De la métamorphose des fontaines (recueil)/Ode à Charles Maurras

De la métamorphose des fontainesBibliothèque artistique et littéraire (p. 35-39).

ODE
À CHARLES MAURRAS

Heureux qui sait aux vers assurer son esprit,
D’eux-mêmes recevant la prudente éloquence,
À des soins occupé dont l’ardeur le nourrit ;
Et bienheureux un cœur qui n’a d’autre science
Que celle des leçons que mon maître m’apprit.



Muses, celui pour qui j’ai suivi votre troupe
Aujourd’hui sur Parnasse et sur Pinde où l’on voit
Levée entre les monts une jumelle croupe,
Il recueillit aussi de vos bouches, adroit,
Le doux miel que sa main a pressé dans la coupe.


J’ai mêlé le feuillage immortel plusieurs fois
À cette lyre d’or qui chante les victoires,
Car les dieux ont toujours favorisé ma voix,
Apollon, et les sœurs aux chevelures noires,
Et les courantes eaux des Naïades des bois.


Toi, le fruit animé de Minerve elle-mème
Noue à ton front déjà son plus noble lien.
La sagesse parfaite est le vrai diadème

Qui n’a point de rivaux au stade olympien,
Et dont Athènes seule a conservé l’emblème.


Où mes traits maintenant, d’un vol sûr dirigés,
Peuvent-ils vers le but marquer l’or de leurs pointes
Sonnantes tour à tour la joie et les dangers,
Puisque j’ai tendu l’arc de mes sept cordes jointes ?


Quel fut celui premier qui sur les mers errant,
Guidé par le désir nouveau d’une patrie,
Pensant aux bords grégeois, eut ce destin plus grand
De rencontrer Provence en lieu de l’lonie,
Plus hardi que Jason et meilleur conquérant ?



Il n’avait point d’un mât prophétique l’augure,
Ni la lyre d’Orphée animant les rameurs,
Ni Castor et Pollux semblables de figure,
À qui les dieux ont fait de pareilles faveurs,
Mais l’incertain espoir d’une longue aventure.


Provence, où le soleil arrête ses chevaux,
Ainsi connurent-ils les merveilles du monde,
Tes peuples enseignés par ce divin héros,
Et la stérile mer en ce jour fut féconde
Comme la terre ouverte aux bienfaisants travaux.


Je vanterais son nom ! Mais cependant qu’il semble
Que je veux à l’honneur hausser le tien, Maurras,
Ce trophée ancien que la Provence assemble.

L’olivier de Minerve et l’arme de Pallas,
En mes mains, pour ton los, se retrouvent ensemble.