De la sangle pelvienne contre l’entéroptose

Dr Frantz GLÉNARD
Membre Correspondant de l’académie de médecine
de l’American gastroenterological Association
, etc.


DE LA
Sangle pelvienne
CONTRE L’ENTÉROPTOSE



Extrait de la Revue des Maladies de la Nutrition




PARIS
FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
108, Boulevard Saint-Germain, 108

1905



De la sangle pelvienne contre l’Entéroptose

(Ceinture dite de GLÉNARD)

À l’occasion d’un travail du Dr AUFRECHT, de Magdeburg

Dans une importante Communication à la Société de Médecine de Magdeburg, en août 1904, sous le titre : « Néphroptose et Entéroptose », M. Aufrecht, médecin en chef de l’hôpital de cette ville, expose ainsi le but de son travail : « Je sais pour ma part qu’un nombre important de médecins praticiens ne se sont pas encore livrés à l’étude de cette maladie ; aussi je veux essayer de présenter un exposé sommaire de sa nature et de son traitement, dans l’espoir de provoquer ainsi une observation attentive des cas la concernant et de mettre les médecins en possession du traitement efficace d’une maladie relativement fréquente[1]. »

Après avoir décrit les symptômes et signes, le diagnostic, l’étiologie, Aufrecht aborde le chapitre de la pathogénie, dans lequel il subordonne l’entéroptose à la néphroptose ; puis il cite l’auto-observation saisissante d’une femme de 34 ans, malade depuis 12 ans et demi, se laissant mourir de faim pour ne pas souffrir, émaciée, désespérée, songeant au suicide, ayant en vain consulté un dixième médecin ; cette malade, dès le diagnostic et le traitement de l’entéroptose formulés par Aufrecht, vit s’opérer une telle transformation dans sa santé que, dit Aufrecht, « la conclusion de sa lettre exprime une reconnaissance enthousiaste pour mon traitement ». Cette lettre était écrite quatre mois après le début du traitement, Aufrecht avait vu cette malade, dont il fut le onzième médecin et le dernier, seulement quatre fois à son cabinet de consultation.

Le dernier paragraphe du travail d’Aufrecht est relatif au traitement, qui est conforme à celui que j’ai proposé : sangle, laxatifs salins, régime alimentaire et médication symptomatique accessoire.

Enfin, la conclusion générale de cette communication, conclusion inattendue, qui est de nature à surprendre bien des lecteurs, est la suivante, écrite en lettres italiques : « La valeur du traitement de ces états morbides (néphroptose et entéroptose), à l’aide de la ceinture hypogastrique de Glénard, doit être considérée comme un fait hors de doute. »

Or cette proposition, formulée la première fois il y a vingt ans, et que je prends aujourd’hui pour point de départ de mon travail, est précisément la seule par laquelle devait conclure un médecin, attentif aux causes du scepticisme ou de l’ignorance de certains médecins à l’égard de la notion de l’entéroptose, et soucieux du moyen d’expliquer et de combattre ces causes.

Un des arguments les plus frappants, qu’on puisse invoquer en faveur de la pathogénie ptosique, n’est-il pas ce fait de l’efficacité remarquablement soudaine et persistante d’une sangle opportunément et convenablement appliquée, chez des dyspeptiques ou des névropathes, même très amaigris, et jusque-là rebelles à toute thérapeutique ?

Comment donc expliquer qu’une preuve aussi saisissante, d’une portée pratique aussi salutaire, partout vérifiée depuis vingt ans, puisse laisser indifférents certains médecins ?

C’est que, répond Aufrecht au cours de son exposé et en soulignant également le passage : « On semble encore se rendre peu clairement compte que la ceinture hypogastrique de Glénard n’est nullement une ceinture abdominale au sens banal de ce terme ; que toutes les ceintures dites abdominales sont totalement dépourvues d’efficacité, surtout dans leur application au traitement de la néphroptose et de l’entéroptose. C’est à peine si l’on s’est jusqu’ici occupé de cette condition et pourtant c’est là le punctum saliens de tout le traitement[2]. »

Combien cette observation est vraie ! Que de fois j’en ai vérifié la justesse, avec le dépit d’être le seul à n’oser le dire !

Mais ce n’est pas tout. Voici ce qu’écrit encore Aufrecht, après avoir minutieusement décrit la ceinture dont j’ai proposé le modèle et à laquelle on a donné mon nom : « Celui qui veut obtenir un succès avec cette ceinture ne doit pas ménager sa peine pour surveiller le bandagiste avec autant de soin que le malade ; le bandagiste se permet d’apporter à l’occasion les modifications les plus fantaisistes, emploie parfois un tissu beaucoup trop extensible, le confectionne de telle sorte qu’il se roule sur lui-même, ou bien lui donne une telle longueur que ses extrémités ne sont plus assez distantes l’une de l’autre en arrière, pour qu’il soit possible de serrer la ceinture comme il convient. »

Quant à cela, je l’ai dit aussi dans un travail où, en 1887, je complétais la description de la sangle publiée pour la première fois[3] en 1885 : « C’est le médecin lui-même qui doit vérifier si la ceinture est bien conforme au modèle qu’il a ordonné, c’est lui qui doit la placer la première fois et plus tard s’assurer qu’elle remplit toujours convenablement l’indication[4]. »

Ainsi donc le médecin, bien qu’il soit fréquemment consulté par des malades atteints d’entéroptose, méconnaît cette maladie parce qu’il ne l’a pas étudiée ou parce qu’il n’y pense pas, ou parce qu’il ne l’admet pas comme maladie spéciale. Il ne l’admet pas parce qu’il n’a pas été convaincu par une des preuves les plus évidentes, celle tirée de l’efficacité d’une ceinture. Cette preuve n’a pas été évidente pour lui, parce qu’il n’a pas vérifié si le type de ceinture qui lui a été livré était bien conforme au modèle qui seul est efficace, ou enfin si, tout en étant conforme au modèle, cette ceinture présentait bien dans sa confection les qualités de tissu et de dimensions nécessaires pour que l’indication fût bien remplie.

C’est par l’oubli de cette vérification absolument nécessaire, ou alors, en fin de compte, par quelque faute dans le mode d’application, que je m’explique l’assertion suivante, en contradiction absolue avec celle d’Aufrecht ; cette assertion a été avancée, ici en France, où la ceinture dite Glénard est bien connue, par M. Lucas Championnière, dans un cours sur la néphroptose : « Les ceintures avec pelotes de Glénard sont à rejeter. Elles sont mal supportées des malades. Ce qui vaut mieux, c’est une bande de crêpon Velpeau[5] », alors que, de leur côté, pour ne citer que deux exemples, M. Bouveret[6] écrit : « le souverain remède de l’Entéroptose, je veux dire des malaises et des troubles fonctionnels dont elle est la cause, c’est incontestablement la sangle hypogastrique… à toutes les ceintures je préfère la sangle hypogastrique de M. Glénard. Elle est plus simple, moins coûteuse, comprime et soulève très bien l’hypogastre, et, avec quelques modifications, s’appliquè à tous les ventres, pendants ou excavés. Cette sangle est aujourd’hui si répandue qu’il est à peine besoin de la décrire. » Et M. Lyon[7] : « Rien ne peut remplacer la sangle de Glénard, qui procure aux malades un soulagement tel que la plupart ne peuvent la quitter même un instant. Cette ceinture, ainsi que nous l’avons dit, relève les organes prolabés, augmente la tension de la cavité abdominale et répond par conséquent d’une façon parfaite aux indications essentielles qu’elle doit remplir ».

Enfin une cause d’échec peut s’ajouter à toutes les autres, c’est le cas où, le diagnostic d’entéroptose ayant été posé et une ceinture dite Glénard, de bonne qualité, ayant été bien appliquée, le malade n’est pas soulagé ou même supporte mal sa ceinture. Dans ce cas, il y a eu erreur de diagnostic, il ne s’agit pas d’une entéroptose, ou bien l’entéroptose, est compliquée. J’ai estimé, d’après mon expérience personnelle, à 8 p. 100, la proportion des cas où cette erreur peut-être commise, même par le filédecin le plus averti, et moi-même je n’échappe pas à cette règle[8]. En tous cas, cette erreur est la seule explication plausible que je puisse trouver à l’opinion avancée par deux médecins, M. Saquet[9], masseur, et M. Deschamps[10], électricien, que la sangle est nuisible dans l’entéroptose et qu’il suffit, d’après le premier, de trois mois de massage ou, suivant le second, de trois mois d’électricité pour guérir cette maladie !

De tout cela il résulte que je file trouve dans l’obligation, pour éviter ces contradictions et ces contestations, de reprendre, à l’exemple d’Aufrecht, la question de la sangle et d’exposer ; sa raison d’être, ses indications, ses caractères constitutifs, son mode d’application. Je ne regrette pas cette obligation, car j’y trouve l’occasion de décrire les perfectionnements que j’ai pu tout récemment, grâce à des circonstances exceptionnelles, faire apporter à sa fabrication.

La ceinture que j’ai désignée sous le nom de « sangle pelvienne », n’est plus connue aujourd’hui que sous mon nom, mon nom se trouve ainsi appelé, non-seulement à consacrer une innovation scientifique, mais, que je le veuille ou non, à garantir un objet appliqué à la thérapeutique. J’ai le droit d’exiger que cette garantie soit réelle et le devoir de veiller qu’un progrès thérapeutique ne soit pas compromis, par ma faute du moins.

La sangle, dont la forme et le mode d’application ont été déduits de la doctrine de l’Entéroptose, devient à son tour la sanction de cette doctrine. Laisser compromettre l’une, c’est risquer de compromettre l’autre. Il faudrait être bien peu convaincu de la vérité scientifique de la doctrine et de la portée pratique, si remarquablement salutaire, de ses conséquences, pour ne pas intervenir quand toutes deux sont menacées.

I
Théorie de la sangle pelvienne

La « sangle pelvienne » se distingue de toutes les ceintures abdominales, qui l’ont précédée, par son but, qui est de combattre une maladie nouvellement classée, la maladie des ptoses ou Enteroptose, — par sa forme, une simple bande de tissu élastique, plate, à bords parallèles, rectilignes, d’où le nom de « sangle », — par la zone de son application, autour du bassin et non autour de la taille, d’où le qualificatif de « pelvienne », — par l’indépendance de serrage de ses bords supérieur et inférieur et de sa partie axiale, — enfin par sa propriété de s’adapter aussi bien aux ventres émaciés et creux qu’aux ventres obèses et pendants.

C’est la réunion de ces caractères qui constituait l’originalité et la spécificité de la sangle ; c’est cette propriété de s’adapter aux ventres les plus maigres qui donnait à cette sangle une portée pratique, aussi capitale qu’était originale et bienfaisante l’indication, toute nouvelle, de sangler les ventres maigres.

« C’est chez les malades maigres et à ventre creusé que la sangle trouve ses plus urgentes indications et sa plus grande efficacité. »[11].

Féréol[12], Trastour[13], Roux de Lausanne[14] furent les premiers qui confirmèrent cette proposition, puis Ewald[15], qui la jugeait comme une des plus importantes et des plus originales de ma doctrine.

