Des colonies françaises (Schœlcher)/IV

Pagnerre (p. 27-44).

CHAPITRE IV.

L’ESCLAVE N’A AUCUNE GARANTIE CONTRE L’ARBITRAIRE DU MAÎTRE.

Le régime de l’esclavage est beaucoup adouci. — Quelques traits du passé. — Cruautés, violences. — Lettre d’un esclave de la Martinique. — Excès du pouvoir absolu. — L’arbitraire corrompt les meilleurs maîtres. — M. Douillard Mahaudière, M. Amé Noël, M. Brafin. — Ces grands coupables sont authentiquement des maîtres distingués entre tous par la bienveillance de leur administration. — Toute-puissance de l’habitant. — Les esclaves n’ont aucun moyen réel de défense. — Oublis de la loi. — Dépravation à laquelle l’usage du despotisme conduit quelques maîtres. — Tentative de traite de la Martinique aux États-Unis. — Les crimes d’exception n’en sont pas moins des crimes.


Il ne s’agit déjà plus d’examiner les vices et les abus de la servitude, notre pensée du moins s’élève encore davantage ; nous plaidons au nom des droits imprescriptibles de l’homme ; nous poursuivons l’esclavage en dehors de toute considération, parce qu’il offense l’humanité. Ce n’est point tel ou tel acte de cruauté qui le constitue. La question n’est pas une question de traitement doux ou cruel. C’est une question de principe. Que des planteurs soignent bien leurs esclaves, ce n’est pas ce dont il s’agit : d’autres peuvent les traiter mal. Ce dont il s’agit, c’est du principe qui fait que de deux hommes, l’un se dit maître de l’autre et lui arrache ses droits d’homme. Le principe ! Là est tout le crime nommé esclavage. La bonté de certains possesseurs ne peut venir en expiation de ce crime principe, si elle n’équivaut à son entière destruction, autrement dit si le possesseur ne rend pas la liberté au possédé.

Toutefois il est consolant d’avoir à le reconnaitre, ce que nous avons exposé dans les chapitres précédens est l’exacte vérité sur l’ensemble du régime des esclaves. Ne nous lassons pas de rendre cette justice aux propriétaires coloniaux, la bienveillance et l’humanité se sont introduites dans les traitemens dont ils usent envers les noirs. L’attention de l’Europe, l’extinction de la traite, l’intérêt personnel, l’éducation des créoles qui, plus soignée, a donné plus de délicatesse à leurs idées, le voisinage des îles libres, où un nègre mécontent peut s’enfuir sans se donner la peine d’être marron, peut-être bien aussi les importunes criailleries des abolitionistes, tout enfin a contribué à l’amendement de la servitude. Elle n’est plus sombre, tremblante, décharnée comme elle fut, comme on se la représente encore.

Lorsque nous ayons dit ces choses en présence des colons, ils nous ont répondu : « Voyez comme nous sommes calomniés ; on proclame notre barbarie, on nous met au ban de l’humanité, et vous, notre ennemi, qui venez voir par vos yeux, vous reconnaissez que nous sommes justes et bienfaisans. » — Oh ! pour cela, il est facile de justifier les abolitionistes. L’état actuel de l’esclavage n’est qu’un progrès récent sur un horrible passé. Les colons, eux-mêmes, avouent que la discipline des ateliers n’était pas comparable, il y a moins de quinze ans, avec ce qu’elle est aujourd’hui. Si nous avons vu de gros manguiers d’esclave respectés, nous ayons vu aussi un arbre, en 1829 un nègre amarré eut tout le corps étrillé avec une étrille de cheval. Le propriétaire était fou, dit-on maintenant ; excuse plus terrible que l’accusation. Que dire en effet d’un régime des hommes peuvent être possédés par des fous ! Un esclave (il s’appelle Nicolas, et appartient à une habitation proche Saint-Pierre) nous a raconté que, durant sa jeunesse, son maître le força, par partie de plaisir, à monter sens devant derrière un mulet indomptable. Remarquant une cicatrice sur la poitrine d’un nègre, nous la primes, tant elle était large, pour la suite d’un coup de sabre et lui demandâmes où il avait gagné cela. « C’est un coup de rigoise[1] que l’on m’a donné étant jeune, parce que je m’étais endormi dans la sucrerie. » Telle fut sa réponse faite devant la maîtresse de l’habitation où il est aujourd’hui. Un maître allumait son bout (long cigarre du pays) au moment où il ordonnait une flagellation, et tant que le cigarre durait, le fouet cinglait. — Apparemment, lorsque les ordonnances commandaient aux nègres de remettre leur coutelas, après la roulaison ; lorsque le code noir, art. 15, faisait défense, à tout esclave, de porter aucune arme offensive, ni même un gros bâton, sous peine du fouet ; lorsqu’une ordonnance de l’administration de Saint-Domingue, du 1er juillet 1717, défendait aux esclaves de porter des couteaux flamands ; lorsque la déclaration du roi, du 1er février 1743, punissait de peines afflictives et de la mort, tout esclave coupable du vol d’armes blanches ou à feu ; lorsque la prohibition, pour eux, d’avoir des armes était renouvelée dans un règlement de police concernant les nègres de la Guyane, du 6 janvier 1750, et dans un arrêt du conseil souverain de la Martinique du 8 novembre 1781 ; apparemment à ces époques, l’esclave n’était pas si bien traité qu’on n’eut rien à craindre de lui.

