De la monarchie selon la Charte/Chapitre I-2

Garnier frères (Œuvres complètes, tome 7p. 162).

CHAPITRE II.
SUITE DE L’EXPOSÉ.

Partons donc de ce point que nous avons une Charte, que nous ne pouvons avoir autre chose que cette Charte.

Mais depuis que nous vivons sous l’empire de la Charte, nous en avons tellement méconnu l’esprit et le caractère, que c’est merveille.

À quoi cela tient-il ? À ce qu’emportés par nos passions, nos intérêts, notre humeur, nous n’avons presque jamais voulu nous soumettre à la conséquence, tout en disant que nous adoptions le principe ; à ce que nous prétendons maintenir des choses contradictoires et impossibles ; à ce que nous résistons à la nature du gouvernement établi, au lieu d’en suivre le cours ; à ce que, contrariés par des institutions encore nouvelles, nous n’avons pas le courage de braver de légers inconvénients pour acquérir de grands avantages ; en ce qu’ayant pris la liberté pour base de ces institutions, nous nous effrayons, et nous sommes tentés de reculer jusqu’à l’arbitraire, ne comprenant pas comment un gouvernement peut être vigoureux sans cesser d’être constitutionnel.

Je vais essayer de poser quelques vérités d’un usage commun dans la pratique de la monarchie représentative. Je traiterai des principes : je tâcherai de démontrer ce qui manque à nos institutions, ce qu’il faut créer, ce qu’il faut détruire, ce qui est raisonnable, ce qui est absurde. Je parlerai ensuite des systèmes : je dirai quels sont ceux que l’on a suivis jusque ici dans l’administration. J’indiquerai le mal ; je finirai par offrir ce que je crois être le remède. Au reste, je ne m’écarterai pas des premières notions du sens commun. Mais il paroît que le sens commun est une chose plus rare que son nom ne semble l’indiquer : la révolution nous a fait oublier tant de choses ! En politique comme en religion, nous en sommes au catéchisme.