Des couplesErnest Kolb, éditeur (p. 85-121).

MON AMIE, MADAME ROLLET


I


C’était un projet bien arrêté dans leur esprit. Lui, Gaspard de Crochemont, l’avait conçu ; sa maîtresse, Joséphine Rollet, l’avait adopté avec enthousiasme, et tous deux, depuis des années, le caressaient, le choyaient, le dorlotaient.

Il formait le seul lien qui les réunît, la seule raison qui expliquât la continuité de leurs rapports. Leurs idées étant rares, ils l’aimaient comme un enfant unique, passionnément, exclusivement. Ils l’élevaient, le façonnaient à leur guise, le pétrissaient, le perfectionnaient. Toutes les heures passées ensemble, ils les employaient à imaginer des moyens ingénieux, des combinaisons interminables. La manière dont on le réaliserait, les moindres gestes, les moindres paroles, tout était prévu, disposé, définitivement réglé. Les obstacles ? Ils n’en admettaient pas. Les résistances ? On les briserait.

— Plus je l’examine, disait Gaspard, plus je le juge pratique et inattaquable. Il satisfait les intérêts, les goûts, les affections, les bonnes mœurs. En un mot, c’est une trouvaille.

Et Joséphine approuvait.

M. de Crochemont, gentilhomme campagnard, gros cultivateur de Beuzeville, atteignait la trentaine quand il épousa la fille d’un notaire, Mlle Noëe Chrétien. Après dix mois de ménage, celle-ci mourut en couches, lui laissant un fils, qu’il appela Roger.

La mort de sa femme lui causa peu de chagrin ; par contre, l’arrivée de cet enfant l’embarrassa fort.

Accoutumé à une existence paisible et solitaire dont il souhaitait encore plus le retour, au sortir d’une union assez tourmentée, il ne voulut point s’empêtrer d’un mioche. Il le mit en nourrice aux environs, ce qui lui assura quelques années de calme.

Mais l’enfant grandit, il fallut l’envoyer à l’école et, quoique décidé à ne pas le reprendre chez lui, Gaspard sentait la nécessité de dénouer un jour cette situation fausse. Il ne pouvait pas éternellement abandonner son fils à des mains étrangères. Puis l’avenir commençait à l’inquiéter. Qu’en ferait-il plus tard ? Dans quelle voie l’engagerait-il ?

À la suite d’un procès qu’il perdit par la négligence de son avocat, il résolut de le pousser vers le barreau. Il se rappela bien que son frère Rodolphe, envoyé jadis à Paris pour ses études de droit, avait gaspillé sa fortune, volé leur père et souillé le nom de la famille. Mais cet exemple ne changea pas sa détermination. La carrière d’avocat plaisait à ses instincts de Normand et à sa vanité de paysan. Il se promit du reste, une fois l’époque arrivée, de diriger son fils avec fermeté et de le dérober, par quelque artifice, aux tentations malsaines de celles qu’il nommait, en souvenir de son pauvre frère, des créatures perverses.

Cependant sa vie continuait, monotone et sans incidents. Sauf le vendredi où, par habitude, il se rendait à la Bourse de Rouen, il ne quittait guère Beuzeville.

Grand et fort, de figure énergique, il avait un caractère indolent. Le mouvement l’ennuyait. Il marchait à peine, ne chassait pas, restait des journées entières à fumer des pipes dans la principale pièce de son manoir, vieille construction délabrée et dénuée de style.

H mangeait beaucoup, buvait ferme et pensait peu. D’intelligence pauvre, il se contentait d’un nombre restreint d’idées simples qui se présentaient à tour de rôle et qu’il ne se lassait pas de ruminer.

Le soir, à l’hôtel de France, dans une salle spéciale, il rejoignait une dizaine de hobereaux et de fonctionnaires, qui le traitaient avec considération à cause de sa fortune. Quand il en éprouvait le besoin, il prenait, à droite ou à gauche, une fille de campagne. Il la choisissait parmi celles qui avaient déjà fauté, et s’arrangeait pour ne pas l’engrosser, ayant horreur du scandale et des potins.

Or, un vendredi, cinq ans après la mort de sa femme, des amis de Rouen le retinrent à dîner. Le repas fut très gai, le champagne coula, puis on se munit de cigares et l’on alla, finir la soirée aux Folies-Bergères.

Il y avait là la foule bruyante des jours de bourse. Ces messieurs, des industriels, des commerçants, des commis-voyageurs, des agriculteurs de la région, encombraient le promenoir et accompagnaient de leurs cris et de leurs rires les refrains des chanteurs comiques.

Au milieu grouillait le demi-monde rouennais, un ramassis de filles laides et disgracieuses, vêtues de robes et de chapeaux démodés.