Nous avons dit que l’esclavage, pris en masse, est devenu un état animalement tolérable, et nous n’en rétractons rien. Cela est vrai, puisque c’est un fait de très-grande majorité, mais ce fait n’empêche pas les cruautés d’exception, les violences accidentelles, exceptions et accidens qui suffisent pour mériter à l’esclavage la haine de tous les cœurs bons et honnêtes. Aujourd’hui encore, malgré l’adoucissement des mœurs, les nègres restent soumis à des chances d’arbitraire effroyables. C’est en 1831, qu’un colon a pu écrire : « Combien d’esclaves ont péri dans les cachots des habitations ou sous le fouet des commandeurs, sans que jamais l’autorité s’en soit douté, sans que le ministère public ait informé contre de pareilles cruautés ! Heureux encore ceux qui n’ont pas succombé à des supplices dont on ne devinerait pas l’horreur[2]. » Un colon du Robert (Martinique), nous expliquait qu’ayant eu le poison chez lui[3], il était parvenu à l’éteindre, en contraignant ses nègres à travailler depuis cinq heures du matin jusqu’à onze heures du soir. Au bout de deux mois, ajoutait-il, ils crachaient tous le sang : et quand je lui fis observer que s’il avait pu faire cela pour éteindre le poison, un autre le pouvait de même pour obtenir plus de produits. — Non, dit-il, mes voisins m’auraient dénoncé s’ils n’avaient pas trouvé que j’agisse avec justice. Malgré les voisins, nous avons entendu quelqu’un, parlant d’une habitation mise en fermage, dire que le fermier y avait fait d’énormes quantités de sucre, mais au prix des bestiaux et de l’atelier qu’il avait ruinés. Nous discutions avec M. Arthur Clay (Lamentin, Martinique), la valeur de l’ordonnance du 5 janvier 1840, qui décrète les visites de procureurs du roi sur les habitations. Il voulait que les propriétaires fussent chargés de cette police, afin de lui enlever son caractère humiliant et dangereux, mais il la reconnaissait utile « sur certaines habitations pour trop de relâchement ; sur d’autres pour trop de sévérité. »

Une lettre, qui nous est parvenue au retour d’une tournée à la campagne (Martinique), dira ce que peut être ce trop de sévérité que confesse un créole pur sang ; mais de bonne foi. Cette lettre est un document capital, une pièce importante au procès de l’esclavage.

« Monsieur, c’est pour vous dire qu’on vous a trompé que j’écris. Vous êtes venu à *** pour savoir si les nègres sont bien, les blancs vous ont fait voir que les nègres sont bien, mais les nègres sont mal. Les blancs sont intéressés à vous tromper ; si vous voulez savoir la vérité, allez voir à la case de M. **, où les nègres sont malheureux. Ils sont nourris comme les poules, avec le maïs (blé de Turquie) et encore on donne pas toujours l’ordinaire. Quelquefois on reste plusieurs semaines sans donner d’ordinaire, si les nègres demandent l’ordinaire, on les bat avec le fouet ; nos poules, on les fait tuer par les soldats qui gardent les canots, enfin, c’est là qu’il faut aller pour voir si les nègres sont bien. Nos enfans sont vendus avant l’âge de quatorze ans, je parle des enfans légitimes. Les femmes mariées, si elles ne font pas d’enfans, sont mises à la barre toutes les nuits, afin que le mari aille chercher d’autres négresses, et faire des enfans avec elles, enfin, nous sommes aussi malheureux que les nègres de M. ***[4], où l’on donne aux nègres que fouet et toujours fouet.

« Vous cherchez la vérité, et vous êtes bien loin de l’avoir trouvée, tous les blancs vous tromperont, et M. **** vous dira la vérité si vous la lui demandez. M. ****[5] seul est porté pour nous, il sait tout ce qui se passe sur les habitations ; si vous voulez savoir la vérité, écrivez-lui une lettre avant de partir. Tous les blancs disent qu’ils vous ont trompé, et M. ***** dit qu’on devrait vous doser dans un dîner[6]. Pauvres nègres, entre quelles mains sommes nous, quand et par qui nos fers seront brisés ? Tous les ans, M. **** dit l’année prochaine, et cette année n’arrive jamais.

