Description d’un parler irlandais de Kerry/00

AVANT-PROPOS

On s’est efforcé, dans la première partie de cet ouvrage[1], de décrire le système phonétique du parler irlandais de Dunquin, Comté de Kerry.

On se propose ici de décrire sommairement, sous la même perspective, la structure du mot et de la phrase dans ce même parler.

Ici comme là on s’en est tenu systématiquement au point de vue synchronique.

Les matériaux utilisés ont été recueillis au cours de divers séjours faits de 1925 à 1929 dans la paroisse de Dunquin et dans l’Ile Blasket. Ils ont été contrôlés et complétés au cours d’une visite faite à cette même paroisse en septembre-octobre 1933.

Les sujets qui ont fourni ces matériaux ont été nommés dans la préface de l’ouvrage cité plus haut. Il suffira d’ajouter que la masse des faits morphologiques a été fournie par Peig Sayers, Ile Blasket (65 ans environ), au cours d’un interrogatoire systématique entrepris en octobre 1929. On a aussi utilisé un questionnaire de l’Institut d’Ethnographie de Paris, rempli à la même époque, avec l’aide de Cáit bean Ui Chathasa et de son mari Seán O Cathasa, Dunquin.

Les phrases citées proviennent soit de ces interrogatoires, soit de fragments de conversation ou d’une petite collection de proverbes, recueillis sur place, soit de contes populaires notés par moi sous la dictée de Peig Sayers, déjà nommée, de son fils Micheál, et de Máire Ní Ghuithín (environ 28 ans), Ile Blasket. Deux de ces contes ont été publiés (Revue Celtique, XLIX, p. 406). Quelques exemples ont été empruntés à des textes recueillis dans la même paroisse par d’autres enquêteurs et publiés par eux : 1º Contes dictés par Peig Sayers et publiés par M. Robin Flower, dans Béaloideas, Journal of the Folklore of Ireland Society (référence : B. O.) ; 2º Fragments de An t‑Oileánach, autobiographie de Tomás O Criomhthain, éditée par P. O Siochfhradha ; on n’a utilisé que les quelques pages que l’on avait pu, grâce à l’obligeance de l’éditeur, collationner sur le manuscrit de l’auteur (référence : Tomás) ; 3º L’autobiographie dictée à son fils par Peig Sayers, et éditée par Máire Ni Chinnéide, en 1936 (référence : Peig) ; 4º Quelques articles des Réilthíní Oir, recueillis dans l’Ile Blasket en 1922 par le R. P. Mac Clúin, et que j’ai pu vérifier sur place avec l’aide de Tomás O Criomhthain (référence R. O.).

La transcription phonétique adoptée est dans l’ensemble la même que celle employée dans la Phonétique citée plus haut. Il a cependant semblé qu’il n’y avait pas d’inconvénient à substituer ici à la notation stricte une notation large, ne faisant ressortir que les variétés phonologiquement distinctes. Les simplifications introduites intéressent principalement les voyelles et les diphtongues. On a renoncé à noter les glides, sauf là où l’on a craint de donner une image trop infidèle du mot. La transcription ainsi allégée ne requiert guère de commentaires ; rappelons que : 1º l’apex note la qualité palatale de la consonne précédente ; 2º ɑ note un son a d’arrière, assez proche de å lorsqu’il est long, α note un son a très avancé ; œ représente une série de sons mixtes qui vont d’un o avancé et désarrondi à une voyelle nettement mixte et moyenne ; ə note n’importe quelle atone obscure, vélaire ou palatale, la qualité en étant à inférer de celle de la consonne suivante, ou, à son défaut, de la consonne précédente. Pour la place de l’accent, voir Phonétique, § 259 sq. On s’est dispensé de la noter, la notation par ə des atones suffisant à la déterminer.

On a noté avec voyelle pleine certains proclitiques ou enclitiques présentant une voyelle, d’ordinaire obscure dans le discours, mais dont le timbre est reconnaissable dans le discours lent.

On a également noté comme voyelles pleines certaines prétoniques qui conservent un timbre relativement distinct, et qui avaient été notées dans la Phonétique, peut-être à tort, ə et ɩ. Dans ce cas la place de l’accent est marquée par ˈ devant la syllabe tonique : kαˈlʹi:nʹ (cailín) « jeune fille ». On a laissé de côté la nasalisation, phonétiquement conditionnée, et souvent capricieuse.

La longue est notée par :

ʽ après une forme signifie que celle-ci aspire l’initiale suivante.

ⁿ après une forme signifie que celle-ci nasalise l’initiale suivante.

Des fragments étendus de cette Description ont été lus, en première rédaction, à Antoine Meillet, déjà frappé, mais qui continua jusqu’au bout à suivre amicalement et à diriger magistralement les travaux de ses élèves. Je ne pensais pas, quand je lui lisais ces pages, qu’au jour où elles paraîtraient je ne pourrais plus adresser ma gratitude qu’à sa mémoire toujours vivante.

M. Émile Benveniste a bien voulu lire cet ouvrage en manuscrit. Je lui suis redevable de précieuses suggestions.

M. O. Bergin a eu l’obligeance de me signaler diverses erreurs fâcheuses, qui s’étaient glissées dans la Phonétique d’un parler de Kerry (cf. l’errata qui figure à la fin de ce volume). Qu’il en soit remercié.


  1. Phonétique d’un Parler irlandais de Kerry. Paris, Leroux, 1931.