À part les cas très rares (2 p. 100 malades) où l’on appliquait une ceinture abdominale pour maintenir en place le bandage en forme de fourche appelé à fixer un rein mobile, où, plus fréquemment, la pelote destinée à contenir une hernie ombilicale, où, plus fréquemment encore, le ressort suspubien, agissant, on ne savait pourquoi, contre les malaises liés à l’abaissement de l’utérus, à part ces cas, c’était contre le « ventre en besace » que la ceinture abdominale était communément prescrite.

« Si, écrivait Treub[16] en 1895, d’autres ont eu la même impression que j’ai éprouvée, alors plus d’un confrère aura cru comme moi, en voyant de plus en plus employé durant ces dernières années le terme Entéroptose, qu’il s’agissait là seulement d’une désignation nouvelle pour une chose connue depuis longtemps ; l’Entéroptose — la descente des intestins — devait être synonyme de ventre en besace ; or, que ce ventre en besace occasionnât de temps en temps, quoique non souvent, des sensations désagréables, voire même douloureuses, il n’y avait rien là qui ne soit connu : une ceinture ventrière suffit à remédier à ces maux, cela va de soi et c’est tout… »

« Mais, ajoute Treub, et ces paroles font trop d’honneur à l’éminent professeur pour que je ne sois pas doublement heureux de les citer, lorsque j’eus appris dans un livre de Monteuuis quelle signification il faut attacher à l’Entéroptose, ce que c’est au juste que la maladie de Glénard, ce fut pour moi une révélation. Cette révélation a rendu de tels services à plusieurs de mes clientes, que la gratitude m’impose le devoir de faire mieux connaître en Hollande la maladie de Glénard qu’elle ne l’est jusqu’ici. Le travail qu’il me faudra faire pour atteindre ce but pourra en même temps me tenir lieu de pénitence pour le jugement inique que j’ai porté autrefois. »

Ce même reproche que Treub se faisait à lui-même il y a dix ans, Aufrecht le fait aujourd’hui encore à ses confrères et je crois avec lui qu’il en faut accuser leur méconnaissance des indications de la sangle pelvienne, en particulier dans les cas de ventre maigre, et par conséquent de la nécessité du type de ceinture que j’ai conseillé.

Pourquoi vouloir, en effet, imposer une ceinture à un ventre maigre ? N’est-ce pas par son poids exagéré que le gros ventre provoque des malaises ? N’est-ce pas en soutenant ce poids et en renforçant ou suppléant les muscles de la paroi abdominale que la ceinture rend service ?

Certainement ; mais, ce que nous a appris la clinique de l’Entéroptose, c’est qu’il y a des ventres très maigres, ayant par conséquent diminué de poids, chez des sujets beaucoup plus souffrants du poids de ce ventre maigre que s’ils avaient un énorme ventre pendant ; chez ces malades à ventre maigre, l’application d’une ceinture appropriée rend des services bien plus remarquables encore que dans les gros ventres ; services remarquables au point que les malades les traduisent, et ce n’est pas rare, par l’expression de « miraculeux », je souligne le mot.

Il ne s’agit pas là de faits exceptionnels. L’Entéroptose est une maladie qu’on rencontre chez 18 pour 100 de la totalité des chronicitans, chez 30 pour 100 des femmes atteintes de dyspepsie ou de névropathie (Glénard[17], Godard Danhieux[18], Einhorn[19], Stiller[20] ; les hommes ne sont pas non plus épargnés : sur 100 ptosiques, il y a 30 hommes et 70 femmes. Or le ventre est très maigre, creusé, chez le cinquième des malades atteints d’Entéroptose.

Ce n’est pas, je me hâte de le dire, que tous les ventres maigres doivent être armés d’une ceinture, loin de là ; la ceinture ne rend aucun service aux ventres émaciés par la tuberculose, le cancer ou toute autre cachexie analogue, à la dernière période des maladies chroniques. Ce n’est pas non plus que les ventres de l’Entéroptose soient toujours maigres, certaines variétés de l’Entéroptose ont au contraire le ventre toujours gros ; dans toutes les variétés de l’Entéroptose, lorsqu’elles sont à leur première période, le ventre est gros ou tout au moins de volume normal.

Mais c’est précisément la détermination nosologique de cette maladie, qui, transformant la théorie de la ceinture, en a fait transformer le type. Ce n’est plus le volume du ventre qui est pris en considération : qu’il soit gros ou maigre, flasque ou tendu, si le sujet n’a pas la maladie des ptoses, toute ceinture est inutile ; si la maladie des ptoses existe chez lui, aucun traitement ne sera efficace, tant que le ventre, qu’il soit obèse ou creusé, ne sera pas solidement maintenu par une ceinture appropriée.

C’est ce fait capital d’une même indication dans des états apparemment si opposés, si contradictoires, qu’il importe de mettre en évidence. Or, la connaissance de ce fait, nous la devons à l’application d’une ceinture aux ventres maigres.


Comment donc a-t-on pu être amené à conseiller aux malades dont le ventre n’est pas assez gros le même moyen que l’on prescrit à ceux dont le ventre est trop gros ? la succession des propositions suivantes montre tout au moins que c’est par la voie la plus logique :

Il existe une variété de névropathie, dans laquelle, à travers les mille symptômes accusés par les malades, on peut dégager les suivants : faiblesse, délabrement, tiraillement, serrement, oppression, poids, creux, vide, fausse faim, sensations que le malade rapporte à la région située « entre l’estomac et le ventre » c’est-à-dire au mésogastre.

Les symptômes « mésogastriques » ne sont pas nerveux mais dyspeptiques, car ils surviennent ou s’aggravent deux heures après les repas, et leur intensité est en relation, tout comme les symptômes flatulence, douleurs, aigreurs, dont se plaignent aussi les malades, avec la qualité des aliments ingérés ; ils résistent cependant à toute médication antidyspeptique.

Chez ces malades, le ventre est détendu, flasque, et on constate, parfois, par la présence de cordes qu’on fait facilement rouler sous le doigt, une réduction considérable de calibre du gros intestin. Cette réduction de calibre peut être à peine prononcée, elle peut se borner à un seul segment du colon, mais elle existe toujours ; il y a une relation entre son degré et la nature, l’intensité des troubles nerveux du dyspeptique.

Chez ces mêmes malades on trouve avec une fréquence insolite d’autres signes, c’est le rein mobile, c’est le foie mobile, mais un rein, un foie mobiles spéciaux, le rein, le foie mobiles de l’hypocondre. Chez eux aussi, on trouve aussi le rein, le foie mobiles du flanc, mais ils sont dix fois plus rares.

Le rein mobile de l’hypocondre peut, chez un même sujet, devenir un rein mobile du flanc. On constate l’existence de stades intermédiaires. Ces variétés ne sont que les degrés d’un même processus ; c’est un processus d’abaissement, de ptose. Le rein est mobile parce qu’il est ptosé ; c’est la ptose du rein, et non sa mobilité ou son ectopie, qu’il faut combattre.

L’application, dans les dyspepsies nerveuses ou les névropathies où l’on trouve un rein mobile à l’hypocondre ou au flanc de la ceinture usitée pour fixer le rein, soulage les malades en supprimant brusquement la faiblesse, l’oppression, et en atténuant de suite les autres symptômes mésogastriques.

Cette même efficacité est observée chez les dyspeptiques ou névropathes à symptômes mésogastriques, alors même qu’ils n’ont pas de rein mobile, et aussi bien chez les hommes que chez les femmes ; les malaises combattus par la ceinture ne sont donc causés, ni par la ptose du rein, ni par celle de l’utérus. Il n’y a pas de relations entre le degré de ptose du rein ou de l’utérus et l’intensité des troubles nerveux ou dyspeptiques.

Si, pour vérifier l’indication de prescrire une ceinture, on se place derrière le malade et qu’on soulève son bas ventre, en le comprimant en même temps avec les mains placées sur les flancs (épreuve de la sangle), le malade exprime une sensation de soulagement de sa faiblesse, de son oppression et de son mal d’estomac. Si alors on cesse brusquement cette compression (contre-épreuve de la sangle), le malade perçoit à nouveau des malaises à la région mésogastrique et en signale un nouveau, la sensation de « chute du ventre ».

La ceinture soulage d’autant plus le malade qu’elle comprime et relève plus exactement le ventre par sa région la plus déclive. Ce n’est donc pas seulement en combattant la diminution de tension abdominale, c’est encore moins par une prétendue action suggestive, chère à certains auteurs, qu’agit la compression, c’est en refoulant de bas en haut les viscères abdominaux par une manœuvre qui rétrécit la capacité du ventre à sa partie inférieure. C’est donc que ces viscères étaient abaissés au même titre que le rein mobile si fréquemment rencontré, c’est parce que ces viscères étaient ptosés que les malades souffraient. Leur maladie c’est la maladie des ptoses.

Les mêmes souffrances se retrouvent encore plus accentuées chez les sujets dont le ventre est très maigre ; on observe, chez eux, le même soulagement par la même épreuve qui consiste à comprimer et relever le bas ventre.

De là, l’indication d’appliquer une ceinture aux ventres maigres, aux ventres les plus maigres, lorsque, chez un malade classé comme dyspeptique ou comme névropathe, on trouve des symptômes mésogastriques, et que ces symptômes sont atténués ou supprimés par l’épreuve de la sangle.

Et précisément, chez ces malades jusqu’ici incurables, en dépit du traitement le mieux approprié (laxatifs salins quotidiens régime carné, alcalins), ce même traitement devient efficace dès qu’on les munit d’une sangle.

Tel est le résultat empirique, telle est l’observation qui est le point de départ de la doctrine de l’Entéroptose.

Que le ventre soit trop gros, que le ventre soit trop maigre, c’est toujours une besace à soutenir, seulement, suivant la si juste et si jolie expression d’Ewald, le premier qui, en 1890, ait fait connaître en Allemagne la maladie des ptoses, dans le ventre maigre de l’Entéroptose, c’est une « besace en dedans »[21].

Ce n’est pas ici le lieu d’exposer la série des arguments qu’on peut invoquer en faveur, soit de la pathogénie intestinale de la maladie des ptoses, soit des relations de l’entéroptose avec l’hépatisme, c’est-à-dire avec les maladies dites de la nutrition. Je me bornerai à présenter, en un rapide résumé, l’explication qui, à mes yeux, est vraie et qui permet au médecin l’application rationnelle du traitement de l’entéroptose et en particulier de la ceinture abdominale qui lui convient.

L’Entéroptose est une maladie causée par l’abaissement ou ptose des organes de la cavité abdominale ; ces organes sont placés les uns au-dessus des autres et maintenus en situation, en dépit de la pesanteur : 1o par les ligaments, les gaînes vasculo-nerveuses qui les attachent à la paroi postérieure de l’abdomen ; 2o par les replis péritonéaux doublés, ou non (épiploons), de tissu fibreux qui jouent le rôle de liens suspendant les viscères l’un à l’autre ; 3o par les parois de le cavité qui les contient et les maintient sous une certaine pression, grâce à sa constitution en grande partie musculaire (parois abdominales antérieure et latérales, plancher pelvien, diaphragme), et enfin surtout : 4o par leur volume propre ou encore leur résistance à l’écrasement.

