Des œuvres de M. Charles Nodier

DES OEUVRES
DE
M. CHARLES NODIER.[1]

On a souvent reproché à M. Charles Nodier de dépenser son talent avec imprévoyance et prodigalité ; on a trouvé mauvais qu’il l’émiettât en prospectus, et l’éparpillât à plaisir dans les journaux.

Lorsque paraissait cette nouvelle édition, assurément c’était une belle occasion pour M. Charles Nodier de répondre à ces objections. Voici, pouvait-il dire, un choix que j’ai fait parmi mes œuvres. Ce sont les titres que je produis ; quand vous les aurez vérifiés et discutés, si vous les avez jugés bons et valables, vous m’assignerez un rang selon mes mérites. Qu’importent d’ailleurs les pages plus légères qu’a semées en tout lieu ma fantaisie ? Défendez-vous donc au riche d’employer à son gré le superflu de son bien.

Ne vous imaginez pas cependant que M. Charles Nodier se soit avisé de le prendre sur ce ton. Dans ses préfaces, anciennes ou nouvelles, il adresse bien vraiment la parole à ses critiques et à ses lecteurs ; mais ce n’est que pour faire amende honorable, et leur demander pardon d’avoir écrit les livres qu’il publie. On n’a pas d’exemple d’une abnégation pareille. Vous n’avez vu jamais de modestie si humble et si prosternée ; jamais écrivain ne s’est montré de beaucoup aussi ingénieux et fécond à formuler les éloges qu’il se décernait, que M. Charles Nodier, le sarcasme et le blâme qu’il s’inflige ; jamais auteur ne s’est ainsi livré, pieds et poings liés, à la critique, et ne lui a tendu la gorge de si bonne volonté.

Prendrons-nous néanmoins ces préfaces au mot ? Et quand même il serait bien prouvé que l’écrivain pense véritablement de ses livres tout le mal qu’il en dit, faudrait-il donc par courtoisie se ranger de son avis, et ne le point contredire ?

À Dieu ne plaise ! Nous n’acceptons pas ainsi sans examen les opinions de M. Charles Nodier, surtout quand il parle de lui-même. Ne nous laissons donc pas influencer par ses préventions, et voyons si quelque réparation n’est point due par nous à ces ouvrages que traite si cavalièrement leur auteur.

Voici d’abord le Peintre de Saltzbourg. M. Charles Nodier avait vingt ans quand il fit ce livre : aussi c’est bien vraiment un livre de jeune homme, un livre quelque peu déclamatoire, mais plein d’ardeur et de poésie. Évidemment inspiré par le Werther de Goëthe, au moins venait-il l’un des premiers chez nous après l’ouvrage allemand. Si depuis la cohue des imitations a suivi ; si l’on nous a donné Werther contrefait et travesti de mille façons ; si récemment encore on nous en a produit un soi-disant original et neuf, parce qu’il était plus horrible et plus défiguré que les autres, qu’importe ? Le Peintre de Saltzbourg a paru sous l’empire, à l’époque où florissaient Pigault-Lebrun, Ducray-Duminil et madame de Genlis. C’est un titre brillant pour lui que sa date. Et puis, si Charles Munster avait quelques-uns des traits de l’amant de Charlotte, sa physionomie était cependant loin d’être la même. C’est que les souffrances de ces malheureux ne sont pas non plus pareilles : ce sont deux nuances bien diverses d’une semblable douleur. Les tourmens qui déchirent Werther sont plus intimes peut-être, plus profondément creusés, plus inexorables. Il semble qu’il y ait pour le Peintre de Saltzbourg quelque douceur, au milieu de ses angoisses, dans l’exaltation poétique de son ame et dans ses pleurs d’artiste.

