De la vie à la mort/Chapitre IV
CHAPITRE IV
ans le canton de Pipriac, quand on sait qu’un jeune homme doit se présenter dans une famille pour demander une fille en mariage, et qu’il ne convient pas, on met à brûler dans la cheminée des branches de buis. Le galant qui connaît cette coutume regarde le foyer et, l’oreille basse et le cœur attristé, en raison de l’amour qu’il ressent, décampe au plus vite.
Dans le canton de Bain, comme le buis est rare, on se contente de chômer (mettre debout) les tisons dans les cendres.
Mais si, au contraire, on consent à accepter le prétendant, la fille, d’un air timide, prend le bas de son tablier, le roule entre ses doigts, puis tout à coup, le laisse tomber en disant : « Ce sera comme moman voudra ! » Oh ! alors on peut être certain que les fiançailles et la noce se suivront de près.
Dans quelques communes de l’arrondissement de Redon, lorsqu’un jeune gars va demander en mariage une fille de son village, qu’il connaît intimement, avec laquelle il a été élevé, il porte une pomme avec lui et, lorsqu’il est en présence de celle qu’il désire épouser, il mord dans la pomme en disant :
« M’aimes-tu ? M’aimes-tu pas ?
Si tu m’aimes, mords dans mon mias ! »
Si la fille mord dans la pomme, le mariage est décidé. Si, au contraire, elle refuse, tout est rompu.
Dans le canton Sud-Ouest de Rennes, lorsqu’un jeune homme va demander une fille en mariage, il porte avec lui une bouteille de vin, afin de trinquer, si sa demande est agréée, avec sa future et les parents de celle-ci. Cette cérémonie s’appelle les accordailles.
Plus tard, le jour des fiançailles, les jeunes gens accompagnés de leurs familles et du garçon et de la fille d’honneur, s’en vont à Rennes faire leurs emplettes qui consistent en alliances, bague pour la mariée, appelée chevalière, fleurs d’oranger et vêtements de noce.
De retour au village, un repas a lieu le soir chez la mariée.
Autrefois, à Janzé, à Bécherel, à Tinténiac et dans beaucoup d’autres endroits, lorsqu’un jeune homme et une fille avaient l’intention de s’épouser, ils se rendaient au presbytère de leur paroisse où le curé leur faisait subir un examen de catéchisme, et les interrogeait principalement sur le sacrement du mariage.
S’ils répondaient mal, le curé les ajournait ; si, au contraire, il était satisfait de leur instruction, il leur offrait un verre de vin, trinquait avec eux, et les futurs époux étaient considérés comme engagés l’un envers l’autre et fiancés devant l’Église.
Si, pour un motif quelconque, le mariage venait à manquer, les jeunes gens devaient aller en informer le curé qui annulait les fiançailles. S’ils ne le faisaient pas, et si l’un ou l’autre voulait plus tard se marier, son ban ne pouvait être publié à l’église qu’après l’expiration d’une année.
Jadis, dans la commune du Pertre, quand une servante de ferme avait eu des relations intimes avec son maître, et que celui-ci venait à l’épouser, les cultivateurs de la commune, la veille de la noce, s’appelaient de village en village, au moyen d’une corne, et allaient donner un charivari aux futurs mariés.
Pareille farce avait lieu la veille de la noce d’une veuve. Si celle-ci se fâchait, le tapage continuait ; si, au contraire, elle riait et invitait ses voisins à entrer boire un coup, la plaisanterie cessait et chacun s’en retournait tranquillement chez soi.
À Bruz, lorsqu’une fille qui a eu des enfants se marie, les jeunes gens de la commune, vont encore, la veille de son mariage, avec des casseroles et des chaudrons, faire un charivari à sa porte.
Quand les fiancés vont inviter les familles qu’ils désirent avoir à leur noce, ils embrassent le père, la mère et les enfants. En leur donnant l’accolade ils répètent à chacun d’eux la formule suivante :
« Je vous prie de bon cœur et de bonne amitié d’assister à mes noces qui auront lieu de mardi en huit. »
Les invitations se font dix jours à l’avance et le mardi est le jour choisi pour les noces dans les campagnes de l’Ille-et-Vilaine.
La fille d’honneur qui accompagne les fiancés embrasse également chaque personne présente et dit à chacune d’elles : « Vous n’y manquerez pas. »
Dans les communes de Bruz et de Saint-Jacques-de-la-Lande, la veille de la noce, le marié accompagné d’ouvriers s’en va faire dresser le mobilier dans la demeure destinée aux jeunes époux et dans laquelle, lit, armoire, buffet, chaises, etc., ont été amenés par les voisins et gratuitement charroyés par eux.
La jeune femme ne prend pas part à l’arrangement de son ménage et ne le voit qu’après la noce.
En rangeant les meubles les ouvriers chantent la chanson suivante :
Oh ! sous les ridiaux,
Jamais j’n’ai ren vu d’si biau,
Disait la mariée ;
Jamais j’nai ren vu d’si biau
Sous les ridiaux.
Oh ! sous la couverture,
Jamais j’n’ai vu tant d’aventures,
Disait la mariée ;
Jamais j’n’ai vu tant d’aventures
Sous la couverture.
Oh ! dessur l’oreiller,
Jamais je n’ai tant vu de jeu,
Disait la mariée ;
Jamais je n’ai tant vu de jeu,
Dessur l’oreiller.
Oh ! dedans les draps de lit,
Qu’il fait donc bon faire son nid,
Disait la mariée ;
Qu’il fait donc bon faire son nid,
Dedans les draps de lit.
Oh ! disait la paillasse,
Allous bentôt finir vos farces,
Madam’ la mariée,
Allous bentôt finir vos farces
Dessur la paillasse.
Endurons tout cett’ nuit,
Geignait le pauvre bois de lit,
Pas vrai, la mariée ?
Endurons tout cett’ nuit,
Geignait le pauvre bois de lit.
Oh ! disait la gaul’[1] du lit,
Jouons n’en donc toute la nuit,
Pas vrai, la mariée ?
Jouons n’en donc toute la nuit,
Disait la gaul’ du lit.
Oh ! disait l’pauvr’ édredon,
Vous me mettez dans un bouchon,
Madam’ la mariée,
Vous me mettez dans un bouchon,
Disait l’pauvr’ édredon.
Les vêtements du marié sont portés à l’avance chez la future, et le matin de la noce il s’y rend en costume de travail pour faire sa toilette pendant que les couturières et la fille d’honneur habillent la mariée.
Si le repas de noce doit avoir lieu chez celle-ci, le marié en surveille les apprêts.
Tous les invités arrivent prendre les nouveaux époux pour les conduire à l’église.
Il n’y a pas beaucoup plus de trente ans, les voies de communication laissaient considérablement à désirer, il était difficile de voyager en charrettes, les paysans n’en avaient guère, et on allait aux noces à cheval.
Les mariés du canton de Pipriac arrivaient de leur village au bourg, le jour de la noce, juchés en croupe derrière d’habiles cavaliers parés de bouquets et de rubans. Les invités suivaient à pied au son des violons. La mariée était mollement assise sur un oreiller attaché sur le penet[2].
La messe terminée, le départ, après maintes libations, avait lieu de la manière suivante :
Les conducteurs montaient seuls à cheval pour faire caracoler leurs bêtes, puis s’arrêtaient devant la noce. Le parrain de la jeune épouse, ou à son défaut, un personnage choisi parmi les invités, prenait la mariée dans ses bras et l’asseyait délicatement derrière son cavalier. Le nouvel époux, montait, lui aussi, derrière son conducteur, et on leur apportait du vin. Les proches parents trinquaient avec eux jusqu’au moment où les chevaux partaient à fond de train pour revenir plusieurs fois vers les invités qui s’alignaient deux par deux, bras dessus, bras dessous, et enfin se décidaient à suivre les mariés en dansant et en chantant au son des violons.
Aujourd’hui que le réseau vicinal étend ses bras nombreux dans toutes les directions du département, tout le monde a des véhicules, et les noces, dans ce même canton de Pipriac, ont changé d’aspect et subi des modifications qu’il importe d’indiquer.
C’est ordinairement le propriétaire de la ferme qui conduit la fille de son métayer à l’église le jour du mariage. Quand il entre dans la maison, la mère de la future se met à pleurer (c’est de rigueur) et dit : « Ce ne sera toujours pas ma qui la mettrai à la porte. » Voyant cela, notre maître, comme on l’appelle encore, prend la fillette par les épaules et la fait sortir.
En signe de deuil la mère reste à la maison, conservant ses vêtements de tous les jours et prépare, en compagnie de vieilles femmes du village, le repas destiné aux gens de la noce.
Le maître fait monter la mariée dans sa voiture, part avec elle, et s’apercevant bientôt que personne ne les suit, revient sur ses pas (c’est l’usage), chercher les invités qui attendent patiemment qu’on vienne les prier de suivre la mariée.
Lorsque l’église est au milieu d’une place, les voitures en font plusieurs fois le tour au galop avant de s’arrêter devant le parvis.
À l’automne de 1896, avait lieu une grande noce à la ferme de Bocadève, dans la commune de Saint-Just.
La table du festin était en plein air, au coin d’un champ, à cause du nombre considérable d’invités.
Jusqu’à ce que tout le monde fût assis, les violonneux jouèrent en faisant le tour de la table.
Au milieu du repas, on vit arriver une bande de garçons ayant tous, sous le bras ou à la main, une bouteille de vin, ornée de rubans tricolores. C’étaient les jeunes gens de la même classe que le marié, encore célibataires, qui venaient offrir un verre de vin aux nouveaux époux et à leurs parents. Ils restèrent à la noce pour prendre part aux danses.
Des mendiants venus de très loin étaient assis sur les talus du champ où on leur portait à boire et à manger.
Dans le canton de Bain, voisin de celui de Pipriac, voici la description d’une noce à l’heure actuelle.
On appelle agouvreux, l’installation du ménage et le ménage lui-même. On dit monter l’agouvreux, pour monter les meubles.
Ce sont les tailleuses, qui ont fait le trousseau, qui président à cet arrangement.
Avant d’entrer dans la maison destinée aux jeunes époux, elles s’arrêtent à la porte et chantent :
— Monsieur le marié,
Si nous avons tardé,
N’en soyez pas fâché.
Nous amenons du bien,
Mais il vous appartient.
Nous am’nons lit garni,
Armoire et table aussi,
Tous les coffres remplis.
Monsieur le marié,
Vous n’voyez pas encore
Le plus beau des trésors.
Vous la verrez venir
Mardi l’après-midi,
Avèque son mari.
Les tailleuses entrent dans la maison et continuent :
— Monsieur le marié,
Vot’ fiancée vous demande
De placer son ménage
À son arrangement.
Le futur marié répond :
— Puisque ma mie l’a dit,
J’irai à sa demande :
Je lui serai fidèle,
Fidèle je lui serai,
Et je lui donnerai
Les marqu’s de ma fidélité.
En quittant le village pour se rendre à l’église, les amies de la mariée chantent :
— Or, adieu le château,
La maison d’chez mon père ;
C’était un si beau lieu
Qui n’était fait qu’pour plaire
Aux yeux des amoureux.
Les jeunes gens, amis du marié, répondent par ironie :
— Madam’ la mariée,
Vous croyez au plaisir ?
Des peines et des soucis,
L’embarras du ménage,
Voilà le plaisir, belle,
Que vous aurez chez lui.
Après le mariage à l’église, la noce se rend dans une auberge du bourg pour manger une beurrée et boire un coup.
Ensuite les mariés font quelques visites pendant que les gens de la noce vont acheter les cadeaux qu’ils comptent offrir au jeune ménage.
Plus il y a de monde à une noce, plus il y a de profit pour les mariés : Il est d’usage que les invités achètent la batterie de cuisine, la vaisselle et d’autres menus objets. On a soin de ne pas oublier le vase de nuit qui doit jouer, le lendemain matin, un certain rôle dans la cérémonie.
Lorsque les mariés reviennent au village, après la messe, les personnes restées à la maison pour préparer le repas vont au-devant d’eux et leur offrent une beurrée en chantant :
— Mon père il m’a mis à servi,
Nouvelle mariée voici,
De par sous la levrande[3].
Où sont les gens du marié ?
On les demande,
Ah ! les voici, ah ! les voilà,
Qu’ils s’y présentent.
Les parents et amis du marié répondent :
Avous[4] cent écus à leur donner ?
Ils sont prêts à les prendre.
Les amis du marié ont confectionné à l’avance une quenouillée monstrueuse garnie de fleurs et de rubans qu’ils portent au-devant de la mariée, quand elle revient de l’église, et qu’ils attachent ensuite au pied du lit pour lui faire comprendre qu’une fois en ménage, elle devra filer le lin et le chanvre pour les besoins de la maisonnée.
Avant de se mettre à table, on conduit la mariée voir son ménage et on chante :
— Entrez, Madam’ la mariée,
Vous n’avez rien vu de si beau ;
Vous porterez la bague d’or
Avec la coiffure à dentelle
Et vous jouirez de ces trésors.
Sur le milieu de la table du repas de noce est une grosse moche[5] de beurre offerte ordinairement par la marraine de la mariée, et sur laquelle sont représentés quatre personnages, les mariés, le garçon et la fille d’honneur.
Tous les invités, sans exception, vont enfoncer une pièce d’argent dans cette moche. Les parents aisés et les amis intimes mettent jusqu’à cinq francs, les autres, deux francs et même cinquante centimes.