On conçoit en effet que si le volume d’un organe, c’est-à-dire l’espace imparti à cet organe dans la cavité abdominale, vient à être modifié, tous les autres organes changeront de situation, puisqu’ils se soutiennent tous les uns les autres, puisque tous sont attachés plus ou moins à l’organe situé au-dessus de lui, puisque tous ne sont liés à la paroi postérieure, seule rigide, que par leur face ou leur bord postérieurs, c’est-à-dire sont soutenus en porte-à-faux.

Le foie et la rate, organes les plus haut placés de l’abdomen, reposent en partie sur l’estomac, en partie sur les coudes hépathique et splénique du gros intestin ; l’estomac repose sur le colon transverse ; le colon transverse repose sur l’intestin grêle ; l’intestin grêle repose dans l’entonnoir ouvert en haut que forment, 1o avec la colonne lombaire, 2o le cœcum, l’S iliaque, segments qui sont les plus volumineux de l’intestin, et enfin 3o la paroi antérieure de l’hypogastre.

C’est donc l’intestin qui est à la base de l’édifice. Mais c’est en même temps l’organe dont le volume peut subir les plus grandes fluctuations.

Les fluctuations de volume, c’est-à-dire de calibre de l’intestin, fluctuations nécessaires à sa fonction physiologique, peuvent s’effectuer dans des limites étendues sans troubler la statique des autres organes de l’abdomen, et cela grâce à un mécanisme admirablement ingénieux, celui de la tonicité de la paroi abdominale, et celui de la tension intraintestinale, qu’il ne faut pas confondre avec la tension abdominale.

Que ce calibre augmente, la tension abdominale s’accroîtra certainement, mais la paroi abdominale, en se laissant distendre, atténuera les effets de cette augmentation de volume de l’intestin.

Que ce calibre diminue, ici encore la tonicité de la paroi interviendra pour diminuer la capacité de l’abdomen et maintenir en situation l’édifice des viscères superposés.

Mais, si le calibre de l’intestin diminue et que la paroi n’ait pas une tonicité suffisante pour compenser cette diminution, la statique va-t-elle être troublée ? pas encore, car il reste la tension intraintestinale qui empêche la masse intestinale de s’abaisser. Et la preuve c’est que le ventre peut-être fiasque, sans que l’on constate la ptose d’un seul viscère.

Fig. 1. — Schéma du mode de suspension de l’intestin.
1. Le trajet du tube digestif, représenté par deux points d’interrogation.
II. Le tube digestif décrit 6 anses : 1, anse gastrique ; 2, anse duodénale ; 3, anse iléo-colique ; 4, anse custo-sous-pylorique ; 5, anse sous-pylori-costale ; 6, anse côlo-sigmoï-dale. — Il y a six angles de soutèment : a. gastro-duodénal ; b, duo-déno-jéjunal ; c, sous-costal droit ; d, sous-pylorique ; e, sous-costal gauche ; f, sigmoïdo-rectal. (F. Glénard, 1885).

Cela résulte du mode de suspension de l’intestin : celui-ci d’une longueur beaucoup plus grande que la hauteur de la cavité abdominale est relevé de distance en distance à la manière des baldaquins et les angles de soutènement se trouvent tous fixés à la paroi postérieure de l’abdomen où ils sont répartis sur une même ligne horizontale passant par le plan du mésogastre (fig 1).

Or la tension intraintestinale, qui résulte de la pression réciproque des gaz et de la paroi de l’intestin, a précisément pour effet de relever les anses intermédiaires aux angles de soutènement et de redresser ces angles au niveau desquels les segments intestinaux communiquent l’un avec l’autre : de la sorte, la masse intestinale peut diminuer de volume sans pour cela s’abaisser.

Mais si le calibre de l’intestin diminue et que la tension intraintestinale soit supprimée, comme cela arriverait si l’intestin était atone et vide de gaz, alors c’est la chute de l’intestin, c’est la ptose, c’est l’entéroptose, alors la paroi abdominale, quand bien même sa tonicité serait intacte, ne peut s’y opposer : l’intestin s’écroule, et bientôt après, les reins, l’estomac, le foie, la rate, et avec eux le diaphragme, le cœur.

Or c’est précisément ce qu’on observe dans la maladie des ptoses : à l’aide de procédés spéciaux de palpation, on constate la rétraction de l’intestin, dont le cœcum se réduit au volume d’un œuf, le transverse au volume de l’index, l’S iliaque au volume d’une plume d’oie ; cet intestin si étroit, qui est en même temps abaissé au-dessous de son siège normal, ne renferme plus qu’un minimum de gaz ; cette réduction de calibre n’est pas dûe à un spasme, elle s’accompagne au contraire d’atonie, car elle peut persister indéfiniment dans cet état sans que le malade ait la moindre colique, et, en pressant ces cordes avec les doigts, on les sent se durcir, se resserrer encore. Dans la tension abdominale, la tonicité de la paroi joue un rôle beaucoup moins actif que la tonicité gastrointestinale. La diminution de tension est d’origine viscérale et non pariétale.

Si l’on étudie l’évolution de la maladie, on voit, à l’aide des nouveaux procédés de palpation qui rendent le diagnostic facile et sûr, se succéder peu à peu la ptose des viscères, l’un après l’autre, précisément dans l’ordre suivant lequel ils sont soutenus : le rein droit, l’estomac, le rein gauche, le lobe droit du foie, le lobe gauche, la rate. Quant à l’intestin, c’est par le cœcum, puis l’S iliaque que commence la réduction de calibre, puis c’est le coude hépatique du colon, puis le transverse, puis l’estomac, le duodénum (fig. 2 et 3) qui s’effondrent l’un après l’autre.

Fig. 2. — Schéma de l’état normal. Fig. 3. — Schéma de l’entéroptose.
A, aorte ; C, cæcum ; CD, côlon descendant ; Du, duodenum ; E, estomac ; F, foie ; I, iléon ; J, jéjunum ; M, mésentère ; Ra, rate, R, rein ; RM, rein mobile ; SI, côlon sigmoïdal ; sr, capsule surrénale ; TI, première anse traverse ; T2, deuxième anse traverse ; VB, vésicule biliaire ; W, hiatus de Winslow ; X, dixième côte.
1, œsophage ; 2, épiploon gastrohépatique ; 3, épiploon pylori-colique 4, ligament suspenseur du mésentère ; 5, ligament costo-colique droit ; 6, ligament costo-colique gauche.

Tel est le processus de l’entéroptose, dont maintes autopsies ont confirmé l’exactitude.

Les symptômes évoluent parallèlement. C’est d’abord l’atonie intestinale, puis la faiblesse (par diminution de tension de l’abdomen), ce sont bientôt après les symptômes de dyspepsie, de tiraillements d’estomac, sensation de creux, de vide, de pesanteurs, de fausse faim, les crises gastriques, pseudohépatiques ; puis les symptômes imputés au nervosisme, à l’anémie ; l’insomnie due au vice fonctionnel de l’appareil digestif ; l’oppression due à l’abaissement du diaphragme ; enfin les symptômes psychiques, l’irritabilité, qui trahissent les troubles apportés à la nutrition générale ; survient bientôt un rapide amaigrissement ; c’est l’inanition, due à la famine que le malade s’impose pour moins souffrir de ses digestions, et qui réduit encore le volume de l’intestin et du foie ; tels sont les symptômes qui conduisent le médecin non prévenu aux diagnostics les plus effarés, aux pronostics les plus sombres, aux traitements les plus contradictoires, toujours inefficaces.

Parallèlement aussi se succèdent les indications et les moyens efficaces de les combattre.

Les causes déterminantes sont multiples : traumatisme, efforts qui agissent directement ; maladies infectieuses, intoxications, violentes perturbations morales qui agissent par l’intermédiaire du foie, en viciant les conditions d’innervation et de circulation de l’estomac et de l’intestin.

Les causes prédisposantes sont la puerpéralité, par la détente brusque de la tension abdominale et la distension de la paroi ; le corset, dont l’effet le plus nuisible n’est pas seulement, comme on le croyait, d’étrangler les organes de la base du thorax, mais surtout de refouler de haut en bas la masse intestinale ; et enfin le tempérament hépatique, ou hépatisme, qu’il soit antérieurement acquis ou qu’il soit héréditaire.

Quant aux symptômes fonctionnels, je laisse parler Aufrecht[22], que je suis encore heureux de citer. Sa communication débute par les lignes suivantes, le passage importe trop à mon sujet pour que je ne le cite pas en entier :

« Lorsque, il y a nombre d’années, dit Aufrecht, je cherchais, en m’appuyant sur les publications de Glénard, à me faire quelque opinion sur la néphroptose et l’entéroptose, je ne fus pas peu surpris de trouver dans un de ses premiers écrits (Rev. de méd., janv. 1887) la proposition suivante : « l’observation clinique montre que l’entéroptose est successivement, chez un même malade, suivant les phases de la même maladie, diagnostiquée et traitée sans succès, en premier lieu, pour une anémie, puis pour une métrite (cautérisation) ou un prolapsus utérin ( pessaire, ceinture), puis une dyspepsie, puis un rhumatisme, puis une lithiase biliaire (coliques hypochondriaques, F. Glénard), puis un cancer larvé, puis une névrose, une hypocondrie, une hystérie et enfin une neurasthénie. C’est alors que la médecine fait place aux empiriques ou à la résignation. »

« Ma surprise, continue Aufrecht, s’est dissipée avec le cours des années. Il ne s’agit nullement d’un tableau de fantaisie, esquissé par Glénard, les manifestations ici désignées se rencontrent toutes en fait dans l’entéroptose. Il importe seulement de ne pas se laisser dérouter par l’idée qu’elles appartiennent toutes à la symptomatologie de chaque cas particulier.

« Je vous lirai bientôt la lettre d’une malade qui eût pu servir de modèle à la description de Glénard, si elle n’eût été écrite 16 ans plus tard. »

À cette appréciation si caractéristique d’Aufrecht, il est superflu d’ajouter que, si les manifestations protéiformes de l’entéroptose ne se rencontrent pas toujours toutes chez les mêmes sujets, de même il s’en faut de beaucoup que tous les malades classés sous l’un des diagnostics énumérés plus haut soient plus ou moins aussi atteints de ptose. Aufrecht dit tout simplement avec moi que c’est parmi ces manifestations que l’on peut trouver l’entéroptose, que c’est donc là qu’il la faut chercher, qu’il faut y penser dans le diagnostic différentiel.


Un mot du diagnostic.

L’Enteroptose est une maladie qui a toujours existé mais que l’on considérait comme une maladie de l’utérus, une maladie de l’intestin, de l’estomac ou du foie, et, le plus souvent, comme une névropathie essentielle.

Il s’agit dans le plus grand nombre des cas, d’une femme encore jeune, amaigrie, pâle, jaunâtre, et les yeux cernés, les traits tirés, penchée en avant, l’aspect triste, découragé, ne sachant, parmi tous ses sujets de plainte, par lequel en commencer l’énumération. J’ai dit que les hommes n’étaient pourtant pas à l’abri de cette maladie ; sur 100 cas d’Enteroptose, il y a 70 femmes et 30 hommes.

