chez Volland, Gattey, Bailly (p. 175-177).


CHAPITRE XXXV.

Modération.



C’est l’égide protectrice de notre repos, de notre bonheur ; elle conserve toutes nos facultés ; elle en maintient la force et l’équilibre. Mais n’est-elle pas également à l’usage du méchant et de l’homme de bien ? Ne nous éloigne-t-elle pas également des dangers qui doivent effrayer le vice et de ceux que doit braver la vertu ?

Les Catons, les Gracques, les Brutus, les hommes les plus vertueux de l’histoire ancienne et de l’histoire moderne étaient-ils en effet des hommes fort distingués par leur modération ? Je vois que cette qualité, toute estimable qu’elle est en elle-même, s’allie difficilement à de hautes vertus, à une grande élévation de talent ou de génie ; elle n’est le plus souvent que l’humble compagne de l’impuissance et de la médiocrité.

Peut-être est-ce de toutes les vertus celle qu’il est le moins à désirer de tenir de la nature même ; elle n’est précisément pour nous ce qu’elle doit être que lorsque nous l’avons acquise à force de peines, de combats et de sacrifices. Alors loin d’y voir un caractère de foiblesse, on y reconnaît le plus sublime effort de l’empire que l’homme peut prendre sur lui-même. Telle fut la modération d’un Aristide, d’un Camille, d’un Scipion.