Tout cet argent est pour les époux.
Deux chaises garnies de fleurs, et sur lesquelles sont posés des oreillers indiquent la place à table du marié et de la mariée. Mais celle-ci doit bien se donner garde de s’asseoir sur l’oreiller, elle doit le faire enlever, ou sinon elle serait qualifiée de paresseuse ou de mauvaise femme de ménage.
Pendant le repas, une personne chante :
Nous somm’s venus ce jour,
Du fond de nos villages,
C’est pour vous annoncer
La joie du mariage,
À monsieur votre époux,
Aussi bien comme à vous ;
Embrassez-vous tous deux
Et soyez bien heureux.
N’avez-vous pas été
Ce matin à la messe ?
Avez-vous entendu
Ce qu’il a dit, le prêtre ?
Fidèle à votre époux,
De l’aimer comme vous,
Fidèle à votre époux,
Le restant de vos jours.
L’amant qui vous a pris,
C’est un garçon bien sage,
Il a bien le talent
D’y conduire un ménage.
Ah ! le joli talent,
Que le prix en est long ;
Ah ! le joli talent,
Que le prix en est grand !
Quand on dit son époux,
On dit souvent son maître ;
Ils ne sont point si doux
Comme ils ont promis d’être.
Ont promis d’être doux,
Le reste de leurs jours ;
Ont promis d’être doux,
Ne le sont point du tout.
Aujourd’hui grand festin,
Tout le mond’ vous honore ;
Et peut-être demain,
Ça dur’ra-t-il encore ?
Mais au bout de trois jours,
Vous rest’rez seuls chez vous ;
Mais au bout de ce temps,
Vous s’rez seuls à présent.
Il vous en souviendra,
Madam’ la mariée,
D’avoir été liée
Avec un lien d’or
Qui dur’ jusqu’à la mort ;
D’avoir été liée
Avec un lien d’argent
Qui dure aussi longtemps.
Tenez, v’là un bouquet,
Que ma main vous présente ;
Prenez-en une fleur,
Pour vous faire comprendre
Que tous plaisirs, honneurs,
S’en vont comme les fleurs.
Tenez, v’là un gâteau,
Que ma main vous présente ;
Prenez-en un morceau
Pour vous faire comprendre
Qu’il faut pour vous nourrir,
Travailler et souffrir.
Vous n’irez plus au bal,
Madam’ la mariée ;
Rest’rez à la maison,
Tandis qu’les autr’s iront,
Vous berc’rez les poupons,
Tandis qu’les autr’s iront.
Si vous avez chez vous
Des bœufs, aussi des vaches,
Des brebis, des moutons,
L’embarras du ménage,
Faudra soir et matin
Veiller à tout ce soin.
Si vous avez chez vous,
Enfants et domestiques,
Faudra faire écouter
La parole de Dieu,
Car vous seriez tous deux,
Coupables devant Dieu.
Au milieu du dîner, c’est-à-dire lorsque la soupe et les nombreux plats de ragoûts ont été mangés, tout le monde de la noce se lève de table et va, avec les violons, chercher les rôtis qui sont à cuire au four.
On range les plats de rôtis par terre et le marié et la mariée dansent autour en disant :
— Vous faudrait-il du rôti
Pour vous exciter l’appétit ?
Et l’on retourne se mettre à table pendant que les servants déposent de nouveaux plats devant les invités.
Au Pertre, lorsque la mariée entre pour la première fois chez elle, on la fait passer par une porte de derrière. Son mari, pour aller la rejoindre, est obligé de pénétrer par la porte de devant laquelle est bouchée par un petit arbre orné de rubans et de fausses fleurs qu’on appelle un Mai et qui a été planté là par les servants.
Le marié, pour l’arracher, est souvent obligé de tirer dur et longtemps, car les racines de cet arbre ont été enterrées exprès très profondément.
La veille de la noce, la mariée va se mettre à genoux devant ses parents et leur demande leur bénédiction.
La fille d’honneur qui l’accompagne, chante, pour la mère, la chanson suivante :
Ô ma fille chérie (bis),
Pour nous quitter, tu t’es mise à genoux ;
Tu veux donc laisser ta famille,
Le foyer paternel pour suivre ton époux ?
Pour la premier’ fois, ta chambre restera vide,
J’irai prêter l’oreill’ sans entendre tes pas ;
Dans les sentiers déserts, dans les jardins arides,
Pour la première fois, je ne t’y verrai pas.
Oh ! pourtant, sois heureuse,
Suis l’époux que ton cœur a choisi ;
Oh ! pourtant, sois heureuse,
Va, mon enfant, je te bénis !
Dieu commande à la femme
De tout quitter pour suivre son époux ;
Sois donc sans regret dans ton âme,
Compagne de celui qui t’éloigne de nous.
Donne-lui tout ton cœur et ta pensée entière.
À lui seul maintenant, à lui seul ton amour ;
Garde bien, cependant, un souv’nir pour ta mère,
Qui séparée de toi, pleurera plus d’un jour.
Oh ! pourtant sois heureuse,
Suis l’époux que ton cœur a choisi ;
Oh ! pourtant, sois heureuse,
Va, mon enfant, je te bénis !
Vous, à qui je confie
Ce bien si cher, ce bien si précieux,
Je vous donne plus que ma vie,
Vingt ans je l’ai nommée le trésor de mes yeux.
Vous me remplacerez près d’elle sur la terre,
Vous me l’avez juré, vous me l’jurez encor,
Si vous aimez ma fill’ comme l’aimait sa mère,
Vous aurez mérité le prix de vos bienfaits.
Va, ma fill’, sois heureuse,
Suis l’époux que ton cœur a choisi ;
Va, ma fill’, sois heureuse.
Allez, enfants, je vous bénis !
À la fin de la noce, on assied la mariée dans une chaise, près de son lit.
Une tailleuse détache la couronne et ne laisse qu’une épingle que le mari doit enlever à tâtons.
Pendant cette cérémonie, une jeune fille, ou bien la tailleuse, chante au nom de la mariée :
Oh ! moment heureux de l’amour,
Me voici enfin mariée ;
Mon cher époux, dans ce beau jour,
Je te confie ma destinée.
Je t’offre ma main et mon cœur,
N’pouvant t’en offrir davantage ;
Mais je veux faire ton bonheur
Et le charme de ton ménage.
Et vous, parents de mon époux,
Me voici enfin votre fille ;
Daignez m’accepter parmi vous,
Bonne et honorable famille.
Comme lui, je dois vous aimer,
Être votre sincère amie ;
Et si ce jour peut vous flatter,
Ce sera le plus beau d’ma vie.
À tous mes parents et amis,
J’offre un hommage bien sincère ;
Mais avant, qu’il me soit permis
De l’offrir à ma tendre mère :
C’est ell’ qui m’a donné le jour,
C’est ell’ qu’a soigné mon enfance,
Elle a des droits à mon amour,
Autant qu’à ma reconnaissance.
Oh ! je sais bien, mon cher époux,
Que tu ne seras pas volage ;
Il est impossibl’ de changer,
Tu m’as tenu trop doux langage ;
Mais si tu venais à changer,
Que tu n’aim’rais plus ton amie,
Tu verrais bientôt commencer
Les malheureux jours de ma vie.
Écoute bien, mon cher époux,
Ce que ma franchise t’adresse :
Je veux des plaisirs les plus doux
Couronner ta vive tendresse ;
Mais si quelquefois, parmi nous,
Il s’élève un sombre nuage,
Je te dirai : « Embrassons-nous,
Et faisons la paix du ménage ! » (bis).
tailleuse à Bourgbarré.)
Il n’y a pas plus de trente ans, dans la commune de la Boussac, lorsque la mariée sortait de l’église, elle offrait à tous ceux qui venaient la complimenter, des épingles extrêmement petites, appelées épingles de la mariée.
Cette coutume n’existe plus. Le marié offre seulement une prise de tabac à toutes ses connaissances.
Les noces, dans cette commune, comme dans beaucoup d’autres endroits, ont lieu le mardi ; mais à l’époque des épingles de la mariée, l’époux ne couchait avec sa femme que le dimanche suivant. La femme restait dans sa famille.
Ce jour-là, on les obligeait à se mettre au lit dans l’après-midi et on leur portait la rôtie.
Comme les lits sont très élevés, il y a un banc placé devant pour permettre d’y monter.
Pendant que les amis se livraient à des plaisanteries plus ou moins risquées, en regardant les époux mordre dans les morceaux de pain enfilés par une corde et trempés dans le vin, des femmes apportaient sur le banc, un berceau rempli de jouets d’enfants, de petits sabots, de couteaux, de cuillères, de fourchettes, d’assiettes, d’écuelles, etc., et elles berçaient tous ces objets qui en s’entrechoquant produisaient un bruit étourdissant.
Lorsque la messe est terminée au maître-autel, la fille d’honneur prend la mariée par le bras et, toutes les deux vont prier à l’autel de la Vierge pendant que les gens de la noce se rendent à la sacristie. Le mari, la cérémonie complètement achevée, va chercher sa femme pour l’emmener.
Là, comme ailleurs, avant de quitter le bourg, la noce se rend dans un cabaret pour manger la beurrée qui se compose de pain, de beurre et de cidre.
Le départ a ensuite lieu, deux par deux, violon et mariés en tête ; mais au lieu de remonter dans les voitures qui les ont amenés le matin, tous s’en vont à pied.
Pour égayer la route, ils chantent, accompagnés du crin-crin, ce qu’ils appellent des chansons de marche. Il y en a de deux sortes les unes qui sont des rengaines et les autres de véritables chansons.
Exemples :
1o Rengaine :
Voici le premier jour du mois d’avril,
J’entends la caill’, la perderix ;
J’entends la caill’, les p’tits oiseaux,
La joli’ tourterell’ dans les ormeaux.
Voici le second jour du mois d’avril,
etc.
On peut ainsi chanter autant de couplets que l’on veut.
2o Chansons de marche :
Chaque vers est chanté deux fois par une personne appelée le meneur, puis le couplet entier, c’est-à-dire les deux vers, sont répétés également deux fois par tout le monde.
Sur le vert joli, entre vous autr’s, les filles (bis),
Sur le vert joli, qui prenez des maris (bis),
Sur le vert joli, n’en prenez pas des jeunes (bis),
Sur le vert joli, ni de trop vieux aussi (bis),
Sur le vert joli, moi j’en ai pris un jeune (bis),
Sur le vert joli, je crois qu’y m’f’ra mourri (bis).
Sur le vert joli, il va-t-à la taverne (bis),
Sur le vert joli, et revient za minuit (bis).
Sur le vert joli, frapp’ le pied dans la porte (bis).
Sur le vert joli, la porte il faut ouvrir (bis).
Sur le vert joli, prend la barr’ de la porte (bis).
Sur le vert joli, m’y reconduit au lit (bis),
Sur le vert joli, il cassera ma table (bis),
Sur le vert joli, les quenouill’s de mon lit (bis).
Sur le vert joli, il frappe sur la berne[6] (bis),
Sur le vert joli, au proch’ de moi aussi (bis).
Sur le vert joli, voilà comm’ sont les hommes,
Sur le vert joli, voilà comme est……
On désigne, pour faire rire, celui des invités qui n’a pas la réputation d’être tendre avec sa femme, ou bien encore un jaloux ou un ivrogne.
Les servants et servantes pris parmi les parents et amis des mariés vont, lorsqu’ils aperçoivent la noce qui revient de la messe, au-devant d’elle à deux ou trois champs avec un pot de cidre et des verres pour offrir à boire aux mariés et aux invités. On boit dans le même verre sans répugnance.
Une fois arrivés au village, les noçous, avant le repas, dansent une ou deux contredanses.
C’est seulement vers trois heures de l’après-midi, qu’on se met à table. Ce festin dure plusieurs heures. Souvent le marié se lève pour aller aider les servants.
Au dessert, la mariée fait le tour de la table en offrant une prise de tabac à chacun.
C’est alors que commencent les chansons, dites chansons de mariage et chansons de table :
Amusons-nous, fillett’s, profitons des beaux jours,
Le temps de nos amours ne dur’ra pas toujours.
Moi qui suis la cadett’, je veux m’y marier,
Il n’y a que ma mèr’ qui veut m’y empêcher.
— Vous voulez l’empêcher, mèr’, de s’y marier,
Vous voulez l’empêcher, ell’ vous en saura gré.
— Mari’-toi donc, ma fill’, moi je ne t’empêch’ pas,
Si tu es mal à l’aise, à moi ne t’y plains pas.
— Me voici mariée, grand Dieu, quel changement.
Avec mes camarad’s, j’n’irai plus à présent.
J’ai mon ouvrage à fair’, mes enfants à soigner.
Mon époux est à boire, à fair’ le débauché.
Le soir quand il rentèr’ bien tard à la maison,
Tout comme à l’ordinair’, faut lui donner raison.
Le soir quand il se couche, il s’y couche en jurant,
Le matin quand y s’lève, il se lève en grognant.
L’enfant qu’est au berceau, se réveille en pleurant.
Bercez, bercez, Madam’, voilà votr’ amus’ment.
La mèr’ tout en colèr’, s’en va prendr’ son enfant,
L’arrose de ses larm’s, regrettant son jeun’ temps.
— Comm’ j’étais chez mon pèr’, fillette à marier,
Je dormais bien tranquill’, personn’ n’m’en empêchait.