M. de Crochemont constata leur tenue correcte et bégueule. Elles s’en allaient deux à deux, regardaient les hommes avec des airs de mépris, ne permettaient pas qu’on les touchât et s’offusquaient des mots grivois qu’on leur lançait.

Ces manières distinguées en imposaient à Gaspard, et lorsque ses amis parlaient à l’une de ces femmes, il s’éloignait par timidité.

Cependant il se laissa présenter à une grande blonde qui s’étalait au fond d’une loge. Celle-là lui plaisait, il n’eût su dire pourquoi, comme vous plaisent certaines femmes ni belles ni laides, chez qui l’on ne remarque rien de particulièrement séduisant, et qui néanmoins, par quelque affinité mystérieuse, par quelque sortilège impuissant sur d’autres, vous attirent et vous gardent une heure, une nuit, des années, la vie entière parfois, sans qu’on puisse s’expliquer la nature de leur charme.

Il lui offrit une consommation. Elle accepta sans façon, et ils se rendirent au jardin d’hiver. Tout de suite il fut à son aise. On entendait les valses lentes de l’orchestre, près d’eux un jet d’eau ruisselait sur le corps d’une naïade, et cette solitude, à quelques pas du vacarme de la salle, les réunissait dans une sorte d’intimité. Ils échangèrent des confidences. Il raconta sa vie, son mariage, la mort de sa femme, les tracas qui lui provenaient de son fils.

Elle, tout étonnée, s’écria :

— Comment ! Vous avez un fils ? Quel âge a-t-il ?

— Cinq ans.

— C’est drôle, juste comme ma Juliette.

— Qui, Juliette ?

— Mais ma fille.

Cette coïncidence les rapprocha et ils s’entretinrent de leurs enfants. Roger allait à l’école depuis, six mois, il promettait d’être un garçon sérieux et travailleur. Quant à Juliette, on ne la poussait pas. Sa mère avait pour elle un plan d’éducation très précis : d’abord la vie de famille, le spectacle continuel des bonnes manières, ensuite l’entrée au couvent et la fréquentation des demoiselles riches.

Gaspard l’approuva, puis reprit :

— Tout de même, ça vous donne bien de l’ennui. ces marmots-là.

— Et quelle responsabilité ! ajouta Joséphine.

Ce mot de responsabilité les effraya. Il évoqua en eux tout un avenir hérissé de complications, de déboires, de difficultés inextricables, et ils s’attendrirent sur leur destinée réciproque. Et soudain une sympathie si profonde les envahit l’un pour l’autre que l’idée de s’entr’aider germa confusément en leur esprit.

Cependant l’orchestre jouait la marche finale. M. de Crochemont souhaita le bonsoir à ses compagnons et proposa à Joséphine de la reconduire. Arrivée chez elle, celle-ci l’invita à prendre la moindre des choses. Ils s’installèrent au coin du feu et burent une tasse de thé, tout en bavardant comme de vieux amis.

Vers une heure, Gaspard tira sa montre et soupira :

— Ah ! il faut que je m’en aille.

Habitué aux filles de ferme et aux couturières de village, il n’osait point, de peur d’un refus, demander l’hospitalité. Elle devina sa gêne et répondit :

— Attendez un peu, vous avez bien le temps. Vous me permettrez seulement de me mettre à l’aise.

Elle dégrafa son corsage et passa dans la chambre voisine pour se déshabiller.

Quelques instants après, elle l’appela :

— Venez donc voir la petite.

Il obéit ; la « petite » dormait et, de suite, il s’extasia devant sa grâce et sa gentillesse. De l’autre côté du lit, Joséphine l’écoutait, en corset et en jupon. Elle se pencha vers sa fille et l’embrassa.

Une odeur chaude montait de ses épaules nues. Alors un désir le fouetta. Il se pencha aussi. Leurs lèvres se rencontrèrent.

— Je peux rester ? dit-il.

II


Joséphine Rollet avait débuté très jeune comme caissière dans un estaminet de second ordre. Avec sa figure régulière, ses cheveux blonds un peu fades, le profil « mouton » que lui donnaient son nez et son menton arrondis, avec sa taille bien prise et ses allures de femme distinguée, elle eut un certain succès.

À ce moment, elle acceptait le premier venu. Économe et adroite, elle amassa de l’argent et se rangea peu à peu. Une fille qui lui survint augmenta ses ressources, un riche banquier consentant à s’en croire le père. Il mit la mère dans ses meubles et plaça sur la tête de l’enfant une somme assez importante.

Maintenant un magistrat et un homme marié subvenaient à ses besoins. Ces protecteurs la visitaient tour à tour, à jour fixe, et ne se rencontraient jamais. Outre ces relations sérieuses, Joséphine se permettait de fréquents caprices et même, de temps à autre, des fantaisies très basses qu’elle dissimulait soigneusement.

On la recherchait comme une femme cotée, qui sait se tenir, une femme d’ailleurs avec laquelle on ne s’ennuyait pas. En peu d’années elle se forma une clientèle nombreuse et assidue.

