De la place de l’homme dans la nature/11

Traduction par Eugène Dally.
J.-B. Baillière et fils (p. 42-57).


IV

SÉRIE ANIMALE


Il n’est venu à la pensée de personne de contester que les êtres organisés ont des caractères communs ; que les animaux, par une lente gradation de propriétés, se distinguent des végétaux, qu’ils offrent le tableau d’une succession de formes de plus en plus parfaites équivalant à une division de plus en plus grande du travail organique. C’est là ce qu’on a appelé la chaîne animale — l’échelle des êtres — et, plus récemment, la série animale.

Aussi longtemps que l’on n’a vu là qu’un fait, nul ne l’a contesté. Mais du jour où l’on a cru que ce fait pouvait servir d’appui à la théorie des transformations organiques, on a cherché à en contester l’exactitude, et l’on a établi une distinction subtile entre la série abstraite et la série réelle. Oui, il existe une série, dit-on, mais entre les types idéaux et non entre les individus[1], et cette notion n’implique ni l’idée d’un perfectionnement graduel, chaque animal étant parfait en soi et pour sa destination, ni surtout l’idée d’un passage organique qui résulterait d’une lente transformation. Les quatre embranchements du règne animal, les deux classes du règne végétal coexistent dans leurs genres et dans leurs espèces, celles-ci isolées, et représentant plutôt les rayons d’une circonférence que les anneaux d’une chaîne, et même que les branches et les rameaux d’un arbre.

Il faut avouer qu’une telle manière de voir, si l’on se borne aux faits d’observation dans le monde vivant, a pour elle une sorte de justification ; car examinant l’ensemble des êtres à l’état adulte, on ne saisit pas bien comment un poisson serait inférieur à un reptile ; comment un reptile, à un oiseau ; comment un oiseau, à un mammifère. Moins encore on se rend compte du passage des invertébrés aux vertébrés, et les innombrables lacunes dans l’apparence des formes, leurs inégalités organiques semblent protester contre toute gradation régulière. Aussi l’idée d’une série organique ne peut-elle recevoir sa démonstration que si, à l’étude des formes actuelles et individuelles, on joint celle des espèces éteintes et celle du développement, abstraction faite des individus.

Le développement peut s’étudier sous deux aspects principaux : sous celui du développement des tissus élémentaires, et sous celui du développement des organes. Or, à aucun de ces points de vue, l’existence d’une série de plus en plus compliquée n’est contestable ; chez les animaux des ordres inférieurs, les tissus sont simples et presque homogènes ; tels sont-ils, par exemple, chez les acéphalocystes, chez les vibrioniens, chez les monadaires, etc. ; de ce point de départ, il est aisé d’arriver aux vertébrés, en montrant dans chaque classe, ainsi que l’a établi M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire, une subdivision de plus en plus grande du travail organique et des appareils qui l’accomplissent. Il n’y a là pour l’anatomie générale ni difficultés ni lacunes. Les grandes fonctions, la digestion, la circulation, la respiration, l’innervation, la génération, apparaissent successivement avec des caractères d’un ordre de plus en plus élevé, subordonné au développement des systèmes musculaires, vasculaires, osseux, nerveux, etc.

Ce ne peut être notre tâche de tracer ici les détails de ce vaste tableau organique si bien décrit par Blainville, Geoffroy Saint-Hilaire et Lamarck. Rappelons cependant que l’embryogénie est venue ouvrir un nouvel horizon aux vues sériaires, en montrant que, dans la presque totalité, les embryons parcourent des phases identiques chez les animaux des mêmes classes, et qu’ils ne diffèrent à l’état adulte que par le développement de quelqu’une des parties de l’animal ; tel est le cas, selon van Baer[2], pour les mammifères, les oiseaux, les lézards et les serpents, en sorte que la succession des êtres semble pouvoir être considérée comme un prolongement de leur évolution embryonnaire pendant la durée de laquelle des modifications se produiraient dans le développement. Dans toutes ces modifications, ce qui frappe c’est l’adaptation à des fonctions diverses d’organes primitivement analogues. C’est ainsi qu’à l’état adulte on retrouve le même type fondamental sous les apparences les plus diverses : les nageoires, les pieds, les mains, les ailes, sont le même membre ; le cœur embryonnaire des vertébrés reproduit assez exactement le cœur définitif des invertébrés ; la cavité branchiale du manteau des gastéropodes est l’analogue des villosités branchiales du chorion des mammifères, les formes transitoires des batraciens représentent les formes définitives d’un grand nombre d’espèces inférieures, et si l’on poursuit ces analogies, on retrouvera, selon l’expression de l’illustre M. Serres, « dans les formes fugitives et passagères de l’embryogénie de l’homme et des vertébrés, les formes arrêtées et permanentes des organismes des invertébrés. » Je n’ignore pas que von Baer et Milne Edwards, J. Mueller et Longet ont, à maintes reprises, contesté la théorie si magnifiquement développée par Meckel et M. Serres[3]. Mais une étude attentive et réitérée des faits convaincra que, bien loin de ne pouvoir supporter leur contrôle, la théorie de l’évolution progressive, ou, selon l’expression de Darwin, la théorie de la descendance modifiée, conséquence naturelle, est la seule qui donne une explication quelconque du monde vivant.

