Derniers vers (Anna de Noailles)/Interrogation

Derniers versGrasset (p. 38-39).


INTERROGATION


Peut-être puis-je encor, sans penser, contempler,
Avec la douceur qu’ont les bêtes
Dont le souhait jamais n’est sûr d’être comblé,
La beauté des cieux sur ma tête.

Peut-être, sans vouloir que tout serve à l’amour,
Puis-je louer d’un œil candide
La vanité pompeuse et naïve du jour,
L’orgueil des cités sous le vide.


Peut-être puis-je aimer d’un cœur indifférent
Le sable et l’eau d’une calanque.
— Qu’importe si, fougueux, musical, odorant,
Le vaste univers me harangue ?
Le jour à mon destin ne donne ni ne prend :

Rien ne peut menacer un cœur à qui tout manque.