« Je suis un nègre esclave à M. ***** ; je ne sais pas bien écrire, comme vous voyez, mais vous me comprendrez, je l’espère ; ce que je sais, je l’ai appris en cachette, parce ma maîtresse nous défend d’apprendre à écrire et à lire : si vous ne me croyez pas, demandez à M. ****, et il vous dira si je ne vous dis pas la vérité. J’ai l’honneur d’être, Monsieur, votre très-humble

serviteur.
(Ici la signature.)

« Ne m’écrivez pas ; si vous le faites, votre lettre me vaudra vingt-neuf coups de fouet sur l’échelle, un carcan, une chaîne et coucher tous les soirs au cachot.

« Sulpice, domestique à M. Fortier, est marié avec Té, esclave aussi. Ils ont plusieurs enfans légitimes, tous petits, eh bien on n’a pas valu les enfans au père et à la mère ; et M. Fortier en a vendu une à madame Benalde, de la Grande Anse, et en a donné deux en cadeau aux enfans de madame Paul Desgrottes, du Macouba, et ces trois petites filles de madame Sulpice n’ont pas encore quatorze ans[7]. »

Aurions-nous été réellement trompé ? Nous ne le croyons pas, car nous avons passé des semaines entières sur des habitations ; sur quelques autres nous avons été présenté sans y être attendu. Tout au plus est-il vrai que nous n’avons vu que les bonnes. Il est certain que ce qu’il nous a été donné d’observer, nous le devons à l’hospitalité des planteurs, qui nous admirent chez eux, précisément parce qu’ils n’avaient rien à y cacher. Les mauvais, par une raison toute simple, se souciaient peu de notre visite. En tous cas nous avons dû nous borner à voir la surface. Ce devait être. Les meilleurs même ne pouvaient nous laisser pénétrer au cœur des choses, c’est-à-dire nous asseoir dans les cases pour y écouter les confidences et les vœux des nègres, ainsi que nous écoutions leurs discours à eux-mêmes. Ces rapprochemens entre l’abolitioniste et les esclaves, auraient eu leur danger comme effet moral sur des populations faciles à agiter. La servitude est pleine de douleurs latentes, c’est une plaie que l’on ne peut sonder sans faire éclater les imprécations du patient.

Mais, hélas ! il n’est pas besoin d’aller curieusement au fond des cases pour découvrir la vérité, elle se révèle d’elle-même par de sinistres événemens dont nulle censure ne parvient à étouffer le bruit. Quand les choses doivent finir, il semble que le hazard lui-même veuille concourir à accélérer leur chute. La servitude des nègres est attaquée de toute part, elle est prête à crouler, et ses derniers actes ne peuvent qu’exciter davantage les peuples éclairés à vouloir sa destruction. L’Europe ne vient-elle pas de retentir de l’affaire Douillard Mahaudière, lugubre histoire, mêlée d’adultère, de chaînes, de poison, de cachot tortionnaire, de vengeance impitoyable, de devineresse et de maléfices, qui semble dater du xiie ou xiiie siècle ? Quelle livide lumière cette nouvelle énormité de maître à esclave ne jette-t-elle point sur la société coloniale ! Surtout lorsqu’on apprend que M. Douillard Mahaudière, riche, estimé, tenant par sa nombreuse famille et ses relations à tout ce qu’il y a de plus élevé dans la Guadeloupe, est un homme bon, généreux, d’une charité inépuisable, dont tous les pauvres, nègres, gens de couleur ou blancs (cela fut acquis aux débats de la manière la plus authentique, la moins équivoque), dont tous les malheureux, quels qu’ils fussent, trouvaient toujours l’oreille et la bourse ouvertes ! Oui, ce grand coupable, la Providence de son quartier comme plusieurs témoins l’appelèrent, lui qui tint, pendant vingt-deux mois au fond d’un cachot de quatre pieds de haut, une femme enchaînée, est innocent dans son cœur ; il ne croyait point du tout avoir dépassé les limites de son pouvoir ; il était fort surpris que la loi lui demandât raison de sa conduite. M. Amé Noël est aussi un homme de mœurs remarquablement douces. Il n’a pas même de cachots sur ses deux habitations, et cependant il n’est que trop certain, malgré le scandale de son acquittement, il a fait périr un esclave dans les tortures. — Une affaire jugée à la Martinique, au mois d’août 1836, montre encore par des résultats plus épouvantables dans leurs détails, le danger qui existe à laisser aux hommes l’arbitraire que les colons veulent garder.

