Derniers vers (Anna de Noailles)/Détachement
DÉTACHEMENT
Le silence du ciel immense,
En ce soir vert et bleu d’été,
Semble prodiguer sa clémence
Aux frais branchages agités.
Les vifs mouvements des feuillages
Que l’allègre vent réjouit,
Sont, dans l’éther épanoui,
Accordés avec les nuages.
— Candeur du monde végétal
Sur qui se meut l’éther agile,
Vous qui comblez mon souffle égal
D’un plaisir restreint et tranquille,
Mon être est oublieux et clos,
J’accepte ce charme économe ;
Je n’ai plus, dans ce bref repos,
L’orgueil qui fait l’honneur de l’homme !
Je ne reconnais pas mon cœur,
Ma violence, ma sagesse,
Cette force d’insigne acteur
Que tout concerne, que tout presse,
Je respire nonchalamment,
Lasse du sort qui me défie,
Et méprisant la vaine vie
Jusqu’en mon plus noble tourment !