Adèle, roman de la même famille, a moins de poésie peut-être, mais on y trouve plus de détails naïfs, plus de tristesse vraie. Doit-on blâmer les sorties philosophiques que s’y permet l’auteur contre l’infaillibilité des vertus nobiliaires ? Vraiment non. Il commet trop rarement de ces péchés-là. Et puis, si ces sortes d’attaques ne sont aujourd’hui ni convenables ni généreuses, sous la restauration, quand parut la première édition du livre, on les tenait pour mal séantes et téméraires. Ces illustres préjugés auraient, au contraire, à présent grand besoin d’être secourus. M. Charles Nodier ne leur ferait pas faute à l’occasion ; il sait mieux que nous qu’en ces temps, où tout change si rapidement, il faut changer aussi bien souvent de courage.

Thérèse Aubert est, parmi les ouvrages de l’auteur, l’un de ceux qu’il juge avec le moins de sévérité ; c’est aussi l’un de ceux que nous préférons. Que de douceur et de charme dans cette histoire si simple et si touchante ! Que de passion aussi ! Y a-t-il rien de suave et de gracieux comme la scène du départ au sommet de la colline, au bout du sentier de la croix ? Y a-t-il rien de chaste et de ravissant comme ces baisers craintifs posés et recueillis sur des feuilles de rose ? et ce baiser d’adieu, si timide encore, que les lèvres des amans n’osent se donner qu’à travers le dernier débris de l’églantine ? Ailleurs, au dénoûment du drame, quelle autre situation déchirante et passionnée ! Lorsque Adolphe retrouve sa pauvre Thérèse aveugle et défigurée par la maladie, et la presse avec amour toute mourante entre ses bras, comment le dégoût ne l’emporte-t-il point pourtant sur l’intérêt, et ne nous contraint-il pas à fermer le livre ? Oh ! c’est qu’au milieu de son agonie cette jeune fille est plus belle encore ; c’est qu’il semble que son ame se montre à nous plus pure et plus céleste au travers des plaies et sous les flétrissures de son corps ; c’est que, comme son amant, nous voudrions retenir aussi dans nos bras cet ange qui ouvre les ailes et va s’envoler.

Ce n’est point le même genre d’intérêt qu’il faut chercher dans Jean Sbogar. Jean Sbogar est, selon nous, bien moins un roman qu’un poème ; c’est un poème à la manière de ceux de Walter Scott et de Byron, comme Marmion, comme la Dame du Lac, comme le Corsaire. Ce ne sont plus seulement les replis du cœur sondés et développés ; ce ne sont plus ses froissemens et ses souffrances, naïvement étudiés et décrits : ici le drame domine ; l’action est pleine, rapide et pressée. On suit avec anxiété les personnages ; on court avec eux au dénoûment, fasciné, comme la pauvre Antonia, par le regard de cette sombre et mystérieuse figure de Jean Sbogar, apparaissant de loin à loin, et entraînant irrésistiblement la jeune fille à l’abîme. Il est à regretter que M. Charles Nodier, qui possède si bien l’instrument poétique, n’ait point écrit cet ouvrage en vers ; leur rhythme eût accusé mieux encore la beauté de ses proportions et de ses contours.

Smarra, dont Apulée avait fourni l’idée première, n’est, à proprement parler, qu’une étude, mais c’est une étude philologique, bien savante et bien profonde ; ingénieuse et patiente restitution de la phraséologie antique, heureuse importation de ses plus belles formes dans la nôtre, pensées habilement coulées dans les moules les plus purs de la construction grecque et latine ; — il y a là vraiment d’inappréciables trésors de style.

C’est aussi surtout par cette richesse et ce fini d’exécution que Trilby se recommande. Seulement, dans cette dernière peinture, l’artiste, que ne préoccupe plus, comme dans l’autre, le soin de reproduire fidèlement la manière et les tons d’un ancien tableau, et qui ne demande de modèle qu’à la nature et à son imagination, leur emprunte des couleurs encore plus éblouissantes. Aussi le Lutin d’Argail, si léger qu’en soit le fond, avec ses merveilleux détails, restera l’un de nos chefs-d’œuvre de grâce, d’élégance et de délicatesse.