Comm’ j’étais chez mon pèr’, fillette à marier,
Comme j’étais chez ma mèr’, j’allais m’y promener.
Avec mes camarad’s j’allais m’y promener,
Personn’ ne m’empêchait, personn’ ne m’empêchait.
— Tu n’es plus chez ton pèr’, tu n’es plus chez ta mère,
Entendre les discours et les plaisirs d’amour.
Comm’ t’étais chez ton pèr’, comm’ t’étais chez ta mère,
Fillette à marier, fallait donc y rester.
Parlons du jeu, parlons du mariage,
Parlons d’amour, mais point d’s’y marier.
Et point d’s’y marier, ni s’y mettre en ménage,
Car arriv’ trop souvent du mécontentement.
Parlons du jeu, etc.
Si par malheur, je prends une femm’ qui soit belle,
Je vois bien du danger pour m’y rendre jaloux.
Parlons du jeu, etc.
Elle aura des amants qui s’en viendront la voir,
Du matin jusqu’au soir, du matin jusqu’au soir.
Parlons du jeu, etc.
Si par malheur je prends, une femm’ qui soit laide,
Toujours devant les yeux j’aurai cette laideur.
Parlons du jeu, etc.
Si par malheur je prends une femm’ qui soit riche,
Bien du danger pour moi si j’y vas-t-à l’auberge.
Parlons du jeu, etc.
Ell’ m’appell’ra : « Ivrogn’, tu manges tout mon bien,
Mes enfants n’auront rien, mes enfants n’auront rien. »
Parlons du jeu, etc.
Si par malheur je prends une femm’ qui soit pauvre,
Il me faudra alors tout’ ma vie travailler.
Parlons du jeu, etc.
Elle aura des enfants qui me diront : « Papa,
Donne-nous donc du pain que l’on n’meur’ pas de faim. »
Parlons du jeu, parlons du mariage,
Parlons d’amour, mais point d’s’y marier.
Comm’ j’étais chez mon père,
Demeurez là, mettez le pied là,
Garçon à marier,
Bell’, mettez là le pied !
Je n’avais rien à faire,
Demeurez là, mettez le pied là,
Qu’une femme à chercher,
Bell’, mettez là le pied !
Et maint’nant que j’en ai une,
Demeurez là, mettez le pied là,
Ell’ m’y fait enrager,
Bell’, mettez là le pied !
Ell’ m’envoi’-t-à la chasse,
Demeurez là, mettez le pied là,
Sans boire et sans manger,
Bell’, mettez là le pied !
Et quand j’arriv’, le soir,
Demeurez là, mettez le pied là,
Elle a toujours soupé,
Bell’, mettez là le pied !
Je lui demand’ : « Ma femme,
Demeurez là, mettez le pied là,
De quoi as-tu soupé ?
Bell’, mettez là le pied !
— D’une bonne poulette,
Demeurez là, mettez le pied là,
Et d’un pigeon ramier,
Bell’, mettez là le pied !
Les os sont sous la table,
Demeurez là, mettez le pied là,
Jean, veux-tu les roucher ?
Bell’, mettez là le pied !
Le pauvre Jean s’y couche,
Demeurez là, mettez le pied là,
Et se mit à pleurer,
Bell’, mettez là le pied !
— Tandis qu’je serai jeune,
Demeurez là, mettez le pied là,
Je m’y divertirai,
Bell’, mettez là le pied !
Et quand je serai vieille,
Demeurez là, mettez le pied là,
Je me retirerai,
Bell’, mettez là le pied !
Dans un vieux presbytère,
Demeurez là, mettez le pied là,
Avec un bon curé,
Bell’, mettez là le pied !
Qu’a du vin dans sa cave,
Demeurez là, mettez le pied là,
Du lard, dans son charnier.
Bell’, mettez là le pied !
Comme on le voit, toutes les chansons de noces, sont contraires au mariage et peu faites pour encourager les jeunes gens à entrer dans les saints liens.
Voici maintenant quelques chansons de table que l’on entend aux noces et dans les réunions de famille.
Je voudrais bien passer le bois (bis),
Mais je suis trop petit’, voyez-vous,
Mais je suis trop petite.
J’aim’ lonla, lanla, derita,
J’aime le mot à rire.
Nous l’passerions bien tous les deux (bis),
Nous l’passerions sans rir’, voyez-vous,
Nous l’passerions sans rire.
J’aim’ lonla, lanla, derita,
J’aime le mot à rire.
Quand nous fûm’s au milieu du bois (bis),
Il me prit une envie, voyez-vous,
Il me prit une envie.
J’aim’ lonla, lanla, derita,
J’aime le mot à rire.
C’était de prendre un doux baiser (bis),
À la mode jolie, voyez-vous,
À la mode jolie.
J’aim’ lonla, lanla, derita,
J’aime le mot à rire.
— Prenez-en un, prenez-en deux (bis),
Mais n’allez pas le dir’, voyez-vous,
Mais n’allez pas le dire.
J’aim’ lonla, lanla, derita,
J’aime le mot à rire.
Car si mon père le savait (bis),
Il me battrait sans rir’, voyez-vous,
Il me battrait sans rire.
J’aim’ lonla, lanla, derita,
J’aime le mot à rire.
Mais si ma mère l’apprenait (bis),
Ell’ ne ferait qu’en rir’, voyez-vous.
Ell’ ne ferait qu’en rire.
J’aim’ lonla, lanla, derita,
J’aime le mot à rire.
Ça lui rappell’rait l’temps passé (bis),
Du temps qu’elle était fill’, voyez-vous,
Du temps qu’elle était fille.
J’aim’ lonla, lanla, derita,
J’aime le mot à rire.
Quand les amants venaient lui dire (bis)
Qu’elle était bien gentill’, voyez-vous,
Qu’elle était bien gentille.
J’aim’ lonla, lanla, derita,
J’aime le mot à rire.
Mon pèr’ m’a donné un mari,
Jamais vous n’avez tant ri !
La premier’ nuit j’couchis d’oli,
Ma qui voulais rire !
La premièr’ nuit j’couchis d’oli,
Jamais vous n’avez tant ri !
Le grand nigaud y s’endormit.
Ma qui voulais rire !
Le grand nigaud y s’endormit,
Jamais vous n’avez tant ri !
J’pris une épingle et je l’piquis,
Ma qui voulais rire !
J’pris une épingle et je l’piquis,
Jamais vous n’avez tant ri !
Le grand béta y s’en sauvit,
Ma qui voulais rire !
Le grand béta y s’en sauvit,
Jamais vous n’avez tant ri !
J’pris mes jupons et je l’coursis
Ma qui voulais rire.
J’pris mes jupons et je l’coursis,
Jamais vous n’avez tant ri !
Et devinez où j’le trouvis ?
Ma qui voulais rire !
Et devinez où j’le trouvis ?
Jamais vous n’avez tant ri !
Derrièr’ la grang’, dans les orties,
Ma qui voulais rire !
Derrièr’ la grang’, dans les orties,
Jamais vous n’avez tant ri !
J’l’y pris la main et je l’ramenis,
Ma qui voulais rire !
J’l’y pris la main et je l’ramenis,
Jamais vous n’avez tant ri !
Le grand nigaud y se r’couchit,
Ma qui voulais rire !
Le grand nigaud y se r’couchit,
Jamais vous n’avez tant ri !
Aussitôt j’me mis près de li
Ma qui voulais rire !
Aussitôt j’me mis près de li,
Jamais vous n’avez tant ri !
J’vous dirai point ce qu’il me fit,
Mais qu’il me fit rire !
J’vous dirai point ce qu’il me fit,
Mais qu’il me fit rire !
Non, jamais vous n’avez tant ri !
Comme il me fit rire !
Mon pèr’ me donnit un mari ;
Petit amant, je le nommis.
La gobi, berni, guernobi,
Ama la don guerni, guerno,
Guerno, pinozo !
Dedans mon lit je l’déposis,
Et dans la paille il se perdit.
La gobi, berni, guernobi,
Ama la don guerni, guerno,
Guerno, pinozo !
Je pris ma fourch’, je l’fourgotis,
Fourgotis tant que je l’trouis.
La gobi, berni, guernobi,
Ama la don guerni, guerno,
Guerno, pinozo !
Sus mon foyer, je l’déposis,
Et dans la cendre il se perdit.
La gobi, berni, guernobi,
Ama la don guerni, guerno,
Guerno, pinozo !
Je l’cherchis tant que je l’trouvis ;
Mon pauvr’ mari était rôti.
La gobi, berni, guernobi,
Ama la don guerni, guerno,
Guerno, pinozo !
Je pris un drap pour l’ensev’li ;
L’drap était neuf, je l’décousis.
La gobi, berni, guernobi,
Ama la don guerni, guerno,
Guerno, pinozo !
Dans le courtil je l’enterris ;
De gros vers blancs l’ont fricotti.
La gobi, berni, guernobi,
Ama la don guerni, guerno,
Guerno, pinozo.
L’ente est dans la haie, dans la haie, dans la haie.
L’ente est dans la haie du jardin.
— Et dans cette ent’, vous ne savez ce qu’il y a (bis) ?
— Il y a plus bell’ branche,
Comm’ jamais vous n’avez vu branche.
La branche est dans l’ente,
L’ente est dans la haie, dans la haie, dans la haie.
L’ente est dans la haie du jardin.
— Et sur cett’ branch’ vous ne savez ce qu’il y a (bis) ?
— Il y a un beau nid,
Comm’ jamais vous n’avez vu nid.
Le nid est sur la branche,
La branche est dans l’ente,
L’ente est dans la haie, dans la haie, dans la haie.
L’ente est dans la haie du jardin.
— Et dans ce nid vous ne savez ce qu’il y a (bis) ?
— Il y a plus bel œuf,
Comm’ jamais vous n’avez vu œuf.
L’œuf est dans le nid,
Le nid est sur la branche,
La branche est dans l’ente,
L’ente est dans la haie, dans la haie, dans la haie.
L’ente est dans la haie du jardin.
— Et sur cet œuf, vous ne savez ce qu’il y a (bis) ?
— Il y a plus bel oiseau,
Comm’ jamais vous n’avez vu oiseau.
L’oiseau est sur l’œuf,
L’œuf est dans le nid,
Le nid est sur la branche,
La branche est dans l’ente,
L’ente est dans la haie, dans la haie, dans la haie.
L’ente est dans la haie du jardin.
— Et sur cet oiseau, vous ne savez ce qu’il y a (bis) ?
— Il y a plus bell’ plume,
Comm’ jamais vous n’avez vu plume.
La plume est sur l’oiseau,
L’oiseau est sur l’œuf,
L’œuf est dans le nid,
Le nid est sur la branche,
La branche est dans l’ente,
L’ente est dans la haie, dans la haie, dans la haie.
L’ente est dans la haie du jardin.
— Et sur cett’ plum’ vous ne savez ce qu’il y a (bis) ?
— Il y a plus bell’ nonne,
Comm’ jamais vous n’avez vu nonne.
La nonne est sur la plume,
La plume est sur l’oiseau,
L’oiseau est sur l’œuf,
L’œuf est dans le nid,
Le nid est sur la branche,
La branche est dans l’ente,
L’ente est dans la haie, dans la haie, dans la haie.
L’ente est dans la haie du jardin.
— Et sur cett’ nonne vous ne savez ce qu’il y a (bis) ?
— Il y a plus beau clocher,
Comm’ jamais vous n’avez vu clocher.
Le clocher est sur la nonne,
La nonne est sur la plume,
La plume est sur l’oiseau,
L’oiseau est sur l’œuf,
L’œuf est dans le nid,
Le nid est sur la branche,
La branche est dans l’ente,
L’ente est dans la haie, dans la haie, dans la haie.
L’ente est dans la haie du jardin.
— Et sur ce clocher vous ne savez ce qu’il y a (bis) ?
— Il y a plus beau coq,
Comm’ jamais vous n’avez vu coq.
Le coq est sur le clocher,
Le clocher est sur la nonne,
La nonne est sur la plume,
La plume est sur l’oiseau,
L’oiseau est sur l’œuf,
L’œuf est dans le nid,
Le nid est sur la branche,
La branche est dans l’ente,
L’ente est dans la haie, dans la haie, dans la haie.
L’ente est dans la haie du jardin.
— Et sur ce coq vous ne savez ce qu’il y a (bis) ?
Il y a plus beaux rubans,
Comm’ jamais vous n’avez vu rubans.
Les rubans sont sur le coq,
Le coq est sur le clocher,
Le clocher est sur la nonne,
La nonne est sur la plume,
La plume est sur l’oiseau,
L’oiseau est sur l’œuf,
L’œuf est dans le nid,
Le nid est sur la branche,
La branche est dans l’ente,
L’ente est dans la haie, dans la haie, dans la haie.
L’ente est dans la haie du jardin.
À défaut d’instrument, on chante ce qui suit pour danser le quadrille. On appelle cela un quatre :
Lon lan la, feuille de vigne,
Lon lan la, tu m’as trompé,
Tu m’as trompé, tu n’me tromperas plus,
Car de ton vin, je n’veux plus boire.
Lon lan la, feuille de vigne,
Lon lan la, tu m’as trompé.
Tu m’as trompé, tu n’me tromperas plus,
Car de ton vin, je n’boirai plus.
Et on recommence : Lon lan la, etc.
Autres chansons à danser :
— Bonjour, tantine Perrine,
Comment vous portez-vous ?
