Description du département de l’Oise/Lieuvillers

P. Didot l’ainé (1p. 294-297).
LIEUVILLERS.


Le canton de Lieuvillers est un pays de grande culture ; cependant il n’est presque aucun habitant qui ne possede, indépendamment de sa maison et d’un jardin qui y touche, quelques pieces de terre qu’il cultive par lui-même.

Un bon arpent de terre en froment peut y produire, en prenant une moyenne proportionnelle entre les bonnes et les mauvaises années, douze quintaux de grains ; les terres médiocres, qu’on cultive en méteil, rendent un quart de moins ; les plus mauvaises, qui donnent du seigle, n’en fournissent que six à sept quintaux. L’arpent de terre se loue communément de 14 à 15 liv.

On élevé peu de chevaux dans le canton de Lieuvillers ; les gros cultivateurs tirent leurs chevaux du pays de Vimeux et du Boulonais ; cette race est forte et vigoureuse.

La plupart des vaches dans le canton de Lieuvillers sont flamandes : les cultivateurs achetent encore tous les ans des génisses ; mais ils font aussi des élevés qui réussissent très bien.

Le nombre des moutons est considérablement diminué depuis trois à quatre ans ; on en auroit pu compter cinq ou six mille dans ce canton, à peine en trouveroit-on trois ou quatre mille à présent. Cette grande diminution a pour cause le peu d’aisance des cultivateurs en général, et la rareté des fourrages dans les dernieres années. On est ici dans la mauvaise habitude de ne point faire d’élevés ; on acheté des moutons et des agneaux dans le Vermandois, pour les revendre, après les avoir nourris pendant une ou deux campagnes, aux cultivateurs du Vexin français.

Vingt maîtres cordonniers dans Lieuvillers vendent à Clermont et à Mouy le résultat de leur travail ; ils fabriquent aussi des galoches. Tous ces ouvriers jouissent d’une certaine aisance que ne partagent pas les petits cultivateurs.

On compte environ mille arpents de bois taillis dans le canton de Lieuvillers ; on les coupe tous les neuf ans : le produit de chaque arpent est évalué 12 liv. par année.

La riviere d’Arré, qui prend sa source à Saint-Just-en-Chaussée, traverse ce canton.

Les maisons, basses, étroites, peu aérées, surtout depuis l’impôt sur les portes et les fenêtres, y rendent les maladies très contagieuses souvent mortelles. Il y regne beaucoup de fievres putrides et malignes.

On fabrique à Pronleroy des toiles de lin, mais d’une qualité bien inférieure à celles de Bulles ; dans les autres communes on fait beaucoup de toiles de chanvre. L’occupation des femmes et des filles en hiver est de filer le chanvre ; elles portent au marché ce qu’elles n’emploient pas à leur consommation.

On trouve beaucoup de médailles romaines du bas et moyen âge entre Avrechy et S.-Remy-en-l’Eau : on a découvert une petite idole de Cérès dans les ruines d’un ancien bâtiment de Lieuvillers.

En i358 le tumulte des Jacquiers, révoltés contre la noblesse, eut lieu dans le Beauvaisis : il commença dans le village de Pronleroy ; le capitaine des Jacquiers se nommoit Guillaume Caillet de Clermont. La noblesse de Picardie, de la Brie et de l’Artois fut en proie à la rage de ces furieux pendant trois semaines. Gaston Febus, comte de Foix, les détruisit ; il en tua près de vingt mille. Compiegne leur avoit fermé ses portes : ils abattirent le château d’Ermenonville et celui de Beaumont sur-Oise : ce fut à Meaux, vers le 9 juin, qu’ils périrent sous les coups de Gaston de Foix. « Le roi de Navarre leur courut sus, dit une vieille « chronique, et fit couper le col à Caillet, leur capitaine. »

Le village de Trois-Etots est situé dans un pays plat ; il est environné de cent arpents de bois ; il produit quelques cidres.

La culture est ici très difficile ; on assure qu’il faut six jours à deux charrues pour y défricher un arpent de terre.

Remécourt et Saint-Aubin sont placés au fond d’un entonnoir : les terres sont très mauvaises, remplies de cailloux.

Les détails que je pourrois donner sur le reste des communes de Lieuvillers sont si minutieux qu’il est inutile de les rapporter : point de manufactures, point d’industrie, peu de commerce. Ce que j’ai dit de la culture des environs du chef-lieu du canton convient en général à toutes les communes de sa dépendance.