Parmi les contes et nouvelles, et autres morceaux de moindre étendue, qui ont été réimprimés dans cette nouvelle édition, il faut distinguer l’histoire d’Hélène Gillet. Ce drame pathétique est encore un éloquent plaidoyer contre la peine de mort. Non plus que M. Victor Hugo, M. Charles Nodier n’a point voulu manquer à la défense de cette belle cause ; il s’est hâté de venir appuyer de ses conclusions celles déjà prises par son jeune confrère au barreau poétique.

Avant de parler de la Fée aux Miettes, nous exprimerons le regret de ne point voir le Roi de Bohême figurer dans cette réimpression. Si ce curieux livre, l’un des plus distingués qu’ait écrits son auteur, n’a guère réussi que chez les artistes ; je dirai mieux, si l’on ne s’est point ailleurs donné la peine de le comprendre et de le juger, c’est que vraiment il s’est trouvé trop cher pour être acheté, et par conséquent pour être lu. La faute en était surtout à l’éditeur, d’ailleurs si éclairé et si consciencieux, qui l’avait publié. Il avait fait une édition de luxe, un riche volume, magnifiquement imprimé, et dignement illustré par le crayon si finement spirituel de Tony Johannot ; aussi l’a-t-il à peine vendu. C’était donc le cas, ce me semble, de réimprimer le Roi de Bohême, et de le donner au public à meilleur compte. Il se serait très-fort accommodé, je vous assure, d’un bel ouvrage à bon marché.

Quoi qu’il en soit, voici la Fée aux Miettes, une reine aussi, quelque peu sœur du Roi de Bohême.

L’histoire de la Fée aux Miettes est une folle histoire, racontée par un fou dans un hospice de fous. Donnerons-nous l’analyse de ce joli conte ? Cela nous serait, en vérité, bien malaisé. Comment analyser un rêve ? Nous vous dirons bien, si vous voulez, que dans celui-là toute l’action se passe entre un jeune charpentier, nommé Michel, et une petite vieille naine ; que cette petite vieille, mendiante et Fée aux Miettes de son état, est en outre pourvue de deux dents démesurément longues, ce qui ne l’empêche point de toucher le cœur du jeune homme, et d’obtenir de lui une promesse de mariage en forme. Nous vous dirons encore que ces deux amans, après s’être sauvé la vie mutuellement, je ne sais plus combien de fois, finissent par s’épouser. Ne plaignez pas cependant trop fort M. Michel de ce mariage. Pour consoler son époux, la vieille fée aux Miettes se métamorphose pendant les nuits en une jeune et charmante princesse Belkiss ; et, lorsqu’il aura trouvé la mandragore qui chante, la Fée aux Miettes, tout-à-fait désenchantée, sera pour lui la belle Belkiss, non-seulement la nuit (ce qui d’ailleurs était l’essentiel), mais encore le jour.

Quelle folie ! pensez-vous. Justement, c’est une folie. Ne vous ai-je pas prévenu ? C’est un fou qui fait ce récit ; c’est M. Charles Nodier qui l’écrit sous sa dictée. Et le secrétaire est bien pour quelque chose dans l’histoire ; il y met bien un peu du sien. Aussi combien de ravissans détails que n’eût point trouvés, j’en suis sûr, M. Michel tout seul ! Si M. Nodier ne l’eût aidé de sa plume, ce pauvre lunatique nous eût-il si merveilleusement décrit tant de jolies scènes de ses aventures ? Aurions-nous pris tant de plaisir à la pêche aux coques et aux fées sur les grèves de Saint-Michel ? Nous serions-nous si fort divertis au bal des sœurs de la Fée aux Miettes, et à voir danser ces quatre-vingt-dix-neuf petites poupées vivantes ?

Oui, la Fée aux Miettes est vraiment une folle histoire, mais non point une histoire fantastique. Ou bien, si c’est là du fantastique, quoi qu’en dise M. Charles Nodier, dont je n’admets pas les théories sur ce point, ce n’est assurément pas du fantastique plus vraisemblable que celui d’Hoffman. Tout au contraire, je n’accepte les rêveries de Michel que comme la curieuse, mais impossible fantaisie d’un cerveau dérangé, tandis que je crois aux contes d’Hoffman avec conviction, comme il y croit lui-même.