Les troubles fonctionnels qu’il faut dégager du fouillis des symptômes sont les suivants : sensation de faiblesse ou de lassitude rapide, constipation avec persistance de l’appétit et en particulier de l’appétit de la viande, localisation prédominante des malaises au mésogastre, leur accroissement entre 2 et 3 heures après le repas de midi ; leur aggravation par l’ingestion à ce repas de graisses, de fécules, de légumes verts, de crudités, de vin, de lait ; leur soulagement par le décubitus dorsal ; le trouble du sommeil au moins à 2 heures du matin.

Les signes physiques se groupent pour réaliser trois formes objectives : syndrôme de la diminution de tension abdominale, syndrôme de la sténose intestinale, syndrôme de la splanchnoptose, ces syndrômes se succédant chez un même malade dans l’ordre où ils sont énumérés. Les caractères objectifs qui se retrouvent dans tous les cas, sont : La diminution de tension abdominale (et intragastrointestinale, y compris le clapotement gastrique) ; la sensibilité à la pression du cœcum ; la possibilité de délimiter le cœcum par la palpation.

Si à ces deux syndrômes fonctionnel et physique fondamentaux, on ajoute le signe tiré de l’épreuve de la sangle, sensation de soulagement par l’épreuve de la sangle, sensation de faiblesse, de poids ou de chute du ventre par la contre-épreuve, cet ensemble symptomatique suffira pour asseoir le diagnostic de l’entéroptose.

En somme, pour ce qui concerne plus spécialement l’indication la sangle pelvienne, les symptômes qui sont justiciables de la sangle, « symptômes à sangle », c’est-à-dire les symptômes contre lesquels la sangle se montre le plus habituellement efficace, ceux que des observations bien pesées prouvent être directement justiciables de cet agent, sont les suivants : faiblesse, lassitude, délabrement, oppression, gêne de la marche et en particulier de la station debout immobile ; faiblesse, lourdeur, descente du ventre, en un mot, symptômes d’astatique abdominale ; douleurs des reins, du côté droit, gonflement du flanc droit. Aucun de ces symptômes pris isolément n’est bien entendu thérapeugnomonique de la sangle, mais l’efficacité de cet agent contre l’un ou l’autre de ces symptômes chez un malade, fait, de l’épreuve de la sangle, un signe de présomption de la maladie des ptoses.

La sangle agit dans ce cas, comme le fait la station couchée, en luttant contre les effets de la pesanteur sur des organes mal soutenus ; le déplacement de ces organes par la gravitation, déjà préjudiciable à leur fonction, se complique de la traction qu’ils exercent par leurs points d’attache sur les organes placés au-dessus d’eux, cette traction vient encore aggraver les effets de la pesanteur(fig. 4, 5, 6).

Telles sont les notions indispensables à connaître pour apprécier le rôle bienfaisant que peut jouer le médecin en n’ignorant pas cette maladie, en sachant en faire le diagnostic, en lui appliquant le traitement qui seul peut la combattre.

Schéma de l’action de la sangle dans l’Entéroptose
Fig. 4. — État normal. Fig. 5. — Entéroptose. Fig. 6. — Entéroptose sanglée

« Le traitement de l’entéroptose exige l’intervention simultanée des quatre éléments suivants : 1o la sangle ; 2o les laxatifs salins quotidiens ; 3o les alcalins ; 4o le régime. Ce sont les agents fondamentaux auxquels on devra recourir, quelles que soient les formes ou la phase de la maladie, quel que soit l’individu qui en est atteint, que l’affection date de vingt ans ou de quelques mois. L’adaptation à chaque cas sera réalisée par le mode de combinaison de ces quatre agents thérapeutiques, par l’énergie avec laquelle on fera répondre chacun à l’indication qui lui correspond, par le temps pendant lequel on sera obligé d’y recourir, et enfin par les moyens accessoires qu’on devra leur associer[23] ».

Ces moyens accessoires sont l’hydrothérapie froide (tiède parfois, les premiers jours), l’électricité, le massage, et, à part les laxatifs et les alcalins, fort peu de médicaments. C’est une excellente médecine, dit Celse, que de ne point user de la médecine.

« La sangle est indiquée à toutes les phases de la maladie ; c’est le premier élément thérapeutique à faire intervenir, le dernier à supprimer ; c’est lui qui combat la cause, sinon toutes ses conséquences. La sangle sera avantageusement appliquée, à titre prophylactique : 1o dans la dyspepsie commune (atonie gastrique) à son premier degré (dyspepsie gastrique) surtout si, dans les anamnestiques, il y a, soit une constipation persistante, soit une dysenterie ou une fièvre typhoïde, soit de l’éthylisme, pour éviter l’entéroptose secondaire et concourir au même but que celui qu’on poursuit en conseillant le port des bretelles chez l’homme ou, chez la femme non munie d’une sangle, la suppression du corset ; 2o dans les suites de couches, dès le lendemain, ou le jour même de l’accouchement (sangle puerpérale)[24] pour prévenir l’entéroptose primitive, bien mieux que ne le font le drap alsacien ou le bandage de corps conseillés en pareil cas ; 3o quand un effort violent ou un traumatisme s’accompagnent de douleur aigüe et momentanée dans le flanc droit et la région lombaire, pour prévenir les conséquences de l’entéroptose qui vient peut-être de se réaliser. Dans ma conviction la sangle puerpérale, par exemple, doit prévenir les deux tiers des dyspepsies nerveuses des femmes »[25].

Voilà pour la prophylaxie de la maladie. Mais la prophylayie doit viser aussi les causes prédisposantes de la maladie. Or, il n’est pas douteux que le port du corset ne réalise une cause prédisposante. L’entéroptose est beaucoup plus fréquente chez la femme que chez l’homme. Le corset ne peut étrangler la taille qu’à la condition de refouler les viscères abdominaux dans le bas-ventre, il agit donc dans le même sens que la maladie. Et c’est ainsi que, poursuivant jusqu’au bout les conséquences de ses études sur l’Entéroptose, le médecin se heurte à la grosse question du corset chez la femme. Mais en même temps, et pour la première fois, grâce à la fécondité de la nouvelle doctrine, il trouvera le moyen de concilier l’hygiène avec l’esthétique ; il pourra désormais permettre le corset, car il a trouvé le moyen de l’empêcher d’être nuisible ; pour la première fois, la mode elle-même s’inclinera devant le médecin, car il a su se faire écouter. « Si le médecin veut être écouté, ce n’est pas la suppression du corset qu’il doit exiger, ce sont les règles de sa construction et de son application qu’il doit poser[26].

Or, ces règles, qui sont nouvelles, l’étude de la maladie des ptoses les a apprises au médecin.

La mode, s’inspirant des enseignements du médecin, a dit aux femmes qu’il ne sied plus d’avoir gros ventre, ni taille étranglée. Il appartient au médecin, pour atteindre son but, d’aider la mode, si elle n’y parvient seule, à concilier les exigences de l’hygiène avec les droits de l’esthétique.

Lorsque, pour aider à guérir une maladie grave de la nutrition, comme est la maladie des ptoses, le médecin aperçoit qu’il faut relever et comprimer le bas ventre de la femme malade, il suffit à la malade, il suffit au médecin que le moyen soit efficace.

Lorsque, pour prévenir la fréquence de cette maladie, plus grande chez la femme à cause du corset qu’elle veut à tout prix conserver, le médecin remarque qu’il atteint son but, en obtenant la constriction de bas en haut au lieu de la constriction de haut en bas du ventre, cela peut suffire au médecin, mais cela ne suffit pas à la femme. Celle-ci est bien portante, elle veut que son corset soit un objet de toilette et non pas un bandage. Le médecin doit tenir compte de cet écueil, mais il doit veiller surtout à ce que l’hygiène soit sauvegardée, dans le corset le plus luxueux comme dans le plus modeste.

Les théories médicales ne valent, pour le médecin, que par leurs conséquences relatives à son art, qui est l’art de guérir. Quand ces conséquences désignent à ses efforts un but utile et nettement tracé, le médecin ne doit s’arrêter qu’après avoir atteint ce but. Or je crois m’en être rapproché, tant pour la sangle que pour le corset.

II
Technique et application de la Sangle pelvienne

Il résultait de la nouvelle théorie de l’entéroptose que le ventre ne devait pas être seulement soutenu, mais qu’il devait être comprimé et relevé par sa partie la plus déclive, et que cette double indication devait être remplie aussi bien dans les ventres les plus maigres que dans les ventres les plus gros. Il résultait de cette théorie que l’indication d’une ceinture devait être posée, non d’après le poids ou le volume de l’abdomen, mais d’après l’existence de symptômes trahissant la diminution de tension et la ptose gastrointestinale, ptose en dedans aussi bien que ptose en dehors.

Il résultait de cette théorie que, si le ventre est maigre et la besace en dedans au lieu d’être en dehors, c’est en réduisant la capacité de l’abdomen à sa partie la plus inférieure que l’an pouvait, à défaut d’un soulèvement direct des viscères, les relever tout de même en « exprimant » pour ainsi dire le ventre de bas en haut par une compression circulaire.

Enfin, grâce à « l’épreuve et la contre-épreuve de la sangle », on était en possession d’un critérium permettant de contrôler l’opportunité de prescrire une ceinture et on était en mesure de vérifier si, une fois appliquée, la ceinture prescrite remplissait bien l’indication. Il est évident que, si l’indication était bien remplie par la ceinture prescrite, l’épreuve et la contre-épreuve, pratiquées sur le ventre muni de cette ceinture, ne devaient plus donner que des résultats négatifs.

FIG. 7. — Ceinture abdominale classique.

Contre le ventre en besace, contre l’éventration, contre le ventre devenu trop pesant par l’obésité ou la gestation, l’ancienne ceinture abdominale pouvait paraître exactement adaptée à l’indication. Elle était faite en tissu rigide qui assurait sa solidité ; à sa partie moyenne, sa surface était assez large pour embrasser toute la région sous ombilicale, assez concave pour se mouler sur la convexité du bas ventre (fig. 7) : de la sorte, elle avait en avant un point d’appui solide et l’on pouvait, sans que cette ceinture glissât en haut et laissât échapper son contenu, la serrer en arrière sur un plan plus élevé que celui de son point d’appui antérieur ; à ses parties latérales, la ceinture allait se rétrécissant de plus en plus jusqu’à atteindre, à ses parties latérales et à ses extrémités, une hauteur ne dépassant pas trois à quatre travers de doigt ; en même temps son axe prenait sur les côtés une direction oblique de bas en haut : de la sorte, son bord inférieur partant du pubis suivait de chaque côté les plis inguinaux, puis, il passait au-dessus des crêtes iliaques, sur lesquelles il prenait un point d’appui, la ceinture ne risquait pas de glisser en bas au niveau des hanches, ni d’être entraînée par le poids du ventre ; au reste, son étroitesse au niveau de l’ensellure lombaire augmentait la solidité de son point d’appui postérieur. Le plus souvent, les extrémités, au lieu de s’attacher en arrière, se croisaient en passant, l’une à travers une fente verticale de l’autre, et revenaient s’attacher en avant, où elles renforçaient ainsi la pression exercée par la partie antérieure de la ceinture.