M. Brafin, négociant à Saint-Pierre, est en même temps propriétaire d’une sucrerie dans la commune de la Rivière Salée. Cette sucrerie fatalement appelée Habitation de l’Abandon, est assise sur des terres basses, humides, à moitié noyées dans les grandes pluies de l’hivernage, coupées de canaux où l’eau reste stagnante. Les nègres placés sur l’Abandon ne sont en grande partie qu’une agglomération d’esclaves de toutes mains, achetés dans les diverses communes de l’île, originaires de lieux plus élevés, plus secs. — L’habitation fait des pertes considérables, ruineuses, soit en esclaves, soit en animaux. Dans l’espace de deux mois elle a dévoré presque tout un atelier ; cinquante nègres ont péri ! Le propriétaire en est réduit à confier le poste de commandeur aux mains d’un enfant de quinze ans. Il se demande la cause de tant de malheurs. Est-ce le climat froid et humide ? Il fait venir de France des vêtemens de laine. Serait-ce l’insalubrité des lieux ? Il fait creuser des pentes d’écoulement pour les eaux. Peut-être une gestion trop sévère ? Il change de géreur et recommande la plus extrême bienveillance. Rien ne réussit. La mort plane toujours sur cette terre de l’abandon, elle ravage l’atelier et le bétail. Et cependant les habitations voisines, dans des conditions égales, ne perdent rien !

M. Brafin ne songe pas que les nègres sont extrêmement sensibles aux influences atmosphériques, aux changemens de température, et que les siens ramassés de tous côtés succombent peut-être à un climat insalubre et humide, quelque soin qu’il en puisse prendre d’ailleurs, tandis que les hommes des ateliers voisins, nés dans ces conditions les peuvent supporter. Que cette idée, qui est la nôtre, soit juste ou non, M. Brafin ne la partage pas. Avec la préoccupation ordinaire aux créoles, préoccupation qui s’explique d’ailleurs par de rudes épreuves, il croit que le poison a juré sa ruine. Ses soupçons tombent sur les esclaves Théophile, Camille, Zaïre et Marie-Josephe, trois femmes et un homme. Il les réunit, leur impose la responsabilité du mal, et leur annonce des châtimens sévères, s’il éprouve de nouvelles pertes. Les soupçons, sur quoi sont-ils fondés ? Ne le demandez à aucun maître, ils n’en savent rien, et n’en peuvent rien savoir. Ils soupçonnent celui-là plutôt que tel autre, voilà tout. Enfin le 5 et 7 juillet 1838, deux esclaves succombent encore à l’hôpital. Théophile précisément s’y trouvait malade, et sa concubine Zaïre communiquait avec lui. M. Brafin ne manque pas de leur attribuer un crime de plus. Il quitte Saint-Pierre où il habite, assemble l’atelier, rappelle les menaces faites aux quatre noirs désignés, et les condamne au fouet, ainsi qu’un autre esclave nommé Jean-Louis. L’exécution commence immédiatement ; à Zaïre, à Théophile, succède la femme Marie-Josephe. Mais Saint-Prix, le commandeur, est un enfant, son bras qui vient de faire couler deux fois du sang est fatigué ; il n’a plus la force de diriger le fouet. Le maître ordonne au géreur de prendre l’instrument du supplice, celui-ci se hâte d’obéir ; inexpérience ou maladresse, les coups s’égarent. Alors Brafin, lui-même, s’empare du fouet et il frappe ; il frappe de sa propre main cette femme qui est restée nue pendant ces tristes épreuves, et qui ne se relève sanglante qu’après avoir passé sous le fouet de trois bourreaux : deux blancs et un enfant nègre ! C’est encore lui, le maître, qui taille Jean-Louis. Sur chaque victime les médecins au rapport constatent, plusieurs jours après, des plaies nombreuses ! — À la suite de ces exécutions Brafin met un carcan à chaque condamné hommes ou femmes.

Mais des quatre esclaves soupçonnés, restait Camille. Où donc est-elle cette présumée empoisonneuse des deux dernières victimes ? Elle est dans sa case ; la veille même, elle vient d’accoucher. Brafin va chez elle, lui rappelle ses menaces, lui promet un châtiment exemplaire. Ce n’est point encore assez pour une malheureuse femme qui allaite son enfant né d’hier, que la moindre émotion peut rendre folle, il lui attache un carcan au cou !! et se retire. Laissez passer la justice du maître ! Du maître juge et bourreau ! Du maître qui punit le soupçon !

Mais voici encore des victimes ! qui accusera-t-il de ces nouvelles pertes ? À qui en fera-t-il porter le châtiment ? Il a frappé le dimanche ; le lendemain lundi, Zaïre manque au travail. Alors on raconte les tristesses de cette infortunée, ses pleurs inconsolables de la veille, « le fouet, un carcan, c’est plus que je n’en puis supporter, » a-t-elle dit. On conçoit l’idée d’un suicide ; et en effet, vers midi, la Rivière Salée rejette le corps de Zaïre, qui s’est toute habillée de blanc pour le dernier sacrifice ! — Zaïre était, nous l’avons dit, la concubine de Théophile ; l’un et l’autre étaient africains, l’un et l’autre de la même nation. Quand Théophile apprend cette mort, il pousse des cris de désespoir, et court pour se jeter dans la rivière. On l’arrête, on cherche à le calmer. Le géreur, les autres esclaves s’efforcent de le consoler. Il promet de ne pas se noyer, mais les trois jours suivans, sa douleur, son découragement ne cessent point ; le quatrième, on heurte à sa porte, encore fermée après le lever du soleil, il ne répond pas. On entre, on trouve son corps suspendu à une corde qu’il avait attachée à un chevron de la toiture. Comme son amie, Théophile s’était aussi vêtu tout de blanc !