C’est au milieu de ces occupations multiples que fut insinué le vendredi de M. de Crochemont.

Chaque semaine, après la Bourse, Gaspard se rendait chez son amie. Il suivait la rue Jeanne d’Arc, achetait en route quelques provisions et gagnait la place du Vieux-Marché. Joséphine habitait là, au premier étage, un appartement confortable, orné de tentures, de fleurs et de bibelots. Les sièges étaient bas, des tapis recouvraient les parquets et de lourdes draperies masquaient les portes. Ce luxe éblouissait M. de Crochemont.

Le dîner fini, on jouait aux cartes, puis on se couchait, et Gaspard ne partait que le lendemain dans la matinée.

Et rendant d’innombrables vendredis, le campagnard savoura le charme de ces soirées. Ces quelques heures lui semblaient délicieuses. Il se croyait chez lui, ces meubles étaient à lui, cette femme lui appartenait, à lui seul.

Il avait pour elle des élans d’amour.

— Que ne puis-je vivre avec toi ! disait-il, envahi par toutes les petites jouissances matérielles qu’elle lui procurait.

Et quoique « regardant », il ne regrettait pas le billet de cent francs, plié en quatre, qu’il déposait le samedi sur la coupe de la cheminée.

Puis cette liaison l’enorgueillissait. Il en tirait à Beuzeville, auprès de ces messieurs de l’hôtel de France, un relief énorme. À chacun d’abord, en grand secret, il avait confié son aventure, vantant les qualités exceptionnelles de « son amie, Mme Rollet », sa parcimonie, son attachement incomparable. Mais cela ne lui suffit pas, et il raconta l’histoire de sa conquête, ouvertement. En plein café, il décrivait l’appartement de sa maîtresse, citait des phrases de Joséphine, exhibait le menu de ces repas succulents qu’elle lui confectionnait.

Bientôt on parla d’elle comme d’une personne connue, rencontrée chaque jour. On n’abordait plus Gaspard sans lui demander :

— Et votre amie, Mme Rollet, comment va-t-elle ?

Il remerciait chaleureusement et ne marchandait pas les détails sur la santé de son amie.

Une certaine jalousie qu’il sentait autour de lui, chez les hobereaux surtout, mit le comble à son contentement.

La conversation pourtant ne variait guère entre Gaspard et Mme Rollet. Lui, causait de ses fermes, de la valeur de ses terres, de ses récoltes. Joséphine le tenait au courant des moindres scandales du monde galant.

Une fois il s’écria :

— Mais comment sais-tu tout cela, toi qui ne vois personne ?

Elle fut stupéfaite et ne répondit pas. Il s’imaginait en effet, sans toutefois approfondir ce sujet, qu’il n’avait pas de rival.

Peu à peu ces entretiens perdirent leur animation. La question des fourrages n’intéressa plus Joséphine, et les potins assommèrent Gaspard. Ils ne s’écoutaient plus l’un l’autre, soupiraient, bâillaient, et il advint que, n’ayant plus rien à se dire, ils ne s’adressèrent plus la parole. Gaspard fumait, sa maîtresse sommeillait, et tous deux attendaient le moment du coucher.

Il venait encore, par besoin physique, par égoïsme, par habitude. Il avait là ses pantoufles, sa robe de chambre, des vêtements et du linge de rechange. La cuisine était parfaite, le service irréprochable. Après le dîner, on lui présentait sa pipe toute bourrée et un carafon d’excellente eau-de-vie.

D’ailleurs, qu’aurait-on dit à Beuzeville d’une rupture entre lui et son amie, Mme Rollet ?

Un incident mit fin à cet ennui qui commençait à lui peser.

Un vendredi, il arriva par hasard chez sa maîtresse avant l’heure de la Bourse. Il la trouva couchée, souffrante.

— Quel contre-temps, bougonna-t-elle, tu sais que j’ai conduit hier la petite au couvent, rue de l’Avalasse. Elle a tant pleuré que je me suis engagée à aller la voir aujourd’hui, et puis, juste, je tombe malade.

Jusqu’ici, la petite étant reléguée dans la cuisine auprès d’Adèle, la bonne, pendant les stations des clients, il ne l’apercevait que rarement et ne s’occupait jamais d’elle. Mais, par complaisance, il proposa :

— Si tu veux, j’irai à ta place.

— Vrai, tu veux bien ?

— Pourquoi pas ?

Au parloir, il demanda Juliette. Elle accourut les larmes aux yeux. Il lui emplit les mains et les poches de friandises, et tandis que la petite continuait à sangloter, il se rappela le premier baiser qu’il avait échangé avec Mme Rollet. C’était au-dessus de l’enfant endormie. Alors une sorte de gratitude le pénétra. Il se découvrit pour elle une affection subite. Somme toute, il lui devait son bonheur, sa tranquillité, les meilleurs jours de sa vie.