Ainsi donc l’ancienne ceinture abdominale était parfaitement appropriée à son but qui était de soutenir le ventre à la manière d’une écharpe ou d’une fronde, en le soulevant de bas en haut et d’avant en arrière, suivant une direction oblique se rapprochant le plus possible de la verticale, c’est-à-dire de la direction de la pesanteur. Cette direction oblique avait en outre pour avantage que la constriction s’exerçait au-dessus du plan supérieur du bassin, c’est-à-dire autour des parties molles de l’abdomen et que, par conséquent, l’on pouvait serrer davantage la ceinture. Enfin, par le fait même de sa construction, en forme de fuseau, plus on serrait la ceinture, c’est-à-dire plus l’on tirait sur ses extrémités, plus s’accentuait la concavité de sa partie antérieure, car cette traction portait beaucoup plus sur les bords supérieur et inférieur que sur l’axe de la ceinture.

Qui ne voit dès maintenant que, même dans le cas de ventre en besace extérieure, s’il s’agit d’une entéroptose (diminution de tension intra-intestinale), l’ancienne ceinture abdominale ne remplit que très incomplètement l’indication, car elle diminue à peine la capacité de la partie inférieure de l’abdomen : en raison de sa forme concave, elle ne fait que soutenir le ventre comme le ferait un suspensoir, en lui laissant en grande partie sa proéminence ; de plus, elle relève à peine les viscères prolabés, non-seulement à cause de sa forme en suspensoir, mais en raison de sa direction trop oblique de bas en haut, direction « en bénitier » ; elle les reporte beaucoup plus en avant et en haut, que dans la direction, en arrière et en haut, suivant laquelle ils rentreraient dans le ventre et se rapprocheraient de leurs points d’attache.

Que, sur ce ventre en besace, muni d’une ceinture abdominale d’ancien modèle et le mieux adaptée que l’on imaginera, on procède à l’ « épreuve de la sangle », et le résultat positif de soulagement à l’épreuve, retour des malaises à la contre-épreuve, prouvera que le but de cette ceinture n’était pas atteint.

Une ceinture ne doit pas subir, elle est faite pour commander la forme du ventre. Mais combien plus insuffisant était ce résultat lorsque le ventre avait un volume normal ! Il était nul pour peu que le ventre fut amaigri.

La poche formée en avant par la ceinture n’était même pas remplie : la pression de la ceinture ne s’exerçait que par son bord inférieur et, pour peu qu’on serrât davantage, la ceinture, manquant en avant de son point d’appui, glissait de bas en haut et ne faisait que molester sans rendre aucun service. Pourtant le clinicien observait que, même dans ces ventres creusés, il soulageait la malade, s’il pouvait lui soutenir le bas-ventre : ce soulagement il l’expliquait, puisque, avant la théorie de l’Entéroptose, il ne voyait aucun viscère à soutenir, par une action exercée sur la statique utérine. À cette époque, en effet, l’utérus était rendu responsable de tous les malaises imputés aujourd’hui à l’Entéroptose.


Fig 8. Ceinture dite hypogastrique

La ceinture qui fut alors imaginée était la ceinture dite « hypogastrique », sorte de plaque transversale à ressort que l’on fixait au-dessus du pubis, à l’aide de bandes de tissu ou de métal qui entouraient le corps de chaque côté pour s’attacher en arrière, et à l’aide de sous cuisses qui empêchaient la ceinture de se déplacer en haut (fig. 8).

§ 1

Sangle pelvienne (premier modèle)

Grâce à la théorie de l’Entéroptose d’un côté, de l’autre côté, grâce à l’analyse des conditions qui rendaient le plus significative l’« épreuve de la sangle », pratiquée par le médecin à l’aide de ses mains soulevant le bas-ventre du malade, il fut donné de connaître la véritable indication de la ceinture, d’expliquer la cause de ses insuccès, de trouver le modèle réellement efficace.

C’est ainsi que, d’étape en étape, la ceinture abdominale classique devint la sangle pelvienne :

1o Pour s’appliquer exactement sur le bas-ventre, la ceinture devint plane en avant, au lieu d’être concave ;

2o Pour « ramasser » et ramener la masse viscérale du bas-ventre dans l’axe phrénicopérinéal, la ceinture fut serrée en arrière, au niveau du sacrum et non de la région lombaire ; son plan de constriction devint horizontal au lieu d’être oblique ;

3o Pour comprimer la partie la plus déclive et en particulier les fosses iliaques, son bord inférieur affleura le pubis et se dirigea horizontalement du pubis aux trochanters, et non obliquement du pubis aux crêtes iliaques ;

4o Pour relever l’hypogastre en même temps qu’elle le comprimait, sa hauteur, à partir du pubis, d’abord fixée à 10 centimètres, fut ensuite portée à 12, puis à 14 centimètres, de manière que les crêtes iliaques, étant prises dans la compression, fussent utilisées comme poulie de renvoi par le bord supérieur de la ceinture. Ce bord supérieur, se trouvant ainsi placé au-dessus des crêtes iliaques, exerçait désormais sa constriction sur des parties molles et sur une circonférence de moindre diamètre, et, de la sorte, tendait à ramener en haut et en arrière le corps antérieur de la ceinture ;

5o Pour obvier au défaut d’application de la ceinture autour de la saillie des épines iliaques antérieures, pour éviter les meurtrissures dues à la compression des parties osseuses, et en même temps pour conserver l’expansibilité du bas-ventre mise en jeu dans la respiration, la flexion en avant, etc, un tissu élastique remplaça le tissu rigide des anciennes ceintures abdominales ;

6o Pour s’adapter aux diverses zones de diamètre différent, que la ceinture avait à comprimer sur une hauteur minima de 14 centimètres, son bord inférieur, sa partie axiale et son bord supérieurs furent munis chacun d’un appareil de serrage indépendant ;

7o Pour éviter qu’une telle ceinture, comprimant des circonférences de diamètre décroissant de bas en haut, ne glissât en haut, en raison de son élasticité, elle fût munie de sous-cuisses ;

8o Enfin, pour que l’indication de réduire encore la capacité du bas-ventre, fût remplie, même dans les cas de ventre creux, où la ceinture, maintenue en avant par les épines saillantes, passait comme un pont au-dessus de l’hypogastre sans le comprimer, il fut conseillé de remplir les vides à l’aide de pelotes, soit sur une fosse iliaque, soit sur l’autre, soit sur toutes deux à la fois.

Et toujours le double critérium, celui de l’épreuve extemporanée de la sangle, avec sa contre-épreuve, pratiquées sur le ventre sanglé, celui de l’état des symptômes fonctionnels dans leur comparaison d’un jour à l’autre, intervenaient pour indiquer, à chaque progrès réalisé dans l’adaptation de la nouvelle ceinture, quel progrès il restait à faire.

Et c’est ainsi que fut réalisée la « sangle pelvienne » (fig. 9 et 10). Après maints détours compliqués, comme toujours, c’est la plus simple, idéalement simple, qui s’est trouvée la meilleure : une simple bande élastique de 14 à 16 centimètres de hauteur, de 72 à 76 centimètres de longueur ;


Effets comparatifs chez un même sujet, de la ceinture abdominale classique et de la sangle pelvienne.


Fig. 9. Ceinture abdominale classique Fig. 10. Sangle pelvienne

[L’ancienne ceinture forme une poche qui soutient le ventre sans le ramener à sa place ; la sangle relève le ventre et repousse les viscères dans leur situation normale.]


trois boucles à une extrémité, trois pattes correspondantes à l’autre, des sous-cuisses, et c’est tout. On peut, à la rigueur, la confectionner soi-même.[27] Au cours de ces dernières années, tous les nouveaux modèles de ceinture abdominale qui ont été proposés : Gaches Sarraute, 1885[28] ; Kortz[29], Monteuuis, 1897[30] ; Fischer[31], Burger, 1898[32] ; ceinture « antiptosique » de Jayle, 1900 ; « ceinture de la Pitié » d’A. Robin, 1901[33] ; ceinture de Sigaud, 1902 ; ceinture d’Ostertag, 1902[34] ; bandage « pelvien » ou plutôt caleçon de Bracco, 1904[35], etc, etc.), obéissent aux principes fondamentaux de la sangle pelvienne, d’aplatir et relever l’hypogastre, d’embrasser les hanches et d’avoir une constriction indépendante à leurs diverses zones. De ces divers modèles, les uns sont moins efficaces que la sangle, les autres sont plus onéreux par quelque inutile complication, la plupart ne peuvent être faits que sur mesure. La sangle pelvienne est vraisemblablement le seul modèle qui restera. Les raisons de ce succès, car il s’en débite plusieurs centaines de milliers chaque année, sont les suivantes : Son principe qui est juste, — sa simplicité, — la modicité possible de son prix, — son adaptation à tous les cas, avec très peu de modèles, ceux-ci ne différant l’un de l’autre que par la hauteur et la longueur de la bande élastique, — et enfin la simplicité extrême des corrections à pratiquer sur la sangle pour l’adapter à chaque cas[36].

Il n’en est pas moins vrai que la sangle pelvienne, bien que, par son principe, elle ait détrôné les ceintures abdominales classiques, ne soit, dans son application, susceptible, comme toute chose, d’être perfectionnée. Si je n’en étais depuis longtemps convaincu, les efforts dirigés de tous côtés vers ce but eussent suffi à me prouver qu’il n’était pas encore atteint. À mon tour, puisque après vingt ans je suis obligé de décrire à nouveau la sangle pelvienne, dois-je au moins saisir cette occasion de corriger ce qu’elle a encore de défectueux.


§ 2

Nouvelle sangle pelvienne

Ce n’est pas rendre service aux malades, quand il s’agit d’une maladie comme l’entéroptose, admise aujourd’hui comme espèce morbide dans tous les centres scientifiques, et d’un agent de traitement comme la sangle, d’une efficacité éprouvée pendant vingt ans, ce n’est pas rendre service aux malades, lorsque l’application de cette sangle ne produit aucun bien, de condamner la sangle, au lieu de se poser les deux questions suivantes : est-ce bien d’une entéroptose qu’il s’agit ? la ceinture livrée par le marchand a-t-elle bien le type exigé et les qualités qu’elle doit avoir ?

Je ne m’occuperai ici que de la seconde question. Pourquoi cette sangle, dans tels cas où son indication est pourtant légitime, ne rend elle pas le service attendu ? pourquoi est-elle mal supportée ? De quoi se plaignent parfois ceux même qu’elle soulage ?

Voici les observations que rai pu faire, les critiques que moi-même j’adresse à ma sangle pelvienne, et les moyens que rai adoptés pour obvier à ses défauts.

1o L’élasticité du tissu de la sangle est tantôt trop réduite, tantôt exagérée. Il en résulte, dans le premier cas, que la sangle, parce qu’elle est trop dure, blesse les tissus, en particulier ceux qui recouvrent les saillies osseuses du bassin, et, dans le second, qu’elle soutient insuffisamment les viscères.

J’ai dit, plus haut, que l’élasticité de la sangle était nécessaire. Il importerait de déterminer quelle force d’élasticité moyenne doit avoir son tissu.