Voilà de l’esclavage !

C’est à raison de ces deux suicides, attribués par la justice à des châtimens excessifs, qu’eut lieu le 28 août 1840, l’enquête dont nous avons tiré les faits. Le juge d’instruction, M. Fourniol, ne trouvant légalement ni crime, ni délit, avait conclu au renvoi de la plainte. La chambre d’accusation en jugea autrement, M. Brafin fut renvoyé en police correctionnelle et acquitté. L’arrêt faisait surtout valoir que le prévenu « avait été, et n’avait jamais cessé d’être un habitant bon et humain envers ses esclaves, que son administration était paternelle. »

Remarquons-le, presque tous ces coupables, qui à travers les complaisans arrêts de non-lieu arrivent devant les tribunaux, sont des maîtres connus pour la douceur de leurs mœurs ! Et cela est moins extraordinaire qu’il ne paraît d’abord. Forts de leur conscience, persuadés qu’ils agissent dans les limites de leur pouvoir, ne punissant que quand ils croient à une grande faute ; ils ne se cachent pas, ils agissent à ciel ouvert, et prêtent facilement de la sorte à la constatation du forfait. Mais que penser d’un état social où un homme d’habitudes humaines, prend lui-même le fouet et frappe une femme jusqu’à lui laisser vingt plaies saignantes sur le corps !! Si les bons peuvent en venir là, jugez de ce qu’inventeront les méchans.

Regardera-t-on long-temps encore à changer un régime aussi corrupteur de l’humanité des hommes les plus doux, aussi funeste aux maîtres qu’aux esclaves ? Des uns il fait des bêtes brutes, des autres il fait des bêtes féroces. C’est par la possibilité de tout oser impunément que les possesseurs d’esclaves deviennent des tyrans, des hommes impitoyables, et c’est dans la moralité des actes commis par les meilleurs d’entre eux qu’est la plus vive condamnation du système colonial. À considérer l’excellente renommée des Mahaudière, des Amé Noël, des Brafin, à considérer que ce sont des maîtres distingués par leur bienveillance, à considérer qu’ils n’avaient pas cru mal faire, comment ne pas arriver à cette conviction : qu’il faut à un maître plus de modération, plus de vertu que la nature n’en a départi à l’homme pour ne point abuser de ses droits. Quant à moi, la puissance illimitée me paraît si dangereuse qu’elle m’épouvante, et tout abolitioniste que je suis, malgré la responsabilité que m’imposeraient mes antécédens, je ne consentirais pour rien au monde à conduire des esclaves. Je craindrais de ne pas échapper à la fièvre de barbarie dont je vois saisis les meilleurs. Ayons une sainte peur du pouvoir absolu.

On ne peut être étonné que d’une chose, c’est qu’avec la toute-puissance dévolue au planteur sur ses domaines, il ne se commette pas plus de crimes de cette nature, que ceux dont le récit échappé de nos îles vient, en traversant les mers, épouvanter le monde.

Puisque la loi accordait au maître la faculté de punir l’esclave, elle aurait dû, comme le veut Montesquieu, en lui accordant les droits de juge, lui imposer des formalités qui ôtassent à ses arrêts le caractère d’une action violente. La loi n’a rien fait de cela. Elle-même autorise l’abus. Le maître peut tout ce qu’il veut. On lui a permis d’avoir un cachot, et l’on n’a fixé ni la forme, ni les dimensions de ce cachot ; on lui a permis de mettre un esclave en prison, et l’on n’a arrêté ni le nombre de jours ou de mois, ni les conditions de cet emprisonnement ; on lui a permis de le charger de chaînes, et l’on n’a déterminé ni le poids, ni la nature de ces chaînes. Son pouvoir est presqu’illimité. N’est-il pas tout simple alors que des gens d’une intelligence étroite se jugent dans leurs pleins droits en construisant ou en conservant des chambres tortionnaires pour y détenir la victime de leur cruauté et plus souvent de leurs terreurs ? La cage de quatre pieds de haut Lucile était enferrée, n’est point une exception à la Guadeloupe. L’autorité administrative chargée naturellement de protéger les esclaves, puisque les esclaves sont faibles, les gouverneurs, les chefs militaires, les directeurs de l’intérieur, les magistrats, en voient partout de semblables lorsqu’ils se promènent à la campagne, et n’ont jamais fait une observation ; plus d’un homme du roi même, juges, procureurs et substituts, propriétaires aux Antilles, ont chez eux de ces tumulus, que M. Lignières, créole, habitant, appela dans sa belle plaidoirie pour Amé Noël, « des tombes à l’usage des vivans. »