— Console-toi, lui dit-il, en la prenant sur ses genoux. Tu es une grande fille maintenant. Il ne faut pas faire de peine à ta mère.

Il la câlinait, l’embrassait, essuyait ses larmes, et Juliette, bientôt calmée, promit d’être sage et de travailler.

À cette époque, son fils entra comme pensionnaire au lycée de Rouen. Désormais Gaspard alla d’un parloir à l’autre. Il achetait une assiette de gâteaux, en offrait à Juliette et portait le reste à Roger. À chacun d’eux aussi il glissait une pièce d’argent.

Le soir, il racontait par le menu à Mme Rollet ses deux visites de la journée. Elle ne lui faisait pas grâce d’un détail et ne se fatiguait point d’entendre la même histoire.

Cela devint le fond même de leur conversation. Ils discutèrent les différentes façons d’élever les enfants, et ces controverses leur fournirent des idées sur des matières auxquelles ils n’avaient jamais pensé.

Un jour, il avertit Joséphine qu’il combinait une partie pour le dimanche suivant.

— Soyez prêtes vers les onze heures, lui dit-il, je viendrai vous chercher en voiture, et surtout faites-vous belles.

À l’heure fixée, il sonnait place du Vieux-Marché.

— Vite, vite, il y a une surprise en bas ; tu verras, petite, si j’ai pensé à toi.

Il les pressa, aida Joséphine à finir sa toilette, à épingler son voile. Il rayonnait, exultait, jouissait d’avance de l’effet produit, et il les entraîna dans l’escalier sans même leur laisser le loisir de mettre leurs gants. Ils arrivèrent devant le landau. Sur la banquette d’arrière, un garçon attendait, en uniforme de collégien, l’air gauche et timide.

La présentation, eut lieu.

— Madame Rollet, permettez-moi de vous amener un camarade pour notre chère Juliette. C’est mon fils, Roger.

Joséphine répondit par un regard attendri. Cette preuve d’estime la touchait, la rehaussait à ses propres yeux. On installa les deux enfants l’un près de l’autre, et l’on partit pour Saint-Adrien.

Juliette ressemblait étrangement à sa mère. Elle en avait les joues pleines, le profil moutonnier et la constitution robuste. Au contraire, la figure pâlotte, le long corps maigre de Roger, annonçaient une santé médiocre. Mme Rollet n’en loua pas moins sa bonne mine et son air gaillard.

— Ce sera un rude gars, déclara-t-elle.

À Saint-Adrien, on renvoya la voiture, on visita la célèbre chapelle entièrement creusée dans le roc de la falaise, puis on déjeuna sur l’herbe au bord de la Seine et, comme promenade, on suivit une étroite vallée où serpente un cours d’eau.

Il faisait très doux. L’haleine du fleuve passait en brises fraîches qui inclinaient à peine les arbustes et les fleurs. Quelque part, sous les herbes, la source chantait, invisible.

Les deux petits marchaient en avant. Ils se tenaient par la main et bavardaient, elle dégourdie et prévenante, lui raide et guindé. Roger portait à son bras un panier de provisions.

Derrière eux, à une certaine distance, s’avançaient M. de Crochemont et son amie Mme Rollet. Gaspard, le visage souriant, ne disait rien. Il se délectait encore de la surprise qu’il avait imaginée. Joséphine cueillait des fleurs.

On goûta, puis on s’en retourna de manière à prendre le bateau-mouche et à rentrer pour le dîner.

Sur le pont le manque de sièges les contraignit à se tenir debout. Autour d’eux une multitude de bourgeois s’entassaient. La plupart des femmes revenaient avec des bottes de fleurs et les hommes avec des filets remplis de poissons.

Sous les regards les deux amants affectèrent un maintien grave et des attitudes de bon ton. Ils posaient au ménage légitime, s’appuyaient tendrement l’un contre l’autre et Mme Rollet ne cessait d’interpeller les enfants, en mère inquiète : « Juliette, ne te penche pas trop… Roger, mets ton foulard, il commence à faire frais. »

C’est le soir de cette « bonne journée », tandis que Gaspard repassait les différents incidents de la promenade, que le fameux projet s’empara de son esprit.

Joséphine dormait. Lui, couché près d’elle, rêvassait. Une veilleuse rose jetait des lueurs dansantes sur les murs et illuminait de clartés vives des vêtements bien rangés et soigneusement pliés sur les meubles.

Et tout à coup il s’écria :

— Joséphine, Joséphine…

Elle grogna : — Eh bien quoi ?

— J’ai une idée merveilleuse, un projet superbe.

— Lequel ? demanda-t-elle.

Il réfléchit.

— Non, j’aime autant ne pas te le dire maintenant… plus tard… tu verras…

Elle n’insista pas et se rendormit, pendant qu’il examinait et creusait son idée.