2o La constriction exercée par la sangle doit porter simultanément sur trois zones qui, par rapport à la crête iliaque, sont la zone souscoxoépineuse, la zone coxoépineuse et la zone suscoxoépineuse ; c’est à la zone sous épineuse que la sangle doit être le plus rigide, puisque c’est la partie la plus déclive de l’abdomen, dont il s’agit de soutenir le poids et de réduire la capacité ; au niveau de la zone épineuse, cette rigidité du tissu peut être difficilement supportée, en raison de la saillie des épines iliaques antérieures, surtout si la maigreur du ventre accentue leur saillie ; enfin la rigidité du tissu peut-être nuisible dans la zone sus épineuse, où la constriction s’exerce sur des tissus mous dans les trois quarts de cette zone (à part le rachis), et dans une région qui doit demeurer expansible.

L’indépendance de serrage des trois zones inférieure, moyenne et supérieure de la sangle, correspondant aux trois zones anatomiques, indépendance qui constitue un des caractères fondamentaux de la sangle pelvienne, répond bien à ces indications, mais n’y répond que partiellement.

Il importerait donc de donner en outre à ces trois zones une force d’élasticité différente, de telle sorte que la rigidité de la sangle diminuât, fût dégressive de bas en haut.

3o Le système de fermeture de la sangle en arrière est incommode ; de plus les ardillons des boucles qui, placées à une des extrémités de la sangle et correspondant à des pattes placées à l’autre extrémité, servent à l’ouvrir et à la fermer en arrière et permettent en même temps de régler sa constriction aux différentes zones, les ardillons, dis-je peuvent blesser les doigts en les piquant.

Ces difficultés seraient tournées si l’on transportait à la partie antérieure de la ceinture, où il est le plus commode, le système de fermeture, et que, dans le système de réglage, on pût supprimer, les ardillons des boucles.

Ce sont ces perfectionnements que j’ai pu apporter à mon premier modèle. La nouvelle sangle pelvienne, que je conseille désormais, présente donc les caractères suivants :

1o La bande élastique est formée sur sa hauteur de trois zones superposées, tissées en même temps, mais différant l’une de l’autre par leur hauteur et par leur rigidité, qui décroissent de la zone inférieure à la zone supérieure. Les hauteurs de chaque zone ont été fixées, pour une sangle dont la hauteur totale est de 14 centimètres : la hauteur de la zone inférieure à 8 centimètres, celle de la zone moyenne à 4 centimètres, celle de la zone supérieure à 2 centimètres ; ces chiffres, pour une sangle de 16 centimètres de hauteur, sont respectivement les suivants : 8, 5 et 3. J’ai adopté la hauteur minima de 8 centimètres pour la zone inférieure, parce que c’est sur une hauteur de 8 centimètres au-dessus du pubis que la ligne blanche est inexpansible[37] ; dans tout le reste de son étendue et jusqu’à l’appendice xyphoïde, la ligne blanche se laisse distendre, pour former ce que j’ai appelé le « losange de dilatation », tel qu’on l’observe à la fin de la grossesse, dans les cas d’ascite ou de volumineuse tumeur abdominale. La hauteur respective des zones moyenne et supérieure a été dictée également par le sinus de l’angle inférieur du losange ; ce losange a sa plus grande largeur au niveau du méridien ombilical.

Quant à la force de chaque zone, je l’ai déterminée expérimentalement en recherchant sur 12 sujets (6 hommes, 6 femmes), de complexion abdominale variée, quel degré de constriction était nécessaire et suffisant pour obtenir de la sangle son maximum d’effet utile, sans le dépasser.

Cette force de l’élasticité de traction, mesurée au dynamomètre, qui indique le poids nécessaire pour déterminer un allongement donné, était la suivante, que j’ai dès lors adoptée.

Force comparative des trois zones d’élasticité
différente de la sangle, tissées isolément
ALLONGEMENT0m,0425
(25 %)
0m,085
(50 %)
0m,17
(100 %)
Zone faible………..0 k.7501 k.4502 k.500
Zone moyenne……..1 k.5002 k.0003 k.750
Zone forte…………2 k.5003 k.5005 k.200

C’est-à-dire que, pour déterminer, par exemple, un allongement de 50 % du tissu élastique de la zone moyenne, il faut un poids de 2 kilogs.

Quant à la sangle même, formée par ces trois zones superposées et tissées d’une seule pièce, mais ayant chacune)a hauteur et la force différentes adoptées plus haut, voici quelle est sa force :

Force de la sangle de 16 centimètres de hauteur totale,
en trois zones superposées dans un même tissu,
celles-ci ayant les hauteurs différentes de 8, 5, 3 centimètres
et les forces différentes adoptées ci-dessus.
ALLONGEMENT25 %50 %100 %
Zone faible (3 cent.)..0 k.3750 k.7251 k.250
Zone moyenne (5 cent.)1 k.250 1 k.6663 k.125
Zone forte (8 cent.)…3 k.3304 k.6666 k.933
Force totale4 k.9557 k.05711 k.308

2o La fermeture de la sangle se fait en avant sur la ligne médiane à l’aide du système le plus pratique et le plus expéditif, celui qui a été adopté pour les corsets : c’est un busc à trois ou quatre boutons (suivant la hauteur de la ceinture), partant de son bord inférieur et s’élevant jusqu’à deux centimètres au-dessous de son bord supérieur. En ce point il est remplacé par une patte correspondant à un bouton à pression, afin que la constriction du bord supérieur puisse être diminuée en ce point, après le repas par exemple, sans qu’on soit obligé de modifier le réglage de la ceinture.

3o Le réglage de la sangle, qui est nécessaire pour chaque sujet à chacune des trois zones superposées, et, pour des sujets différents, à son adaptation à toutes les tailles, sans que la sangle doive être faite sur mesure (il suffit d’une dizaine de modèles de grandeurs différentes), est réalisé de la manière suivante :

Les extrémités postérieures de la sangle sont reliées l’une à l’autre par trois bandes dites « tirants », de tissu non élastique, larges de trois centimètres, placées à intervalle égal l’une de l’autre sur la hauteur de la sangle et correspondant à son bord supérieur, sa partie moyenne et son bord inférieur[38]. Chacun de ces tirants part d’une des extrémités de la sangle à laquelle il est fixé, traverse d’abord une boucle libre, aplatie, qui sera la boucle de réglage, puis à l’autre extrémité de la sangle, un « coulant » qui adhère à cette extrémité, dans lequel il glisse librement et qui servira de poulie. Le tirant se replie alors sur lui-même et vient retrouver la boucle de réglage pour s’y fixer. En faisant glisser cette boucle de réglage qui est libre, on peut à volonté augmenter ou diminuer la longueur du repli de la bande et par conséquent la distance qui sépare les deux extrémités de la sangle ; un ressort à pression dont est muni cette boucle de réglage permet de fixer le tirant de retour au tirant de départ, au point jugé nécessaire. De la sorte, la partie correspondante de la sangle se trouve réglée dans sa constriction autour de la zone du corps qu’elle embrasse. C’est en somme un système de réglage analogue à celui des bretelles.

La figure ci-jointe (fig. 12)complète cette description de la nouvelle sangle et, comparée à celle du modèle primitif (fig. 11), prouve bien que le principe de la sangle pelvienne a été scrupuleusement respecté comme il devait l’être, car ce modèle a fait ses preuves.



Fig. 11. Sangle pelvienne
Premier modèle 1885

Fig. 12. Sangle pelvienne
Nouveau modèle 1905


Toutefois ces perfectionnements sont importants : la nouvelle sangle est plus exactement adaptée à son but, plus confortable, plus légère, et a dépouillé cet aspect orthopédique que présentait le premier modèle ; elle est suffisamment ferme à sa partie inférieure, sans être trop dure, suffisamment souple à sa partie supérieure sans être trop molle ; on la place et on l’enlève en un seul temps ; réglée une première fois par le médecin, il n’y a plus à y toucher, tandis que, avec le modèle primitif, il fallait retrouver ce réglage chaque fois qu’on remettait la ceinture après l’avoir quittée. Mais ce modèle primitif était tel que pouvait le réaliser un médecin, n’ayant aucune notion technique, et se contentant de répondre le plus strictement et le plus simplement possible à l’indication qu’avait posée la maladie (voir l’appendice).


La nouvelle sangle se présente donc sous l’aspect de deux bandes élastiques de dimensions égales, de tissu plein ou ajouré, présentant sur leur hauteur trois zones superposées, dont la hauteur et la force élastique décroissent de bas en haut ; les extrémités postérieures de ces bandes sont séparées par trois bandelettes parallèles et leurs extrémités antérieures sont munies de buses permettant de les fixer l’une à l’autre.

Suivant ses dimensions, la sangle, avec une dizaine de modèles seulement, et cela grâce à son réglage, répond à la généralité des cas. Grâce à la disposition de l’élasticité dans son tissu, il est rare qu’il y ait lieu de faire subir à la sangle des corrections individuelles.

La dimension la plus commune, celle qui s’adapte aux ventres maigres et aux ventres de volume normal est de 0.84 c. de longueur, lorsque les tirants de réglage sont à leur maximum de développement (0.34 pour chacune des deux bandes élastiques, et 0.16 pour les tirants). Sa hauteur est de 0.14 cent. Lorsque cette ceinture est tirée, à l’aide des mains, par ses deux extrémités, son élasticité lui permet d’atteindre une longueur de 1 m. 25. Son poids est de 150 grammes.

Pour les ventres gros, il faut des dimensions de 16 et 18 cent. de hauteur, de 0.90 et au-delà de longueur.

Pour les ventres plus gros encore, je procède, non en augmentant encore la hauteur de la sangle, mais en imbriquant, sur une première sangle soulevant la région hypogastrique, une seconde sangle soulevant la région ombilicale. Cette seconde sangle est formée de deux demi sangles, dont les extrémités postérieures sont fixées de chaque côté en arrière à celles de la première sangle, et qui, à leur partie antérieure, se rejoignent à l’aide d’un busc à pattes. Cette seconde sangle, d’une hauteur de 0.14 à 0.16, se dirige obliquement de bas en haut et d’arrière en avant, de telle sorte que l’étendue de son imbrication sur la première sangle aille en décroissant de sa partie postérieure à sa partie antérieure.

Qu’il s’agisse, au contraire, d’un ventre extrêmement maigre, c’est alors qu’il y a lieu de combler les vides entre la sangle et les fosses iliaques ou la région suspubienne, à l’aide de pelotes de chaque côté ou d’une pelote semilunaire garnissant tout l’hypogastre.

Pour les enfants, qui assez souvent sont justiciables de la sangle, il est bien évident que les proportions de hauteur et de longueur seront adaptées à leur taille.

Il est enfin une disposition particulière que je dois signaler, c’est celle qui convient à certaines femmes, dont les hanches très développées et la taille très mince, offrent à la compression de la sangle un cône autour duquel il est fort difficile de maintenir celle-ci dans une situation fixe. La sangle tend invinciblement à remonter. Dans ce cas, on tourne la difficulté en terminant les extrémités postérieures de la sangle par un tissu cousu et baleiné, de telle sorte qu’il forme une surface un peu concave en dedans, se moulant sur la région, pour y prendre un point d’appui ; cette partie postérieure de la sangle descend jusqu’à la hauteur de la naissance du pli fessier, par conséquent plus bas que le bord inférieur des parties latérales de la sangle, remonte également en arrière plus haut que leur bord supérieur, de ma
Fig. 13. Sangle pelvienne pour les bassins de conicité prononcée et pour le corset-sangle.
nière à venir buter contre le rachis, au niveau de sa partie la plus incurvée (fig. 13). Cette disposition conique de la région pelvienne se rencontre surtout chez les femmes bien portantes, et je n’en parlerais pas, si je ne préconisais une sangle comme correctif du corset, c’est-à-dire un corset-sangle, comme préventif de l’Entéroptose, même chez les femmes bien portantes ; précisément cette variété de la sangle, qui convient aux femmes bien portantes, se rapproche encore davantage d’un véritable vêtement, c’est une ceinture-sangle sur laquelle s’adapte le corset. Or ce corset, tel que je l’ai fait construire, aide, précisément, dans le cas dont je m’occupe, à maintenir la sangle en place, même quand le bassin présente une forte conicité.