On n’a rien tenté pour prévenir le mal, on ne le punit pas lorsqu’il s’accomplit. La loi est muette ou d’une inqualifiable indulgence. Les plus grands excès du maître, dans le Code noir, se soldent avec un peu d’or, et Mahaudière eût-il été déclaré coupable, il n’était passible que d’une amende de 2,000 francs, prononcée par l’ordonnance réformatrice du 15 octobre 1786. Si bien que la condamnation eut été plus scandaleuse encore que l’acquittement ! Quel infernal cercle vicieux ! Que peut être, nous le demandons, une société abandonnée de la sorte à l’arbitraire de quelques-uns ?

Il existe bien quelques lois, quelques ordonnances protectrices des esclaves, mais elles sont presqu’inapplicables, et encore que d’oublis n’a-t-on pas à reprocher au législateur ! N’en citons qu’un exemple : Lorsqu’un maître laisse dix enfans, chacun de ces héritiers a-t-il le droit de correction sur les nègres qui font partie de l’héritage paternel ? Les cohéritiers peuvent-ils, chacun à leur tour, les commander et les fouetter ? Tous les dix ont-ils seulement un dixième de ce droit, ou bien l’ont-ils les uns et les autres en totalité ? Aucun article de la loi n’a réglé ce point essentiel. La jurisprudence coloniale s’est chargée d’y suppléer à sa manière. Un habitant de Marie-Galante, cité devant la Cour royale de la Guadeloupe, alors présidée par M. Gilbert des Marais, pour avoir excédé de coups un nègre, fut acquitté, parce qu’on avait établi aux débats qu’il était propriétaire d’un cinquième de l’habitation à laquelle appartenait le malheureux esclave.

Les noirs sont, en fait, livrés tout entiers à leurs maîtres sans aucun moyen réel de défense. Aussi chaque plantation, quoique soumises toutes à un régime uniforme, par leurs bases légales, a des usages, des habitudes, une organisation particulière, qui tiennent à des traditions locales ou à la volonté du planteur. Celui-ci est seul arbitre privativement à la loi des actes de son serviteur. Il le juge, et condamne souverainement ; seigneur féodal, il administre la justice sur ses terres, et ses arrêts demeurent sans appel. Refus de travail, bris de porte, vol, tout est de son ressort, et nous verrons dans le cours de cet ouvrage qu’une tentative de viol ne dépasse point son tribunal. Véritable monstre en politique, il a une puissance plus étendue que la société elle-même, entourée de toutes ses garanties, ne s’en est réservée contre les coupables. Le code, dans ses punitions pour telle faute ou tel crime, a des bornes fixées d’avance et infranchissables, le maître, pour les fautes de ses esclaves, n’en connaît d’autres que son bon plaisir ! « Il ne relève que de Dieu et de sa conscience, » M. Lignières l’a dit dans sa plaidoirie pour Amé Noël. C’est la doctrine des colons. Elle est puisée dans l’esprit de leur législation, qui ne les arrête qu’aux sévices et au meurtre. Petits rois, ils sont devenus comme les grands rois, la puissance sans la tyrannie est pour eux un bien sans valeur. L’usage du despotisme a tellement gâté ces omnipotens, qu’ils ont perdu le sens du juste et de l’injuste, de l’humain ou de l’inhumain. Et si cela se produit parmi des hommes éclairés qui ont appris à se modérer, à dominer leurs passions ; quels pires effets l’esclavage n’aura-t-il pas chez ceux dont l’éducation n’a pas corrigé les instincts du despotisme, ni amélioré les sentimens ! Mistress Trollope l’a dit dans son ouvrage sur l’Amérique, car mistress Trollope elle-même est contre la servitude. « Les gens des classes inférieures, presque toujours aussi ignorans que leurs nègres, résistent moins à l’action démoralisante de ce pouvoir absolu, qui leur est donné sur des esclaves mâles ou femelles. L’autorité grossière, pour ne pas dire barbare, qu’ils exercent, est le spectacle moral le plus dégoûtant que j’aie vu. » Le fait est que, la dépravation à laquelle peuvent arriver quelques-uns d’entre eux, dépasse tout ce qu’il est possible de concevoir. Un de nos amis qui habite la Guyane anglaise, nous a raconté le trait suivant : Un esclave apporte une lettre au directeur d’une plantation, celui-ci, mécontent du contenu de la lettre, ordonne de saisir le messager, le fait fouetter et le renvoie en disant : « Va porter cette réponse à ton maître ! » Nous pourrions citer bien d’autres faits, car l’histoire de l’esclavage est toute gonflée de sang et de cruautés ; n’en prenons qu’un seul pour finir.