Vous m’avez l’air chagrine,
Dit’s-moi donc, qu’avez-vous ?
— Mon bon ami est parti ce matin.
C’est celui-là qui me fait de la peine.
Mon bon ami est parti ce matin,
C’est celui-là qui me fait du chagrin.
— Bonjour, tantine Perrine,
Comment s’porte votr’pourciau ?
— Il n’est ni gras ni maigre,
Les os li percent la piau.
— Perrine, ah ! venez çà,
J’ai d’la galett’ dans mon bissa.
Quand Perrine elle fut venue,
De la galett’ je n’avais plus.
Perrine ell’ monte à haut,
Comm’ j’amusais le bégaud,
Perrine ell’ prend du blé,
Comm’ j’amusais le meunier.
— Perrine, ah ! venez çà, etc.
Le soir, après les danses, les tailleuses procèdent au déshabillé de la mariée. L’une d’elles chante :
— Monsieur le marié,
On voudrait vous parler ;
C’est votre mariée,
Qui est bien désolée.
Venez la consoler ;
Apportez-lui à boire,
Du vin de la bouteille,
Et venez l’embrasser.
— Madam’ la mariée,
Faut vous déshabiller ;
Faut détacher vos hardes,
Vos anneaux et vos bagues,
Pour aller vous coucher.
— Je n’détach’ point mes hardes,
Mes anneaux et mes bagues,
Je veux encor danser.
— Madam’ la mariée,
Faut vous déshabiller,
Détachez vos épilles[7],
Pour donner à ces filles,
Qui vous ont assistée.
La mariée se déshabille en pleurant, et donne une épingle, une seule, à chacune des filles présentes. Celles-ci les conservent précieusement et lorsqu’elles en ont neuf, elles sont certaines de trouver un mari à leur tour.
La tailleuse qui a la spécialité des chants continue :
— Madam’ la mariée,
Voulez-vous vous en v’nir
Au logis d’chez votr’ père,
D’où vous avez quitté ?
Vous serez ramenée
De grande compagnie,
Comme à venir ici.
— Oh ! non, oh ! non, les filles,
Je ne m’en irai point ;
Ménage il me faut prendre,
Aujourd’hui, sans attendre,
On me l’a commandé.
Oh ! non, oh ! non, les filles,
Je ne m’en irai point.
S’il faisait clair de lune,
J’écrirais o ma plume,
En vous disant adieu.
Le lendemain matin, on porte, dans le pot de chambre neuf qui a été acheté par l’un des invités, et conservé par lui jusqu’à ce moment, la rôtie de la mariée.
Ce sont des morceaux de pain grillé, enfilés les uns aux autres et trempant dans du vin chaud.
Après qu’on a longtemps frappé à la porte des nouveaux époux, le marié se décide à aller ouvrir et la noce fait irruption dans la chambre.
On porte dans le lit des mariés la rôtie qu’ils sont obligés de manger et de boire devant tout le monde, et sans couper le fil qui retient les morceaux de pain.
Cette coutume fort gênante pour la mariée à laquelle on fait toutes sortes de plaisanteries grossières sur sa nuit de noce, disparaît presque partout.
Les invités, parents et amis de la mariée chantent en s’en allant :
— Quand il faut quitter tout ce qu’on aime,
Le cœur ne peut jamais y consentir.
Ah ! Ah ! Ah ? c’est aujourd’hui même.
Qu’il nous faut partir.
Le marié en riant :
— Partez quand vous voudrez ;
Mais pour moi je demeure,
Ah ! si jamais j’en pleure,
Sera quand vous reviendrez.
La mariée, paraissant en colère au milieu des siens :
— Sans dout’ je partirai,
Sans verser une larme ;
Croyez-vous que vos charmes
M’engag’raient à rester ?
Le marié :
— Partez quand vous voudrez.
Mais il court après elle et la ramène à la maison.
À Bruz, autrefois, lorsqu’une noce durait plusieurs jours, la mariée était emmenée chaque soir coucher chez des parents ou des voisins, et elle n’appartenait réellement à son mari que lorsque la fête était complètement terminée.
Jadis, dans la commune de la Bouëxière, quand une fille-mère venait à se marier, elle ne devait entrer dans l’église que par une petite porte. En outre, le mariage avait lieu à six heures du matin. On tintait seulement avec la plus petite cloche, et la messe était célébrée dans une chapelle des bas-côtés.
Au Pertre et dans beaucoup d’autres communes, si une pauvre fille, ayant eu des malheurs avant son mariage, s’avisait de mettre une couronne de fleurs d’oranger le jour de sa noce, les femmes du pays la lui arrachaient.
Le vendredi-saint de chaque année, de nombreux pèlerins se rendent à la chapelle de Saint-Eustache, dans la commune de Saint-Étienne-en-Cogles. Ce pèlerinage est surtout le rendez-vous des femmes stériles qui désirent avoir des enfants.
On rencontre dans la commune de Mernel, au fond d’une vallée, près d’une fontaine, non loin du manoir du Bois-au-Voyer, une antique chapelle connue dans le pays sous le vocable de Notre-Dame-de-Joie.
Les jeunes femmes privées des douceurs de la maternité vont à cette chapelle prier Marie de leur faire la grâce de devenir mères. Les ex-voto déposés sur l’autel prouvent que les vœux pieusement exprimés ont été exaucés.
Voici la légende de Notre-Dame-de-Joie :
En 1644, vivaient au château de la Botheleraye, dans la paroisse de Pipriac, René de Tournemine et Renée Peschart, son épouse. Bien que favorisés par la fortune, ils souffraient de n’avoir pas d’enfants et n’espéraient plus voir leur rêve se réaliser, puisque leur union remontait déjà à plusieurs années.
Or, un jour que Mme de Tournemine se promenait sur ses terres, elle traversa la grande lande d’Anast et passa près d’une vieille chapelle qui tombait en ruines. Elle y entra et pria dévotement. En levant les yeux sur les murs lézardés du pauvre édicule, elle vit le soleil qui passait à travers le toit et fit vœu, si elle avait un fils, de relever la chapelle.
Dix mois après, le 19 avril 1645, les cloches de Pipriac sonnaient à toute volée pour annoncer le baptême de Jean-Joseph de Tournemine.
Des ouvriers commencèrent immédiatement les travaux de la chapelle qui fut terminée et bénite au mois de septembre 1647.
On dit dans le canton de Bécherel, qu’une femme enceinte ne doit jamais, pendant tout le temps de sa grossesse, être la marraine d’un enfant, ou bien l’enfant qu’elle mettra au monde sera sourd-muet.
Il ne faut rien refuser à une femme enceinte qui a des envies, ou sans cela, l’enfant qu’elle porte dans son sein aurait sur le corps et peut-être même sur la figure des taches ayant rapport avec la chose désirée.
Il ne faut pas non plus lui faire voir des choses qui pourraient l’impressionner.
Ainsi dans un dîner offert par M. de Saint-Germain, ancien officier amputé d’un bras, et nommé receveur des finances à Redon, se trouvait une dame enceinte.
Elle fut tellement émotionnée en voyant la difficulté qu’éprouvait M. de Saint-Germain à manger avec une seule main, que plus tard elle accoucha d’un enfant qui n’avait qu’un bras.
Quand une femme est entre son quatrième et cinquième mois de grossesse, si elle désire savoir de quel sexe sera son enfant, elle a deux moyens à sa disposition.
1o Prier quelqu’un de l’observer sans qu’elle le sache, trois matins de suite, et de remarquer sur quel coude elle s’appuie de préférence en sortant du lit.
Si c’est sur le coude droit, ce sera une fille ; si c’est sur le coude gauche, ce sera un garçon.
2o Dans la journée, lorsqu’elle est assise sur un siège bas, lui faire légèrement peur afin de voir de quel côté elle se penchera.
Si c’est du côté droit, fille ; du côté gauche, garçon.
Si la lune ne change pas dans les trois jours qui suivent la naissance d’un enfant, celui qui naîtra après lui sera du même sexe.
Les mariés de l’année, à Sougéal, ont l’habitude d’offrir, le jour de la fête de Saint-Jean, des épingles dorées à leurs amis et connaissances.
Voici l’origine de cette coutume :
« Jadis, le dit jour Saint-Jean-Baptiste, il était dû au seigneur de Tréet par les nouveaux et nouvelles mariés qui épousent en l’église de Sougéal, un devoir de chanson que les dites mariées chantent ou font chanter à haute voix à l’issue de la grand’messe au dit bourg de Sougéal, et après la dite chanson chantée, elles sont tenues de présenter des épingles au seigneur et à ses officiers, et les sergents et les maris sont tenus d’y assister sous peine d’amende. »
Dans certaines communes des arrondissements de Rennes et de Fougères, lorsqu’à la suite d’une querelle de ménage une femme battait son mari, les hommes du bourg et des villages voisins s’emparaient de toutes les chèvres du pays, leur pendaient des grelots et des clochettes au cou, leur peignaient les cornes en rouge et les attelaient toutes à une petite charrette à bras. Deux hommes, dont l’un était habillé en femme, montaient dans le véhicule, et l’attelage accompagné de conducteurs, — un par bête, — ayant tous une quenouille au côté, se rendait en chantant au son du violon, de la clarinette et de la feuille de brou[8] devant la maison de l’époux battu. Là, le couple monté dans la charrette se livrait à une scène de pugilat des plus comiques où se mêlaient souvent la quenouille et le balai.
Après cette comédie, il arrivait rarement que la femme contre laquelle cette manifestation était faite, eût envie de recommencer à battre son mari.
Autrefois à Romazy, au moment du carnaval, les jeunes gens promenaient Bidoche de maison en maison. On le faisait danser au son de toutes sortes d’instruments. Voici ce que c’était que Bidoche :
On prenait une échelle de la longueur du corps d’un cheval, on garnissait cette échelle de cercles de barriques ; à un bout on figurait le cou et la tête d’un cheval, le tout était recouvert d’une housse richement décorée. Ensuite deux jeunes gens passaient la tête et les épaules dans le corps de Bidoche, ne laissant paraître que les jambes pour imiter les quatre pieds de la bête.
L’homme de devant tenait dans ses mains une ficelle fixée à la mâchoire inférieure du faux animal, lequel avait la bouche garnie de drap ou d’étoffe rouge recouvrant des pointes finement aiguisées. Malheur à celui qui mettait la main dans la bouche de Bidoche, car le premier porteur tirait sur la ficelle, et l’imprudent avait la main serrée de façon à le faire crier.
Il y a une quarantaine d’années, cette coutume existait encore ; mais un jour Bidoche fut conduit chez l’institutrice de Romazy, qui eut une peur effroyable, tomba malade et mourut quelques jours après.
Le maire interdit alors la promenade de l’animal fantastique.
Depuis bien des siècles, il existe dans la commune de Rimou la confrérie des Cornes, dont la fête est célébrée le jour de l’assemblée de l’endroit.
Pour être membre de ladite confrérie ou cornard (on prononce cônard), on paie deux sous seulement, moyennant lesquels chaque souscripteur a droit à sa quote-part des 52 messes qui sont dites chaque année à Rimou à l’intention desdits cônards, et en plus à une corne d’un petit pain à quatre cornes. Quand on est un membre sérieux, on ne laisse pas le bedeau vous détacher une corne du pain ; on paie 30 centimes de supplément pour l’avoir tout entier. Ce pain passe pour se conserver indéfiniment sans moisir ni se putréfier, mais non pas sans durcir.
Un jour un curé de Rimou voulut supprimer la confrérie, mais immédiatement les fabriciens démissionnèrent, et il ne put en trouver d’autres : il fallut bien mettre les pouces et céder ! Du reste les cornes étant offertes gracieusement par les fabriciens, c’est un assez joli bénéfice pour le clergé de la paroisse, car les habitants des communes voisines se font également inscrire comme cônards.
La confrérie comprend 12 à 1500 adeptes.
Il y a environ cent ans, on négligea une année de faire la distribution du pain, et il survint un orage épouvantable qui ravagea toutes les récoltes de la paroisse. Les Rimois supposèrent que c’était une punition du ciel en raison de la suppression des cornes, et ils s’empressèrent de rétablir la confrérie.
Aux Iffs, et même dans tout le canton de Bécherel, les hommes, le dimanche à la vesprée, se livrent à un jeu cruel.
Ils enterrent jusqu’au cou un canard (ou à défaut de canard un lapin), dont on ne voit plus que la tête.
L’un des joueurs placé à cinquante mètres de l’animal est armé d’une faulx et a un bandeau sur les yeux. Il doit ainsi essayer de couper la tête de la pauvre bête.
S’il ne réussit pas, un autre le remplace jusqu’à la mort complète de la victime qui devient alors la propriété de son meurtrier. Celui-ci la met en loterie ou l’emporte chez lui pour la manger en famille.
Chaque individu paie une petite cotisation pour prendre part à ce jeu qui est quelquefois remplacé par un lâcher de poules qu’il faut attraper à la course.
Je me rappelle qu’à la fin du règne de Louis-Philippe, les habitants de la petite ville de Bain organisaient tous les ans, pour le 15 août, un papegai.
C’était une sorte de pigeon de bois, confectionné avec de la racine d’ormeau. Cet oiseau, me suis-je laissé dire, était mis à bouillir dans de l’huile, afin que les balles ne le brisassent pas du premier coup.