Je n’insiste pas ici sur l’accessoire nécessaire de toute sangle, et qui accompagne le nouveau modèle comme l’ancien, c’est-à-dire les sous-cuisses ou les jarretelles. Les premiers sont indispensables dans les cas de ventre maigre, ceux dans lesquels la sangle tend le plus à remonter, non pas seulement parce qu’ils retiennent plus solidement la sangle à sa place, mais aussi parce qu’ils impriment à son bord inférieur une traction en bas et en arrière qui assure le contact de la sangle avec les régions inguinales ; les jarretelles peuvent, fixées, soit en avant, soit latéralement au bord inférieur de la sangle pour aller de là s’attacher aux bas, suffire dans les cas où le ventre a des dimensions normales. C’est seulement dans le cas de très gros ventre qu’on peut se dispenser des unes et des autres.

Maintenant, un mot sur le mode d’application de la sangle. Je la fais appliquer de préférence sur la chemise ou le gilet de flanelle, le contact de ceux-ci avec la peau est moins désagréable, peut-être plus hygiénique, que celui du tissu élastique ; le tissu élastique s’altère moins vite que s’il est exposé aux secrétions cutanées (j’étudie en ce moment un tissu élastique imperméable et ajouré) ; en outre, chez les hommes ptosiques, dont le scrotum est plus ou moins flasque, la chemise ramenée en arrière et retenue par les sous-cuisses, forme ainsi un suspensoir correspondant à une indication certaine.

La sangle doit affleurer en avant, par sa partie inférieure, le bord supérieur du pubis ; lorsqu’elle a été fermée, le sujet doit en rectifier la position en la tirant en haut ou en bas pour la placer dans la situation où elle lui procure le plus de soulagement ; il doit alors éprouver une sensation analogue à celle qu’il ressent lorsqu’il se trouve bien assis dans un fauteuil[39]. Enfin il boucle les sous-cuisses ou les jarretelles, de telle sorte qu’ils soient assez tendus pour s’opposer à tout effort de faire remonter la ceinture au-dessus de la place choisie. Un déplacement parfois de deux centimètres seulement en haut ou en bas suffit pour que la sangle ne soit plus aussi efficace.

Je termine par le réglage de la sangle. Celui-ci s’opère à l’aide des tirants (ou du lacet) qui séparent les deux extrémités en arrière. Une fois ce réglage fixé pour un sujet, il est rare qu’il y ait lieu dans la suite, au moins pendant plusieurs mois, de le modifier. Mais, la première fois, la difficulté est de savoir quel degré de constriction on doit donner à la sangle. Que de cas dans lesquels j’ai vu une constriction défectueuse décevoir, parce qu’elle était trop faible ou trop forte, l’espoir d’amélioration que le médecin avait fondé sur l’application d’une sangle ! Il suffisait, dans ce cas, de corriger l’erreur pour retrouver l’efficacité prévue.

Je puis à cet égard donner le conseil suivant, c’est de régler et de fermer la sangle autour de la taille dans le decubitus dorsal, de telle sorte qu’elle s’applique exactement, mais sans exercer aucune constriction. Lorsque le sujet, sans ouvrir la sangle, se remettra debout, il la glissera de la région de la taille à la région pelvienne, et il se trouvera presque toujours que la sangle, transposée ainsi à une région, celle du bassin, plus large à circonscrire, région élargie encore à l’hypogastre par l’abaissement des viscères dans la station debout, exercer autour du bassin la constriction nécessaire et suffisante, qu’il s’agissait de déterminer.

J’ai aussi noté à cet égard la petite observation suivante : « la constriction est suffisante à ce moment où, en serrant sa ceinture, la malade est provoquée par la constriction, à faire un mouvement d’inspiration profonde »[40]. Enfin l’épreuve et la contre-épreuve de la sangle pratiquées sur le ventre sanglé montreront, si elles sont négatives, que la constriction a atteint la limite voulue.

Le ptosique actuel (in actu), que je distingue du ptosique possible (in posce), doit appliquer la sangle le matin dès son lever, avant de mettre ses pantoufles, il ne doit la quitter qu’après ses pantoufles, le soir en se couchant. Dans certains cas où les souffrances poursuivent le malade même dans son lit, il peut être soulagé en gardant la sangle pendant la nuit. C’est ce que doivent faire les femmes en couches (ptosiques in-posce) tant qu’elle gardent le lit ; à partir du jour où elles se lèvent, elles porteront la sangle seulement le jour, et pendant au moins trois mois, pour prévenir la ptose possible et pour empêcher ou atténuer les déformations de l’abdomen.

Le ptosique ne doit supprimer la sangle que lorsque le médecin l’y autorise. Il lui faut trois jours pour s’habituer à ne la plus porter. S’il faut davantage, c’est qu’elle lui a été supprimée trop tôt. S’il a pu s’en passer, il devra s’attendre à la reprendre peut être plus tard, dans le cas où surviendrait quelque menace de rechute : c’est ce qu’on observe parfois dans l’Entéroptose secondaire.

Une bonne sangle, portée tous les jours, doit durer et conserver ses qualités pendant douze à dix-huit mois ; c’est au bout de quinze jours parfois déjà qu’il faut changer une mauvaise sangle.

Lorsque la sangle, après avoir été réellement efficace, cesse de rendre service contre la maladie, ce n’est pas le plus souvent parce que la maladie ne présente plus l’indication d’une sangle, c’est parce que la sangle ne répond plus à l’indication. Il faut alors renouveler la sangle.

Mentionnons ici enfin un cas qui parfois se présente, c’est celui de malades chez lesquels l’indication d’une sangle paraît le plus légitimement posée et qui pourtant n’en peuvent supporter l’application. Souvent dans des cas pareils existe un état d’hyperesthésie abdominale qu’il suffit de quelques jours pour faire dissiper par le traitement approprié ; dès lors, la sangle bien supportée rendra les services qu’on en attend.

J’ai dit plus haut que la limite d’erreur du médecin dans l’appréciation des indications de la sangle n’était pas supérieure à 8 p. 100. Que de médicaments dont on voudrait pouvoir en dire autant !

Lorsque l’indication de la sangle a été bien posée et que cette indication est bien remplie, le malade ne songe pas plus à se plaindre de porter une sangle qu’un myope de recourir à des verres biconcaves.

Un dernier mot. L’Entéroptose ne peut être guérie sans une sangle pelvienne. Mais la sangle pelvienne ne suffit jamais, à elle seule, à guérir l’Entéroptose.

Ces détails paraîtront bien longs, bien minutieux. Il fallait qu’ils fussent, au moins une fois, publiés. Seul pouvait avoir la patience de le faire, un médecin convaincu de leur importance pratique, soucieux en outre de ne rien négliger qui soit de nature, par son omission, à compromettre la doctrine qu’il défend.

Je remercie, maintenant que c’est fait, mes éminents confrères, M. Aufrecht et M. Lucas Championnière, qui m’ont, le premier par son approbation et par son exemple, le second par sa condamnation, montré qu’il fallait défendre et comment il fallait défendre la justesse du conseil que j’avais donné, en recommandant, contre l’Entéroptose, une ceinture spéciale à cette maladie.




APPENDICE



LA SANGLE PELVIENNE ET LE CORSET


M. Albert ROBIN, dans un important chapitre de son Traité des Maladies de l’estomac qu’il consacre à l’Entéroptose, s’exprime de la façon suivante sur la ceinture de Glénard qu’il vient de décrire : « Cette disposition est certainement avantageuse et constitue un réel progrès sur les ceintures classiques, mais je lui reproche de faire un gros ventre, de déformer la taille, de former le bec quand la femme s’assied et de pincer la peau entre la sangle et le corset. C’est un modèle utile chez l’homme, mais inacceptable pour une femme. »[41]

En effet ! l’application de la sangle chez une femme se heurte à un obstacle qui n’existe pas chez l’homme et cet obstacle, c’est le corset. Le corset étrangle la taille en refoulant de haut en bas le ventre au-dessous de l’ombilic, la ceinture étrangle l’hypogastre en refoulant de bas en haut le ventre au-dessus de l’ombilic. La résultante de ces deux pressions en sens contraire est une projection du ventre en avant au niveau de la région ombilicale. Rien n’est plus disgracieux. Mais de plus, entre la sangle qui ne monte pas assez haut et le corset qui ne descend pas assez bas, la partie proéminente du ventre trouve une zone de moindre résistance, elle fait hernie entre la sangle et le corset et la peau se laisse pincer aux divers mouvements de flexion du tronc.

Pour obvier à ces graves inconvénients, M. Robin n’hésite pas à sacrifier la sangle, et ses indications, à l’ancien corset ; il déforme la sangle et lui rend les défauts des anciennes ceintures, en adaptant la sangle au ventre préalablement corseté. Quant à moi, au contraire, je sacrifie, pour respecter les indications, l’ancien corset à la sangle, non en supprimant le corset, mais en le réformant « adaptant le corset au ventre préalablement sanglé. » (F. GLÉNARD. Traitement de l’Entéroptose, Lyon médical, 1887).

Partant de ce principe, il suffit pour tourner la difficulté, qui n’existe du reste pas chez les femmes maigres, de faire descendre le corset plus bas que l’ombilic, en imbrication sur la sangle, de diminuer sa constriction au niveau de la base du thorax, de l’augmenter au niveau de la zone ombilicale ; il n’y aura plus dès lors, ni forme de bec, ni gros ventre, ni pincement de la peau entre la sangle et le corset ; l’indication thérapeutique aura été rigoureusement respectée, l’esthétique elle-même sera mieux sauvegardée.

Un tel corset, ainsi combiné avec la sangle, non seulement enrayera la maladie de la femme ptosique à gros ventre, mais diminuera peu à peu, par sa compression bien répartie, l’embonpoint du ventre et l’empâtement des hanches. C’est ce que prouve chaque jour la clinique. La clinique montre encore qu’un tel corset-sangle est aussi apte à prévenir le gros ventre et l’Entéroptose que l’ancien corset était apte à les provoquer.

Cette solution du conflit soulevé entre la sangle et le corset par la doctrine de l’Entéroptose est donc diamétralement opposée à celle que préconise M. Robin. D’ailleurs, c’est bien ainsi que la femme et même la Mode l’ont compris. La mode actuelle, inspirée de la théorie de l’Entéroptose Dr O’Followell. Le corset, ch. X, sixième période ou période médicale de l’histoire du corset, Paris, Maloine, 1905, 222 p.</ref> a substitué depuis plusieurs années le corset « droit », que j’appelle pelvi-thoracique, à l’ancien corset « cambré devant » ou corset susombilical, après avoir un moment adopté un corset sous-ombilical (corset du Dr Mme Gaches-Sarraute), sorte de sangle pelvienne, rigide et baleinée, surélevée en arrière et écrasant l’hypogastre.