D’ailleurs les objections sont loin d’être absolues ; il suffit, pour s’en convaincre, de noter les réserves de J. Mueller et de Longet. « Pendant les premiers temps de leur formation, dit le premier, les embryons des vertébrés offrent dans toute leur pureté les traits les plus généraux et les plus simples du type d’un animal vertébré, et c’est là ce qui fait qu’ils se ressemblent à tel point, que l’on a souvent de la peine à les distinguer les uns des autres. Le poisson, le reptile, l’oiseau, le mammifère et l’homme sont d’abord l’expression la plus simple du type commun à tous, mais ils s’en éloignent peu à peu à mesure qu’ils se développent…[4] »

« Assurément, dit M.  Longet, les premiers linéaments embryonnaires, les dispositions organiques des systèmes nerveux, vasculaires, digestifs, sont fort analogues, sinon semblables, chez tous les embryons de poissons, de reptiles, d’oiseaux, de mammifères, et de l’homme lui-même… De même que les œufs de tous les animaux se ressemblent à l’origine du développement de tout animal, de même les embryons de tous les vertébrés se ressemblent plus tard par le fait de l’existence commune de la ligne primitive et de certaines dispositions générales des divers systèmes organiques, telles que celles des arcs aortiques pour le système vasculaire… Il n’y a donc pas de ressemblance entre les forme transitoires de l’embryon humain et les formes permanentes des autres embryons. Mais il y a similitude à des périodes successives du développement entre les organisations embryonnaires des divers embranchements, classe, ordre, genre du règne animal, similitude qui va toujours s’affaiblissant, se morcelant pour ainsi dire à mesure que les formes organiques divergent vers la réalisation définitive du type qu’elles doivent reconstituer[5]. »

Ces citations, que nous pourrions multiplier, montrent que les faits d’analogie et d’états successifs analogues des embryons ne sont point contestés ; ils sont diversement interprétés ; c’est au lecteur à juger si leur classement sériaire, déterminé par les hommes les plus éminents, est suffisamment établi. Pour nous la question n’est pas douteuse. D’ailleurs, quand on envisage dans leur ensemble les phénomènes du développement, on ne peut manquer d’être frappé des analogies dans les procédés de formation, et l’on se rend mieux compte de la nature de la série embryonnaire. M. de Quatrefages a décrit, dans un style plein de mouvement et d’heureuses images, le tableau de l’activité des premiers moments de la vie : « Tous les jours, dit-il, d’heure en heure parfois, l’aspect de la scène change, et cette instabilité porte sur les parties les plus essentielles comme sur les plus accessoires. On dirait que la nature tâtonne et ne conduit son œuvre à bonne fin qu’après s’être souvent trompée. Ici des cavités se cloisonnent, se divisent en chambres distinctes ou bien s’étirent en canaux, et ceux-ci à leur tour se remplissent et deviennent des ligaments ; là, des masses d’abord pleines se creusent et se changent en cavités, des lames s’enroulent en tubes, des pièces primitivement isolées se soudent en organes continus, ou bien tout au contraire une masse d’abord unique se fractionne et engendre plusieurs organes. En même temps, les rapports, les proportions changent à chaque instant. Des parties presque confondues au début s’écartent et deviennent presque entièrement étrangères l’une à l’autre ; d’autres d’abord éloignées se rapprochent et contractent des relations intimes. Des organes à fonctions temporaires naissent, grandissent rapidement, acquièrent un volume énorme, puis s’atrophient et disparaissent. D’autres s’arrêtent à un moment donné, tandis que tout grandit autour d’eux, restent en place, et se retrouvent jusque chez l’adulte, où ils n’ont d’autre rôle apparent que de témoigner d’un état de choses qui n’existe plus. En un mot — des transformations incessantes, le mouvement partout, le repos nulle part — voilà dans son expression la plus générale l’histoire du développement embryonnaire[6]. » Que l’on se représente dans ce mouvement formateur des phases variées, des points d’arrêts multiples, des accroissements excessifs et des atrophies partielles, et l’on aura une juste idée des résultats, accumulés par l’hérédité pour chaque type vivant, de toutes les influences qui peuvent modifier les êtres organisés.

