Bouddha, à la nature et aux talapoins. Elle commence ainsi : Peut-thang saranang khaxámi, thammang saranang khaxámi, sangkhang saranang khaxámi, etc. Ce qui veut dire : Je sais et je crois que Bouddha est mon refuge, je sais et je crois que la nature est mon refuge, je sais et je crois que les talapoins sont mon refuge.

DE L’ORIGINE DES CHOSES.

Selon les bouddhistes, toutes les créatures ont un commencement qui n’apparaît pas ; c’est-à-dire qu’ils avouent qu’ils ne connaissent pas l’origine des choses ; bien plus, ils défendent de faire des recherchessur cette origine. Ils reconnaissent cependant que Phra-tham est éternel. Mais qu’est-ce que Phra-tham ? C’est ce qui est vrai, ce qui est juste, les lois de la nature, les lois naturelles. Phra-tham est quelque chose d’incorporel, ce n’est pas un esprit, ni une chose que l’imagination puisse concevoir ; c’est quelque chose d’ineffable.

DU MÉRITE ET DU DÉMÉRITE.

Les bouddhistes ne reconnaissent donc aucune cause première créatrice, mais ils supposent toutes choses créées, et alors ils disent que tout se fait, est gouverné et coordonné par le mérite ou par le démérite. Ils attribuent aux vertus générales des animaux la reconstruction des mondes, des cieux et tous les biens en général ; mais ils attribuent aux vices des animaux, pris collectivement, la destruction des mondes, les enfers, les différents degrés de peines et tous les malheurs en général. Par animaux on doit comprendre toutes les créatures douées de la vie. Le mérite et le démérite ne sont pas quelque chose de corporel ou de spirituel, ce ne sont pas des êtres, c’est une simple vertu qui provient des bonnes ou des mauvaises actions : La beauté, la noblesse, les honneurs, les richesses, la santé et une vie heureuse proviennent des vertus de chacun dans ses vies antérieures de même que la difformité, une basse extraction, les opprobres, la pauvreté, les maladies et les infortunes découlent du démérite de chacun dans les temps passés.

DE LA TRANSMIGRATION DES ÂMES.

Quand quelqu’un meurt, aussitôt le mérite et le déméritése présentent à lui. Si c’est le mérite qui ouvre la voie le premier, il prend naissance dans une condition meilleure et plus heureuse, ou bien il monte à quelque ordre des cieux. Mais si, au contraire, c’est le démérite qui ouvre la voie, il naît dans une condition plus méprisable, ou bien dans quelque degré des enfers, ou dans la région des monstres, ou parmi les géants, ou au milieu des animaux privés de raison. La jouissance du bonheur use le mérite, de même que le démérite s’efface par la souffrance des peines et des malheurs. Ceux qui sont dans les cieux, lorsqu’ils meurent, passent sur la terre ou dans les enfers ; mais ceux qui sont dans les enfers ne peuvent reprendre une nouvelle vie parmi les hommes, qu’après avoir passé par tous les enfers supérieurs en suivant les degrés, ensuite dans la région des monstres, la région des géants et enfin par le corps des animaux. Chacun subit des transmigrations innombrables, ce quon appelle vien-kot-vien-tai, ou succession continuelle de naissances et de morts. Excepté Bouddha et les saints du premier ordre, tous oublient leurs vies passées dont le souvenir est effacé à chaque fois par un certain vent.

Les âmes doivent nécessairement subir des transmigrations jusqu’à ce que, s’élevant peu à peu par les huit degrés de sainteté, elles soient délivrées de toute concupiscence et alors, ayant traversé la mer orageuse de ce monde, elles abordent au rivage tranquille et éternel que l’on appelle : Mûang-këo-amatha-mahá-nirûphan, le royaume immortel et précieux de la grande extinction ou anéantissement.

CONCLUSION.

Quoique les bouddhistes donnent de grandes louanges à leur Bouddba, cependant ils ne le regardent pas comme un Dieu, puisqu’il n’a pas participé à la création et qu’il n’a aucune part au gouvernement du monde. D’ailleurs, de même que les innombrables Bouddhas qui l’ont précédé, il est déjà anéanti. Mais ils le vénèrent comme un saint ; un bon docteur et un excellent prédicateur, dont la doctrine doit former les hommes à la piété et à la vertu pendant cinq mille ans. Ils ne regardent pas non plus Phra-tham comme Dieu, puisqu’ils affirment que ce n’est pas un être, que ce n’est ni un corps ni un esprit. On doit dire la même chose du mérite et du démérite. On peut donc conclure que la religion des bouddhistes est une religion d’athées ; et quoique cette religion cherche à réprimer les vices par la crainte des châtiments, elle n’offre cependant aucune récompense aux vertus, sinon des plaisirs passagers, et à la fin de l’abîme épouvantable de l’anéantissement !

FIN DU PREMIER VOLUME.
Carte du royaume de Siam (1854)
Carte du royaume de Siam (1854)