Le jour de la fête, tous les tireurs qui s’étaient fait inscrire, et qui avaient souscrit au banquet du soir, se réunissaient sous la halle, au son du tambour. Les gardes nationaux avec leurs fusils à pierre et les chasseurs, les uns avec des canardières, les autres avec des fusils à un ou deux coups venaient s’aligner dans le rang et se dirigeaient ensuite, l’arme sur l’épaule, par le village de Gravot, au bas de la butte de Bertaud.
Le papegai était solidement cloué au haut d’un pieu, bardé de fer, lequel était fiché en terre à mi-côteau, à environ cinquante mètres des tireurs.
Puis le tir commençait.
Tous les habitants venaient assister à cette fête. Des tentes étaient dressées au milieu des bruyères, et l’on vidait force chopines de cidre et bouteilles de bière en mangeant des fruits et des gâteaux.
Chaque fois que le pigeon était atteint d’une balle, un roulement de tambour se faisait entendre en l’honneur de l’adroit tireur.
Enfin, quand le dernier débris de l’oiseau venait à tomber par terre, celui qui l’avait abattu était couronné et amené en triomphe à la place d’honneur du festin.
L’année suivante, c’était lui qui devait fournir le papegai.
Plus tard, quand la garde nationale fut désarmée, on essaya d’un autre jeu qui, fort heureusement, n’eut pas de succès.
C’était une malheureuse oie que l’on pendait par les pattes aux branches d’un pommier. Les joueurs armés d’un sabre, et la vue bandée, étaient placés à une certaine distance de la bête. On leur faisait faire plusieurs tours sur eux-mêmes et on leur disait d’aller. Ils cherchaient avec la lame aiguisée de leur sabre à trancher la tête de l’oie.
L’infortunée bête avait, la plupart du temps, le cou dépouillé avant d’être décapitée complètement. C’était écœurant ! Celui qui achevait de couper la tête de l’oie en était le propriétaire.
Deux fois par an, à Noël et au mardi-gras, chaque famille se réunit chez les grands-parents pour manger l’oie grasse.
À Vitré, le jour de la mi-carême, dans chaque famille, même les plus pauvres, le dîner se compose exclusivement de crêpes de farine de froment. Comme la famille est souvent nombreuse, on commence à faire ces crêpes plusieurs heures avant le repas et on les sert sur la table en piles énormes.
Quand on tue un cochon (sauf votre respect), c’est toute une fête à la campagne. Non seulement on envoie du boudin et de la saucisse aux voisins et aux amis, mais encore on offre à sa famille un dîner qu’on appelle la boudinaille, et qui est un véritable repas de Gargantua.
On n’y mange que du cochon, mais sous les formes les plus diverses : griaux, casse, pâté, boudins, saucisses, gras-double, etc., etc., le tout arrosé de nombreux pichés de cidre.
On s’entr’aide entre voisins à la campagne.
À l’époque de la coupe des foins ou de la récolte du blé, plusieurs cultivateurs s’unissent pour rentrer leur récolte. Un champ qui demanderait un nombre assez considérable de journées à un seul ouvrier est expédié dans un jour.
On travaille ainsi tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre. Celui chez lequel on est, doit nourrir tout le monde. Cela s’appelle à Bain : La levée de la Faulx.
Cette coutume est charmante. Le travail se fait avec entrain et rapidement. Les repas ont lieu au milieu d’une franche gaieté.
Quand le paysan vanne son grain dans l’aire à la récolte, et qu’il est aveuglé par la poussière, il ne manque pas de dire : « Il faut avaler sept boisseaux de poussière avant de mourir. »
Les cuisinières, quand elles enlèvent la cendre du foyer, disent, elles aussi : « Il faut avaler deux boisseaux de cendre avant de passer l’arme à gauche. »
Quand un enfant se plaint de la cuisine de sa mère, celle-ci lui répond : « Quand tu seras à ton gueriau bouilli on verra si tu seras mieux. »
Cela veut dire : « Lorsque tu seras chez toi, à ton compte, à ton ménage, à manger, malheureux, du gruau bouilli, on verra bien si ta cuisine sera meilleure que la mienne. »
À Servon, lors de la récolte du chanvre et du lin, les gars et les filles du pays se réunissent pour aller dans les fermes s’offrir à porter le chanvre et le lin à rouir dans les rivières et dans les doués.
Après cela a lieu un repas suivi de danses et de chansons.
Dans le pays du Pertre, sur la limite de l’Ille-et-Vilaine et de la Mayenne, au commencement de la récolte, les fermiers portent à leurs propriétaires une gerbe de blé ornée de fleurs et de rubans. On s’embrasse, on boit, on trinque à la santé les uns des autres, et plus tard, lorsque la récolte est complètement achevée, le maître réunit dans un dîner tous ceux qui cultivent ses terres.
Dans l’arrondissement de Vitré, on appelle Barbatte la fin de la récolte. Dans l’arrondissement de Fougères, on dit Parbatte.
Lorsqu’on a fini de battre le grain, on met de côté plusieurs gerbes sur lesquelles sont déposés des bouquets.
Les ouvriers vont chercher le fermier, sa femme et ses enfants qu’ils amènent dans l’aire, les femmes conduites par les journaliers, les hommes par les journalières. Le dialogue suivant a lieu :
— Que nous voulez-vous ? disent les fermiers.
— Que vous veniez lever une gerbe trop lourde pour nous.
— Allons-y.
Le fermier et la fermière s’emparent des fleurs en disant : « Voilà de beaux bouquets, il faut les empiéter, » c’est-à-dire se donner un baiser, ce qui est aussitôt fait. Du cidre est apporté, l’on trinque à la santé de tout le monde. Puis les dernières gerbes sont battues, l’on s’en va dîner tous ensemble, l’on boit ferme et l’on chante.
La gerbe se chante depuis un temps immémorial dans la commune de Saint-Brice-en-Cogles. C’est à la Parbatte, c’est-à-dire lorsque le battage des céréales est terminé, que toutes les personnes qui ont aidé à la récolte se réunissent dans l’aire pour la chanter. Les hommes ont des bouquets à leurs chapeaux et les femmes des fleurs à leurs corsages.
Ah ! salut à la bourgeoise,
Et le bourgeois en suivant.
Battu nous avons la gerbe, Aujourd’hui, joyeusement. |
bis. |
J’vous saluons, les enfants,
Les domestiqu’s pareillement.
Battu, etc.
Voici la saison qu’arrive,
Et le mois d’août en suivant.
Battu, etc.
Tous les garçons du village,
S’en vont, la gerbe battant.
Battu, etc.
V’là les bouquets qu’on apporte,
Chacun va, se fleurissant.
Battu, etc.
Par un matin, je m’y lève,
Par un beau soleil levant.
Battu, etc.
En entrant dans mon jardin,
Par une porte d’argent.
Battu, etc.
J’aperçois un romarin,
Qui fleurissait, rouge et blanc.
Battu, etc.
J’en ai coupé une branche,
Avec mes ciseaux d’argent,
Battu, etc.
Je l’envoie à ma maîtresse,
Par l’alouette des champs.
Battu, etc.
Ell’ m’y renvoie une lettre,
Par le rossignol chantant.
Battu, etc.
Il n’y a ni prêtr’, ni moine,
À savoir ce qu’il ya d’dans.
Battu, etc.
Et ma qui ne sais pas lire,
J’vas vous l’dire cependant.
Battu, etc.
Il y a dedans la lettre :
« Mon ami, je vous aim’ tant ! »
Battu, etc.
Viendra le jour de la noce,
Travaillons en attendant.
Battu, etc.
Devers la Toussaint prochaine,
J’aurons tout contentement.
Battu, etc.
Nous irons à la grand’messe,
Les rubans au parvolant[9].
Battu, etc.
Nous aurons battu l’avène,
L’orge, le blé, le froment.
Battu, etc.
Nous sommes bien vingt ou trente,
N’est-c’pas un beau régiment ?
Battu, nous avons la gerbe, Aujourd’hui, joyeusement. |
bis. |
Quand on arrache le chanvre ou le lin, on le met par bottes et on le grouge, c’est-à-dire qu’on enlève la graine au moyen d’un instrument que les paysans appellent grougeur, mais ils prononcent grugeur.
Le chanvre et le lin sont mis à rouir dans des mares ou des doués, au milieu des champs sans arbres alentour.
On met de grosses pierres dessus pour qu’ils enfoncent dans l’eau. Ils y restent environ quinze jours ; après cela, ils sont étendus sur les prés.
Deux ou trois jours avant le broyage, on les fait passer au four une fois que le pain a été cuit.
Le chanvre et le lin sont d’abord pilés, écrasés avec des mailloches en bois, et ensuite broyés à l’aide de machines également en bois et à traverses creuses. Celle du dessus écrase la plante sans la couper.
Le déchet sert à faire des litières aux bestiaux.
Le broyage se fait généralement en hiver, dans les étables, qui deviennent alors un lieu de rendez-vous pour les gars et les filles. C’est ce qu’on appelle les veillois. On y dit des contes et on chante les vieilles chansons du temps passé.
Lorsque le chanvre et le lin sont réduits en filasse, les femmes les filent. Ce fil est plus tard porté au tisserand qui en fait une toile grossière, mais presque inusable.
Aujourd’hui que la toile est très bon marché, on préfère l’acheter, et la culture du chanvre et du lin a beaucoup diminué.
Par suite, les pauvres tisserands de campagne sont devenus rares. On ne les voit plus confinés dans leurs caves humides et travaillant des pieds et des mains sur leurs métiers où ils ressemblaient à de grandes araignées.
Dans certaines parties de l’arrondissement de Vitré, on ne portait pas le fil au tisserand chez lui. Il y avait des ouvriers qui allaient de ferme en ferme, avec leur métier, fabriquer la toile, et qui étaient la plupart du temps payés en nature.
Les domestiques des deux sexes de la commune du Pertre et des communes environnantes, lorsqu’ils se gagent chez un cultivateur, apportent chez ce dernier, leur armoire au linge.
C’est là l’orgueil des filles de la campagne. On dit qu’elles ne peuvent se marier que lorsqu’elles possèdent six douzaines de chemises et deux douzaines de draps.
Il leur faut, en effet, une certaine quantité de linge, attendu que dans les fermes on ne fait une lessive complète qu’après les grands travaux de la récolte. En temps ordinaire, les ménagères se contentent de passer le linge sale à l’eau froide.
Un domestique porte une chemise huit jours et change les draps de son lit tous les deux mois.
La lessive générale de la fin de l’été est une sorte de fête à la ferme. En raison de la quantité considérable de linge, il faut un grand nombre de femmes pour le laver ; aussi, plusieurs familles se réunissent-elles pour faire le travail en commun.
On mange chez celle pour laquelle on travaille, et quand le linge est sec et rentré, il y a un repas plus copieux que les autres, à la fin duquel on chante la chanson de « La Lessive. »
— Voici la lessive faite, Où la laverons-nous ? |
bis. |
C’est un plaisir que l’amour !
— Là-bas, dans ces vallées, Que l’amour est aimée ! |
bis. |
C’est un plaisir, ma brunette,
C’est un plaisir que l’amour !
— La lessive est lavée, Que l’amour est aimée ! |
bis. |
C’est un plaisir, ma brunette,
C’est un plaisir que l’amour !
— Là-bas, sur ces montagnes, Le soleil raye partout. |
bis. |
C’est un plaisir que l’amour !
— La lessive est séchée, Que l’amour est aimée ! |
bis. |
C’est un plaisir, ma brunette,
C’est un plaisir que l’amour !
— Dans les buffets, dans les coffres, Dans les armoires estout, |
bis. |
C’est un plaisir, ma brunette,
C’est un plaisir que l’amour !
Un jour, dans une ferme, je dis à une bonne femme :
— Vous avez là, sur le feu, une soupe qui sent très bon.
— Ah ! Monsieur, me répondit-elle, c’est cependant de la soupe des trois vertus.
— Comment ? de la soupe des trois vertus ?
— Mais oui, on l’appelle ainsi, parce qu’elle est si maigre et si claire, qu’elle trempe le pain, passe la soif et lave l’écuelle.
Autrefois, le jour de la Saint-Crespin, les ouvriers cordonniers organisaient une fête. Ils allaient d’abord à la messe, puis ensuite à un banquet par souscription.
Les ouvriers des autres corporations chantaient pour se moquer d’eux :
C’est à la Saint-Crespin,
Mon cousin,
Que les cordonniers se frisent,
Pour aller voir catin,
Qu’a fait dans sa chemise.
Ce couplet a bien souvent provoqué des disputes et des rixes.
Les paysans, par les plus grandes chaleurs de l’été, font merienne (lisez méridienne), en plein soleil couchés sur le ventre.
« Ça fait fondre la moelle des os, disent-ils, et c’est nécessaire pour la santé du corps. »
Quant à l’automne, les pauvres enfants de l’Auvergne viennent dans notre pays pour ramoner nos cheminées, les gens de la campagne exigent d’eux qu’ils apparaissent sur le toit de la maison, au haut du tuyau de la cheminée, pour chanter un couplet de chanson.
Ils ont ainsi la certitude que le petit garçon a complètement fait sa besogne.
Ne comprenant pas bien son charabia, ils traduisent ainsi ses paroles :
C’est Madam’ la cuisinière,
Qu’a peté dans sa chaudière,
Et qui a cassé ses plats.
Lon lon la,
Ramonez-la,
La cheminée du haut en bas !
