De la fréquente Communion.../Partie 1, Chapitre 24

Chez Antoine Vitté (p. 333-336).

Chapitre 24


concile de Basle touchant la frequente communion.

et moy je vous respons en deux mots : puis que le concile parle ainsi, que pouvons-nous dire de vos calomnies, et de vos aveuglemens ? Car peut-on appeller autrement que calomnie cette imposture si odieuse, par laquelle vous taschez de persuader, qu’il y a des personnes de pieté, qui destournent generallement les ames de la frequente communion, qui retirent de l’usage des sacremens ceux-mesmes, qui se rencontrent dans les dispositions necessaires pour les recevoir ; qui portent les veritables israelites au mespris et au dégoust de cette manne divine ; et enfin qui de deux extremitez où l’on peut tomber touchant la reception de l’eucharistie ; sçavoir, en y poussant trop les ames, ou les en detournant trop, commettent dans l’une les mesmes excez, que vous commettez dans l’autre. C’est dequoy Dieu vous demandera compte un jour, si vous n’avez soin de prevenir sa justice par une satisfaction chrestienne.

Mais vostre aveuglement n’est pas moindre, de ne vous appercevoir pas, que les paroles de ce concile sont esloignées de vos maximes, comme le ciel l’est de la terre. Il nous enseigne, (...). Qui est celuy qui n’embrasse cette doctrine de tout son cœur ? Mais l’importance est de s’en rendre digne , comme le concile le dit, avant que de s’en approcher. Et les peres nous apprennent, que le moyen de le devenir, lors qu’on s’en est rendu indigne par des pechez mortels, c’est de s’en tenir separé pour quelque temps, et durant ce temps se purifier par les retraittes, par les jeusnes, par les prieres, et par les aumosnes. L’importance est d’avoir la devotion que ces mysteres desirent : et cette devotion ne se trouve pas dans les ames remplies d’amour d’elles-mesmes, et si attachées au monde que de merveille . Et enfin il est necessaire de sonder, et d’examiner auparavant le fonds de sa conscience, cum discussione debita, et selon la doctrine de l’antiquité confirmée par l’un des plus saints evesques de nostre temps, il ne la faut pas seulement trouver exempte de tous les pechez mortels ; mais détachée de l’affection des offenses mesmes legeres.

Aussi devez-vous remarquer que le concile ne dit pas, qu’il est necessaire de s’approcher souvent de l’autel, pour entrer dans le chemin de la vertu et de la perfection chrestienne : mais pour faire que l’on s’y avance, et que l’on ne recule pas ; supposant qu’on y est estably en quelque façon, et qu’il n’est besoin que de s’y conserver, et de s’y perfectionner de plus en plus, selon le sentiment de tous les peres, qui nous enseignent, qu’il n’y a que ceux, lesquels marchent dans cette voye estroite qui mene à la vie, et qui est la voye de perfection, et des parfaits, qui ayent droit de se nourrir de la chair de cette victime salutaire.

Car c’est veritablement cét agneau paschal, qui ne se mange que par ceux qui sont dans l’estat et dans la disposition necessaire pour marcher : qui vivent sur la terre comme pelerins, ne s’attachans point aux choses qu’ils rencontrent en leur chemin, et ayans toute leur conversation, et toute leur affection au ciel, qui est leur patrie et le paradis dont ils ont esté bannis ; vers lequel ils marchent toute leur vie avec un regret continuel de s’en voir separez ; et avec un perpetuel gemissement, lequel n’est entendu que par l’esprit de Dieu, qui le forme dans l’esprit de l’homme, et le luy fait sentir dans le fonds de l’ame.

C’est ce pain cuit sous la cendre, qui n’est donné qu’aux Elies, lors que fuyans Jezabel, c’est à dire, se retirans de la corruption du monde, ils ont desja fait le chemin d’une journée toute entiere dans le desert ; et qui leur est si advantageux, que fortifiés par cette nourriture ils parviennent en fin au bout de quarante jours à la montagne de Dieu, où ils jouïssent de sa compagnie : c’est à dire, qu’apres le temps de cette vie mortelle, que le nombre de quarante consacré à l’affliction, et à la penitence, marque tousjours dans l’escriture et dans les peres ; ils sont receus en la maison du seigneur et en sa montagne sainte, où ils ne mangent plus cette viande sous des voiles sensibles, et corporels : mais à découvert, et en la mesme maniere que les anges mesmes la mangent.