De la monarchie selon la Charte/Chapitre II-14

Garnier frères (Œuvres complètes, tome 7p. 207-208).

CHAPITRE XIV.
QU’AVEC CE SYSTÈME ON EXPLIQUE TOUTE LA MARCHE DE L’ADMINISTRATION.

Servez-vous de ce système comme d’un fil, et vous pénétrerez dans tous les replis de l’administration ; vous découvrirez la raison de ce qui vous a paru le plus inconcevable ; vous trouverez la cause efficiente des déterminations ministérielles : je le prouve.

Il n’y a que deux espèces d’hommes qui peuvent gouverner dans le sens des intérêts révolutionnaires : ceux qui sont eux-mêmes engagés fortement dans ces intérêts ; ceux qui sans les partager sont néanmoins convaincus que la majorité de la France est révolutionnaire.

Que les premiers administrent au profit de la révolution, cela est tout naturel ; que les seconds, par d’autres motifs, s’attachent au même système, c’est tout naturel encore ; car étant faussement persuadés, mais enfin étant persuadés, que toute résistance à l’ordre de choses révolutionnaire est inutile, que cette résistance amèneroit des crises et des bouleversements, ils doivent gouverner selon l’opinion qu’ils croient dominante et insurmontable.

Cela posé, il faut favoriser de toutes parts les hommes et les choses de la révolution, parce qu’on les regarde comme seuls puissants, seuls à craindre, tandis que, par une conséquence contraire, on doit écarter les hommes et les choses qui ne tiennent pas à cette révolution, parce qu’ils ne sont ni puissants ni à craindre.

Or, n’est-ce pas ce qu’on a toujours fait depuis la restauration ? Partez donc du système des intérêts révolutionnaires, et toute l’administration est expliquée.

Cette administration a-t-elle sauvé, a-t-elle perdu, perdra-t-elle la France ? voilà la question.

Si elle sauve la France, le système est vrai : il faut le suivre.

Si elle a déjà perdu, si elle doit perdre encore la France, le système est faux : qu’on se hâte de l’abandonner.

Et moi je soutiens que le système des intérêts révolutionnaires nous a précipités et nous précipitera encore dans un abîme d’où nous ne sortirons plus.

Je dis qu’il est inconcevable que des ministres attachés à la couronne retombent dans les fautes qui ont produit la leçon du 20 mars.

Je dis que je ne saurois comprendre comment ces ministres sacrifient la France pour gagner des gens qu’on ne gagnera jamais ; comment ils en sont encore à ce pitoyable système de fusion et d’amalgame que Buonaparte lui-même n’a pu exécuter avec un bras de fer et six cent mille hommes ; comment ils croient avoir trouvé un moyen de salut quand ils n’emploient qu’un moyen de destruction.

Je ferai toucher au doigt et à l’œil les conséquences terribles du système des intérêts révolutionnaires pris pour base de l’administration ; mais il faut d’abord l’attaquer dans son principe, ainsi que les autres systèmes dérivés de ce système capital.