Dernier carnet de route au Soudan français - La fin de la mission Klobb/01

Préface.

Préface




Il faut remercier la digne veuve du Colonel Klobb d’avoir voulu publier le Carnet de Route de son mari. Car ces notes ne sont pas seulement intéressantes par les faits et les détails qu’elles relatent ; elles offrent une leçon continue d’énergie, de patience, de sérénité et de soumission au Devoir.

Le Colonel Klobb est une âme limpide et forte. Il exprime avec clarté et bonhomie des sentiments simples et salubres, de ces sentiments nécessaires, sur lesquels repose l’existence même de la Nation.

Il aime son dur métier, et en conçoit la grandeur. Il est parfaitement naturel il ne dissimule pas son plaisir lorsqu’on lui rend justice ou qu’on le charge de quelque commandement nouveau, c’est-à-dire d’un peu plus de devoirs qu’auparavant. Il a toujours présente à l’esprit l’utilité publique de sa tâche. Il est, dans le même moment, « humain » et « patriote », et n’y sent pas de contradiction.

Écoutez-le parler de ses soldats nègres « … Le poste tout entier a manifesté sa joie en apprenant ma nomination. Mes bons troupiers noirs m’aiment beaucoup, parce qu’ils me connaissent depuis longtemps, que je parle leur langue, et parce qu’ils voient que, moi aussi, je les aime bien. Ces noirs ont, peut-être, tous les défauts qu’on voudra, mais ils sont bons comme du pain ; ils n’ont ni méchanceté ni rancune… »

Et encore « … Je ne détruis rien… Et il va de soi que je suis encore plus ménager de la vie des hommes que de celle des animaux. Ça ne va pourtant pas sans peine. Il faut une patience infinie pour arranger des affaires sans tuer. Mais, avec de la politique, on y parvient ».

D’ailleurs, le jugement fort libre : « … Les Touaregs sont de meilleurs maîtres que les autres habitants de ce pays. Ce sont de grands seigneurs. S’ils ne connaissent ni l’électricité, ni les chemins de fer, ils ont certainement moins de vices que les Européens. Je ne leur en connais guère d’autre que celui d’être maîtres d’un pays que les Français veulent prendre. Les Oulmidens n’ont pas encore compris que c’était leur seul tort… Aussi, suis-je un peu gêné pour chanter aux villages mon antienne sur la supériorité de la domination française. Invariablement, ils me disent qu’ils n’ont pas à se plaindre de Madidou. Alors, je leur réponds qu’étant le plus fort, je serai le maître ».

Et il le sera, car c’est sa consigne, son devoir précis et immédiat. Mais, soyez sûr que, tant qu’il restera là, les Oulmidens n’auront pas à regretter Madidou.



Le Carnet de Route s’arrête au 11 juillet 1899 interruption émouvante ! Il est suivi du Rapport officiel sur la mort de Klobb.

Il y a des actes d’héroïsme brillants, triomphants, glorieux, tels que ceux par lesquels on enlève une place, on sauve une armée, on remporte une remporte une victoire. Ces actes-là, on les accomplit de bon cœur, avec élan, avec emportement, avec une sorte de joie…

Mais il est des devoirs pénibles et sans éclat, qu’on remplit par raison et sans enthousiasme, et qui veulent surtout de la résignation, une abnégation froide, une volonté sèche, une dure et patiente maîtrise de soi.

Le Colonel Klobb, poursuivant Voulet à travers les villages incendiés, puis tombant sous ses balles sans vouloir se défendre, est le héros du devoir difficile, obscur, ingrat.

Honorons d’autant plus sa mémoire ! Car nul soldat, peut-être, n’a montré un courage de qualité plus rare que le Colonel Klobb à Damangara, le 14 juillet 1899, — jour de la Fête nationale !


Jules Lemaître.