Le corset « pelvi-thoracique », adopté actuellement, réalise très certainement un grand progrès sur l’ancien corset « sus-ombilical », puisqu’il contient l’hypogastre et qu’il ne permet pas à la femme de se serrer autant la taille. Il réalise également un progrès sur le corset « sous-ombilical », puisque, tout en contenant l’hypogastre, il répond à sa mission esthétique de dessiner et au besoin corriger la taille et soutenir les seins. Avec le corset « sous ombilical », les femmes avaient dû sacrifier leur profil féminin et adopter pour en dissimuler les défauts cette blouse bouffante qui formait une voussure régulière du cou au pubis ; une fois là, cette courbe se repliait en arrière et en haut pour rejoindre la taille à l’ombilic, formant ainsi au-devant de l’abdomen une bosse conique et pendante, comme celle de Polichinelle. Vraiment la genèse des modes est toujours curieuse à déterminer !

Cependant on peut adresser au corset « pelvithoracique » les reproches suivants : 1o Par la rigidité de son tissu, il s’oppose à la mise en jeu de l’expansibilité, soit de l’épigastre, soit de l’hypogastre, pendant le travail digestif, au cours des profondes inspirations, dans la flexion du corps en avant, dans la station assise, etc. ; 2o Par sa constitution en une seule pièce, engainant tout l’abdomen en un fourreau inextensible, il enlève toute grâce, toute souplesse aux mouvements du tronc, il empêche tout mouvement de flexion en avant ; 3o Il ne peut être fait que sur mesure et se trouve ainsi d’un prix inabordable pour le plus grand nombre des femmes.

À deux reprises, en 1887 et, avec toute la publicité désirable, en 1902, j’ai proposé le type de corset que je crois le meilleur ; « tous les corsetiers, dit le Dr O’Followell, se sont plus ou moins recommandés de cette invention (la ceinture de Glénard qu’il vient de décrire en son excellent travail sur le corset) pour créer ou prôner certains de leurs modèles les plus récents » ; mais aucun n’avait réussi à atteindre le but que je proposais, lorsque se présenta à moi, en 1904, un spécialiste bien connu, M. Abadie-Léotard, qui, à son expérience technique de fabricant de corsets, joint la qualité médicale d’ancien interne adjoint des hôpitaux de Bordeaux, « évadé » de la médecine.

Je le vis pour la première fois il y a quelques mois. Il venait me soumettre une brochure qu’il avait récemment publiée sur la théorie et l’application d’un bon corset (Paris, Naud, 1904). Dans ce travail, exclusivement scientifique et fort intéressant, je voyais, pour la première fois aussi, un fabricant de corsets se placer loyalement sous l’égide de mes publications ; jusque-là, aucun de ceux qui, s’inspirant de mon œuvre, avaient tenté la rénovation du corset, n’avait même cité mon nom.

Le corset de M. Abadie-Léotard, bien que se rapprochant le plus près de celui dont j’ai formulé la théorie et indiqué la forme, ne réalisait pas encore le type que j’ai décrit (Traitement de l’Enteroptose, Lyon médical 1885-1887. — Le vêtement féminin et l’hygiène. Conférence à l’Association française pour l’avancement des sciences à Paris. Comptes rendus. 1902). Le corset que je conseille exige une combinaison spéciale d’une sangle avec un corset ; cette combinaison, en vain cherchée jusqu’ici, doit-être agencée de telle sorte que, tout en étant reliés entre

Corset de la Sangle pelvienne[42]


Fig. 14. Ancien Corset Le seul qui fut encore usité en 1885 Fig. 15. Corset proposé glénard (Entéroptose Lyon Méd. 1885. — Vêtement féminin et hygiène Bull. assoc. avanc. sc. 1902). Fig. 16. Corset exécuté dit « le Néos » (Abadie — Léotard 1905)


Fig. 17. Détails d’exécution du Corset « le Néos »
Fig. 17. Détails d’exécution du Corset « le Néos »
Fig. 17. Détails d’exécution du Corset « le Néos »

a) le Corset est formé de deux pièces séparées : le Corset et la Sangle.

b) le Corset et la Sangle sont reliés entre eux par des ganses lâches, suspendant la Sangle aux baleines du Corset et le Corset aux baleines et la Sangle.

c) le Corset et la Sangle ont un serrage absolument indépendant.

d) le Corset ne peut être serré qu’après la sangle.

e) le corset, muni d’un gousset élastique au niveau des épines iliaques auterosupérieures, s’abaisse en glissant au devant de la sangle, dans la flexion du corps en avant.

[Ce nouveau corset-sangle pèse 420 grammes. Il pèse seulement 100 gr. de plus que les autres corsets, le poids moyen d’un corset étant de 320 grammes.]

eux, le corset et la sangle aient une parfaite indépendance dans leur constriction et que l’on soit obligé de placer et serrer la ceinture avant le corset.

Lorsque, en réponse à ma critique, M. Abadie me proposa sa collaboration pour exécuter le corset tel que je l’avais formulé, la qualité de cette collaboration était trop exceptionnelle pour que je n’aie pas accepté avec empressement, d’autant plus que la mode, péniblement asservie à l’hygiène depuis vingt ans, était à la veille de s’émanciper, si l’on ne réussissait pas enfin à trouver un modèle élégant et pratique. Et c’est ainsi que furent réalisés sur mes conseils et sous ma direction, non seulement un nouveau corset, mais la nouvelle sangle que j’ai décrite plus haut ; leur fabricant pour en fixer l’identité, me demanda de les désigner sous les noms de « néos » et de « néa ».

L’exécution me paraît avoir atteint la limite de ce que je puis théoriquement demander et de ce qui pratiquement peut être obtenu. Aussi, après avoir soumis la nouvelle sangle et le nouveau corset à l’épreuve de la pratique, n’ai-je pas hésité à donner à M. Abadie-Léotard, qui me l’a demandée, l’autorisation de les garantir de mon nom. (Voir la planche.)

C’est la première fois que j’accorde cette autorisation, la première fois que je prends, vis·à-vis de mes confrères, la responsabilité d’objets présentés sous mon nom. L’usage que, sans y être autorisé, le commerce a fait de ce nom, sous prétexte que la « sangle pelvienne » a été mise de suite dans le domaine public, il y a vingt ans, est devenu, par le fait de la concurrence, un tel abus, (tissu Glénard ! Glénard de 1re, 2e, 3e qualités !!) au grand préjudice des malades, que la valeur pratique de la ceinture risquait d’être compromise et avec elle la doctrine dont elle est née. Je courais en même temps le risque que le commerce s’emparât aussi de mon nom pour désigner un corset que j’eusse désapprouvé.

À cette autorisation j’ai posé la condition que ceinture et corset nouveaux fussent à la portée de toutes les bourses, qu’il y eut un modèle applicable même dans les hôpitaux, et surtout que, entre le spécimen le plus luxueux et le spécimen le plus modeste de ces objets, même de ceux confectionnés d’avance, c’est-à-dire non faits sur mesure, il n’y eut aucune différence dans les qualités fondamentales exigibles, en particulier dans la qualité du tissu élastique.

Je me plais à espérer que M. Robin qui, par son autorité et ses écrits, a contribué à la diffusion de la notion de l’Enteroptose, et indirectement, par son attaque de la sangle dans son application chez la femme, à l’exécution du « corset de la sangle pelvienne », acceptera la transaction que je propose et qui consiste à adapter un nouveau corset à la sangle pelvienne et non une ceinture nouvelle à l’ancien corset.

Quant à moi, je considère que la vieille question médicale du corset, au point de vue hygiénique, et tout de même esthétique, est aujourd’hui tranchée.

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  2. Aufrecht. Ibid.
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  30. MONTEUUIS. L’Entéroptose ou maladie de Glénard, Paris, Baillière, 1893 2e éd. ibid. 1897. — Les déséquilibrés du ventre sans ptose. Paris, Baillière, 1903 :
  31. FISCHER. Les ceintures abdominales. Centralblatt f. d. Ges. therap. fév.-mars 1898.
    Fischer cite, entre autres, les ceintures de Teufel, Haanen, Piering, Rosenheim, Schwarze, Pal, etc., basées sur le principe de la bande circulaire de Glénard ; celles de Beely, Debacker, Hoffa, Klaes, Bardenheuer, Martin, Landau, Schauta Thomas, Schatz, etc., dont le principe est celui des bandages herniaires.
  32. BURGER. Ueber eine neue Leibbinde bei Hœngebauch, Enteroptose, etc. Centralbl. f. inn. med., 27 août 1898.
  33. ROBIN. Traitement de l’Entéroptose in Des maladies de l’Estomac. Paris, Rueff, 1901. — 2e éd. ibid. 1905.
  34. OSTERTAG. Ueber eine neue Leibbinde. Monatsch. f. Geburtsh. 1902. Ostertag dit avoir compté 200 modèles de ceintures abdominales, sur lesquels 4 à 5 sont brevetés.
  35. BRACCO. Fascia pelvica, Torino, typ. Roux et Viarengo. 1904
  36. Ces corrections, telles que pelotes de forme et de situation variées, échancrure au niveau des trochanters, « pinces » en V allongé et ouvert en haut, sur le bord supérieur, etc., etc., ces corrections auxquelles la sangle pelvienne se prête si bien et d’une façon si simple, n’en changent nullement le type ; elles ne m’ont jamais semblé justifier, comme à maints auteurs, une description spéciale et une dénomination nouvelle, pour la sangle pelvienne ainsi corrigée.
  37. F. GLÉNARD. Étude physiologique sur le souffle maternel et la paroi abdominale des femmes enceintes, Arch. Tocol. fév. et mars 1876 et Lyon médical, avril 1876.
  38. À ce mode de réglage, par « tirants », on peut, chez la femme, substituer le réglage par « lacet ». Dans ce cas, et, pour éviter l’écartement qui se produit peu à peu au bord inférieur de la sangle quand elle est placée, il importe que le lacet soit « bloqué », au niveau des œillets inférieurs, à l’aide d’une boucle à pression. Cette adaptation, à la sangle pelvienne, du mode de fermeture et de réglage des corsets a été déjà également proposée par M. Monteuuis (loc. cit., 1903).
  39. Je crois avoir démontré théoriquement, et aussi par l’expérimentation clinique (Entéroptose 1885), que la sangle devait comprimer, « ramasser », relever le ventre à sa partie la plus déclive et que c’était la zone où son application était le plus efficace.
  40. F. GLÉNARD. Entéroptose. Lyon, méd. 1885.
  41. ALBERT ROBIN. Les maladies de l’estomac. Paris, Rueff, 1901, 3e partie, p. 758, et ibid. 2e ed. 1905, p. 922.
  42. Pour la théorie de ce corset, voir F. GLÉNARD. Le vêtement féminin et l’hygiène. Bull. assos. fr. avanc. sc. et Rev. scient. fév. 1902.