Description du département de l’Oise/Bulles

P. Didot l’ainé (1p. 299-303).


BULLES.


Adrien de Valois dit qu’il est mention de Bulles sous le nom de Bubulla des l’an 1075.

Un Manassès de Bulles accompagna Louis VII dans sa croisade : la perfidie d’Emanuel Coinnene, empereur de Constantinople, causa la mort de la plus grande partie des seigneurs qui l’accompagnerent. Louis VII, dans une lettre à Suger, témoigne toute l’estime qu’il avoit pour Manasses de Bulles, qui périt, en 1148, au combat de Laodicée.

La seigneurie de Bulles appartint long-temps aux comtes de Dammartiu.

On dit que les propriétaires de Bulles portoient le titre de comtes.

À Mesnil-sur-Bulles il reste quelques débris d’un ancien édifice, que les habitants prétendent avoir appartenu aux templiers : on y a trouvé beaucoup de médailles romaines, portant sur-tout les effigies des Faustines et des Antonins.

Les terres de Bulles sont plus mauvaises que bonnes, et d’une exploitation difficile ; on y voit peu de pommiers ; des peupliers blancs de Hollande, des saules, des ormes, sont répandus dans de vastes prairies. Les bleds, les seigles, l’orge et les avoines en sont les principales productions.

La forêt de la Neuville-en-Hez fait partie du canton de Bulles ; elle couvre quatre mille arpents de terre : on l’exploite en coupes réglées.

Cette forêt, plantée des plus beaux arbres, est d’un aspect très agréable ; elle couvre le sommet de montagnes variées de formes et d’élévation.

Le village qui porte son nom n’est qu’une longue rue presque à l’extrémité du bois, en s’approchant de Bresles et de Beauvais.

Près d’un lieu nommé le Château, à côté de ce joli village, on trouve les restes d’un aqueduc de construction romaine : M. Prévost possede un vase de cuivre antique trouvé près de cet aqueduc, ainsi que quelques médailles de Posthumus. Dans le voisinage, au lieu nommé les Brûlés, on a découvert treize à quatorze cents médailles, sans qu’on en ait pu faire de collections ; elles se sont répandues dans le pays sans qu’un homme instruit ait pu les examiner et les faire connoître.

Louis IX ou S. Louis naquit au château de la Neuville-en-Hez le 25 avril 1215 ; il fut baptisé à Poissy.

La Breche traverse le canton de Bulles.

On y trouve quelques carrieres d’une pierre tendre.

L’air est assez bon dans ce pays pour que les vieillards y portent leur existence jusqu’à quatre-vingts ou quatre-vingt-dix ans. C’est le commerce des toiles de demi-hollande qui se fabriquent à Bulles qui rend ce canton un des plus importants du département de l’Oise. On y cultivoit une grande quantité de lins préférables à ceux de la Flandre : les Flamands et les Hollandais s’en procuroient à grands frais pour donner à leurs toiles la finesse qui fait leur réputation. Le gouvernement français, jaloux de protéger ces établissements, accordoit à ceux qui se livroient à la culture du lin des privileges qui firent un moment la fortune de ces contrées ; ils étoient exempts de corvées, on diminuoit leurs impositions ; les enfants de ces cultivateurs ne tiroient point à la milice. Si quelqu’un négligeoit une année la culture de ses terres, il étoit permis à tout habitant de la commune de Bulles ou de ses environs de semer du lin dans ses champs, en lui payant par forme de loyer 3 liv. par mine. Tous ces détails sont attestés par un réglement de l’intendant de Soissons, fait en 1753.

Les toiles fabriquées à Bulles se répandoient en France, chez l’étranger, en Espagne sur-tout : leur principal entrepôt étoit Beauvais. Dix ou douze maisons se partageoient cette riche branche de commerce : la maison de Goussainville a fait des produits de Bulles jusqu’à deux millions d’affaires par an.

C’est aux années 1751 et 1753 qu’on peut rapporter l’abandon progressif des linieres de Bulles : des digues qui les protégeoient paroissent avoir été détruites par des inondations ; elles causerent des ravages et des stagnations d’eau auxquels, par la nonchalance, par cette insouciance des hommes pour les travaux publics, on n’a pas encore remédié.

Dans les jours heureux de la paix on ne négligera pas sans doute de rendre au département de l’Oise une aussi belle branche de commerce.

Bulles est dans un fond entouré de montagnes : le sol en est plus que médiocre, et tres léger.

On y compte encore de soixante à quatre-vingts tisserands qui tirent leur lin de la Flandre. Les femmes filent le lin, et le vendent aux fabricants : les pieces de quinze aunes coûtent de 60 à 120, et jusqu’à 200 liv.

Ce pays, si florissant jadis, nourrit à peine ses habitants.

Les terres d’Estouy sont mauvaises, seches, caillouteuses ; elles ne produisent que du méteil et du seigle : ses habitants laborieux sont tous manouvriers, terrassiers, peu fortunés ; ils travaillent chez celui qui veut les employer, et souvent hors de leur commune.

Deux moulins à draps sont occupés par les ouvriers de Tricot.

On voit ici encore quinze à vingt arpents plantés de lin et de chanvre, qui ne valent pas ceux de la Flandre.

Le terrain de Litz est plat, ténu en grande culture ; c’est un petit pays fort pauvre, qui n’avoit de remarquable que les étangs de Wariville.

Remerangles est dans la plaine ; c’est un pays découvert, habité par des agriculteurs, et quelques fabricants de toile.

On peut dire la même chose d’Essuilles, du Mesnil-sur-Bulles, et de Fournival.

La Rue-Saint-Pierre est un long village, où l’on fait beaucoup de demi-hollande aussi fines que celles de Bulles.