Nous venons d’indiquer deux des points sur lesquels repose, dans les êtres synchroniques, l’idée de la série animale. Il en est un troisième, celui de la succession dans le temps de formes organiques de plus en plus compliquées. Mais avant d’exposer les résultats auxquels la science moderne est arrivée sur ce point, il importe que nous évitions un malentendu. Quand nous disons série animale, nous n’entendons pas parler d’une série linéaire et continue telle que le sellaient les termes A, B, C, D,… Souvent, en effet, la série présente non-seulement des lacunes et devient A, C, F…, Z, mais encore des redoublements ou, si l’on veut, des formes répétées et modifiées d’organisation, de façon qu’elle constitue plutôt la série A, B, B’, C, C’. En sorte que Is. Geoffroy Saint-Hilaire, pour exprimer ce qu’il appelait la classification parallélique des êtres, employait la forme suivante :


A A’ A5
B B’ B4
C C’ C5 C5
Z Z’
qui, seule, rend d’une manière à la fois simple et logique

les rapports complexes de A avec B et avec A’. C’est ce que l’auteur de la Philosophie zoologique a verbalement exprimé, quand il a dit : « Je ne veux pas dire que les animaux qui existent forment une série très-simple et partout également nuancée, mais je dis qu’ils forment une série rameuse, irrégulièrement graduée et qui n’a point de discontinuité dans ses parties, ou qui, du moins, n’en a pas toujours eu, s’il est vrai que, par suite de quelques espèces perdues, il s’en trouve quelque part. Il en résulte que les espèces qui terminent chaque rameau de la série générale, tiennent, au moins d’un côté, à d’autres espèces voisines qui se nuancent avec elles[7]. »

Nous verrons plus loin qu’une juste idée de la forme sériaire des êtres est l’indispensable préliminaire de toute vue d’ensemble sur leurs rapports ; car les développements progressifs ne s’effectuent pas nécessairement ni directement d’une classe à l’autre, mais dans la même classe et dans les mêmes genres.

Faisons toutefois remarquer, avec M. Broca[8], que l’idée de la série animale dans les êtres contemporains n’est absolument liée ni à celle de leur apparition successive sous des formes de plus en plus compliquées, ni surtout à celle de leur transformation graduelle et progressive ; toutefois, la seconde implique l’existence réelle de la première, et la troisième, des deux autres. Si, en effet, les espèces se transforment et progressent, il faut d’abord avoir pu constater qu’il existe une échelle de progression, puis un progrès dans la succession. En sorte que les trois notions offrent l’un des caractères les plus sûrs des vérités scientifiques, à savoir : la subordination de la troisième aux deux premières, de la seconde à la première, et l’indépendance de chacune d’elles par rapport à celle qui lui est consécutive.

Reprenons maintenant l’exposé de la théorie de la progression vitale dans le temps, ou plutôt montrons par quelques citations à combien de points de vue particuliers et par quelles hautes autorités scientifiques elle a été soutenue. Il y a d’abord une nécessité capitale, l’alimentation : « Les plantes seules, dit M. d’Archiac, ont la propriété de produire de la matière organisée, les animaux ne peuvent se nourrir que de cette substance ; les premières ont donc pu vivre et s’organiser dans de l’eau contenant de l’acide carbonique, tandis que les animaux n’ont pu exister sans le secours des végétaux qui ont dû les précéder… Les êtres destinés à servir de nourriture à d’autres ont dû nécessairement devancer ceux-ci. Quelle que soit la cause qui a dû présider à leur apparition, il est peu probable qu’ils aient été créés à l’état adulte ; et, d’un autre côté, ceux qui devaient s’en nourrir seraient morts de faim, s’ils avaient, à leur tour, été créés plus tôt[9]. »