III


Longtemps Gaspard subit, sans y répondre, les interrogations de Mme Rollet. Elle eut beau supplier, pleurer, se fâcher, rien n’entama son mutisme farouche. Il garda son secret comme une relique précieuse. Tremblant qu’un indice ne mît sa maîtresse sur la voie de la vérité, il pesait ses moindres mots, ne parlait qu’à regret, et découvrait lui-même à la phrase la plus insignifiante qui lui échappait un double sens mystérieux capable de livrer la clef de l’énigme.

Cela dura un an. Puis ce rôle silencieux l’excéda. La monotonie des repas et des soirées devenait intolérable. Joséphine, lasse de prier, s’était décidée à le laisser en repos. Et dès qu’on ne l’interrogea plus, cette question s’imposa subitement à lui : dans quel but se taisait-il ?

Il s’avoua, non sans étonnement, qu’il n’avait aucune raison pour agir de la sorte. Ne faudrait-il pas, un jour, prévenir Joséphine, obtenir son approbation ? À quoi bon ces cachotteries ? Et désireux de bavarder, il jugea sa conduite absurde.

Toutefois, avant de divulguer son secret, il organisa une nouvelle partie à Saint-Adrien. Les faits se succédèrent dans un ordre identique. On admira les mêmes points de vue avec les mêmes paroles. Les enfants, dont la camaraderie avait augmenté, ne se quittèrent pas, et les parents se félicitèrent de cette bonne entente.

Au retour, il se planta devant elle.

— Eh bien, tu ne devines pas ?

— Quoi ? fit-elle interloquée.

— Comment quoi ? Mais ce qui ressort de la journée d’aujourd’hui, de toutes les journées du même genre.

Cela l’exaspérait qu’elle ne saisît pas. Il s’en froissait comme d’une offense. C’était si clair, si lumineux ! Il fallait donc qu’il expliquât son projet lui-même ! À la fin il s’y résolut et le dévoila en quelques mots, d’un air ravi.

Elle s’indigna. Certaines pudeurs instinctives se révoltèrent en elle contre un tel cynisme. Il ne perdit pas courage, sentant la maladresse de son langage brutal et, pour ne point l’effaroucher, il exposa son plan avec des précautions infinie, le noya dans d’habiles digressions, le revêtit de couleurs séduisantes. Il en montra les innombrables avantagés et défia son amie d’y trouver le moindre inconvénient.

— C’est vrai, dit-elle, il y a beaucoup de bon.

— Beaucoup ! s’écria-t-il en s’échauffant, mais tu ne vois donc pas que c’est encore plus ton intérêt que le mien ? Mon argent, au lieu de s’en aller à d’autres, viendra dans ta poche. Et puis il faut penser & la question de santé, à la question des mœurs. Si tu rejettes mon idée, quelles sont donc tes intentions ? Ça ne doit pas être bien propre, j’en ai peur.

Elle ne protesta pas. Supputant le gain qu’elle retirerait, elle se laissait convaincre par les arguments de Gaspard. Dès que son calcul fût solidement établi, ces arguments lui semblèrent irréfutables. Elle se déclara vaincue.

Et pendant dix ans, ils vécurent de ce projet. Avec une douloureuse impatience, ils attendaient, en comptant les années, le moment de l’exécuter. Ils évaluaient ses chances de réussite et ses chances d’insuccès, les dénombraient, les inscrivaient en chiffres exacts et, pour augmenter les unes et diminuer les autres, ils se livraient à des investigations minutieuses et ne craignaient pas de recourir à des essais de psychologie expérimentale.

Gaspard surtout l’aimait d’un amour effréné. À force de le ressasser, de le ruminer, il finit par le considérer comme quelque chose de surhumain, comme une conception magnifique éclose dans un cerveau de génie. Et tout l’orgueil qu’un homme éprouve à se remémorer les quelques idées qu’il a mises au monde, lui le concentrait sur la seule idée que son esprit eût jamais engendrée. Il en était fier comme un rachitique de l’enfant qui naît de son sang.

Il se plaisait à rappeler cette journée, source première de leur félicité. C’est de là que datait le projet. Et reprenant la promenade à Saint-Adrien, le retour sur le bateau, les heures pensives de la nuit, il notait, un à un, les petits incidents qui avaient semé la graine dans son esprit, ceux qui l’avaient développée et les réflexions subtiles qui l’avaient fait germer.

— Et dire que ça aurait pu ne pas exister, concluait-il d’un air inquiet.

Cette possibilité l’épouvantait comme s’il eût craint que cette bonne journée et toutes ses conséquences s’évanouissent par quelque maléfice.

Le temps s’enfuit sans renverser l’échafaudage de leurs rêves.