J’ai de bonnes aiguilles,
C’est pour les belles filles,
Les laides n’en auront pas.
Lon lon la,
Ramonez-la,
La cheminée du haut en bas !
En passant par la cuisine,
Quelquefois j’embrasse Perrine,
Quelquefois je ne l’embrasse pas.
Lon lon la,
Ramonez-la,
La cheminée du haut en bas !
Tout le long du bois,
J’embrassis Jeannette,
Tout le long du bois,
J’l’embrassis trois fois.
Lon lon la,
Ramonez-la,
La cheminée du haut en bas !
Le bedeau de diverses petites communes du département a ordinairement pour tout traitement ce que les habitants lui donnent pour le carillon des baptêmes. Aussi se rend-il après les fêtes de la Toussaint ou en janvier dans chaque maison faire une quête.
Le bedeau de Bruz, lui, s’en va avec un sac sur le dos et on lui remet du froment, du blé noir, de l’orge, etc.
Dans une autre commune, le deuxième vicaire n’étant pas payé par l’État, ce sont les trésoriers de la fabrique qui vont, deux ensemble, à l’époque de Noël, faire une quête à domicile chez tous les habitants.
Presque tout le monde donne, et même offre à boire aux quêteurs qui, le soir, rentrent souvent chez eux dans un état complet d’ébriété.
Si nous quittons un instant les villages et les bourgades, nous verrons que la manière de vivre des citadins a bien changé depuis un demi-siècle.
Nos aïeux avaient, en effet, une existence toute différente de la nôtre.
Ils n’allaient point à Paramé ou à Dinard. Ils ne connaissaient pas le jeu des petits chevaux et ignoraient ce que c’était qu’un casino.
Tout bon petit bourgeois de la cité rennaise avait dans la campagne une ferme plus ou moins importante en raison du plus ou moins de fortune de son propriétaire, et, attenant à cette ferme, un petit manoir avec jardin, orangerie, vivier, etc.
J’aime à errer dans les chemins creux pour découvrir encore, cachés par des haies de buis, et des ifs bizarrement taillés, ces vieux nids d’autrefois que l’on appelait alors des retenues.
Comme la famille y passait toute la belle saison, c’est-à-dire depuis Pâques jusqu’à la Toussaint, et quelquefois même jusqu’à Noël, cette résidence d’été avait tout le confortable désirable. Elle était protégée par des douves larges et profondes, remplies d’eau, dont la terre avait servi à exhausser le jardin qui était lui-même entouré d’une énorme haie de buis ou d’épines ne permettant pas au passant d’en apercevoir l’intérieur.
Ce jardin, toujours très vaste, était l’objet de soins incessants. Il ne ressemblait en rien, lui non plus, aux jardins de notre époque. Les pelouses y étaient inconnues, mais en revanche les carrés, les losanges, les ovales s’étendaient à perte de vue, et chacun de ces dessins, aux formes variées, était entouré d’une bordure de petits buis qu’on taillait fréquemment.
Un cadran solaire avait sa place marquée au milieu de la grande allée centrale.
En plein midi, était une orangerie dans laquelle, à l’automne, on rentrait les orangers en caisses et diverses plantes craignant le froid.
En face, un pavillon servait d’abri les jours de pluie ou de vent.
Tout au bout du jardin, de grands arbres, chênes, ormeaux et tilleuls projetaient leur ombre sur une charmille dans laquelle le soleil ne pénétrait qu’en hiver et où l’on allait chercher la fraîcheur en été.
La journée presque tout entière se passait au jardin.
Les jeunes filles s’occupaient de travaux de couture ou de broderie ; les mères de famille tricotaient des bas ou des gilets de laine. Beaucoup d’entre elles filaient au rouet.
Le dimanche, après vêpres, on lisait le Musée des Familles, — le seul journal illustré de l’époque, — ou bien les lettres de Mme de Sévigné. Le surmenage intellectuel était inconnu et l’on ne craignait pas les méningites.
Le père, lui, avait sa bibliothèque dans un petit cabinet de travail, dont seul il avait la clef. La composition de cette bibliothèque dépendait de l’esprit du maître de la maison.
Les uns, — ceux que nous appelons aujourd’hui les gens bien pensants, — n’avaient que les œuvres de M. de Buffon ; les Études de la Nature, par Bernardin de Saint-Pierre ; les Œuvres de Bossuet, Fénelon, Bourdaloue, Fléchier. Et encore souvent, Télémaque était banni comme mauvais livre. On blâmait Fénelon de l’avoir écrit : le fils d’Ulysse aimait trop à flirter avec Calypso.
Chez d’autres, au contraire, — mais ceux-là c’étaient les révoltés, les parpaillots, — on apercevait l’Encyclopédie de Diderot, les ouvrages de M. de Voltaire et de Jean-Jacques Rousseau. Les femmes se signaient en passant devant la bibliothèque et craignaient de voir le feu du ciel tomber sur la maison.
Il y avait un livre qui, lui, traînait partout : on le rencontrait tout aussi bien à la cuisine qu’au salon, dans les chambres comme dans le jardin. C’était la Maison rustique, qui contenait des recettes pour la cuisine et pour la façon de faire la pâtisserie et les confitures, des remèdes pour toutes les maladies, et enfin des articles de pêche, de chasse, de jardinage, de botanique, en un mot tout ce qui peut intéresser la campagne.
Ces gros volumes, — rares aujourd’hui, — qui servaient aussi à exhausser les petits enfants lorsqu’on les mettait à table, étaient consultés toute la journée par tous les membres de la famille.
Il y avait, dans chacun de ces petits manoirs, une pharmacie qui permettait non seulement de se soigner, mais encore de secourir les indigents du voisinage qui tombaient malades. Les dames n’hésitaient jamais à les visiter, à les soigner et à leur porter ce qui manquait chez eux.
À l’automne, la cueillette des fruits était l’une des grandes préoccupations du ménage.
Chaque propriétaire ne plantait dans son jardin que des arbres irréprochables, et leurs fruits, d’une saveur exquise, étaient tous cueillis à la main et transportés délicatement dans le fruitier.
La confection des confitures était chose grave. C’était pour l’hiver le principal dessert et on le voulait succulent.
Lorsqu’on recevait des amis, la table était abondamment servie, les tanches du vivier, les canards et les poulets de la basse-cour étaient sacrifiés ; mais après cela la nourriture habituelle des hôtes du manoir était des plus simples et des plus frugales.
Lorsqu’une jeune fille était demandée en mariage, la noce n’avait lieu que six mois après les fiançailles.
Il fallait au moins cela pour permettre aux menuisiers, — qui venaient s’installer au domicile des parents, — de fabriquer sur mesure les meubles des jeunes époux.
On descendait des greniers des planches de chêne qui étaient à sécher depuis quinze ou vingt ans. Ce bois, d’une épaisseur extrême, était, en raison de sa vieillesse, dur comme de l’ébène. Des artistes le fouillaient, le travaillaient et fabriquaient ces splendides armoires, ces grands buffets et ces superbes bahuts qui font aujourd’hui l’admiration des amateurs.
Le plus grand luxe du ménage était le linge. Il fallait que les armoires en fussent remplies. Aussi tous les tisserands du voisinage travaillaient nuit et jour, tandis que les couturières taillaient et cousaient les chemises, les draps et les serviettes.
La fiancée, pour faire patienter son futur, ne jouait pas du piano et ne lui récitait pas de monologues ; mais elle chantait Fleur du Tage en s’accompagnant de l’épinette.
Le dimanche de la Chandeleur, dans toutes les églises, le prêtre bénit les cierges.
Les familles chrétiennes ne manquent jamais d’en faire bénir un qu’elles emportent dans leur demeure.
Ce cierge est allumé lorsqu’un malade est mis en extrême-onction.
Dans les campagnes, on allume aussi le cierge de la Chandeleur lorsqu’éclate un orage. Il doit éloigner la foudre de la maison dans laquelle il brûle.
Aux environs de Châteaubriant, une nuit qu’un orage vint à éclater, une fermière dit à son mari : « Lève-toi et allume le cierge de la Chandeleur. » À peine le paysan fut-il hors du lit que la foudre tomba sur la maison, traversa le lit et tua la femme sans qu’elle eût le temps de proférer un cri.
Le mari alluma son cierge et se recoucha sans soupçonner ce qui était arrivé. Ce ne fut que quelques instants après qu’il s’aperçut que sa femme était morte.
Le cierge de la Chandeleur avait sauvé l’homme.
Les feux de joie qu’on allume encore quelquefois la veille de la Saint-Jean, donnaient lieu, jadis à Dol, à une fête spéciale : à la fin des vêpres célébrées à la cathédrale, le chapitre se rendait processionnellement au bûcher et le grand chantre portant le bâton doré, insigne de sa charge, revêtu d’un surplis et d’une étole, allumait très solennellement le feu aux applaudissements de la foule.
Autrefois, sur les bords de la côte, aux environs de Cancale, on mettait un tison du dernier feu de la Saint-Jean, à tremper dans le bénitier accroché au fond du lit.
Ce tison était destiné à protéger de la foudre.
Tout le long de la côte bretonne, on aperçoit de petites chapelles, situées au sommet des falaises, et qui sont dédiées à Notre-Dame de la Garde. Elles sont remplies d’ex-voto naïfs.
L’on voit, après une tempête ou au retour d’un long voyage, des marins au teint hâlé, la tête découverte et les pieds nus, gravir les sentiers conduisant aux chapelles. Ils vont remercier la Vierge qui les a sauvés du naufrage.
Il existe dans le cimetière de Rennes une humble croix de bois, peinte en rouge, recouverte de nombreux petits sachets de toile. Ces sacs renferment de la terre prise sur la tombe d’une religieuse, Mlle de Coëtlogon, enterrée sous cette croix, et qui guérit toutes sortes de maux, et principalement la fièvre.
Le malade, après avoir rempli le sachet, le porte sur sa poitrine pendant neuf jours et le rapporte sur la tombe de la défunte.
Un fait analogue se passe à Boistrudan, sur la tombe de M. Leroux, ancien curé de cette paroisse, tué dans le cimetière en 1792.
À Vitré, les malades atteints de la fièvre vont prier sur la tombe de M. de la Gueretterie, ancien curé de Saint-Martin. Ils allument de petites lampes qu’ils entretiennent pendant neuf jours et neuf nuits.
Au milieu des ténèbres, on aperçoit, dans le cimetière, jusqu’à sept et huit lumières sur le tombeau du prêtre.
Autrefois dans les paroisses du canton de Saint-Malo, le dimanche des Rameaux, les paysans en sortant de la messe allaient planter au milieu de leurs champs, la branche de laurier bénit, après en avoir détaché quelques feuilles, destinées à leur bénitier. Cet usage est tombé en désuétude.
Jadis, on ne menait aux champs, pour la première fois, les petits agneaux nés au printemps, que le vendredi saint.
On croyait autrefois dans la commune d’Argentré, et beaucoup de paysans le croient encore, que les animaux de ferme s’agenouillent la nuit de Noël, dans les étables à l’heure de minuit.
Quand on charrue le vendredi saint, on fait saigner la terre toute l’année.
Dans presque tout le département, on plante les pépins de citrouilles le vendredi saint. Ainsi semées sans bruit, c’est-à-dire en l’absence des cloches de l’église, elles doivent devenir très grosses.
À Bruz, on ne les sème que le samedi saint au moment de la messe, où les cloches reviennent, au Gloria.
Beaucoup de paysans sont encore persuadés qu’en pendant à une poutre de la pièce qu’ils habitent une sardine grillée le vendredi saint, ils ne seront pas incommodés l’été par les mouches.
Ils croient également qu’en répandant du bouillon de soupe, toujours le vendredi saint, dans les mares qui avoisinent leurs demeures, ils n’entendront pas coasser les grenouilles dans la belle saison.
Les charbons provenant de la bûche de Noël une fois éteints et mis sous un lit préservent du tonnerre.
Il ne faut pas battre (cueillir) ses noix le vendredi qui précède l’Assomption, car en le faisant ce jour-là, les noyers ne donneraient pas de fruits pendant plusieurs années.
On ne boulange pas le vendredi bénit (vendredi saint), parce que toute l’année le pain moisirait.
On ne doit pas semer le lin pendant la semaine sainte, ou bien la graine sera mangée par les puces.
Il ne faut pas faire non plus la lessive pendant cette semaine, ou bien dans l’année il mourrait quelqu’un de la famille.
Et pourtant c’est pendant la semaine sainte qu’on nettoie toutes les maisons, on les blanchit à la chaux intérieurement, extérieurement et on lave les carreaux des fenêtres.
Le samedi saint le prêtre bénit dans les églises l’eau qui doit être versée toute l’année dans les bénitiers.
Cette eau est ordinairement dans un grand bassin de cuivre placé au milieu de l’église.
À Bain, les bonnes femmes de la campagne attendent avec impatience que la cérémonie soit terminée pour aller remplir les petites bouteilles de verre qu’elles ont dans leurs pochettes.
Quand tout est fini, elles se précipitent, se poussent, se bousculent, se battent même pour arriver les premières, persuadées que celles-ci prenant la crème, seront plus favorisées que les autres, c’est-à-dire que leurs vaches auront un lait qui ne tarira pas et sera plus abondant que celui des vaches des autres femmes qui seront arrivées les dernières.
En rentrant chez elles, elles aspergent leurs troupeaux d’eau bénite.