Au surplus, M. Nodier nous fait bon marché de sa théorie, car il l’abandonne et la désavoue lui-même à la fin de sa préface.

Dans les divers contes et romans que nous venons d’examiner, si l’auteur ne se montre pas précisément, au moins se laisse-t-il à peu près voir, et l’on reconnaît aisément que c’est lui qui parle, la plupart du temps, par la bouche de ses personnages. Jetons maintenant un coup-d’œil sur ceux de ses ouvrages où il se met tout-à-fait en scène, et où il raconte en son propre nom.

Les Souvenirs de la Révolution nous offrent une galerie de portraits d’après nature, sinon tous d’une parfaite ressemblance historique, au moins tous peints de main de maître ! Parmi ces tableaux, que distinguent surtout l’harmonie des tons et la suavité du coloris, il y a telles figures, celle entre autres du colonel Oudet, que l’on ne saurait comparer qu’aux merveilleuses têtes de Murillo, tant les nuances en sont chaleureusement fondues, ainsi que dans les poétiques créations du peintre espagnol.

M. Charles Nodier dit de ses Souvenirs de Jeunesse, dans leur dédicace à Lamartine, qu’ils sont le plus intime de ses livres, celui qui est le plus sien, celui qu’il aime le mieux, et nous partageons bien cette prédilection de l’auteur ; c’est que ce livre est pour nous comme le résumé de tous ses livres ; et puis, c’est là surtout qu’il faut étudier ces premières impressions du poète, source brûlante où s’est colorée sa pensée, où s’est trempé son style. Là, nous retrouvons révélées avec plus de franchise et de naïveté ces situations personnelles qu’il avait prêtées déjà aux personnages de ses autres ouvrages. Enfin, c’est là qu’est le thème qu’il a tant de fois depuis et si heureusement varié ; et chacun sait combien de plaisir l’on éprouve à entendre le simple motif d’un air après s’être laissé d’abord ravir aux brillantes fantaisies qu’y a brodées le musicien.

Les Souvenirs de Jeunesse se composent de quatre nouvelles bien distinctes.

Séraphine est plutôt un souvenir d’enfance que de jeunesse ; c’est bien le premier amour, l’amour involontaire et qui s’ignore lui-même, celui dont le souvenir suffit à rajeunir encore une ame usée et flétrie. Il y a là toute cette fraîcheur de la matinée qui embaume le cœur et les sens, et dont le midi, si radieux et si doré qu’il soit ; ne fera jamais oublier les timides parfums.

Dans Clémentine ; voici le jeune homme, le jeune homme inquiet et tourmenté, le jeune homme avec sa fougue indomptable, avec sa joie effrénée, avec ses larmes de feu. De quelle poésie passionnée, de quelle fantastique exaltation est remplie cette nouvelle, et surtout la scène qui la termine, cette dernière entrevue des amans à leurs croisées pendant l’orage, à la lueur des éclairs, au bruit du tonnerre !

Dans Amélie, c’est le jeune homme encore, le jeune homme aimant avec tout ce qui lui reste d’amour, mais abattu, mais découragé, mais n’osant plus croire à l’avenir, désespérant du bonheur. C’est qu’en effet son cœur, brisé déjà deux fois, va se briser de nouveau ; c’est que ces deux premières femmes qu’il avait aimées sont mortes, et que la troisième va lui mourir encore entre les bras. Séraphine, Clémentine, Amélie, doux fantômes ! Avec quelle religieuse tristesse, avec quelle mélancolie profonde et touchante le poète évoque ces ombres chères, et les fait apparaître et glisser devant nous si pâles et si belles, voilées de leurs linceuls !