Mme Rollet jouissait toujours d’une grande vogue. Un directeur de théâtre remplaçait maintenant l’homme marié, mais le vieux magistrat demeurait immuable. Les jeunes aussi la prisaient, elle devint à la mode parmi les petits qui débutent, les nouveaux qui opèrent l’après-midi, et elle eut une série de dimanches consacrés à déniaiser des collégiens. En outre elle entretint un garçon de café qui la battit, puis son coiffeur qui la vola. Un cocher de fiacre leur succéda qui la rendit fort heureuse.

Et jamais il n’y eut d’erreur. Jamais Gaspard n’aperçut de rival chez sa maîtresse. Jamais Adèle, la bonne, ne confondit le vendredi de M. de Crochemont, soit avec le mardi du vieux magistrat, soit avec les jours attitrés du directeur de théâtre.

Les enfants grandissaient côte à côte. Roger, toujours malingre, s’allongeait et maigrissait, comme si on l’eût tiré par les pieds et par la tête. Ses vêtements étriqués et ses pantalons trop courts augmentaient son aspect ridicule.

La ressemblance de Juliette et de sa mère s’accentuait, mais la petite avait l’air plus malicieux et plus éveillé.

Le jeudi, Mme Rollet envoyait Adèle chercher le lycéen et la bonne promenait les deux enfants. Les passants remarquaient leur sagesse. Souvent le dimanche ils allaient déjeuner à Beuzeville. Ils s’aimaient beaucoup et se confiaient leurs joies et leurs peines.

Et soudain tout cela cessa. Quand ils atteignirent leur seizième année, ils furent séparés.

Cette décision avait exigé de nombreux conciliabules entre les deux amants. Joséphine la croyait inutile et Gaspard indispensable.

— Laisse-moi faire, dit le cultivateur, je connais la question mieux que toi. Or, sache-le bien, notre projet en dépend.

Son amie, Mme Rollet, se résigna.

Dès lors, privés de distraction, ils vécurent dans l’attente anxieuse de l’époque qu’ils avaient choisie.

— Encore trois ans, soupirait Gaspard… encore deux… comme c’est long… que d’obstacles peuvent surgir !

Elle le réconfortait :

— Pourquoi te tourmenter ? Tout va bien. De mon côté, j’en réponds, si ça cloche, il n’y aura pas de ma faute. Et puis d’abord, je ne vois aucun empêchement. De quoi t’effrayes-tu ?

Il ne savait pas, c’était des pressentiments obscurs, des découragements qu’il ne s’expliquait point, sans doute la terreur d’échouer après tant d’espérances. Plus il approchait du but et plus il tremblait.

— Dire qu’un rien, une bêtise peut tout perdre !

Et il murmurait :

— Plus que trois mois… plus que six semaines… plus que deux.

Enfin survint le dernier vendredi, l’avant-veille du jour fixé. Il fit à son amie les recommandations les plus pressantes, lui répéta ce qu’il lui avait tant de fois rabâché et lui serra vigoureusement la main.

— Vois-tu, ma chère, je suis un peu ému, ça se comprend… toi aussi, tu l’es, n’est-ce pas ?… je comprends ça… car, après tout, ça peut mal tourner…

IV


Sur la table, luxueusement servie, quatre couverts étaient préparés. Des compotiers de fruits et de gâteaux, des fleurs, des multitudes de verres, des carafes de vin et de champagne encombraient la nappe. L’abat-jour blanc de la suspension reflétait une lumière douce.

Une fois encore Mme Rollet fit l’examen de la salle à manger. Elle rectifia l’alignement des verres, rétablit la symétrie des plats et ne put réprimer un sourire de satisfaction. Puis elle enfila un long couloir et continua son inspection par une grande pièce, ancienne lingerie, transformée en chambre à coucher. Un lit à deux personnes et de jolis meubles d’acajou la remplissaient. Les draps s’ouvraient, attirants. Le feu flambait.

— Irréprochable, se dit-elle.

Elle gagna le salon. Juliette jouait du piano. Elle la prit par la taille et la regarda. C’était une belle fille appétissante et fraîche.

Elle lui dit d’une voix sérieuse :

— Tu sais, j’ai fermé les yeux sur bien des choses, depuis ta sortie du couvent, j’ai poussé peut-être même la complaisance un peu loin. Mais rappelle-toi bien que le vieux ne soupçonne rien. Aussi sois habile, ne commets pas de faute. Règle-toi d’après ce que tu m’as promis.

Juliette répondit, l’œil sournois, avec une intonation vicieuse :

— Aie pas peur, maman, j’enfoncerai l’papa et le p’tit n’y verra que du feu.

La mère répliqua :

— Tu feras bien, ton avenir en dépend. Un peu d’adresse, et on ne sait pas où ça peut te mener.

Un coup de sonnette retentit.

— Les voilà, murmura Joséphine, pas de boulettes.

