chez Volland, Gattey, Bailly (p. 132-134).


CHAPITRE XXI.

Esprit de parti.



On ne peut douter, ce me semble, que l’amour ou la haine qui tient à l’entêtement d’une opinion quelconque ne soit un sentiment factice ; mais tout factice qu’il est, je n’en connais point dont les effets soient plus violens, plus extrêmes. J’ai toujours remarqué que c’était à-peu-près la seule passion des âmes froides, qu’elles en étaient peut-être même plus particulièrement susceptibles, et je le conçois ; n’ayant, pour ainsi dire, aucun foyer intérieur, ce ne sont que les impressions du dehors qui peuvent y exciter une activité soutenue, et ces impressions sont d’autant plus vives qu’elles ne rencontrent aucune force capable de leur résister.

Il n’est point d’opinion, l’histoire nous en fournit trop d’exemples, plus ou moins ridicules, plus ou moins atroces, il n’en est point, quelque frivole ou quelque extravagante qu’elle soit, dont l’enivrement contagieux n’ait troublé le bonheur et le repos de la société.

L’esprit de parti rend fous les hommes même qui semblaient n’avoir reçu de la nature aucune disposition à le devenir.

En détestant tout esprit ambitieux qui cherche à faire secte, je m’impose la loi scrupuleuse de ne jamais confondre le caractère de l’homme et celui de ses opinions, l’inconséquence des idées et celle des mœurs.

Se rendre souvent compte à soi-même de sa manière de voir et de sentir, ne rien admettre, ne rien rejeter sur parole, oser être seul de bonne-foi, voilà sans doute les préservatifs les plus sûrs contre l’esprit de parti.