Pendant notre séjour au Moule (Guadeloupe), le juge-de-paix reçut la lettre suivante, dont une personne digne de foi nous a procuré copie. Nous la transcrivons dans tout son cynisme.


« Chigny, le 6 novembre 1840.
« Monsieur le juge-de-paix,

« Il y a quatre ans qu’un de mes nègres a été arrêté sur l’habitation Acoma. Ledit nègre a été mutilé de coups, et M. Éloy l’a forcé de manger de la m. Six mois après j’ai perdu le nègre. Dans la nuit d’hier soir un de mes nègres encore, nommé Saint-Jean, a été saisi par les nègres Jean, Germain et Alexis, esclaves de l’habitation Acoma ; ledit Saint-Jean a reçu plusieurs coups de bâton sur la poitrine et sur la tête, par les nègres de l’Acoma désignés plus haut. Après avoir satisfait leur férocité, ils ont conduit Saint-Jean au géreur de l’habitation Acoma, qui l’a fait mettre au cachot ; et ce matin avant de me l’envoyer, ce géreur a eu le soin de lui faire manger une grande quantité de m. Comme je suis persuadé que ces deux actes sont non-seulement arbitraires, mais encore répréhensibles par la loi, veuillez, monsieur, le juge-de-paix, donner la suite nécessaire à cette affaire en commençant : 1o par vous assurer des assassins.

« En attendant une prompte justice de vous, veuillez agréer, monsieur, mes salutations bien affectueuses.

Signé, T. B. de Lamarre. »


Voilà ce que savent inventer des hommes grossiers, livrés au dévergondage de l’arbitraire ! Puis quand vous en exprimez votre aversion, il se trouve aux colonies des hommes cultivés, pour vous dire : « Ma foi je ne l’eusse pas fait, mais je ne blâme pas celui qui l’a fait ; c’est peut-être un bon moyen de dégoûter les voleurs de venir manger des cannes[8]. »

Et ces gens-là osent réclamer la tâche de la moralisation de leurs nègres !

L’esclavage est un crime qui, chaque jour, enfante de nouveaux crimes. Citons encore une de ses dernières inventions, et que l’on juge de quels dangers de toute nature sont entourés les esclaves, ces hommes sans défense individuelle, sans moyen de résistance, toujours passifs, toujours obligés d’obéir. On faisait, autrefois, la traite des nègres d’Afrique dans les îles, voilà qu’on imagine de faire la traite de nos colonies aux États-Unis, où le prix des esclaves est cinq ou six fois plus considérable que chez nous. En janvier 1840, une exportation de ce genre fut déjouée la veille même du jour où elle devait s’opérer. Vingt-quatre heures plus tard, il n’était plus temps. Des misérables avaient acheté, à la ville et à la campagne, quinze noirs ; et les avaient amenés frauduleusement à l’Anse aux Galets (Martinique), sur une habitation riveraine de la mer où le propriétaire, un nommé Beaupuy, les mettait successivement à la barre à mesure qu’ils arrivaient. Une goëlette américaine attendait les victimes dans le canal de la Dominique, lorsque ce complot vint à la connaissance de l’autorité, dont l’attention fut éveillée par les plaintes des parens et des amis de ces pauvres gens, inquiets de leur disparition.

M. Pujo fit l’instruction de cette affaire avec une rare habileté, il en démêla tous les fils, plaça les charges dans la plus grande évidence, et ne demanda qu’à regret la mise en liberté de quatorze prévenus qui s’y trouvaient impliqués, parce qu’il ne découvrit dans la loi aucun article que l’on put leur appliquer. La chambre d’accusation ayant adopté ses conclusions, elles deviennent en quelque sorte un encouragement à ces odieuses spéculations ; puisque c’est un axiome de jurisprudence : que la loi autorise ce qu’elle ne défend pas. Deux des principaux acteurs, Linard et Metoyé, avec deux complices, Yoyo et Graham, le capitaine américain de la goëlette qui devait transporter les victimes, s’étaient cependant soustraits, par la fuite, au châtiment qu’ils croyaient devoir les atteindre. Ainsi le régime colonial peut inventer des forfaits que notre immense législation n’a pas prévus ! Une femme aussi trempa dans cette ignoble entreprise ; elle enchaîna deux esclaves mis chez elle en dépôt, en attendant que l’on put consommer l’attentat, et le juge d’instruction fit en ces termes l’appréciation du rôle qu’elle avait accepté. « La dame Lordat s’est faite geôlière, elle a enchaîné des esclaves qui ne lui avaient causé aucun mal, pour le bon plaisir d’un aventurier contrebandier de chair humaine ; elle a converti sa maison en un lieu de séquestration, en un repaire dont on a pu disposer pour y faire de l’infamie à plaisir. »

Les honnêtes gens des colonies ne sont pas moins indignés que nous en apprenant ces abominables choses ; mais on doit bien le reconnaître, la servitude seule peut les faire concevoir, parce que seule, elle peut les rendre praticables.