Mais pourquoi, quand nous avons pleuré de toutes nos larmes ces trois jeunes filles ; pourquoi, quand nos yeux sont tout mouillés encore, pourquoi vouloir nous faire sourire ? Après Séraphine, Amélie et Clémentine, pourquoi Lucrèce et Jeannette ? Après les plus purs et les plus saints ravissemens de l’amour, après ses transes les plus poignantes et les plus cruelles, après le deuil et le désespoir, pourquoi soudain l’oubli du cœur et les grossières consolations des sens ? La vie est ainsi, direz-vous. Oh ! oui, peut-être. Pourtant il faudrait ne pas l’avouer avec tant de sincérité ; il faudrait ne pas nous rappeler si hautement combien nous sommes ingrats envers ceux qui nous ont aimés et oublieux de nos plus chers souvenirs. J’aurais voulu que l’auteur ne se hâtât pas tellement de sécher lui-même les pleurs qu’il nous avait arrachés.

Mademoiselle de Marsan, qui fait en quelque sorte suite aux Souvenirs de Jeunesse, est un livre beaucoup moins intime et beaucoup moins vrai, selon nous. Ce n’est pas qu’il n’y faille reconnaître de bien remarquables morceaux, entre autres l’épisode de la Torre Maldetta, dans lequel le supplice d’Ugolin et de ses enfans se trouve peint avec une si effroyable vérité par l’écrivain qui en a subi lui-même toutes les angoisses, toutes celles du moins qu’il en pouvait supporter sans mourir. Mais, en somme, Mademoiselle de Marsan n’est guère qu’un roman de l’école d’Anne Radcliffe, un roman criblé de trappes et de souterrains, écrit seulement comme écrit M. Charles Nodier, d’un style auquel on ne nous avait pas habitués dans ces sortes d’ouvrages. Considéré sous ce point de vue, c’est un essai curieux et vraiment bien original.

Les Rêveries, qui viennent clore la série des œuvres de M. Charles Nodier, sont en général d’ingénieux et spirituels paradoxes, développés avec une apparence de candeur et de conviction qui séduisent et entraînent irrésistiblement ; on se laisse aller soi-même aux caprices et aux fantaisies d’imagination de l’écrivain, et l’on se surprend ensuite bien étonné de tout le chemin qu’il vous a fait faire dans le pays des rêves et des utopies. Impatienté que l’on est d’avoir été mené si loin, on se reproche parfois alors la docilité naïve avec laquelle on a suivi le mystificateur, et l’on va jusqu’à malicieusement admirer combien dans ces pages brillantes, que l’on avait lues d’abord de si bonne foi, la puérilité du fond contraste souvent singulièrement avec la magnificence de la forme.

Si nous considérons maintenant dans leur ensemble les divers ouvrages que nous avons rapidement passés en revue, il semble que ce qui les caractérise principalement et les classe surtout à part, c’est d’abord la profonde individualité dont ils sont empreints, et puis les qualités éminentes de leur style.

M. Charles Nodier se raconte et se révèle en effet lui-même, non-seulement dans ses mémoires, dans ses souvenirs, mais bien aussi dans ses poèmes, dans ses romans et dans ses nouvelles : c’est lui que nous reconnaissons dans tous ses personnages ; c’est lui toujours avec ses goûts simples et naïfs, avec sa science aimable ; c’est lui partout avec son amour des vieux livres et des fleurs. Ses héros et ses héroïnes sont tous botanistes, bibliomanes ou philologues ; ils sont conspirateurs ; ils sont proscrits ; ils sont poètes ; ils sont exaltés, mystiques ; ils sont parfois exagérés et visionnaires ; ils sont tous un peu ce qu’est ou ce que fut leur auteur. En vérité, jamais écrivain ne s’est peint ainsi lui-même à chacune des pages de ses livres.

Quant au style de M. Nodier, ce style tout à la fois si savant, si pur, si élégant, si harmonieux, et dont l’étude ne saurait être trop recommandée, qui voudrait y reprendre quelque chose n’y trouverait à blâmer peut-être qu’une excessive richesse et un peu de superflu dans ses ornemens. Il y a là tant d’or, de perles et de pierres précieuses, que l’étoffe disparaît parfois sous la broderie, et que l’œil a peine alors à en retrouver le tissu. Mais n’est-ce pas un très-pardonnable défaut qu’une semblable opulence ? Ne jette pas qui veut sur sa pensée un pareil manteau.


A. Fontaney.

  1. Chez Renduel et Levavasseur, au Palais-Royal.