Des hommes sauvages nus féroces et anthropophages/Mœurs et coutumes/03

Traduction par Henri Ternaux.
Arthus Bertrand (p. 231-234).


CHAPITRE III.


Des grandes montagnes de ce pays.


Il y a dans ce pays une grande chaîne de montagnes, qui s’élève à environ trois milles de la mer, et même plus près dans quelques endroits. Elle commence près d’un village que les Portugais ont bâti, et qu’ils nomment Bahia de Todos os Sanctos (la baie de tous les Saints) ; elle s’étend le long de la mer pendant deux cent neuf milles, ou jusqu’au vingt-neuvième degré au sud de la ligne. Cette chaîne de montagnes a environ huit milles de large : de l’autre côté sont des plaines. Il en découle plusieurs beaux fleuves, et l’on y trouve beaucoup de gibier. Ces montagnes sont habitées par des sauvages, nommés Vayganna, qui font la guerre à toutes les nations, et dévorent tous ceux dont ils peuvent s’emparer ; ce que les autres Indiens font aussi à leur égard. Ils vivent de chasse, et sont très-habiles à tirer de l’arc : ils prennent aussi très-adroitement le gibier avec des lacets et dans des trappes. Ils mangent du miel sauvage, que l’on trouve en abondance dans les montagnes. Ils imitent fort bien le cri des animaux et le chant des oiseaux, ce qui leur facilite les moyens de les prendre. Ils allument du feu en frottant deux morceaux de bois ensemble, comme le font aussi les autres sauvages. Ils font ordinairement rôtir leur viande, et errent d’un endroit à l’autre avec leurs femmes et leurs enfants.

Quand ils campent près du territoire de leurs ennemis, ils construisent une espèce de palissade autour de leurs cabanes pour ne pas être surpris ; et ils placent autour de leurs cabanes (à cause des tigres) des épines aiguës, que l’on nomme dans le pays maraga cibe ju, comme l’on place des chausses-trappes dans ce pays-ci. Ils ont du feu toute la nuit ; mais ils l’éteignent dès que le jour paraît, afin que la fumée ne les fasse pas découvrir.

Ils laissent ordinairement croître leurs cheveux et leurs ongles. Ils ont des grelots comme les autres nations sauvages, et les regardent comme leurs dieux. Ils ont les mêmes boissons et les mêmes danses. Avant de commercer avec nos vaisseaux, ils avaient comme elles des dents d’animaux en guise de couteau et des haches en pierre.

Ils vont souvent à la poursuite de leurs ennemis, et se cachent ordinairement derrière des tas de bois mort qui sont près des cabanes, afin de surprendre ceux qui sortent des villages pour aller chercher du bois.

Ils traitent horriblement leurs ennemis, et ceux-ci le leur rendent bien. Dans leur fureur, ils coupent quelquefois les bras et les jambes des captifs avant de les tuer : les autres nations, au moins, tuent leurs ennemis avant de les manger.