En effet, M. de Crochemont, suivi de son fils entra rapidement, en faisant du bruit pour dissimuler son embarras.

— Eh bien, Juliette, dit-il, affectant de ne point tutoyer la jeune fille, j’espère que vous êtes contente de revoir votre camarade. Embrassez-vous donc.

Ils s’embrassèrent et se tinrent l’un en face de l’autre, lui tout troublé, elle riant aux éclats.

Roger sentait encore l’uniforme. Il avait peu changé. Ses gestes lents, sa parole traînante, son grand corps apathique dénotaient un caractère mou.

Il bégaya :

— Bonjour… mademoiselle… enchanté…

On passa dans la salle et l’on dîna. Gaspard fut d’une gaîté étourdissante. Juliette lui tint tête, et il y eut entre eux un assaut de plaisanteries, de taquineries, de bons mots qui dérida le jeune Crochemont.

— Ils sont impayables, affirma Joséphine.

On servit l’entremets, on but du champagne, et tout à coup l’allégresse, loin d’augmenter, tomba. Le repas s’acheva dans une solennité mystérieuse. Les bruits s’atténuèrent, les mâchoires mastiquaient avec précaution, les cuillers et les fourchettes ne tintaient plus, la bonne circulait silencieusement. Gaspard surtout se composait un maintien précurseur des plus gros événements. Un coude sur la table, le front dans la main, il méditait. Les autres, graves aussi, contemplaient cette méditation.

La bonne apporta le café, les liqueurs, les cigares, puis s’en alla.

Le silence devint plus lourd encore. Il imprégnait l’atmosphère et pesait comme une chaleur d’orage. Enfin M. de Crochemont le rompit et prononça cette allocution dont il avait arrêté les termes depuis longtemps, de concert avec Joséphine :

— Mes enfants, pour que vous saisissiez la portée de mes paroles, il faut que je reprenne les choses de haut. Lorsque mourut ma pauvre chère femme, je me sentis vis-à-vis de toi, Roger, une très grande responsabilité. Serais-je capable de t’élever, de diriger tes études et, principalement, pendant ta jeunesse, de te préserver des mauvaises rencontres qui absorbent la fortune et qui ruinent la santé ? L’exemple de ton oncle Rodolphe, mis sur la paille par une coquine, n’était pas de nature à me rassurer. Je prévoyais des malheurs sans nombre. Que faire ? Il n’y a que la main d’une femme pour guider les premiers pas de l’homme. Et ma chère défunte n’était plus là. C’est sur ces entrefaites que j’eus le bonheur inespéré de faire la connaissance de mon amie, Mme Rollet.

Il gratifia Joséphine d’un regard affectueux, et, toujours maître de son discours qu’il avait souvent récité devant une glace, il poursuivit posément :

— Avant tout, que je remercie cette excellente amie. Je lui dois mes meilleures années, ma tranquillité, la régularité de mon existence, la disparition de mes ennuis. Que je vous loue également, Mme Rollet, de la façon vraiment admirable dont vous avez élevé votre fille. Vous en avez fait une femme accomplie, instruite et digne de vous. Toi aussi, Roger, tu peux être reconnaissant à Mme Rollet des soins qu’elle a eus pour toi. Je n’ai jamais agi sans la consulter, et c’est certes par les conseils intelligents qu’elle m’a prodigués que j’ai réussi, je crois, dans mon œuvre.

Joséphine, accablée de compliments, rougissait et perdait contenance. Elle devinait, fixés sur elle, les yeux railleurs de sa fille, ces yeux clairvoyants dont l’ironie la gênait toujours.

Gaspard cependant continuait d’un ton de prédicateur :

— Mais notre tâche, à mon amie et à moi, n’est pas achevée. Il nous faut encore vous aider tous deux à franchir l’époque la plus dangereuse de la vie. De vous, Juliette, nous devons écarter les vilaines intrigues, les passions coupables, les propositions menteuses de gens intéressés à vous entraîner dans la voie du mal. Toi, Roger, nous devons te garantir des rencontres malsaines, des liaisons compromettantes avec des drôlesses sans aveu. À tous deux enfin notre devoir est de vous préparer une jeunesse honnête, calme, laborieuse, à l’abri du besoin. Nous avons beaucoup réfléchi, beaucoup cherché, et, je suis fier de l’avouer, j’ai trouvé, à mon avis, la combinaison qui nous permettra d’atteindre notre but.