« Dans les couches les plus profondes, dit ailleurs le même professeur, apparaissent des animaux et des végétaux propres aux classes inférieures de chaque règne. Plus tard, le type le moins élevé des animaux vertébrés (les poissons) se montre dans le même moment sur différents points des mers d’Europe, un peu plus tard en Amérique… Bientôt naissent les reptiles avec des caractères mixtes rappelant ceux des poissons et des batraciens les plus inférieurs, et de nouveaux crustacés remplacent une famille tout entière, celle des trilobites qui avait dominé pendant un laps de temps énorme[10]. » À cette première période succède une époque de végétation prodigieuse ; puis une époque d’atonie ; puis encore, sous l’influence d’une nouvelle impulsion, des formes nouvelles se montrent, étrangères à celles qui jusque-là avaient paru ; viennent ensuite des mammifères didelphes, quelques rongeurs et enfin des mammifères placentaires de divers ordres. « Les quadrumanes, le type le plus élevé des animaux, ne tardent pas à suivre les carnassiers et les pachydermes, et sur les divers points de la terre, à sa surface comme dans les eaux douces et salées, tous ces nouveaux types tendent à se localiser. »

Sir Ch. Lyell, dans son savant ouvrage sur l’Ancienneté de l’homme, a cité des fragments de Sedgwick, de Hugh Miller, d’Agassiz, d’Owen, de Bronn et de Ad. Brongniart, qui appuient avec toute l’autorité de leurs noms la même doctrine, et il fait remarquer que « ce sont précisément les écrivains qui sont les plus fermes soutiens de la transmutation des espèces (Ch. Darwin et J. Hooker), qui sont au nombre des plus prudents, on pourrait dire des plus timides, quand il s’agit d’adopter la doctrine de la progression, tandis que, d’autre part, les plus zélés champions de la progression font le plus souvent une opposition très-violente à la transmutation. » L’illustre géologue donne au surplus lui-même une preuve de sa réserve, quand il dit « que nul ne peut croire à la transmutation, qui n’est profondément convaincu que tout ce que nous savons en paléontologie n’est rien en comparaison de ce que nous avons à apprendre[11]. »

Ces lignes marquent à la fois et la faiblesse et l’espoir de la théorie de la transformation, en tant qu’elle ne s’appuie pas exclusivement sur l’embryogénie. Mais chaque jour vient augmenter le nombre des espèces intermédiaires entre celles que séparent de trop profondes différences anatomiques, en sorte que l’explication donnée par Darwin de l’absence de formes intermédiaires est quelquefois superflue : « Si l’on ne rencontre pas partout et toujours, dit-il, d’innombrables formes de transition, cela dépend principalement du procédé de sélection naturelle, en vertu duquel les variétés nouvelles tendent constamment à supplanter et à exterminer leurs souches mères. » En effet, Falconer a trouvé, parmi les espèces éteintes, vingt-six espèces de proboscidiens, dont les nuances établissent une série graduelle entre deux genres : le mastodonte et l’éléphant ; et depuis la publication du travail de Falconer deux nouvelles espèces ont été découvertes en Amérique[12] ; le docteur Vogt, si longtemps hostile à toute idée de transmutation dans la vie organique, a établi, dans ses Leçons sur l’homme[13], que la transition entre les poissons et les amphibies dans le monde actuel est réalisée par les genres lepidosirène et protoptère, dont on a trouvé çà et là quelques individus vivants, et qui bientôt disparaîtront. Mais, entre les amphibies et les reptiles, il faut avoir recours à un genre fossile, celui des labyrynthodontes, qui tend la main aux uns et aux autres ; entre les reptiles et les oiseaux, il y a le plésiosaure ; entre les poissons et les reptiles, il y a l’ichthyosaure ; entre les pachydermes et les ruminants, il y a le dinothérium, etc. Le ptérodactyle, le cétiausaure, le paléothérium, l’hipparion, voilà autant d’anneaux entre des formes déjà fort élevées du règne animal.

Chaque jour apporte de nouveaux documents à cette thèse, qui prêtent leur autorité à la célèbre loi de M. Darwin, que plus une forme est ancienne, plus elle tend à relier les uns aux autres, par quelques-uns de ses caractères, des groupes aujourd’hui très-tranchés. Récemment, M. Albert Gaudry a dressé des tables généalogiques qui comblent, à l’aide des espèces fossiles, les lacunes qu’offraient plusieurs genres de mammifères maintenant reliés aux espèces anciennes par la découverte, dans les grottes de Pikermi, d’une innombrable quantité d’ossements. Les genres hyène, rhinocéros, cheval et sanglier ont été ainsi restaurés et rattachés à leurs ancêtres véritables.