On ne doit pas entamer le pain sans faire préalablement, sur le dessus, le simulacre d’une croix avec le couteau.
De même lorsque les ménagères cuisent de la galette, elles font, avec la tournette, le simulacre d’une croix sur la première galette.
Dans plusieurs églises du diocèse, notamment à Saint-Sauveur de Rennes et à Saint-Sulpice-de-Fougères, ainsi que le constatent les comptes des trésoriers de cette époque, le jour de la Pentecôte, aux xve et au xvie siècles, on faisait descendre de la voûte du sanctuaire un pigeon sur l’autel, pendant l’office, pour rappeler la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres.
Sainte Anne, comme on le sait, apprit à lire à la sainte Vierge.
À Vitré, on conduit les petits enfants des écoles en pèlerinage à la chapelle de sainte Anne, en Sainte-Croix, pour les bien disposer à l’étude.
Cette chapelle est ordinairement fermée et parents et enfants prient sur les marches de la porte.
Ils déposent avant de s’en aller, une offrande dans une espèce de conduit extérieur qui communique à un tronc placé dans la chapelle.
Dans les campagnes de l’arrondissement de Redon, on croit que le prêtre appelé trop tard pour administrer le saint Viatique à un malade qui vient de mourir est, en s’en retournant, accablé par le poids de l’hostie qu’il lui faut reporter à l’église.
Cette hostie, si légère en venant, a atteint un poids excessif par le fait de n’avoir pu être administrée au moribond.
À Bruz, pour ne pas avoir à rapporter l’hostie du fond de la campagne, le clergé recommande à l’avance à quelqu’un de la ferme où se trouve le malade de rester à jeun, pour pouvoir être confessé et communié à la place du défunt.
Lorsqu’on a perdu un objet quelconque il faut, pour le retrouver, invoquer saint Antoine de Padoue, dire un Pater et un Ave, puis ajouter :
Saint Antoine de Padoue,
Débouchez tous les petits trous
Pour que je retrouve ce que j’ai perdu.
(Désigner l’objet.)
Ou bien encore :
Saint Antoine de Padoue, ami de Jésus.
Faites-moi retrouver l’objet que j’ai perdu.
Dans les chapelles où se trouve sa statue on dépose sur l’autel des pieds de cochons. Le propriétaire ou le fermier de la chapelle font leur ronde chaque jour et s’emparent des offrandes.
Depuis peu, sur la demande des habitants de la paroisse de Bruz, on a élevé dans l’église une statue de saint Antoine près de la porte de la sacristie.
Quand on vient à se brûler, il faut immédiatement invoquer saint Laurent, en lui disant : Saint Laurent, je me brûle.
La brûlure doit se guérir sans trop de souffrance.
Une bonne femme, appelée la mère Cohan, qui demeurait au Gué-du-Fond, dans la commune de Chavagne, guérissait les brûlures et d’autres maladies en disant des prières à rebours et en faisant le signe de la croix de la même façon.
Le curé de Bruz défendait à ses paroissiens d’aller consulter cette sorcière et refusait, à confesse, l’absolution aux personnes qui y allaient malgré sa défense.
À propos de prières à rebours, on raconte qu’un samedi un homme qui revenait tard de sa journée vit dans un pâtis, à la Croix-Madame, en Bruz, des sorciers qui dansaient.
Il fit le signe de croix à rebours et, au même instant, tous les danseurs restèrent dans la position où ils se trouvaient sans pouvoir bouger.
Le journalier continua son chemin, et en arrivant chez lui dit à sa femme : « Faudra me réveiller demain matin de bonne heure. »
La femme oublia la recommandation, et quand son homme se réveilla, il faisait grand jour.
Il se rendit aussitôt à la Croix-Madame où, les sorciers étaient toujours dans la même position que la veille. Il reconnut des gars de Chavagne, des filles de Bruz et d’autres jeunesses de toutes les communes environnantes.
Il fit le signe de la croix comme il doit se faire, et tout le monde se sauva.
On fait quelquefois dire une messe pour la guérison d’un épileptique, mais il faut que l’argent qui paie cette messe soit de l’argent mendié. Aussi voit-on des personnes, dans une grande aisance, mendier ou faire mendier dans cette intention.
D’autres personnes vont pieds nus tendre la main, afin de réaliser une certaine somme pour effectuer pédestrement un pèlerinage promis à Sainte-Anne-d’Auray, et même jusqu’à Lourdes.
Certains maires délivrent des certificats attestant la promesse du pèlerinage, afin qu’on n’arrête pas leurs administrés comme mendiants de profession.
Près de la petite ville de Bain, depuis que l’édifice religieux qui se trouvait à l’endroit où est aujourd’hui le village de la Chapelle a été détruit, et que la statue de sainte Émerance a été exposée sur le bord de la route de Châteaubriant, il n’est plus possible au fermier de faire de levain pour la fabrication de son pain. Il est obligé de l’aller chercher ailleurs.
Autrefois, les fontaines dans nos campagnes bretonnes étaient dédiées à des saints et leur eau guérissait toutes sortes de maladies.
Nos pères avaient une très grande vénération pour les sources miraculeuses et croyaient fermement à leur efficacité.
Il n’y a pas très longtemps encore que le clergé, pendant les grandes sécheresses de l’été, se rendait processionnellement à ces fontaines dans le but d’obtenir une pluie bienfaisante pour les biens de la terre.
Le clergé de Mauron allait à la fontaine de Baranton, sur la lisière de la forêt de Paimpont.
Celui de Saint-Brieuc-des-Iffs, dans le canton de Bécherel, se rendait à la fontaine de Saint-Fiacre, dans la commune des Iffs, et trempait le pied de la croix jusqu’au tiers dans l’eau de la fontaine. La pluie ne tardait pas à tomber.
Cette fontaine de Saint-Fiacre est encore en renom. Son eau, ainsi que nous l’avons dit au commencement de notre ouvrage, guérit les coliques des petits enfants, aussi y vient-on de très loin en pèlerinage.
Voici comment on raconte dans le pays l’origine de cette source :
Au temps jadis un cultivateur, propriétaire d’un doué, dans une prairie appelée le Pré du Gué, y avait mis du lin à rouir, mais n’avait pas pris la précaution de mettre des pierres dessus pour le faire tremper dans l’eau, de sorte que le lin nageait à la surface de la mare.
Saint Fiacre qui passait par là, eut pitié du pauvre homme qui laissait ainsi sa récolte perdre sous les chauds rayons du soleil, et ne trouvant pas de grosses pierres à la portée de sa main, il s’assit sur le lin pour le faire rouir.
Le cultivateur vint à son tour se promener dans le Pré du Gué et vit le saint qui, pour lui rendre service, avait depuis plusieurs jours la moitié du corps dans l’eau et tremblait la fièvre. Il le chargea sur son dos, afin de le reporter à son ermitage.
En passant à l’endroit où est aujourd’hui la fontaine miraculeuse, le bonhomme qui portait saint Fiacre ayant soif, s’écria ! « O ciel ! comme je boirais bien un coup ! » Le saint lui fit signe de s’arrêter et de le mettre à terre. Puis, de sa bêche qu’il portait avec lui pour arracher les racines des plantes qui lui servaient de nourriture, il frappa le sol et aussitôt une source jaillit à la grande joie du paysan qui put ainsi se désaltérer.
Plus tard, la source continuant de jaillir, on creusa une fontaine qui prit le nom du saint. Presque tous les champs qui l’entourent s’appellent encore aujourd’hui les champs de St-Fiacre.
Une antique statue de ce saint, tenant une bêche à la main, est dans l’église des Iffs. Autrefois, le jour de la fête de saint Fiacre, comme beaucoup de pèlerins se rendaient à la fontaine, on mettait près d’elle, sur une table, la statue qui portait une escarcelle dans laquelle les aumônes étaient déposées.
Un jour que trois gars allaient faire un viage (lisez voyage ou pèlerinage) à Saint-Eugène, ils passèrent près de l’église des Iffs. L’un d’eux dit : « Si nous entrions dans cette église réciter une prière à saint Fiacre ?
— C’est inutile, répondit en riant l’un des deux autres, nous n’avons pas la colique. »
Le malheureux n’eut pas plutôt prononcé ces paroles imprudentes, qu’il fut pris de douleurs de ventre épouvantables, qui ne cessèrent que lorsqu’il eut promis une neuvaine à saint Fiacre.
La chapelle de Saint-Peer, au milieu des bois, dans la commune de la Bouëxière, a été de tout temps et est encore à l’heure actuelle un but de pèlerinages, les uns pour obtenir un temps favorable aux biens de la terre, les autres pour obtenir la guérison de la fièvre intermittente, des douleurs rhumatismales et de la goutte. Aussi voit-on de nombreux sentiers au plus épais des bois, aboutissant tous à l’oratoire.
Pendant les excessives chaleurs de l’été de 1893, les habitants des paroisses environnantes, au nombre de sept à huit cents, venaient à pied, conduits par leurs prêtres, croix et bannières en tête, invoquer saint Peer pour avoir de la pluie.
Peer était le fils d’un seigneur de Vitré qui, pendant la seconde moitié du xve siècle, dit adieu aux plaisirs du monde et se retira dans l’abbaye de Rallion, paroisse de la Bouëxière, où il se fit remarquer par sa piété et son austérité.
Un jour qu’il était en oraison, il eut une vision qui le décida à quitter l’abbaye afin de vivre seul et de passer le reste de ses jours uniquement en prières.
Il se rendit à quatre lieues de là, au pied d’un monticule alors désert, et aujourd’hui occupé par le village de la Butte-aux-Sangliers, non loin de l’étang des Forges dans la partie de la forêt de Chevré qui porte maintenant le nom de Bois-de-Saint-Peer, et qui est situé sur le territoire de la Bouëxière.
Peer construisit un petit ermitage avec un oratoire et entoura le tout de fossés qui existent encore çà et là ; il ne vécut que de légumes qu’il cultivait lui-même, et passa ses jours et ses nuits en prières.
À sa mort, l’ermite fut enterré dans son oratoire, et l’on assure que son tombeau y est encore présentement. Quant à sa demeure, elle a disparu.
D’après la tradition, la statue de ce saint a été volée plusieurs fois ; mais elle est toujours revenue d’elle-même reprendre sa place habituelle. En voici un exemple : Au siècle dernier, des voleurs s’introduisirent dans la chapelle de Saint-Peer et la dévalisèrent complètement. Ils avaient emporté jusqu’à la statue du saint qui, bien qu’étant en bois, pesait tellement qu’on aurait juré qu’elle était de plomb.
Encombrés par cette statue et surtout gênés par sa pesanteur, les voleurs résolurent de s’en défaire : se trouvant près de l’étang des Forges, ils la précipitèrent dans l’eau ; mais dès le lendemain matin, la statue de saint Peer avait repris sa place dans la chapelle.
Une autre fois, un cultivateur étant à labourer son champ, voisin de la chapelle, s’aperçut que sa charrue était mal équilibrée, et ne trouvant rien à sa convenance pour y remédier, il n’hésita pas à entrer dans la chapelle et à s’emparer de saint Peer dont il fit une cale.
La charrue ne marchant pas encore à son gré, le laboureur se mit en colère et, d’un coup de pied, brisa la statue qu’il jeta ensuite dans un fossé.
Le saint fut retrouvé le lendemain dans la chapelle ne portant aucune trace des mutilations dont il avait été l’objet de la part du paysan. Celui-ci mourut subitement quelques mois plus tard et le champ, dans lequel la statue avait été brisée, cessa de produire des récoltes et ressemble aujourd’hui à une lande aride.
À Rennes, dans les grandes sécheresses, les reliques de saint Amand, qui se trouvent dans la cathédrale, sont promenées processionnellement par les rues de la ville pour avoir de la pluie. Elles sont portées par les séminaristes et la procession est dirigée par les chanoines du chapitre.
À la Touche-Saint-Amand, village de la paroisse de Montreuil-le-Gast, se trouve une fontaine dite de Saint-Amand. On s’y rend processionnellement pendant la sécheresse, pour obtenir de la pluie.
D’après une tradition locale, il existait jadis à Clayes (arrondissement de Montfort), dans ce que l’on nomme aujourd’hui le Vieux Cimetière, un oratoire dédié à Messire Yves de Kaumartin, et tout à côté une fontaine portant le même nom. On ajoute même que jusqu’à la fin du siècle dernier on y allait en procession chaque fois que les récoltes étaient compromises par la sécheresse, et l’on était assuré que la pluie tomberait dès le lendemain.
Aujourd’hui, tout cela n’est plus qu’un souvenir : le sanctuaire a disparu, et si la fontaine existe encore, elle ne semble pas inspirer la même confiance. Le clergé ne s’y rend plus et les pèlerins eux-mêmes semblent la délaisser.
Non loin de l’église paroissiale de Saint-Séglin se trouve la fontaine de Sainte-Julitte, ornée naguère de la statue de cette bienheureuse. Une croix remplace aujourd’hui cette statue disparue.
Depuis un temps immémorial l’on vient à cette croix et à cette fontaine demander un temps favorable aux biens de la terre, et on trempe dans l’eau, à plusieurs reprises, le pied de la croix de l’église qui précède la procession.
On va en pèlerinage à Notre-Dame-du-Roc, à Montautour, pour obtenir un temps favorable aux récoltes.