Il se recueillit avant d’entamer la période délicate de son discours, et c’est en hésitant qu’il reprit :

— Demain, Roger, tu commences tes études de droit. Je suis donc obligé de te livrer à toi-même. Mais pour éviter l’écueil d’une trop grande liberté, mon amie, Mme Rollet, et moi nous avons arrangé la grande pièce du fond en chambre à coucher et la pièce voisine en salle à manger. Cela te formera un logement distinct, que tu peux isoler en fermant la porte de communication. Tu auras ton escalier particulier, tu seras en un mot chez toi, tu pourras recevoir tes amis à ta guise. Mme Rollet consent à surveiller tes affaires, ton linge, ton petit ménage. Puis, si cela te convient, si cela n’ennuie pas trop Juliette… ta camarade d’enfance viendra déjeuner… dîner avec toi,… même… de temps à autre… quand il vous plaira de passer… de passer… ensemble… la… la soirée…

M. de Crochemont balbutiait, s’embrouillait, embarrassé soudain par ce qui lui restait à dire. Roger, confondu, n’osait pas comprendre. Juliette, souriait.

Enfin Gaspard recouvra son aplomb et, se rappelant des phrases éparses, il les débita rapidement :

— Chaque vendredi nous nous réunirons en famille et nous irons soit en promenade, soit au théâtre. Tu auras ainsi, mon cher Roger, penpendant tes années difficiles, un refuge, un nid, ce qui m’a manqué à moi et dont je n’ai joui que tard, grâce à mon amie, Mme Rollet.

Et il conclut avec un geste paternel qui semblait bénir les deux jeunes gens :

— J’espère, mes chers enfants, que vos sentiments personnels ne s’opposeront pas à notre projet et que votre cœur sera d’accord avec nos désirs.

Il se tut, à court de souffle. De nouveau le silence régna. Les yeux obstinément baissés sur la nappe, aucun d’eux ne risquait un mouvement pour ne point attirer l’attention de ses voisins. Seule, Juliette lançait à Roger des regards furtifs qu’il ne voyait point, et un rire contenu faisait frissonner le coin de ses lèvres.

Enfin Joséphine se leva et l’on se rendit au salon. Gaspard et son amie s’installèrent auprès de la cheminée et devisèrent à voix basse. Juliette s’assit sur un canapé et, gentiment, dit à Roger :

— Viens donc là, il y a si longtemps que nous n’avons causé.

De petits bruits secs crépitaient le long des bûches. Le chuchotement des parents rappelait le murmure qui s’échappe des confessionnaux où sont agenouillées les vieilles dévotes. Parfois jaillissait une interrogation de Mlle Rollet à laquelle le jeune homme répondait par un « oui » ou un « non » étouffé.

À la longue cependant il s’enhardit. Des souvenirs d’enfance le hantèrent, et il se laissa doucement envahir par le charme pénétrant de cette intimité. Tour à tour pensifs et bavards, ils fouillaient dans les recoins de leur mémoire les choses ensevelies, puis ils évoquaient les joies passées, les bonnes promenades la main dans la main, les heures exquises des jours de pluie où l’on se confiait, dans la grande chambre du fond, ses chagrins et ses peines, ses tristesses et ses espérances.

Et peu à peu cette belle fille qu’on lui offrait tenta Roger, remua sa chair d’homme ignorant de la femme. Elle, avec une coquetterie voulue, se coulait auprès de lui, le frôlait de ses vêtements, de ses doigts, de sa chevelure, l’affolait du contact de ses bras, de ses jambes, de son corps entier, le grisait de l’odeur de sa peau et des parfums violents empruntés à sa mère.

Et ils parlèrent sourdement, en rougissant, les haleines mêlées, les genoux entrelacés. Le souffle de leur bouche versait en eux d’âcres désirs, des ardeurs violentes. Roger se sentait fort, puissant, vigoureux, affranchi de ses timidités de collégien.

Et Juliette, trouvant l’instant propice, lui murmura :

— Viens voir ta chambre, veux-tu ?

Il comprit et elle l’entraîna, docile, dans la grande pièce, où le lit, préparé par Joséphine, les attendait, les draps ouverts.

Restés seuls, les parents feignirent de ne pas remarquer cette disparition. Ils affectaient de traiter des questions pratiques et M. de Crochemont disait à Mme Rollet :

— J’ai jugé, ma chère amie, que la somme que je t’alloue chaque semaine n’était plus suffisante. Je la double et, en outre, je me charge de ton loyer.

Puis ils s’occupèrent du placement de petites rentes que Joséphine avait amassées. Mais leur voix tremblait, leurs yeux se mouillaient, et Gaspard gémit :

— Non, c’est plus fort que moi…

Il pleurait comme un enfant, bégayait :

— C’est drôle, tout de même, ça me fait un effet !…

Elle se laissait gagner par cet attendrissement et sanglotait aussi :

— Ma pauvre Juliette… ma pauvre petite…

Alors, reconquérant un peu d’énergie, il l’étreignit contre sa poitrine et l’embrassa :

— Console-toi, ma bonne, nous avons fait notre devoir… ils seront heureux, ces mioches… C’est une mauvaise nuit pour nous… mais après tout… il faut toujours en venir là… et puis, tu sais… ça n’arrive qu’une fois…