chez Volland, Gattey, Bailly (p. 137-138).


CHAPITRE XXIII.

Travail, Paresse.



Nous mesurons la durée du tems par la succession de nos sentimens, de nos idées ou de nos sensations. L’espace de tems qui n’est marqué pour nous par aucune époque sensible, ne laisse après lui qu’une impression vague et confuse. Il nous paraît tour-à-tour un instant et une éternité. Le tems que nous ne savons point employer, tant qu’il dure, nous paraît éternel ; est-il passé, ce n’est plus qu’un moment dont le souvenir fugitif échappe à notre pensée. Occuper sa vie est donc l’unique moyen d’en prolonger la jouissance et d’en abréger les ennuis, de se consoler du peu de jours que nous avons à vivre, et de supporter sans peine le fardeau de chaque journée.

La paresse n’est pas une jouissance, elle n’est qu’une exemption de peine, et le repos n’est vraiment désirable que pour conserver les forces que nous avons acquises, ou pour réparer sans effort celles que nous avons perdues. Ce que le sommeil est au corps, le repos l’est à l’ame : il ranime d’abord nos facultés ; prolongé trop long-tems, il les accable, il les éteint.