Dans la commune de Pléchâtel on découvre sur la lande de Bagaron, au bord d’un ruisseau, les ruines de la chapelle de Saint-Melaine, curieuse par sa fontaine qui coule dans la muraille du chevet, au-dessous même de l’ancien autel.
Les paysans de la contrée vont en pèlerinage à Saint-Melaine pour avoir de la pluie. Ils y portent comme offrande des pieds de cochon, et l’un des pèlerins asperge, avec l’eau de la fontaine, un morceau de bois, dernier débris du saint, en disant :
« Saint Melaine, mon bon saint Melaine,
Arrose-nous comme je t’arrose. »
Les habitants de la commune de Saint-Malo-de-Phily, atteints de la fièvre, vont, pour se guérir, porter de petits balais dans une vieille chapelle en ruine appelée la Renardière.
Aujourd’hui encore, on montre dans le bourg de Comblessac la maison élevée à la place de celle où naquit saint Convoyon et une fontaine portant le nom de ce bienheureux.
Les habitants attribuent un pouvoir miraculeux à l’eau de cette fontaine, notamment en temps d’épidémie.
Vers le milieu de ce siècle on a élevé, près de cette source, une statue en l’honneur de saint Convoyon.
Non loin de l’église de Paimpont est une fontaine appelée fontaine de Notre-Dame-des-Chesnes. On y va se laver le corps, parce que les eaux de cette source ont la puissance, paraît-il, de guérir de nombreuses maladies.
Dans le cimetière de Laignelet se voit encore la tombe de la Sœur de la Nativité, Jeanne Royer, décédée le 15 août 1798, âgée de 67 ans. On va beaucoup prier sur cette tombe pour obtenir la guérison de toutes sortes de maladies et notamment de la fièvre intermittente.
L’église de Bléruais renferme la statue de saint Amateur, qui est l’objet, chaque année, le 15 août, de nombreux pèlerinages pour la guérison des douleurs rhumatismales.
Au village de la Cabochais, dans la commune de Chevaigné, est une fontaine sous l’invocation de saint Morand (saint Maron, disent les paysans). Ses eaux guérissent de la fièvre ; mais on doit s’y rendre à jeun et sans parler.
Il n’y a pas plus de trente ans, on y jetait encore de la menue monnaie, des liards et des centimes.
Aujourd’hui, — car c’est toujours un lieu de pèlerinage pour les fiévreux, — on y a mis un tronc pour recevoir les offrandes.
Dans la commune de Plélan, se trouve la fontaine de Saint-Fiacre, où, tous les ans, les gens du pays se rendent en procession dans le but d’être préservés de la dysenterie.
L’eau d’une fontaine, à Gaël, guérit de la rage. Dans la même commune on va en pèlerinage à la chapelle du Louya, pour la guérison de la fièvre.
La fontaine Saint-Genou, près de l’église de Monterfil, est visitée par des milliers de pèlerins, notamment le 20 juin, jour de la fête patronale.
Les eaux de cette fontaine ont le pouvoir de faire disparaître les courbatures, la goutte et les douleurs rhumatismales.
Une fontaine de la commune de Saint-Uniac, avec bassin et canal en granit, est appelée dans le pays, la fontaine aux Galeux. Son eau, paraît-il, a le privilège de guérir de la gale.
Près de l’abbaye de Saint-Méen, est une fontaine miraculeuse que le bourdon de saint Méen fit jaillir du sol pendant la construction de cet édifice. Son eau guérit certaines maladies cutanées.
On rencontre au village de la Villée, commune de Quédillac, une petite fontaine coulant extérieurement de la vieille muraille de la chapelle de Notre-Dame-de la-Villée. L’eau de cette source a la réputation de guérir du mal Saint-Méen. (L’épilepsie.)
Non loin de l’église paroissiale de Talensac est la fontaine de Saint-Lunaire, fréquentée par les malades menacés de cécité, qui viennent s’y laver les yeux.
On aperçoit sur le versant d’un côteau, à l’endroit appelé le Tertre, dans la commune de Saint-Symphorien, une fontaine désignée autrefois sous le nom de fontaine de l’Écuellée parce que sa forme rustique rappelait celle d’une écuelle.
Ce n’était alors qu’un simple trou, abrité par des arbres et surmonté d’une petite statue de la Vierge.
Un jour, une dame atteinte d’ophtalmie, passa près de cette fontaine, s’agenouilla devant la Vierge, se lava les yeux dans l’eau de la source et fit vœu, si elle guérissait, d’y faire élever une chapelle.
Bientôt la dame en question cessa de souffrir, ses yeux redevinrent aussi clairs que l’eau de la fontaine, et elle songea à son vœu.
Le tertre débarrassé des ronces et des épines fut transformé en jardin, la fontaine fut agrandie, une baignoire y a été placée, mais la chapelle, pour des causes diverses, n’a pas encore été construite.
On voit à la sortie du bourg de Loutehel, une fontaine vénérée dans le pays et ornée d’une statue de saint Armel. Les habitants de la commune assurent qu’il s’agit de leur fontaine dans le paragraphe suivant de la Vie de saint Armel.
« Saint Armel passant par un village où il ne se trouvait point d’eau, enfonça son bâton en terre et, après avoir fait oraison le retira, et incontinent il parut en ce lieu une source de bonne eau, laquelle n’a depuis cessé de couler et s’appelle la fontaine de Saint-Armel. »
À Saint-Armel même, canton de Châteaugiron, du 16 août, jour de la fête paroissiale, jusqu’au 8 septembre, de nombreux pèlerins vont à la fontaine de saint Armel, située près du bourg, pour y boire de l’eau et même en faire couler le long de leur manche, afin de se guérir des maladies dont ils sont atteints.
Non loin de l’église paroissiale de Bovel, à l’entrée du taillis nommé le bois d’Anast, se trouve la fontaine de Notre-Dame-de-Bovel. D’après la tradition locale, cette source jaillit tout à coup près de l’endroit où fut trouvée une vieille statue de la sainte Vierge. Les bœufs attelés au chariot destiné à transporter la statue à l’église, s’arrêtèrent, refusant d’aller plus loin, pour bien faire comprendre que c’était là, et non ailleurs que devait être vénérée la Vierge.
Le jour de la Nativité de Marie, le concours des pèlerins est considérable. On peut les voir se rendre respectueusement à cette fontaine, y puiser et y boire de l’eau, puis y jeter une pièce de monnaie.
Le lendemain, on vide la fontaine pour recueillir les offrandes.
Il existe dans la commune d’Iffendic une dalle en pierre qui semble être un monument mégalithique. Elle a une excavation qui, dit-on, est l’empreinte de l’un des pieds de saint Martin. Pour cette raison, elle est appelée le Pas de Saint-Martin.
On s’y rend pour la guérison de la fièvre et on dépose dans l’excavation des sous et des petites croix de bois.
Sous l’église de Châtillon-sur-Seiche, près Rennes, est une crypte très ancienne dans laquelle on voit la chaîne de saint Léonard scellée au mur.
Trois assemblées ont lieu, chaque été, autour de l’église de Châtillon. On y va de très loin, et quelquefois pieds nus, pour la guérison des douleurs de reins et des rhumatismes. Les pèlerins frottent la partie malade de leur corps à la chaîne de saint Léonard.
On rencontre sur une lande, dans la commune d’Andouillé-Neuville, un tombeau élevé à la mémoire de saint Lénard qui est l’objet de la légende suivante :
Lunaire, ou plus communément Lénard, était, dit-on, un vagabond, un bandit de la pire espèce, ne vivant que de vols, de pillages, tuant par plaisir et étant la terreur de la contrée.
Les rouliers n’osaient s’aventurer sur la grande lande située entre Sens et Andouillé, que lorsqu’ils étaient assez nombreux pour tenir tête au brigand, qui ne quittait pas ces parages.
Un jour, Lénard n’ayant aucun passant à détrousser, avisa un arbre et cueillit un de ses fruits. C’était une poire sauvage, appelée dans le pays poire d’étranglard, tellement âcre que Lénard, après l’avoir goûtée, la jeta vivement loin de lui.
Le hasard voulut qu’elle tombât sur un petit arbuste où, quelques mois plus tard, le voleur, en passant par le même endroit, la retrouva. Par curiosité, il la prit et, charmé de la belle couleur qu’elle avait revêtue, la porta à ses lèvres.
Ô surprise ! la poire amère qu’il avait dédaignée, était devenue d’une saveur exquise.
Frappé de ce fait qui, pour lui, tenait du prodige, Lénard devint pensif. Sa vie lui apparut alors dans toute sa réalité. Il eut honte de sa conduite et, pris d’un repentir soudain, il s’écria : « Tout s’amende ici-bas ; il n’y a que moi qui suis de plus en plus criminel. Eh bien ! je changerai, je deviendrai meilleur et Lénard le bandit sera désormais Lénard l’honnête homme. » Il en était là de ses réflexions, lorsqu’il entendit les cris d’un roulier, essayant de retirer son attelage d’une des nombreuses ornières qui remplissaient le chemin.
Lénard, voulant mettre ses projets à exécution, vole au secours du charretier qui, trompé par la mauvaise réputation du bandit et croyant avoir à défendre sa vie, court sur le brigand et l’assomme d’un coup de garrot.
Avant d’expirer, Lénard fit part au roulier de l’intention qu’il avait eue de réformer sa vie ; dès lors la pitié populaire en fit un saint.
Il y a trente ans environ qu’on lui a élevé le tombeau qu’on aperçoit aujourd’hui sur la lande où eurent lieu ses crimes et sa conversion.
Lors de l’érection du tombeau, le curé d’Andouillé cria au sacrilège et le fit démolir ; mais il a été réédifié par les soins des habitants, qui y voient une source de profit pour le pays.
Le vendredi saint, ce monument situé à cinquante mètres de la route de Rennes à Pontorson, est le but d’un pèlerinage. On invoque saint Lénard pour la guérison des douleurs rhumatismales.
La commune de Saint-Didier porte le nom d’un évêque de Rennes au viie siècle. L’emplacement de son oratoire se voit encore au milieu des bois, et l’on s’y rend chaque année (chapelle de Notre-Dame-de-la-Pénière) pour obtenir la guérison de la fièvre.
À la place qu’occupait jadis la redoutable forteresse des barons de Châteaubriant, dans la forêt de Teillay, où séjourna Gilles de Bretagne, et qui servit de refuge à l’infortunée duchesse Constance de Bretagne poursuivie par les Anglais, s’élève aujourd’hui une petite chapelle dédiée à saint Eustache.
Aux fêtes de Saint-Jean et de la Pentecôte de nombreux pèlerins s’y rendent pour la guérison de toutes sortes de maladies, de là le dicton :
« Saint Eustache,
Qui de tous maux détache. »
Lorsqu’on suit l’ancienne route de Tremblay à Bazouges la-Pérouse, on arrive sur une lande aride et inculte de laquelle on aperçoit, à droite, l’embouchure du Couesnon et le Mont-Saint-Michel en entier, puis à gauche, dans le lointain, Sens et son joli clocher.
À une lieue de là, est une côte rapide qui dévale jusqu’au vieux château du Pontavice sur le bord du Couesnon. En descendant cette côte, on rencontre une petite chapelle dédiée à saint Aubin, et qui est dans le pays l’objet de la légende suivante :
Au temps jadis, une fille de Mézaubin ayant trouvé la statue du saint dans une grande épine blanche, l’emporta chez elle. Le lendemain matin, grande fut sa surprise de ne plus la retrouver à la place où elle l’avait mise la veille.
Repassant plus tard dans le champ de Saint-Aubin, elle fut encore plus étonnée d’apercevoir la statue dans les branches de l’arbre.
La pieuse fille vit là un avertissement du ciel et dépensa tout ce qu’elle possédait pour construire la petite chapelle que l’on voit encore aujourd’hui.
On raconte aussi qu’un garçon de ferme du village du Pontavice, étant un jour à herser du guéret dans le champ de la statue, s’empara de celle-ci et la plaça sur sa herse qu’il trouvait trop légère pour écraser les mottes de terre.
La chaleur était excessive, et le vent chassait la poussière du champ. Le paysan facétieux dit au saint : « Ferme les yeux, Aubin, la poussière t’aveugle. »
Il n’eut pas plutôt prononcé ces paroles irrévérencieuses qu’il sentit une vive douleur aux yeux. Bientôt il cessa de voir et mourut quelque temps après dans d’atroces souffrances.
On va de nos jours en pèlerinage à Saint-Aubin pour la guérison des fièvres intermittentes causées dans ce pays par les nombreux marais qui s’y trouvent.
Sur la lisière de la forêt de Paimpont est une petite commune du Morbihan appelée Tréhorenteuc. J’ai vu dans l’église de ce village une énorme statue de bois, grossièrement faite, qui représente sainte Onenna, fille du roi breton Hoël III, couchée sur le dos, atteinte d’hydropisie.
Les personnes affectées de cette maladie, — qu’on appelle l’enfle dans le pays, — viennent de très loin en pèlerinage à Sainte-Onenna.
- ↑ Bâton qui sert aux servantes à faire les lits.
- ↑ Large selle.
- ↑ Personne n’a pu me donner l’explication de ce mot.
- ↑ Avez-vous ?
- ↑ Motte.
- ↑ Couverture de lit.
- ↑ Épingles.
- ↑ Lierre. On imite avec la feuille du lierre pliée et placée entre les lèvres, le cri de certains oiseaux.
- ↑ Qui volent au vent.