De la fréquente Communion.../Partie 1, Chapitre 36

Chez Antoine Vitté (p. 405-410).

Chapitre 36


refutation des raisons que cét auteur apporte pour establir generallement que ceux qui communient tous les huict jours font tres-bien : dont la premiere est que les peres nous y exhortent.

mais, si vostre autorité n’est pas tout à fait si grande, que celle de Saint Bonaventure, vos raisons possible sont plus fortes et plus puissantes. C’est ce qu’il faut examiner en peu de paroles. Vous en apportez trois, dont la premiere est que les peres nous exhortent à la communion de tous les huict jours. Vous n’avez allegué pour cela que l’auteur des dogmes ecclesiastiques que vous avez cité sous le nom de Saint Augustin : et c’est veritablement l’un des plus beaux passages de l’antiquité sur ce sujet, et que tous les auteurs suivans ont tousjours pris pour le principal fondement de toutes leurs decisions en cette matiere ; mais je pense avoir descouvert si clairement vostre peu de lumiere et de fidelité sur cét endroict, que ce seroit abuser de la patience des lecteurs, de leur monstrer encore une fois, comme Gennadius excepte formellement de cette exhortation à la communion de tous les huict jours, tous ceux qui se sentent coupables de pechez mortels commis depuis le baptesme, voulant que ceux-là se separent entierement de la sainte table jusques à ce qu’ils se soient purifiez par les exercices de la penitence. Et comme de plus il tesmoigne, (ce que Monsieur De Geneve fait aussi à son exemple) que ce conseil ne regarde que les bonnes ames, non seulement détachées de toutes les passions criminelles ; mais ce qui est un point de vertu plus eslevé que l’on ne croit, degagées mesme de toutes les affections aux offenses les plus legeres. C’est pourquoy le mesme Monsieur De Geneve qui conseille à sa Philothée de communier tous les huict jours, la supposant, comme il dit, dans les dispositions saintes, qu’il declare estre requises pour une si frequente communion, escrit à une dame ; qu’il n’est point d’advis qu’elle permette à sa fille de communier tous les quinze jours, si elle n’a, non seulement une grande ferveur pour la sainte communion ; mais aussi un grand soin de mortifier les petites imperfections de la jeunesse. Les paroles de ce saint prelat sont admirables sur ce sujet. (...). Si ce saint evesque croyoit que les petites imperfections de la jeunesse devoient empescher une jeune fille élevée dans la vertu et dans la pieté, sous la conduite d’une bonne mere, de communier plus souvent que tous les mois, si elle ne travailloit beaucoup à s’en corriger, se fust-il persuadé, comme vous faites, que des personnes engagées dans le monde, et sujettes à bien d’autres imperfections, se trouvassent si facilement dans les dispositions requises pour communier tous les huit jours, qu’il y eust sujet d’accuser d’imprudence tous ceux qui les en empescheroient ? Eust-il poussé à cette communion de toutes les semaines ces demy-chrestiens de nostre temps, qui pretendent se sanctifier en communiant souvent, et en menant une vie toute payenne ; qui s’imaginent avoir trouvé un nouveau chemin pour aller au ciel, qui est tout couvert de fleurs et bien different de la voye estroitte de l’evangile ; qui pensent payer Dieu d’un acte imaginaire de contrition, lors que leur cœur est tout bruslant d’ambition et d’avarice ; et qui voudroient bien trouver leur salut dans les souffrances du sauveur du monde, mais à la charge de n’y prendre point de part, et de passer toute leur vie dans les plaisirs et dans les delices ? Enfin cét homme de Dieu eust-il approuvé la fausse imagination que vous avez, qu’en quelque estat, et quelque imparfait que l’on soit, il ne faut que communier souvent pour acquerir beaucoup de graces, luy qui declare avec tant de jugement, qu’il est vray, (...), et qu’ainsi elle nuit plus qu’elle ne profite, à ceux qui ne s’en approchent pas avec ces dispositions, comme dit Gennadius. Je ne puis m’empescher de joindre aux advis de Monsieur De Geneve ceux d’un autre grand serviteur de Dieu du dernier siecle, qu’il a extrémement estimé ; c’est du Saint Prestre Avila, qui parle de cette sorte de la conduite qu’on doit tenir envers les ames, pour ce qui est de la communion, dans une lettre escrite à un directeur. (...). Vous voyez comme cét auteur si vertueux est esloigné de la fausse imagination que vous avez, que toutes sortes de personnes font tres-bien de communier toutes les semaines, et que ce n’est pas agir prudemment à un confesseur, que de ne leur pas permettre une si frequente communion.