Nous le répétons sans peine, on a lieu de s’étonner que de pareils faits soient aussi rares ; mais il ne faut cependant pas oublier qu’ils sont plus nombreux qu’on ne l’apprend. Même aujourd’hui que les mœurs, adoucies partout, ont amélioré le sort des esclaves d’une manière notable, les actes de cruauté partiels sont encore trop fréquens. Et puis, en vérité, le calme avec lequel on parle de ces terribles exceptions, nous épouvante ! Seraient-ce donc des arbres brisés par un orage, des choses détruites par un accident, que ces hommes et ces femmes frappés, déchirés, tués par une cruauté de hazard. Répondez, répondez-nous ? La victime souffre-t-elle moins en se disant : Ma souffrance est une exception ? Ces ouvertures que le fouet fait dans les chairs, sont-elles moins ignominieusement douloureuses, parce qu’elles sont exceptionnelles ? Oh ! si le parlement savait à quelles affreuses barbaries, à quelles infortunes les esclaves sont exposés, quoi que puisse coûter leur délivrance, il n’hésiterait pas à la décréter, en coûtât-il plus encore !


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  1. Grosse cravache en nerf de bœuf.
  2. La vérité sur les événemens dont la Martinique a été le théâtre en février 1831.
  3. On dit avoir le poison chez soi, lorsque les nègres empoisonnent les bestiaux. Nous parlerons du poison.
  4. Nous sommes obligé de supprimer les noms des propriétaires accusés, car malheureusement nous n’avons pas de preuve et rien ne serait plus aisé que de dire : « Le correspondant a menti. » La nature de cette lettre nous justifiera suffisamment aussi auprès du public de ne point divulguer le nom du signataire. Notre livre n’est pas destiné à l’Europe seule ; notre désir, au contraire, est qu’il aille aux colonies, et notre espoir, qu’il y sera lu. Or, l’homme qui nous écrit est encore dans la dépendance de son maître, il pourrait être cruellement puni de ses révélations.
  5. Les mêmes motifs qui nous engagent à taire le nom de l’écrivain, nous forcent, on le conçoit, à cacher le nom de la personne indiquée ici, ce serait l’exposer à des persécutions ; car les colons ne manqueraient pas de voir en elle un faux-frère ou un ennemi. « Celui qui n’est pas avec moi, est contre moi, » a dit Jésus dans un moment d’intolérance.
  6. Il faut faire la part de l’humanité. Qui souffre devient injuste. Le blanc désigné pour conseiller le poison contre nous est un des plus nobles caractères que nous ayons rencontrés durant notre voyage.
  7. Nous déclarons n’avoir pu constater l’exactitude de ces faits, mais il y a ici cinq personnes de nommées, toutes cinq les démentiront-elles ? Il est juste de faire observer, d’ailleurs, que ces cadeaux de chair humaine, pour monstrueux qu’ils nous paraissent, n’ont pas aux colonies le même caractère. Les créoles sont gâtés par les habitudes et la législation de l’esclavage. Lorsque le Code les autorise à vendre les enfans de leurs nègres dès qu’ils ont atteint l’age de quatorze ans  *, ils ne peuvent se croire bien coupables d’en disposer à quatre, à six où à huit ans. « Un maître vaut un autre maître ; » comme on me répliqua lorsque je parlai de ces tristes choses.

    * Voici les textes d’où dérivent ce droit cruel du maître, ils méritent bien d’être cités :

    Les enfans qui naissent des esclaves appartiennent aux maîtres des esclaves (art. 12 du Code noir).

    « Ne pourront être saisis et vendus séparément le mari et la femme, et leurs enfans impubères, s’ils sont sous la puissance d’un même maître (art. 47).

    La loi disant que les enfans impubères ne peuvent être séparés de la mère, il s’en suit que les enfans pubères le peuvent être. Tout ce que la loi ne défend pas est permis. Il est donc hors de doute que celui qui sépare l’enfant pubère de ses parens, est à l’abri de tout reproche légal. L’article 48 confirme d’une manière précise cette interprétation, lorsqu’il dit : « Ne pourront, les esclaves travaillant actuellement dans les sucreries, indigoteries, et habitations, âgés de quatorze ans et au-dessus jusqu’à soixante, être saisi pour dettes, sinon pour ce qui sera dû sur le prix de leur achat. » Si un nègre de quatorze ans peut être saisi pour la valeur due sur son prix de vente, c’est donc qu’on a pu le vendre. Au reste, il est de toute notoriété, aux colonies, qu’un maître peut disposer comme il lui plaît d’un négrillon âgé de quatorze ans. On remarque que notre correspondant ne se plaint du marché et des cadeaux qu’il signale que parce que « les trois petites filles n’ont pas encore quatorze ans. »

  8. Paroles textuelles d’un des premiers négocians de la Pointe-à-Pitre.