Ainsi, la série animale s’établit chaque jour mieux graduée par l’étude comparative des tissus, des organes, des embryons, par la succession géologique des êtres et par l’extinction de certaines espèces dont les ossements viennent rétablir la continuité dans le développement des formes organiques.

Quelle est maintenant la signification de la série animale dans le temps et dans l’espace ? Les êtres se sont-ils présentés subitement au monde vivant, adultes, avec tous les signes distinctifs de leur espèce, ou bien y a-t-il une base quelconque à la théorie de leur filiation par voie d’évolution progressive[14] ? Le plus grand effort des sciences naturelles dans notre siècle est d’avoir tenté de répondre à ce problème et, presque du premier coup, d’avoir obtenu une solution qui porte le caractère d’une vérité rationnelle nécessaire, et qui s’appuie, à bien des égards, sur la vérification expérimentale. « Il reste bien des lacunes entre les espèces d’époque consécutive, dit M. Albert Gaudry, en terminant ses Considérations générales sur les animaux fossiles de l’Attique[15], il en résulte qu’on ne peut encore démontrer d’une manière positive que les espèces sont descendues les unes des autres : mais les vides n’existent-ils pas dans nos connaissances plutôt que dans la série des êtres fossiles ? Quelques coups de pioche donnés aux pieds des Pyrénées, des monts Himalaya et du Pentélique, dans les sablières d’Eppelsheim ou aux mauvaises terres du Nebraska, ont suffi déjà pour révéler entre des formes qui semblaient très-distinctes, des liens étroits. Combien ces liens seront plus serrés, alors que notre science sera sortie de son berceau ! Paléontologistes d’un jour, nous balbutions à peine quelques mots de l’histoire du monde, et pourtant ce que nous savons indique de toutes parts des traits d’union. Peu à peu les découvertes conduisent à adopter la théorie de la filiation des espèces ; nous tendons vers elle comme vers la source où nous démêlerons le pourquoi de tant de ressemblance que nous apercevons entre les figures des vieux habitants de la terre. »

  1. Gratiolet, Bulletins de la Soc. d’anthr., 1865, p. 14 et seq.
  2. Cité par Darwin, Origine des espèces, 2e éd., p. 583.
  3. Serres, Anatomie transcendante appliquée à la physiologie. Paris, 1842.
  4. Mueller, Manuel de physiologie, traduit de l’allemand par Jourdan. 2e édition. Paris, 1851, t. II, p. 724.
  5. Longet, Traité de physiologie, ii, Génération, p. 254.
  6. Quatrefages, Métamorphoses de l’homme et des animaux. Paris, 1863, p. 41, 42.
  7. Lamarck, Philosophie zoolog. Paris, 1809, t. i, p. 59.
  8. Broca, Bulletins de la Société d’anthropologie, 1865, p. 16.
  9. D’Archiac, Cours de paléontologie, 1re  année, IIe partie, page 40 ; Cf., pages 5 et 6.
  10. D’Archiac, Géologie et Paléontologie, p. 758.
  11. Lyell, Ancienneté de l’homme. Paris, 1864, p. 429-450.
  12. Voyez Lyell, loco cit., p. 465.
  13. Vogt, trad. Moulinié, page 664.
  14. M. Pouchet, dans une note présentée récemment à l’Académie des sciences (31 décembre 1866), disait avec beaucoup de justesse : « … Il est un fait que nul géologue me conteste aujourd’hui, c’est que chaque période du globe a eu ses races d’animaux et des plantes ; or dans l’état actuel de la science on ne peut admettre que deux hypothèses : l’hétérogénie ou la mutabilité. » Presque tous les naturalistes, sauf l’étroit et orthodoxe Cuvier, génie singulièrement surfait, ont eu à un moment de leur vie la foi scientifique, la foi à la filiation. Nous aurions donc pu accumuler les citations. Mais on trouvera avec raison que cette Introduction est déjà fort longue, et nous nous contenterons de citer quelques lignes d’Is. Geoffroy, qui, dans le programme de ses leçons sur l’Espèce (1855), appuyait dans les termes suivants la thèse de la filiation : « En paléontologie, à la thèse de la variabilité limitée correspond une hypothèse simple et rationnelle, celle de la filiation : à la doctrine de la fixité deux hypothèses également compliquées et invraisemblables, celle des créations successives et celle dite de translation. »
  15. Paris, 1866, p. 66.